Comment est perçu la valeur famille auprès des jeunes ?

Comment est perçu la valeur famille auprès des jeunes ?

La valeur famille est la valeur la plus importante pour les jeunes de nos jours en France et plus spécifiquement en Occident. Bien que cette valeur ait évolué ces dernières années du fait du développement de nouvelles structures familiales comme les familles monoparentales, les familles recomposées et même les familles homoparentales, elle reste importante car une majorité de jeunes en France, près de trois quarts d’entre eux affirment qu’elle est prédominante dans leur quotidien. Mais comment la valeur famille est amenée à évoluer ? Les jeunes placent-ils désormais la valeur famille au centre de leurs préoccupations ou cela est-il amené à changer ?  

 

Comment se construit la valeur familiale ? 

 

La valeur famille s’établit à partir de la rencontre de deux individus relativement différents qui échangent et partagent leur système de valeurs au travers de leurs expériences et de leurs vécus au fil des années. A partir de ces échanges, ils choisissent souvent inconsciemment des valeurs communes qu’ils vont transmettre à leurs enfants. L’enfant de cette famille va donc être inculqué par les valeurs dans lesquelles il a grandi avant de devenir autonome et de définir ses propres valeurs qui sont issues de son environnement et de son vécu. En grandissant, l’enfant va souvent se diriger dans le domaine d’activité qu’exerce ses parents et va être initié aux activités auxquelles ils s’adonnent. Dans le même temps, il sera encouragé par ses derniers à poursuivre les mêmes études connaissant les rouages du domaine d’activité dans lequel ils exercent. Par la suite, le jeune va y trouver une forme d’épanouissement ou au contraire, il va décider de s’engager dans une voie opposée à celle de ses parents par opposition à eux. 

 

La valeur famille de nos jours 

 

Depuis plusieurs années, on constate une montée de l’individualisme dans notre société qui amènerait à ce que certaines valeurs comme la valeur de la famille se dissipent avec le temps. Nos institutions parmi lesquelles l’école ou la famille n’occupent plus le même rôle selon les individus et ces derniers choisiraient au contact de leurs différents groupes d’appartenances les valeurs qu’ils jugent les plus importantes. Ce jugement dépend et varie selon les générations, les niveaux d’éducations et la conception du modèle familial qui peut être très diverse selon l’origine et la culture des individus. Parallèlement, on constate qu’aujourd’hui, les jeunes contestent davantage l’autorité que les générations précédentes car leurs esprits critiques se développent grâce aux différents canaux de communication qu’ils ont à disposition ou bien leurs domaines d’études. Cela les ouvre à d’autres types de modèles familiaux, modifient les liens qu’ils entretiennent avec leurs propres familles et questionnent l’importance qu’ils accordent à la valeur de la famille. 

Bien qu’il y ait eu des évolutions ces dernières années, on observe tout de même une forte stabilité de la valeur famille. En outre, les jeunes depuis la dernière crise sanitaire, accordent beaucoup plus d’importance sur leurs sentiments de bien-être, leurs qualités de vie. Sans doute ils se sont rendus compte à quel point leur famille était importante à leurs yeux et qu’il était important de profiter de chaque moment avec ses membres.  

 

L’avenir de la valeur famille 

 

Dans un premier temps, on peut déjà imaginer une stabilisation de la valeur famille. Les transformations concernant les formes de familles avec plus de monoparentalité par exemple n’auront pas ou peu de répercussions sur l’importance accordée à la valeur famille. Peu importe la structure dans laquelle le jeune grandit, il restera attaché aux différents membres l’ayant élevé. On peut supposer que cela est dû au fait que la famille dans laquelle un individu fait partie est une entité qui est imposée et qu’il en est par conséquent très difficile de s’en détacher. De ce fait, l’individu doit s’en accommoder et aider les membres qui composent cette famille. 

On peut aussi supposer qu’Il y aura à l’avenir une dégradation de la valeur famille car les formes familiales seront complètement différentes qu’auparavant. Par conséquent, il y aura une tendance à la valorisation de la réussite individuelle qui entrainera une diminution de l’importance de cette valeur. Les actifs préféreront assurer la réussite d’une carrière individuelle au détriment de leur vie de famille. Cela aura des répercussions sur les relations qu’ils entretiennent avec les membres de famille qui s’atténueront au fil du temps ainsi qu’avec le partenaire de vie commune. 

On peut enfin envisager une valorisation plus importante de la famille, avec une tendance qui placerait la famille au centre des préoccupations des ménages. Les actes d’unions comme le mariage redeviendront des actes symboliques et importants pour les individus et les choix de carrières que feront les actifs prendront comme principale préoccupation leur bien-être familial à défaut de la réussite professionnelle. Les individus privilégieront de se sédentariser et feront des choix de carrières davantage portés sur leur vie de famille. Les évolutions de carrières seront plus difficiles à obtenir au sein de leur domaine d’activité et aura peut-être dans ce cas-ci des répercussions sur son bien-être au travail pour un individu qui sera soucieux d’avoir potentiellement manqué une opportunité. 

 

Par Rémy Lebastard   

Une nouvelle forme de colonialisme ?

Une nouvelle forme de colonialisme ?

L’Afrique dans le viseur 

 

Lorsque l’on vous dit Afrique, à quoi pensez-vous ? Probablement aux grandes étendues sauvages et complètement dépeuplées d’humains. Si cela est en partie la réalité, cette vision idéalisée de la nature africaine vient tout droit des pays occidentaux et empêche d’appréhender véritablement ce continent. Pour Guillaume Blanc, auteur du livre L’invention du colonialisme vert, le problème est que la plupart des médias nous retransmette l’image d’une Afrique naturelle, remplie de faune, de flore et de panorama, mais pas d’homme.  

A cause de cette vision, les habitants du continent sont mis à l’écart et les espaces sauvages à préserver deviennent alors plus importants que les résidents de ces parcs. Parfois cela justifie même des politiques d’expulsion des autochtones, considérés comme insensibles à cette biodiversité. Les organisations de conservation et les ONG estiment que la sécurité maximale dans les parcs ne peut être assurée que s’ils sont vidés de ses habitants. Pour cette raison, en Éthiopie, sept villages ont été dépeuplés en 1979 pour faire revenir la végétation et en faire ainsi des parcs naturels. 

Partout en Afrique il y a maintenant un patrimoine mondial qui sert aux Occidentaux à montrer qu’ils font tout pour préserver l’environnement. Mais dans le même temps, ce mouvement écologique cache de la violence. En fait, les parcs naturels sont la proie d’intérêts transnationaux et le mot d’ordre est préservation des espaces naturels au détriment des populations locales.  

Finalement, Guillaume Blanc souligne que « le colonialisme vert c’est l’entreprise qui consiste à naturaliser l’Afrique par la force c’est-à-dire que plutôt que de résoudre la crise écologique comme elles le font en Europe les institutions […] s’efforcent de naturaliser l’Afrique c’est-à-dire de déshumaniser la nature. » 

 

 

La fin de l’influence occidentale ? 

 

Tout cela soulève la question du mode de vie des pays dits « développés » et de la vision occidentale dominante. Cette dernière tend à s’imposer dans le monde entier comme le montre par exemple le développement de Dubaï avec ses gratte-ciels au Moyen-Orient. C’est ce qu’on appelle le diffusionnisme géographique, soit une conception selon laquelle un centre dominant, le Monde occidental, constitue le lieu d’élaboration des progrès scientifiques, techniques, économiques, politiques et culturels, qui se diffusent plus ou moins graduellement vers le reste du Monde au détriment des autres cultures. Et cela passe aussi par la colonisation. En effet, au XXème siècle, les populations colonisées ont par exemple commencé à adopter nos vêtements. Le mythe de l’Occident, de cette toute puissance, a donc relégué au second plan les valeurs définissant l’originalité des cultures locales des différents pays. 

Il semble qu’aujourd’hui les choses changent puisque l’on voit réapparaître, dans la plupart des pays du monde, l’affirmation des cultures propres à chacun. Les autres pays sont désormais capables et souhaitent affirmer leurs propres valeurs et leurs propres cultures comme en témoigne les tensions entre la Chine et les États-Unis. Le mode de vie occidental fait moins rêver … 

Par ailleurs, la crise du coronavirus a affaibli aussi ce soft power occidental basé sur les circuits longs et les délocalisations. La plupart des pays sont désormais convaincus qu’il faut davantage privilégier la production locale pour ne pas connaître de pénuries. 

 

 

Par Alise DURAND

 

Sources : 

L’invention du colonialisme vert, Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, Guillaume Blanc 

L’influence de l’Occident mise à mal par l’épidémie, Courrier international 

 

Pourquoi y a-t-il autant d’abstention dans les votes aujourd’hui ?

Pourquoi y a-t-il autant d’abstention dans les votes aujourd’hui ?

Cette année 2022 connaitra la douzième élection présidentielle de la 5ème République et pourtant le taux d’abstention dans les votes devrait atteindre un niveau historiquement élevé. En effet, certains sondages annoncent un taux d’abstention qui pourrait atteindre 29.5% soit 10 points de plus que lors de l’élection présidentielle de 2012. Mais quelles raisons pourraient expliquer des chiffres aussi élevés pour ces élections ? Les Français seraient-ils en défiance vis-à-vis des discours politiques et de la classe politique en général ? 

 

Qu’est-ce que l’abstention ? 

 

L’abstention désigne le fait qu’une personne en âge de voter et inscrite sur les listes électorales choisisse de ne pas voter au cours d’une élection donnée. Ce phénomène s’explique dans un premier temps par l’absence d’inscription car certains individus ne sont enregistrés sur aucune liste électorale. Cette tendance concerne plutôt les jeunes actifs ou les étudiants et a pour principales causes la mobilité géographique et les procédures d’inscriptions sur les listes électorales qui sont parfois complexes. En parallèle, elle s’explique aussi par la non inscription car certains individus ne seraient enregistrés sur aucune liste électorale et concernent cette fois majoritairement des jeunes peu diplômés ou des personnes nés à l’étranger. Les causes seraient la faible importance donnée à ces élections et le désintérêt pour la politique. Il existe différentes manières d’exprimer l’abstention, une première forme intermittente où la participation d’un citoyen pour un scrutin correspond à l’intérêt qui lui ait porté et une seconde forme constante où il n’y a aucune participation à une élection. Certains citoyens s’abstiennent car ils sont tout simplement en retrait de la vie politique à cause de leurs faibles intégrations sociales ou leurs degrés de politisation. D’autres au contraire ne votent pas par choix, par stratégie car l’enjeu de l’élection leurs parait limité, l’offre électorale ne leur convient pas ou bien car il souhaite émettre une forme de protestation envers la politique.  

 

Les causes de l’abstention  

 

Lors des dernières élections régionales en juin 2021, 66,7% des électeurs ne sont pas allés voter, ce taux a atteint 82% pour les électeurs âgés de 18 à 35 ans. Cela signifie que plus on est jeune, moins on se déplace pour aller voter. Le fort taux d’abstention lors de ces élections a fragilisé le Rassemblement National et le parti France insoumise, 2 partis qui se veulent dans certaines idées de leurs programmes en rupture avec le système actuel. On peut supposer que l’électorat de ces 2 partis a déjà rompu avec le système politique et ses institutions mais qu’aussi, étant donné l’enjeu de ces élections, l’électorat ne pouvait pas sanctionner et exprimer son mécontentement vis-à-vis de l’exécutif. Quelque part résignés, les électeurs remettent en question la pertinence du système démocratique actuel, se demandant si leurs choix permettront de prendre véritablement en considération les problématiques qu’ils rencontrent dans leur vie courante.  

Pourtant, l’abstention a des conséquences négatives et menace la légitimité des élections car elle n’est pas représentative du candidat élu. Dès lors, nous pouvons nous demander quelles solutions nous permettraient de reconnaître l’abstention et par extension le vote blanc, qui n’est actuellement pas pris en compte dans le nombre des suffrages exprimés. 

 

Quelles solutions pourraient réduire l’abstentionnisme ?  

 

Comme nous l’avons évoqué, l’abstention concerne surtout les jeunes et la principale raison avancée est le désintérêt porté à la politique. Ce désintérêt existe car les jeunes ne cherchent pas à s’impliquer et que les partis politiques ne cherchent pas non plus à les impliquer dans la vie politique au sein de leur commune et de leur région. De ce fait, ils trouvent alors la politique trop complexe, pensent qu’elle ne les concerne pas et estiment que leurs choix, leurs opinions ne seront finalement pas entendues. Dans le même temps, les candidats et les figures de cette classe politique ne les représentent pas et les propositions qu’ils mettent en avant sont diffusées sur des canaux de communication de moins en moins utilisés par les jeunes.  

Par conséquent, il serait judicieux d’amener au-devant de cette partie des électeurs des candidats plus jeunes en politique, maitrisant les codes et le langage de ces nouvelles plateformes de communications comme les réseaux sociaux afin de répondre clairement et au mieux à leurs préoccupations. De même, exposer des candidats issus de milieux, de catégories sociales qui seraient issus de cette partie de la population afin qu’ils soient plus représentatifs et capables de répondre à des problématiques concrètes de leur quotidien. 

Des solutions techniques sont évoquées pour lutter contre l’abstention avec le vote en ligne. En effet, certains des abstentionnistes évoquent les contraintes liées aux déplacements qu’engendrent certaines élections et se disent mieux à même de voter si un outil comme le vote en ligne était mis en place. Cet outil existe déjà pour les Français résidant à l’étranger pour certaines élections et aux vues des problématiques rencontrées lors de la pandémie, on pourrait se demander si cette solution permettrait de répondre aux besoins d’un certain public ayant des difficultés pour se déplacer. Pourtant cette solution est contestée car elle pourrait compromettre le secret lié au vote qui pourrait être rendu public et les potentielles cyber-attaques.  

Enfin, il existe des solutions plus coercitives avec le vote obligatoire, son efficacité est relativement démontrée dans les pays l’ayant adopté. Le vote obligatoire renforcerait la légitimité démocratique des candidats élus et inciterait les citoyens à s’intéresser aux problématiques publiques. Cependant, il ne prendrait plus en mesure le taux d’abstention et donc la défiance des citoyens par rapport à la politique de notre pays. Elle ne pourrait donc pas devenir un sujet de débat et de remise en cause comme nous le faisons actuellement. 

 

Par Rémy LEBASTARD

Crise ukrainienne : un conflit aux multiples enjeux

Crise ukrainienne : un conflit aux multiples enjeux

Crise ukrainienne : Que se passe-t-il ?  

Au début du mois de janvier 2022, le président américain Joe Biden affirmait qu’il n‘y aurait pas de progrès avec “un pistolet sur la tempe de l’Ukraine”. Cette phrase illustre bien la menace qui plane au-dessus des Ukrainiens ces derniers mois. En effet, depuis novembre 2021, les tensions entre la Russie, les Etats-Unis et l’Europe sont à leur paroxysme. La Russie est accusée d’avoir amassé près de 100 000 soldats près des frontières ukrainiennes, en vue d’une possible invasion russe sur le territoire ukrainien. L’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) et les Etats-Unis particulièrement ont rapidement réagi, même si l’Ukraine n’est pas membre de cette organisation. De fait, les Etats-Unis ont placé environ 8 500 soldats américains en état d’alerte élevée dans le but de dissuader un potentiel passage à l’acte du président russe Vladimir Poutine. 

De nombreuses rencontres diplomatiques ont lieu au mois de janvier pour discuter notamment de la sécurité de l’Europe et pour entamer une désescalade des tensions : le 9 et 10 janvier à Genève entre les Etats-Unis et la Russie ; le 12 janvier entre la Russie et l’OTAN ; le 13 janvier dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cependant, ces discussions n’ont pas atténué les tensions, en particulier entre la Russie et les Etats-Unis. Le 26 janvier dernier, Washington a rejeté l’une des principales demandes de Moscou, qui était d’empêcher une potentielle adhésion de Kiev à l’OTAN. L’heure n’est donc pas encore à l’apaisement… Les Etats-Unis ont même annoncé, au début du mois de février, le déploiement de 3 000 soldats supplémentaires en soutien de l’OTAN en Europe de l’Est. De quoi rassurer les alliés…mais de quoi accroître également les tensions avec la Russie. Joe Biden espère ainsi pouvoir dissuader Vladimir Poutine de passer à l’action sur le territoire ukrainien en multipliant les menaces et les sanctions à l’encontre de Moscou. Biden a rappelé qu’« aucune option n’était exclue » pour répondre à une éventuelle attaque russe en Ukraine. 

Si Moscou insiste sur le fait qu’il n’a pas l’intention d’envahir l’Ukraine, il affirme que ce déploiement militaire s’explique par la présence croissante et menaçante de l’OTAN dans ce qu’il considère comme sa zone d’influence et qui menace, selon Poutine, la sécurité en Europe de l’Est. De fait, la Russie s’inquiète d’une possible adhésion de l’Ukraine à l’OTAN car elle s’est rapprochée de ce dernier mais aussi de l‘Union européenne ces dernières années. Le but de Poutine est, en effet, de garder un pouvoir d’influence conséquent à l’Est de l’Europe et cela passe nécessairement, selon lui, par une démonstration du rapport de force qu’il peut exercer dans cette zone. Vladimir Poutine remet purement et simplement en cause le droit à l’autodétermination de l’Ukraine, en essayant de l’empêcher de choisir ses alliés et son système de défense. Il est important de savoir que ces sujets de crispation ne datent pas d’hier. 

Les origines du conflit russo-ukrainien  

« La Russie n’a jamais perdu la guerre froide…parce que la guerre froide n’est pas finie ». Les mots de Vladimir Poutine semble complètement d’actualité avec ce qu’il se passe en Europe de l’Est. En effet, la Russie se voit comme une grande puissance, héritière de l’Union soviétique dissoute en 1991, suite à la démission de Mikhaïl Gorbatchev le 25 décembre 1991 du poste de président de l’URSS. Moscou considère les anciennes républiques soviétiques comme sa zone d’influence. Parmi les pays de l’ancien bloc de l’Est, l’Ukraine a une place particulière dans le cœur des Russes d’un point de vue historique mais aussi car elle est le pilier même de la “zone tampon” protégeant la région.  

En novembre 2004, des manifestations pro-démocratiques ont secoué l’Ukraine en réaction à la fraude électorale qui a conduit à la défaite du candidat pro-européen Viktor Iouchtchenko au profit du candidat de l’opposition pro-russe Viktor Ianoukovitch lors de l’élection présidentielle. Ces protestations pro-occidentales ont amené par la suite la Cour suprême a annulé le scrutin et le candidat pro-européen Iouchtchenko a finalement fini par être élu président de l’Ukraine en décembre 2004 lors d’une nouvelle élection. Qualifiée de “Révolution orange”, ce soulèvement populaire a fortement déplu à la Russie accusant les Occidentaux d’ingérence dans ses affaires internes. Pour protester contre le pouvoir ukrainien en place, Poutine décide d’interrompre l’approvisionnement de gaz russe à l’Ukraine en 2006 au prétexte de factures impayés. De fait, cela montre que le pouvoir d’influence de la Russie ne date pas d’hier. Poutine a toujours fait en sorte d’avoir une mainmise sur ce pays qui lui est cher et dont il revendique une identité russe car, pour lui, les Ukrainiens et les Russes sont « un seul et même peuple ». 

Le grand tournant de la politique étrangère russe intervient en 2014. En février 2014, le gouvernement pro-russe de Ianoukovitch (élu en 2010) est destitué à la suite d’un soulèvement populaire pro-européen nommé “Euromaïdan”. Voyant que l’Ukraine se rapproche de l’Union européenne, Vladimir Poutine annexe la Crimée en mars 2014, une région au sud de l’Ukraine et proche de la Russie. Il envoie ensuite des soldats russes dans le Donbass, une autre région à l’Est de l’Ukraine, à majorité russophone, dans le but de soutenir les mouvements séparatistes pro-russes contre l‘armée ukrainienne. Malgré les accords de Minsk, imposant un cessez-le-feu, conclus en 2015 entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine, le conflit armé continue et a fait à ce jour près de 14 000 morts. Aujourd’hui le président ukrainien Volodymyr Zelensky entend reprendre le contrôle de ses frontières. 

La politique étrangère et offensive russe est instrumentalisée à des fins de politique intérieure. Le but est de faire oublier les revers de la politique intérieure russe. En effet, la popularité de Poutine a chuté ces derniers mois suite notamment aux allégations de fraude lors des élections législatives russes de septembre 2021, remportées par le parti de Poutine “Russie Unie” tandis que les opposants n’ont pas été autorisé à se présenter. De plus, la Russie est un pays où les inégalités économiques et sociales persistent et sont considérables. De fait, Poutine est apparu comme un chef autoritaire en perte d’autorité. Sa capacité d’influence à l’étranger lui permet de regagner en légitimité, ce qui explique son acharnement à défendre coûte que coûte ses intérêts stratégiques dans les pays de l’ancien bloc soviétique. En avril 2006, dans un discours à la nation, le président russe Poutine, qui dirige le pays depuis 2000, déclarait que la chute de l’URSS fut “la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle”. Phrase qui résonne de façon évidente pour Poutine et qui témoigne de l’humiliation subit par le pays : En 20 ans, 14 pays de l’ancien bloc soviétique ont adhéré à l’OTAN. L’annexion de la Crimée est un parfait exemple de la politique offensive russe, puisque cela a permis à Poutine de renforcer considérablement sa popularité et de faire oublier le traumatisme subit à la fin des années 1990.   

Toutefois, l’annexion de la Crimée a été fortement décriée par les Occidentaux, qui ont imposé des sanctions économiques à la Russie. L’annexion russe a provoqué l‘une des pires crises diplomatiques avec les Occidentaux. C’est également la raison pour laquelle la Russie est exclue du G8 depuis 2014. Par ailleurs, le fait de raviver les tensions aujourd’hui n’est pas sans risque pour la Russie car l’Europe reste un partenaire commercial majeur.  

  

Quel rôle ont les Etats-Unis dans cette crise ?  

La Russie ne supporte pas d’être rétrogradée au rang de puissance régionale et elle le fait bien savoir. En choisissant de parler de l’Europe quasiment exclusivement avec les Etats-Unis, elle souhaite affirmer sa puissance sur la scène internationale tout en évinçant les Européens de la table des négociations.  

Elle y voit évidemment un intérêt stratégique : Poutine sait que s’engager dans ce conflit militaire serait coûteux. D’autant plus que l’armée ukrainienne s’est considérablement renforcée depuis 2014. La Turquie, pourtant alliée de la Russie mais paradoxalement membre de l’OTAN, a d’ailleurs vendu des drones à l’Ukraine ces dernières années, renforçant la militarisation de l’armée de Kiev. De plus, les Etats-Unis affirment ne pas avoir l’intention d’intervenir militairement dans un nouveau conflit, d’autant plus après le retrait des troupes américaines d’Afghanistan en août 2021 mettant fin à la plus longue guerre de l’histoire américaine. Et la Russie le sait. La priorité des Etats-Unis n’est pas en Europe mais bien en Asie : une aubaine pour la Russie qui peut avancer ses pions sur l’échiquier politique européen. En effet, l’attention des Etats-Unis est tournée vers la Chine. De fait, se lancer dans ce conflit armé avec Moscou profiterait à Pékin, ce qui n’est donc pas dans l’intérêt des Américains. Si les Etats-Unis restent tout de même présents en Europe, c’est en grande partie pour rassurer ses alliés européens, et que ces derniers ne les abandonnent pas pour autant et s’engagent à mettre en place de lourdes sanctions économiques en cas d’invasion russe.   

 

Qu’en est-il de l’Europe ?  

Néanmoins, ces sanctions économiques ne sont pas sans conséquences pour l’Europe, victime collatérale des rapports de forces russo-américains. En effet, s’il est moins dangereux pour les Etats-Unis de mettre en place des sanctions fortes, ce n’est pas le cas de l’Union européenne, du fait de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Washington a notamment affirmé que le gazoduc Nord Stream 2, dont la construction est achevée mais n’a toujours pas été mis en service, transportant du gaz entre la Russie et l‘Allemagne, serait bloqué en cas d’invasion. Cependant, l’Allemagne reste réticente, en particulier dans un contexte de flambée des prix de l’énergie. La crédibilité de la première puissance européenne est en jeu.  

L’enjeu de la crise ukrainienne est de taille pour les Européens : elle doit leur permettre de montrer sa capacité à devenir une puissance politique en parlant d’une seule et même voix. Cependant, si des pays comme la France et l’Allemagne réclament plus d’autonomie pour la sécurité de l’Europe, les pays de l’Europe de l’Est, voyant la menace russe toquée à leur porte, ne veulent pas que l’Europe envoie un signe d’indépendance aux Américains dont ils dépendent.  

Poutine veut effacer l’humiliation de la chute de l’URSS et la perte historique de sa place en tant que puissance mondiale. Selon lui, l’Empire russe doit renaître et se faire connaître. Cette aspiration engage d’emblée l’Europe, car la Russie n’a jamais été une puissance mondiale sans devenir au préalable une force hégémonique en Europe. Poutine a déstabilisé les Occidentaux : il existe un problème de coordination entre les pays occidentaux pour faire face à un même danger. Aujourd’hui, l’indépendance de l’Ukraine est menacée. Demain, ce seront les autres pays de l’ancien bloc soviétique.  

 

Quelles sont les conséquences à venir ?  

La crise ukrainienne est révélatrice de ce qui se jouera dans les années à venir. Céder aux revendications de Poutine transformerait les rapports de force dans les prochaines années. L’avenir de l’Ukraine est donc décisif. Hasard de l’histoire ou non, les Jeux Olympiques ont souvent été l’opportunité pour Moscou de mener des opérations militaires à l’étranger : en août 2008, lors des Jeux Olympiques d’été de Pékin, une invasion russe a eu lieu en Géorgie, ancien pays de l’URSS ; en février 2014, lors des JO de Sotchi, en Russie, la Crimée a été annexée par Moscou ; et aujourd’hui la menace d’une invasion russe en Ukraine plane au moment même où les JO d’hiver de Pékin se tiennent. D’ailleurs, Poutine en est même l’invité d’honneur. Dans un contexte de boycott diplomatique envers la Chine, Xi Jinping et Poutine affirment symboliquement leur entente. Toutefois, la Chine a intérêt à rester sur ses gardes car une guerre en Europe n’est pas dans ses intérêts, étant donné que l’Europe est un partenaire commercial majeur pour elle aussi. De plus, la Russie n’a pas vraiment intérêt à envahir l’Ukraine car en cas d’invasion, retrouver une paix durable dans le pays ne serait pas évident et Moscou risquerait de subir de lourdes pertes comme ce fut le cas lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS de 1979 à 1989.  

Reste à savoir si les menaces et sanctions des Occidentaux sont réellement efficaces… Difficile à dire : les sanctions imposées dès 2014, n’ont pas semblé freiner le président russe. Espérer que Poutine entame une désescalade, comme il l’a fait savoir le 28 janvier à Emmanuel Macron, ne semble pas à l’ordre du jour, compte tenu des accusations américaines affirmant une invasion russe “imminente” en février…  

 

Par Jessica LOPES BENTO

Jeux Olympiques de Pékin de 2022 : le soft power chinois à l’épreuve ?

Jeux Olympiques de Pékin de 2022 : le soft power chinois à l’épreuve ?

Les Jeux Olympiques d’hiver se dérouleront cette année à Pékin, en Chine, du 4 février au 20 février. Ces Jeux devaient être l’opportunité pour l’Empire du Milieu de redorer son image. D’autant plus que Pékin est la première ville au monde à avoir eu la chance d’organiser les jeux d’été (2008) et les jeux d’hiver (2022). Une fierté donc pour la Chine de Xi Jinping. Cependant, ce qui devait être une démonstration grandiose du soft power chinois, n’en sera rien : les sujets de crispation s’accumulent pour le gouvernement chinois.

 

L’importance du soft power pour la Chine

Pour asseoir leur puissance à l’échelle mondiale, le « soft power » est une arme efficace pour les Etats. Introduit par Joseph Nye, le concept de « soft power » ou « puissance douce » définit la capacité d’un Etat à influencer et à persuader un autre Etat sans pour autant le contraindre. L’Etat peut, par exemple, s’appuyer sur l’image qu’il véhicule à travers le monde pour montrer son « soft power ». De fait, dès le début des années 2000, la Chine a pris conscience qu’elle devait utiliser ce levier d’action pour redorer son image, en particulier en Occident. C’est pourquoi, la Chine a organisé ses premiers Jeux Olympiques d’été en 2008 à Pékin. Un événement mondial tel, que les Jeux Olympiques permettent au pays qui l’organise de renforcer sa position sur la scène internationale. D’ailleurs les Jeux Olympiques d’été de 2008 s’inscrivaient dans un contexte très particulier puisque les pays de l’Occident étaient gravement touchés par la crise économique et financière de 2008, provoquée par la crise des subprimes aux Etats-Unis. Une aubaine donc pour la Chine. De plus, lors de ces Jeux Olympiques, la Chine termine première au classement des médailles, devant les Etats-Unis.  Ces Jeux tombaient à pic pour un pays qui cherchait à retrouver un pouvoir d’influence conséquent à l’échelle planétaire.

Cependant, le « soft power » chinois n’est pas aussi influent que ce que la Chine espérait. En effet, lors de ces mêmes Jeux, des manifestations pro-tibétaines dénonçant l’occupation chinoise du Tibet ont eu lieu notamment lors du passage de la flamme olympique dans les rues de Pékin. Cet événement a été perçu comme une humiliation pour le pouvoir chinois et a également remis en cause la légitimité de la puissance chinoise en réaffirmant les limites de cette puissance. Par conséquent, les Jeux Olympiques, en plus de montrer la domination sportive d’un pays, ont également une portée politique forte non négligeable.

 

Des sujets de discorde affectant le pouvoir chinois

L’enjeu des Jeux Olympiques d’hiver de 2022 est de taille pour la Chine. Toutefois, si la Chine espérait se servir des Jeux Olympiques comme une vitrine, cela semble très mal parti. En effet, à deux semaines du début de l’événement, les problèmes s’accumulent pour le pouvoir chinois. Si selon les chiffres officiels du gouvernement chinois, qui d’ailleurs ne font pas consensus, l’épidémie est suffisamment maîtrisée grâce notamment à sa stratégie politique « Zéro Covid », la menace plane toujours, notamment avec le nouveau variant Omicron ou encore l’événement phare qu’est le Nouvel an chinois, qui aura lieu quelques jours avant les Jeux, c’est-à-dire le 1er février. Ces dernières semaines, la Chine compte près de 300 cas par jour, ce qui pour une politique zéro est relativement élevé. D’autant plus qu’il s’agit du record de nombre de cas depuis le début de la pandémie en mars 2020.

Autre problème que doit affronter la Chine : le défi du vieillissement de sa population. Même si la Chine affiche une croissance de l’ordre de 8% en 2021, l’économie chinoise ralentit puisqu’au dernier trimestre de 2021, elle enregistre une croissance de l’ordre de 4%. L’économie chinoise a été secouée par le scandale d’Evergrande, un géant immobilier lourdement endetté et menacé de faire faillite en septembre 2021. Le secteur immobilier représente ¼ de la croissance du pays. Mais le point de crispation provient d’une chute inquiétante de la natalité, qui est au plus bas depuis 45 ans. En effet, la politique de l’enfant unique, instaurée initialement en 1979 et qui a permis de réduire la croissance démographique chinoise, a crée un déséquilibre des sexes sans précédent du fait de nombreux avortements d’embryons de sexe féminin. Malgré son abolition en 2015, et l’annonce du gouvernement chinois en mai 2021 autorisant les familles à avoir jusqu’à trois enfants, la population chinoise ne cesse de décroître depuis 2010 notamment du fait de l’augmentation des coûts sociaux comme le coût des dépenses pour la santé ou encore le coût des retraites, ce qui désincite les familles à avoir plus d’enfants.

La question environnementale s’invite également lors de ces Jeux Olympiques d’hiver puisqu’ils auront lieu à Pékin, où seulement quelques centimètres de neige sont tombés sur les pistes de ski, ce qui laisse sous-entendre que la majorité de la neige sera artificielle, donc très consommatrice en énergie et en eau.

Mais le point de discorde le plus important reste la question du boycott diplomatique, initiée par les Etats-Unis en décembre 2021, et que subit la Chine depuis plusieurs mois. Il semble que l’Empire du Milieu ne pourra pas utiliser les Jeux comme il l’espérait…En effet, alors que les tensions sino-américaines ne fléchissent pas, les Etats-Unis ont mis des bâtons dans les roues à la Chine en faisant de la question des droits de l’Homme et plus particulièrement de la question de la région du Xinjiang, une affaire médiatique de premier ordre. L’Australie, le Royaume-Uni, le Canada ou encore le Danemark dernièrement (le 14 janvier) ont annoncé qu’ils n’enverraient pas non plus de représentants officiels à Pékin pour dénoncer la situation des droits de l’Homme et notamment des Ouïghours dans la région du Xinjiang. A contrario Poutine a affirmé qu’il se rendrait à Pékin pour la cérémonie d’ouverture des JO, montrant son soutien à Xi Jinping et renforçant leur entente. La Chine espérait donc laisser la question des droits de l’Homme sur le banc des JO, mais la réalité l’a rattrapé. De plus, ce boycott arrive à un moment où une autre affaire a secoué la Chine de Xi Jinping, l’affaire Peng Shuai : une joueuse de tennis qui a accusé en novembre 2021 un ancien dirigeant chinois être victime d’agressions sexuelles. Ces accusations ont été rapidement censurées par les autorités chinoises et l’athlète Peng Shuai a disparu pendant trois semaines avant de réapparaître et d’affirmer qu’elle n’avait finalement pas subit d’abus…Une histoire qui a évidemment suscité des doutes…

 

 

Quelles sont les conséquences d’un boycott diplomatique des Jeux Olympiques d’hiver pour la Chine ?

Le boycott diplomatique est un geste symbolique et politique fort donc, montrant la dimension géopolitique des Jeux Olympiques alors même que ces Jeux sont censés prôner la « neutralité politique » selon le principe numéro 5 de la Charte olympique. La Chine a menacé de lourdes représailles les chefs d’Etats qui cherchaient à politiser ces Jeux. Toutefois, si la « neutralité politique » est de mise, l’Histoire montre que les Jeux Olympiques ont pu être le théâtre de nombreuses confrontations politiques entre les nations. Par exemple, lors de la Guerre froide, l’URSS et les pays occidentaux s’affrontaient à travers les différents sports des Jeux Olympiques dans le but également d’affirmer leur puissance. De plus, de nombreux boycotts ont eu lieu entre 1956 et 1988 : le premier en date est celui des JO de Melbourne de 1956 qui sont boycottés par l’Égypte, l’Italie, l’Irak et le Liban et qui refusent d’y participer du fait de l’intervention franco-britannique sur le canal de Suez. Ces JO sont aussi boycottés par les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse en raison de l’invasion de la Hongrie par l’Union soviétique et la répression sanglante qui s’en est suivie.

Les limites de la politique chinoise se reflètent dans le boycott diplomatique des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin de 2022. La question de savoir si le boycott diplomatique sera efficace pour que la Chine décide enfin d’agir reste cependant incertaine. En effet, dans le passé, le boycott des Etats-Unis aux JO de Moscou de 1980, pour dénoncer l’invasion de l’URSS en Afghanistan, n’avait pas amené les troupes soviétiques à se retirer, puisqu’elles sont restées jusqu’en 1989. Néanmoins, cela avait permis d’envoyer un message politique fort. Toujours utile que le boycott diplomatique envers la Chine n’est pas passé inaperçu puisque les autorités chinoises ont réagi très rapidement à cette annonce en affirmant que ces pays « paieraient un prix fort ». Une menace directe mais qui reste floue : des sanctions économiques ? des rappels d’ambassadeurs ?…Le gouvernement chinois ne donne pas l’impression d’être particulièrement préoccupé par ces boycotts. En tant qu’hôte des JO d’hiver de 2022, la Chine se doit d’être crédible étant donné son poids économique et politique croissant. Les Jeux Olympiques et plus généralement le sport sont devenus des terrains géopolitiques majeurs pour les chefs d’Etats : depuis la deuxième moitié du XXe siècle, la course aux médailles (ou à la coupe) est devenue une illustration même de la puissance d’une nation. Si la Chine ne brillera pas autant qu’elle le souhaitait à l’international, la démonstration de sa puissance à la population chinoise, coupée du monde avec la censure d’internet et de l’information, lui permettra de consolider le pouvoir du Parti communiste chinois, priorité de Xi Jinping pour renforcer sa légitimité au pouvoir.

 

 

Par Jessica LOPES BENTO

2022 :  Des élections à travers le monde sous haute tension

2022 : Des élections à travers le monde sous haute tension

La France n’est pas le seul pays à se déplacer aux urnes cette année. Il s’agit d’une année décisive et non sans risque sur le plan électoral pour de nombreux pays dans le monde.

 

Brésil : la fin de l’ère Bolsonaro ?

Élection présidentielle : 2 octobre 2022 (1er tour) et 30 octobre 2022 (2nd tour)

A la veille de la présidentielle de 2018, Lula da Silva, ancien président du Brésil (2003-2011) et favori à l’élection, a été condamné à 12 ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent notamment dans l’affaire de l’entreprise pétrolière Petrobras, qui a secoué un grand nombre de dirigeants politiques à travers l’Amérique latine. Cette condamnation a permis au leader d’extrême droite Jair Bolsonaro de remporter l’élection présidentielle en octobre 2018 face à Fernando Haddad du Parti des travailleurs (parti de Lula). Une victoire qui doit tout à la colère des Brésiliens contre les abus de la classe politique éclaboussée par de multiples scandales de corruption.

Néanmoins son élection ne s’est pas accompagnée d’un bilan glorieux pour celui qu’on surnomme le « Trump tropical » : crise économique et sociale, menace de sanctions américaines et européennes pour sa déforestation de l’Amazonie, saturation du système médical, campagne vaccinale tardive, président menacé de destitution fin 2020 pour sa mauvaise gestion de la Covid,…Un bilan hasardeux donc pour celui qui se retrouve isolé depuis l’élection américaine de Joe Biden fin 2020.

Une réélection de Bolsonaro le 2 octobre prochain est-elle possible ? Selon les premiers sondages, il semblerait que Lula, blanchi par la justice en mars 2021, soit le grand favori face à Bolsonaro même si Lula n’a pas encore officiellement déclaré sa candidature. Mais rien ne peut être acté. En effet, même si sa popularité est en baisse ces derniers mois, Bolsonaro reste une figure politique forte et ses partisans sont encore omniprésents.  L’avenir du Brésil se jouera sans conteste dans les urnes. Sans doute entre ces deux antagonistes. Toutefois, une troisième personnalité (comme notamment l’ex-ministre de la Justice de Bolsonaro, Sergio Moro) peut surgir à tout moment et rebattre les cartes de l’échiquier politique brésilien, rendant alors l’issu du scrutin incertain.

 

États -Unis : Vers un essoufflement de la présidence Biden ?

Élection à “mi-mandat” : 8 novembre 2022.

Ces élections permettent le renouvellement des membres de la Chambre des représentants, soit les 435 sièges ainsi que 34 des 100 sièges du Sénat. Pour le président démocrate Joe Biden l’enjeu est crucial : le but étant de conserver la majorité dans les deux chambres du Congrès, qui sont à l’heure actuelle à majorité démocrate. Cependant, ces élections s’annoncent périlleuses. En effet, la cote de popularité du président américain est au plus bas (40%) depuis son élection en novembre 2020. Le parti démocrate est à la peine ces derniers temps. Par exemple, en novembre 2021, les démocrates ont subi une lourde défaite dans l’État de Virginie, remporté pourtant par Biden lors de la présidentielle, avec une victoire du républicain Glenn Youngkin à 50,6% pour le poste de gouverneur.  Joe Biden rencontre également des difficultés, au sein de son propre parti, pour faire passer certaines de ces réformes phares comme notamment son plan “Build Back Better”.

Une autre menace qui plane est celle des républicains, favoris pour reprendre la Chambre des représentants, et dont une partie est restée fidèle à Donald Trump, qui refuse toujours d’accepter les résultats de l’élection présidentielle. Le risque est trop important pour Biden : si les républicains parviennent à occuper à la majorité la Chambre des représentants, cela paralyserait le vote de certaines réformes démocrates. Biden a donc tout intérêt à regagner la confiance de l’aile progressiste de son propre camp afin d’empêcher les républicains d’obtenir la mainmise sur la Chambre des représentants.

 

Inde : Un test pour l’avenir de la “plus grande démocratie du monde” ?

Élections régionales dans l’Uttar Pradesh : mars et avril 2022

L’Inde est un pays fédéral comptant 28 États régionaux qui disposent d’institutions propres et d’une certaine autonomie par rapport au pouvoir central. Le BJP (Bharatiya Janata Party) ne contrôle pleinement que 13 des 28 régions dont l’Uttar Pradesh. L’élection dans l’Uttar Pradesh s’avère cruciale pour le pouvoir nationaliste hindou de Narendra Modi et son parti politique, le BJP. En effet, Narendra Modi, Premier ministre indien, est au cœur des critiques concernant sa gestion de l’épidémie. Alors qu’il a proclamé pendant des mois que son pays était un modèle dans la lutte contre le virus, l’Inde a été l’épicentre de la pandémie en mai 2021. Ainsi, certains dirigeants locaux se sont opposés à Narendra Modi. Par exemple, au printemps 2021, le ministre en chef de Dehli, Arwind Kejriwal, dirigeant un parti d’opposition, a décidé lui-même d’imposer le couvre-feu à Dehli contre l’avis de Narendra Modi. Cette résistance déplait au leader indien. C’est pour cette raison que ce dernier fait tout ce qui est en son pouvoir pour tenter de remporter les élections dans l’Uttar Pradesh en soutenant Yogi Adityanath, ministre en chef de l’Etat depuis 2017 face à Akhilesh Yadavh, ministre en chef de l’Etat de 2012 à 2017.

Aujourd’hui, la pandémie agit comme un révélateur de la conception du pouvoir de Narendra Modi : un pouvoir nationaliste, centralisé, religieux et portant atteinte aux libertés. L’enjeu de l’élection est double car dans un pays divisé et inégalitaire comme l’Inde, cette élection aura des répercussions majeures sur la région mais aussi sur l’élection nationale de 2024.

 

Hongrie : Viktor Orban en danger ?

Élections législatives : avril 2022

Si Viktor Orban va tenter de briguer un 4ème mandat consécutif (première élection en 2010, puis 2014 et 2018) avec son parti le Fidesz, c’est la première fois qu’il se trouve face à un candidat de taille : Peter Márki-Zay, chef de file de l’opposition inédite regroupant 6 partis politiques différents, dont les libéraux, les écologistes, les sociaux-démocrates et l’extrême droite. L’élection de Peter Márki-Zay (centre-droit) permettrait d’apaiser les tensions entre l’Union européenne et la Hongrie sur certains sujets. Il promet par exemple d’annuler la loi anti-LGBT d’Orban, décriée par Bruxelles, même si sur le sujet de l’immigration, ce dernier est plutôt d’accord avec Orban sur la construction de la clôture de 2015 permettant de “lutter contre l’immigration illégale”. En effet, le premier ministre hongrois mène une politique agressive europhobe, anti-LGBT et envers d’autres minorités. A contrario, le maintien au pouvoir du leader du Fidesz, contribuerait à renforcer l’autoritarisme de ce dernier, menaçant encore plus l’État de droit et la place de la Hongrie au sein même de l’Union européenne. Cependant, l’opposition est loin d’avoir remporter d’avance cette élection que les Européens suivront en même temps que l’élection présidentielle française en avril 2022.

 

Italie : un risque d’instabilité politique ?

Élection présidentielle : 24 janvier 2022

Le Parlement italien doit élire le nouveau président de la République après le septennat du président sortant Sergio Mattarella. Un exercice qui d’ordinaire n’est qu’un simple protocole. En effet, contrairement au Premier ministre, le président de la République italienne n’a que très peu de pouvoir. Il fait surtout figure de symbole d’unité politique et de gardien des institutions démocratiques.

Pourtant à quelques jours du scrutin, aucun nom ne sort particulièrement du lot pour gagner sans difficulté l’élection, ce qui plonge le pays dans une incertitude politique. Si le Premier ministre Mario Draghi n’a pas exclu une candidature, sa nomination aurait un impact non négligeable sur la politique italienne. L’incertitude politique se déplacerait donc du côté de la présidence du Conseil des ministres, ce qui serait encore plus problématique. En effet, il existe un risque qui est celui que Mario Draghi démissionne de son poste de Premier ministre mais ne soit finalement pas élu président de la République. Ce scénario serait une très mauvaise nouvelle pour l’Italie qui a pu profiter, grâce à la légitimité de Mario Draghi, des plans de relance européens quand le pays était l’un des plus touchés par la pandémie. Des sondages estiment d’ailleurs que l’extrême droite serait en tête avec notamment le parti “Fratelli d’Italia” et “Lega” pour prendre la tête d’une potentielle nouvelle coalition gouvernementale dans le cas d’un départ de Mario Draghi.

Il s’agit donc d’une élection à haut risque pour l’Italie qui à tout moment peut changer complètement d’orientation politique.

 

France : quel avenir pour la France ?

Élection présidentielle : 10 avril 2022 (1er tour) et 24 avril 2022 (2nd tour).

Élections législatives : 12 juin 2022 (1er tour) et 19 juin 2022 (2nd tour). Les élections législatives auront pour but d’élire les députés qui siègeront à l’Assemblée nationale.

La multiplicité des candidats à l’élection rend le résultat du scrutin incertain malgré un léger avantage pour le président sortant Emmanuel Macron (REM). En effet, la gauche ne parvient pas à se ranger derrière une unique personnalité politique montrant à quel point la gauche est morcelée. Une primaire populaire de la gauche aura lieu fin janvier afin de désigner un candidat pour représenter la gauche. Cependant, il n’y aura pas qu’un seul candidat de gauche à l’élection présidentielle a priori puisque les plus gros candidats de gauche comme Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS) ou encore Jean-Luc Mélenchon (LFI) ne participeront pas à la primaire populaire et seront donc d’autres candidats de gauche à la présidentielle. Les divisions au sein de la gauche non seulement décrédibilisent cette dernière face à la droite mais favorisent également, de fait, la montée en puissance de candidats de droite (Valérie Pécresse, LR) voire d’extrême-droite (Marine Le Pen, RN et Éric Zemmour, Reconquête).

 

Une année électorale chargée donc et qui nous réserve bien des surprises…

 

Par Jessica LOPES BENTO