Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool


Publié le 11 février 2024

L’alcool est une substance psychoactive qui agit sur le cerveau et le corps. Il peut provoquer des sensations de détente, d’euphorie ou de désinhibition, mais aussi des troubles de la coordination, de l’équilibre, de la vision, de la mémoire ou du jugement. À forte dose, il peut entraîner une ivresse, voire un coma éthylique, qui peut être fatal.

En France, il constitue une préoccupation majeure, causant un pourcentage significatif de décès chaque année. Le vin en France, c’est toute une économie, avec près de 800 000 emplois, 15 milliards d’euros d’exportations par an.  Mais le vin reste un taboue. En effet Claire Touzard, dans son livre Sans alcool, 2021, disait « en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. La sobriété est corrosive, elle est le grain de sable qui vient enrayer un déni bien huilé »

Quels sont les dangers de l’alcool ?

L’alcool est un produit psychoactif qui modifie la conscience et les perceptions, et de ce fait le ressenti et les comportements. Les effets immédiats dépendent surtout de l’alcoolémie, c’est-à-dire du taux d’alcool dans le sang. Une consommation faible peut entraîner une sensation de détente, d’euphorie, voire d’excitation, mais aussi une diminution des réflexes, une réduction du champ visuel et une désinhibition. Une consommation plus forte peut provoquer une ivresse, avec une mauvaise coordination des mouvements, une élocution troublée, une diminution de la vigilance, une perte de contrôle de soi, voire une perte de connaissance.

L’alcool est également responsable de nombreux risques à court et à long terme, qui réduisent l’espérance de vie de plusieurs années. Il s’agit ainsi de la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabac. En 2015, l’alcool a été responsable de 7 % des décès chez les Français de plus de 15 ans, soit 41 080 décès. Les causes des décès ont été : des cancers (39 % des cas), des maladies cardiovasculaires (24 %), des maladies digestives (16,5 %), des accidents ou suicides (13 %) et d’autres problèmes de santé (7,5 %).

La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement d’une soixantaine de maladies. Parmi les maladies liées à l’alcool, on peut citer :

– Les cancers : l’alcool est un facteur de risque avéré pour plusieurs types de cancers, notamment ceux de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, du foie, du sein et du côlon-rectum. L’alcool augmente le risque de cancer en favorisant la formation de substances toxiques dans l’organisme, en altérant la réparation de l’ADN, en perturbant le métabolisme des hormones et en affaiblissant le système immunitaire.

– Les maladies cardiovasculaires : l’alcool peut avoir des effets bénéfiques sur le cœur et les vaisseaux sanguins à faible dose, en diminuant le risque de thrombose et en augmentant le taux de bon cholestérol. Mais ces effets sont contrebalancés par les effets néfastes d’une consommation excessive, qui augmente le risque d’hypertension, d’arythmie, de cardiomyopathie, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral.

– Les maladies du foie et du tube digestif : l’alcool est le principal responsable des maladies du foie, comme la stéatose hépatique (accumulation de graisse dans le foie), l’hépatite alcoolique (inflammation du foie) et la cirrhose (fibrose irréversible du foie). L’alcool peut aussi provoquer des maladies du tube digestif, comme la gastrite (inflammation de l’estomac), l’ulcère gastroduodénal, la pancréatite (inflammation du pancréas) et la colite (inflammation du côlon).

– Les maladies neurologiques et psychiatriques : l’alcool affecte le fonctionnement du cerveau et peut entraîner des troubles cognitifs, comme des pertes de mémoire, des difficultés d’attention, de raisonnement et de jugement, voire une démence alcoolique. L’alcool peut aussi causer des troubles psychiatriques, comme la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, les troubles du sommeil, les hallucinations et les psychoses.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’alcool est responsable de plus de 3 millions de décès par an dans le monde, soit 5,3 % de la mortalité globale.

L’alcool entraîne également des conséquences sociales et économiques importantes. Il est impliqué dans de nombreux accidents de la route, de la vie courante ou du travail, ainsi que dans des actes de violence, d’agression ou de délinquance. Il peut affecter la qualité de vie, les relations familiales, professionnelles ou amicales, et entraîner une dépendance, une détresse psychologique ou une exclusion sociale. L’alcool provoque une augmentation des risques de suicide, d’accidents de la circulation, de violences physiques ou sexuelle. Plusieurs études ont montré que l’alcool favorise les comportements violents. Le Monde du 23 février 2023, titrait « Violence conjugales : ‘’ L’alcool est présent dans plus d’un féminicide sur deux’’ ». Des données du ministère de l’Intérieur montraient, en 2018, qu’un tiers des auteurs d’homicide conjugal avait consommé de l’alcool au moment des faits.

En 2023, selon les données de Santé publique France, 41 000 personnes sont décédées en France à cause de l’alcool, soit 7 % de la mortalité totale. Les hommes sont plus touchés que les femmes, avec 30 000 décès contre 11 000. Les tranches d’âge les plus concernées sont les 55-64 ans et les 65-74 ans, avec respectivement 10 000 et 9 000 décès. Les principales causes de mortalité liées à l’alcool sont les cancers (15 000 décès), les maladies cardiovasculaires (9 000 décès) et les maladies digestives (7 000 décès). L’alcool est également à l’origine de 4 000 décès par accident, 2 000 décès par suicide et 1 000 décès par homicide.

De plus, selon Santé Publique France, 22% des Français déclarent avoir une consommation à risque qui dépasse les plafonds recommandés, c’est-à-dire pas plus de 2 verres par jour et 10 verres par semaine.

Enfin, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives révélait que l’alcool coûtait à la société 102 milliards d’euros par an et qu’elle coûtait aussi très cher aux finances publiques. En 2019, la taxation sur l’alcool rapportait 4 milliards d’euros à l’État alors que les coûts de traitement pour les maladies liées à sa consommation s’élevaient à 7,8 milliards. Pourtant, la France reste l’un des pays où l’on boit le plus avec près de 43 million de consommateurs à des niveaux très différents.

Or, ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’existe pas de consommation d’alcool sans risque. Comme l’a montré une analyse parue dans The Lancet, en 2018. Après une enquête menée entre 1990 et 2016 sur 28 millions de personnes, la conclusion est : l’alcool est dangereux même à faible dose.  « L’idée d’une dose d’alcool ‘’inoffensive’’ ou même bénéfique serait un mythe » titrait Science et Avenir le 24 août 2018. Les risques existent dès le premier verre.  « Non, une consommation modérée d’alcool n’a pas d’effet protecteur pour la santé » selon France info le 12 Mai 2019.

Quelle est l’évolution de la mentalité et de la réglementation de l’alcool  ?

La consommation d’alcool a toujours été encadrée par des règles sociales, culturelles ou religieuses, qui varient selon les époques et les lieux. Certaines religions, comme l’islam, le bouddhisme ou le mormonisme, interdisent ou limitent fortement la consommation d’alcool, considérée comme un péché ou une entrave à la spiritualité. D’autres religions, comme le judaïsme, le christianisme ou l’hindouisme, tolèrent ou encouragent la consommation d’alcool, dans le cadre de rituels, de fêtes ou de traditions. Certaines cultures, comme la culture méditerranéenne ou la culture française, valorisent la consommation modérée d’alcool, associée à la gastronomie, au partage ou à l’art de vivre. D’autres cultures, comme la culture anglo-saxonne ou la culture nordique, pratiquent davantage la consommation excessive d’alcool, lors de soirées, de week-ends ou de vacances. Marguerite Duras disait, d’ailleurs, en 1984 « vous savez Dieu n’existe pas, il est remplacé par l’alcool, il y a plus de problème si vous voulez »

La consommation d’alcool a également fait l’objet de réglementations juridiques, qui visent à protéger la santé publique, la sécurité routière ou l’ordre public. Ces réglementations concernent notamment l’âge légal d’achat ou de consommation d’alcool, le taux d’alcool autorisé au volant, la taxation ou la publicité des boissons alcoolisées, ou encore les horaires ou les lieux de vente ou de consommation d’alcool. Ces réglementations varient selon les pays, selon le degré de tolérance ou de répression vis-à-vis de l’alcool. Par exemple, en France, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,5 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est encadrée par la loi Evin de 1991. Au Royaume-Uni, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, mais il est possible de consommer de l’alcool à partir de 5 ans sous la responsabilité d’un adulte, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est plus libre. Aux États-Unis, l’âge légal d’achat d’alcool est de 21 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est soumise à l’autorégulation des professionnels.

Pourtant, en France, cela n’a pas été aisé de règlementer l’alcool et notamment le vin. En effet, en France, boire est « norme sociale » bien ancrée qui commence tout petit quand les parent « trempe les lèvre » des bébés. Le Monde en 1954, titrait, « Le Français est l’homme au monde qui consomme le plus d’alcool ».  Cette première place est due à l’importance de la consommation de vin dans le pays jusqu’en 1950. La boisson était tellement banalisée que le vin, mais aussi le cidre, était servi comme boisson dans les cantines scolaires comme l’explique Stéphane Le Bras spécialiste d’histoire contemporaine sur Public Sénat « à cette époque, c’est une pratique commune de voir des enfants consommer du vin. Les parents ont l’habitude de donner une fiole de vin coupée avec de l’eau à leurs enfants lorsqu’ils se rendent à l’école. »

Il faudra attendre 1956 pour que l’État interdise la consommation de l’alcool dans les cantines, mais seulement pour les enfants de moins de 14 ans. Ce n’est qu’en 1981 que la consommation d’alcool sera aussi interdite dans les lycées. On entre alors dans une période de sensibilisation avec des slogans comme « Boire ou conduire, il faut choisir ». Simon Veil disait en 1977, « je crois qu’il faut toujours commencer une campagne et que l’alcoolisme au volant est certainement un des aspects qui sera le mieux compris par les Français parce qu’il voit les conséquences de façon très frappante et je pense que pour qu’il y ait une campagne qui réussit dans un pays il faut que les gens comprennent et adhèrent ». Mais même si la consommation d’alcool a beaucoup diminué par rapport à 1960, elle reste très importante en France. A l’époque, chaque habitant consommait 26 l d’alcool par an en moyenne. Une consommation divisée par 2,5 puisque sur la période 2018-2021. Nous en sommes à 10,5 l d’alcool par an et par habitant aujourd’hui. Cela est surtout due à la diminution de la consommation de vin, mais aussi à une prise de conscience et à l’évolution de la loi sur le sujet. Pourtant, la France continue de faire partie des pays les plus consommateurs d’alcool au monde. Elle figure à la 9e place des 38 pays membres de l’OCDE et à la 11e place des 27 pays de l’Union européenne. En 2021, la France était le 2e pays où l’on consommait le plus de vin derrière les États-Unis, qui ont une population 5 fois plus importante. Selon la dernière étude de santé publique France, publiée en juin 2023 et basée sur les données de 2021, la proportion d’adultes dépassant les limites d’alcool recommandées est en baisse mais ils sont encore 22% à boire plus de 2 verres par jour, et même 30% chez les hommes.

L’Alcool accentue les inégalités ?

L’alcool est un fait d’homme. En effet, les consommations à risque sont davantage le fait des hommes. Cela représente 31% chez les hommes et 14% chez les femmes. L’alcool étant aussi beaucoup lié à une forme de virilité, dans l’imaginaire collectif. Dans les Tonton flinguer, nous pouvions entendre « c’est plutôt une boisson d’homme. » quand il parlait d’un bon Bordeau.

Cependant l’écart entre homme et femme s’est réduit au fil des années. Les femmes consomment plus souvent et en plus grande quantité qu’autrefois et leur mode de consommation n’est pas le même. Les femmes le dissimulent plus quand elles boivent. « J’ai commencé à boire quand j’étais jeune parce que je me suis mariée jeune et après j’en ai pris l’habitude. Je buvais en famille comme tout le monde, peut-être, puis je m’en suis servi comme stimulant. C’est devenu une catastrophe, mais pensez qu’il y a 600 mille françaises qui boivent. Et en somme, on ne sait pas parce qu’une française, elle boit, elle se cache. Elle a honte alors, elle boit chez elle. C’est très dur à déceler une femme qui boit. » selon une interview de 1973.

« Quand on est une femme, la vie est très violente et l’alcool permet à beaucoup de femme de transcender ça, de surpasser ça. C’est une façon de tenir face à la pression, face à la violence que l’on vit. Sauf que le problème c’est un mauvais médicament et que au final, ça finit par dégrader qui on est. » selon Claire Touzard dans une interview de Simone Media du 13 janvier 2021.

De plus l’alcool a des effets plus néfastes chez les femmes provoquant plus rapidement des problèmes de santé graves, en raison de leur métabolisme. Concrètement, les femmes réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l’alcool. « Les femmes ont, par exemple, 6 fois plus de risques de développer une cirrhose du foie. » selon Samia Hurst-Majnp, médecin en Bioéthique.

Qu’est-ce que le Dry January ?

Le Dry January, ou Janvier Sobre en français, est un défi qui consiste à ne pas boire une goutte d’alcool pendant le mois de janvier, afin de mettre son corps (et son foie) au repos et de profiter des bienfaits d’une abstinence. Ce défi, imaginé en 2013 par l’association britannique Alcohol Change UK, est vite devenu viral sur les réseaux sociaux et a fait l’objet de milliers de partages. En France, il a été lancé en 2019 à l’initiative de l’association France Janvier Sobre, présidée par Laurence Cottet, une ancienne alcoolique qui a médiatisé son combat contre la maladie.

Le Dry January propose de faire une pause dans sa consommation d’alcool pendant un mois, afin de changer son rapport à l’alcool et de prendre conscience de ses effets sur la santé, le moral, le sommeil, le poids, le budget, etc. Il ne s’agit pas d’un sevrage pour les personnes dépendantes, qui doivent être accompagnées par des professionnels, mais d’une expérience volontaire et collective, qui peut être l’occasion de se fixer de nouveaux objectifs pour l’année à venir.

En France, c’est la 5ème édition de ce mouvement avec potentiellement un tiers des Français qui ont arrêté de boire ce janvier. Lors d’une interview de trottoir de 28’ du 10 janvier 2024, les passant affirmer que « c’est une détoxe importante » car « après les fêtes, on sort tous fatigué ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie ont appelé le ministère de la Santé et le gouvernement à soutenir le mois sans alcool, à mettre en œuvre une véritable politique de prévention et à réaffirmer leur engagement. Ils ont déclaré : « soutenir l’opération de mobilisation sociale connue en France sous le nom de ‘’défi de janvier’’ nous semble être une opportunité de choix ».

Quels sont les bienfaits du Dry January ?

Face à ces dangers, le Dry January offre l’opportunité de faire une pause avec l’alcool et de bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Selon une étude menée par l’Université de Sussex en 2019 sur près de 3 000 participants au Dry January, 71 % ont expliqué avoir mieux dormi, 58 % avoir perdu du poids, 57 % avoir une meilleure concentration et 54 % une plus belle peau. De plus, 88 % ont déclaré avoir économisé de l’argent, 80 % avoir retrouvé le contrôle de leur consommation d’alcool, 76 % avoir pris conscience des situations où ils buvaient par habitude et 71 % avoir réalisé qu’ils n’avaient pas besoin d’alcool pour s’amuser.

En janvier 2023, Michael Naassil, président de la société française d’alcoologie, expliquait dans Le monde « l’enjeu est de déclencher une prise de conscience sur le niveau de consommation. Ce n’est pas moralisateur, ni hygiéniste. Plusieurs études anglaises ont montré un effet sur la fréquence de consommation. L’une d’elles mesurait que 7 personnes sur 10 consommaient moins d’alcool 6 mois après ce défi. Le message positif de la possibilité d’améliorer la santé par la réduction de la consommation, voire l’abstinence devrait être défendue par les décideurs politiques […] pour réduire le lourd fardeau sanitaire et sociétal de l’alcool. »

Quelle sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Dry January ?

Le Dry January n’est pas une initiative officielle du gouvernement français, contrairement à d’autres nations telles que le Royaume-Uni, l’Irlande, la Finlande ou l’Australie, où il bénéficie du soutien des autorités sanitaires. En France, cette initiative a été lancée par des associations, des médias et des personnalités, sans le soutien direct du ministère de la Santé. Certains observateurs ont critiqué l’influence des lobbys de l’alcool, suggérant qu’ils auraient dissuadé le gouvernement de soutenir le Dry January par peur d’entraver l’industrie viticole et les traditions culturelles françaises. Un article daté du 4 janvier 2024 indique que « la plupart des ministres ne participent pas à l’initiative », certains considérant qu’il s’agit d’un sujet éloigné des préoccupations françaises ou même d’une question relevant de la sphère privée.

D’autant plus que, le poids des lobbys présent à l’assemblée depuis 1919 est très important. En 1973, de nombreuses personnes affirmaient « oui le vins, ce n’est vraiment pas de l’alcool. C’est une nourriture, si on veut. » ou encore, « le vin ce n’est pas de l’alcool, ça fait du bien le bien », « vous savez en France on a tellement d’occasion de boire, que ça soit pour une naissance, pour un enterrement, ou quoi que ce soit. Vous allez chez les gens faire du travail, bon, la première chose qu’on vous dit, vous voulez boire un coup ».

Le travail des lobbies à payer puisque c’est une idée bien ancrée, encore aujourd’hui, que le vin est un alcool à part, qui ne fait pas autant de dégâts.

C’est ce que répétait en 2019 le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, « bah non, je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres. L’addiction à l’alcool est dramatique et notamment dans la jeunesse. Mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit alcoolisé aux bouches du Rhône, au Bordeaux.  Jamais. ». Pourtant le vin est bien un alcool comme les autres et c’est ce que disent tous les addictologues. L’alcool qu’il contient a les mêmes effets sur le corps que celui présent dans la bière ou les alcools forts. Aucune étude n’a été en mesure de démontrer de différence entre les conséquences de la consommation de vin et de bière. Le Monde du 16 janvier 2019, titrait « Le vin est ‘’un alcool comme un autre’’, n’en déplaise au ministre de l’agriculture »

Guillaume Davido, addictologue, interrogé le 2 janvier 2024 sur BFM TV racontait, « par exemple ça c’est justement une idée reçue, des patients disent, ne vous inquiétez pas, je ne consomme pas d’alcool fort, donc j’ai pas de problème. Mais en vérité à partir du moment où vous consommez énormément de vin rouge, si vous consommez un verre standard de vin rouge, cela vaut un verre standard de whisky. Vous avez exactement les mêmes risques ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie disait « La confiance envers le gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue contre l’alcoolisme est sérieusement altérée. La restauration de cette confiance ne peut passer que par des gestes forts, tant sur le plan du contenu que de la portée symbolique ».  Face à cela, le 16 décembre, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, s’est exprimé sur France Inter en critiquant la pression constante : « Je suis comme mon collègue Rousseau, […] c’est bizarre comme on dit à chaque fois, quand on est comme ça, on dit on est dans le lobby. […] Il me semble qu’on n’a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur une trajectoire. Je ne veux pas faire [le Dry January] parce que, mais j’essaie de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de consommer avec modération. La mesure est la modération, plutôt que l’interdiction ». Pour l’addictologue Amine Benyamina, la proximité avec les lobbys de l’alcool est ici flagrante.

En 2019, Santé Publique France avait prévu une campagne intitulée « mois sans alcool » pour janvier 2020, avec le soutien du ministère de la Santé. Un budget avait été alloué et les préparatifs étaient déjà avancés. Cependant, cette initiative avait suscité des inquiétudes au sein de l’association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait demandé au gouvernement d’y renoncer en raison des difficultés économiques du secteur. Dans une lettre datée du 7 novembre 2019, ils écrivaient : « Moi sans alcool – Les Français ne doivent pas passer le mois de janvier à Sec ! ». Une enquête de France Télévisions avait ensuite révélé que c’était Emmanuel Macron lui-même qui avait annulé la campagne à la suite d’une conversation avec le président du syndicat général des vignerons de la Champagne, Maxime Toubar. La campagne a été remplacée par la promotion d’un « janvier sobre », un mois où l’on peut boire mais avec modération. Dans leurs correspondances, ils soulignent : « La filière viticole promeut depuis des années un message de modération, d’éducation à l’art de vivre à la française et à la culture du vin ». Dans l’émission Envoyé Spécial du 11 novembre 2024, Agnès Buzyn a déclaré : « A cette époque-là, je pense que les arbitrages ont été vraiment en faveur de l’agriculture, de la viticulture, des vignerons et parce que c’est aussi un critère qui fait d’exportation, c’est une image de la culture française. Donc on m’a reproché de ne pas respecter la culture française, d’avoir un discours moralisateur ».

Cette situation s’est répétée au printemps 2023, lorsque le ministère de la Santé a rejeté deux campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. L’une d’elles était prévue pour être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby. Les slogans de ces campagnes étaient « ne laissez pas l’alcool vous mettre KO » et « quand on boit des coups, notre santé prend des coups ». Sous la pression des lobbys, le ministère a plutôt décidé de cibler les jeunes avec une campagne de prévention intitulée « c’est la base », proposant des messages tels que « faire attention à ses amis s’ils boivent trop », « boire aussi de l’eau en soirée » et « ne pas oublier de manger ». Cette décision a été critiquée par Myriam Savy, directrice du plaidoyer au sein de l’association Addiction France : « Les campagnes de prévention ciblant les jeunes ou les femmes enceintes ne dérangent car elles sont spécifiques. Cependant, les deux campagnes initiales visaient la population générale, qui consomme de manière régulière de l’alcool. On leur disait que l’alcool présente un risque pour la santé, qu’il est un facteur de risque de cancer. Et cela, l’industrie de l’alcool ne l’aime pas ». En remplacement de ces deux campagnes, Santé Publique France avait proposé de rediffuser une ancienne campagne de 2019, « 2 verres par jour et pas tous les jours », mais l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’y était opposé.

En septembre 2023, lors de ces révélations, Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addiction France, a dénoncé « le lobby de l’alcool qui a infiltré tout l’appareil d’État » et « influence les décisions et s’arroge un droit de veto sur les campagnes ». Il a ajouté : « On peut faire une campagne d’information libre sur l’alcool en France. La mission de Santé Publique France est de faire de la prévention, pas de la communication gouvernementale. Ce n’est pas de relayer la parole d’Emmanuel Macron, c’est de défendre la santé. Ce n’est pas ce qui se passe ».

En conclusion, le Dry January offre une opportunité précieuse de réévaluer notre relation avec l’alcool et de prendre conscience des dangers qu’il peut présenter pour notre santé physique et mentale. En adoptant une habitude de vie sans excès, nous pouvons non seulement améliorer notre bien-être général, mais aussi réduire les risques de maladies chroniques, de dépendance et d’accidents liés à la consommation d’alcool. Il est crucial de reconnaître l’importance d’une consommation responsable et de rechercher des alternatives saines pour faire face au stress et aux pressions sociales. En cultivant des habitudes de vie équilibrées et en mettant l’accent sur la santé et le bien-être, nous pouvons non seulement vivre plus longtemps, mais aussi profiter pleinement de chaque aspect de notre existence.

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

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