Life is strange, un jeu qui brille par sa singularité

“On a essuyé de nombreux refus” raconte Oskar Guilbert, l’un des co-fondateurs du studio qui vient de sortir life is strange au journal Le monde. Le petit dernier de Dontnod a failli ne jamais voir le jour, et pourtant ce sont aujourd’hui 50 personnes qui travaillent sur ce jeu au gameplay pour le moins original couvé par Square Enix, tout comme Remember me avait reçu l’appui de Capcom. Et pour cause, le jeu se montre audacieux au niveau de nombreux choix artistiques, que ce soit par le choix d’une héroïne lambda, d’un système de jeu controversé dans la communauté du gaming ou du choix de lancement. Il a notamment la particularité de se dérouler sur 5 épisodes, chaque sortie est espacée de plusieurs semaines. Le premier volet est sorti le 30 janvier dernier et l’épisode prochain est prévu pour mars.

 

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Max a le pouvoir de remonter le temps. Timide et introvertie, que va-t-elle faire de cette nouvelle capacité ?

 

Maxine Caulfied est de retour de son Oregon natal pour suivre des cours de photographie, sa grande passion. Elle a quitté sa ville d’origine, Arcadia Bay, il y a 4 ans, une petite ville pas si tranquille que cela. La très populaire Rachel a mystérieusement disparu depuis 6 mois, certains élèves semblent bien instables dans son nouvel établissement et elle a des visions étranges d’une tornade ravageant la ville. Max se découvre rapidement le pouvoir de remonter le temps pour changer ses actions. Dans le premier épisode, elle va devoir sauver sa meilleure amie d’enfance, Chloé, qui a bien changé en 4 ans et a l’air d’avoir pas mal d’ennuis. Cette dernière s’entend notamment particulièrement mal avec son beau-père.

 

Life is strange prend ainsi le parti complexe de pratiquement tout miser sur le scénario. Toute l’importance se retrouve dans l’univers singulier qu’il met en place, ses personnages fouillés et son immersion. La narration est extrêmement soignée est reprend bien sûr beaucoup de codes cinématographiques, mais rappelle également d’autres jeux comme the walking dead, dont le principe est très semblable, mais aussi la recette de jeu ultra-scénarisé du studio français Quantic dream (heavy rain, Beyond two soul…). Il reprend à son compte les principes de choix multiples qui vont influencer la suite du jeu. Vous devez notamment choisir entre différentes actions plus ou moins anodines dont les répercussions apparaissent parfois bien plus loin dans l’histoire. Aucun des choix n’est manichéen et vous aurez toujours quelque chose à sacrifier. Il est difficile d’imaginer les conséquences à long terme de vos actes et c’est là que Life is strange parvient à installer toute sa complexité.

 

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Allez-vous vous cacher face au beau-père de Chloé ou prendrez-vous la défense de votre amie ?

 

C’est dans ce contexte que le pouvoir de Max devient d’autant plus intéressant. Vous pouvez remonter dans le temps, ce qui implique que vous pouvez changer une réponse à une question pour voir la réaction de votre interlocuteur, changer une action passée que vous regrettez ou fouiller un peu partout sans être inquiété puisque de toute façon vous pourrez revenir en arrière. Attention, le jeu fonctionne également en checkpoint, passé un certain laps de temps le retour en arrière n’est plus possible pour une action donnée. Le jeu vous permet de vous promener dans des environnements fourmillant de détails. En fouillant un peu, vous en découvrez un peu plus sur la vie des protagonistes, la disparition de Rachel, la nouvelle vie de Chloé, vos nombreux camarades de classe… Ce qui donne au jeu un aspect voyeur assez jouissif.

 

La narration s’appuie non seulement sur ces derniers points qui apportent au jeu une vraie substance mais aussi sur un design original et soigné et une musique immersive. Life is strange évoque à merveille les troubles de la fin de l’adolescence comme l’avait fait dans un autre registre le film Juno. Le seul bémol est au choix étrange de gameplay pour déterminer les actions, qui vient sans doute du fait qu’il a sans doute été pensé pour une console et non pour un PC, ce qui implique un certain temps d’adaptation quand on ne joue pas sur console.

 

Chrysalis, le premier épisode, se termine en un peu plus de deux heures et pose d’excellentes bases pour un jeu qui s’annonce des plus réussis. Il est bien sûr difficile du potentiel, un épisode parvenant à être à la fois court et très dense. Il s’agit cependant d’un jeu de très bonne facture pour les amateurs de ce type de gameplay très cinématographique et des scénarios poussés.
Camille Barbry

 

Les Particules Elementaires

Les Particules Elementaires

Parce-que notre travail au sein du TBS Press n’est pas seulement d’écrire mais aussi de faire partager, je vais vous faire part une nouvelle fois d’un témoignage.
Le 17 décembre dernier au CDRT – Centre Dramatique Régional de Touraine – j’ai eu la chance de pouvoir assister à la meilleure pièce de théâtre que j’ai eu l’occasion de voir : Les Particules Elémentaires de Michel Houellebecq mise en scène et adaptée par Julien Gosselin. Cette pièce, grande révélation du Festival d’Avignon en 2013, fait le tour des théâtres et centres dramatiques de France depuis et sera jouée au TNT du 25 au 28 mars 2015 – à bon entendeur.
Petite mise au point : Les Particules Elémentaires de Michel Houellebecq est un roman publié en 1998 questionnant l’héritage de mai 68 et du mouvement Hippie en France à travers la narration de la vie de deux hommes – Michel Djerzinski, un scientifique de renom et Bruno, un professeur en quête perpétuelle du plaisir sexuel, deux frères qui ne le découvrent que plus tard et qui vont traverser cette période clé de l’Histoire. Ces deux biographies agiront comme révélatrices de l’état de la société française de l’époque : une société en quête de repères, perdue dans le vacarme d’une consommation toujours plus abrupte, refusant tout conformisme, toute aliénation et toute autorité et prônant la paix et la liberté absolue notamment la liberté sexuelle.
Ce roman et l’écriture de Houellebecq en général semblent réellement « fait[s] pour le théâtre » comme a pu le dire Julien Gosselin. Cela tombe sous le sens une fois le roman lu ; il y a de réelles coupures, des « phases » de description, de récits romanesques et de poésie. Le Prologue le met bien en évidence : en deux pages, on a droit à un récit romanesque que l’on pourrait facilement comparer à un hommage mortuaire et à un poème dont je vous fais part de la fin ici :
« Maintenant que la lumière autour de nos corps est devenue palpable
Maintenant que nous sommes parvenus à destination
Et que nous avons laissé derrière nous l’univers de la séparation,
L’univers mental de la séparation,
Pour baigner dans la joie immobile et féconde
D’une nouvelle loi
Aujourd’hui
Pour la première fois,
Nous pouvons retracer la fin de l’ancien règne. »
Loin de moi l’idée de vous révéler tous les détails de la mise en scène, je souhaite simplement attirer votre attention, éveiller votre curiosité et peut-être vous donner envie de voir une pièce de théâtre dépoussiérée, décalée – dû en partie à l’écriture de Houellebecq mais pas que, alliant moments descriptifs avec notamment les apparitions du personnage de Houellebecq interprété par un des comédiens de la troupe qui intervient au fil de la pièce, moments d’humour lorsque Bruno essuie refus sur refus de la part de la gente féminine, et moments forts en émotion. La Valeur Ajoutée de cette pièce de théâtre est l’utilisation de divers procédés de mise en valeur du texte : les nouvelles technologies avec l’utilisation de vidéos, de caméras filmant en direct et retransmises sur l’écran géant, la musique – la majorité des acteurs sont aussi musiciens– si présente que l’on peut avoir parfois l’impression d’être dans un concert et enfin divers procédés théâtraux comme par exemple l’utilisation du nu.

 

Pour ma part, le moment fort de la pièce est le long et fort monologue sur le projet « Tribute to Charlie Manson » et sur les massacres perpétués par un certain David Di Meola. Une musique très puissante et très violente accompagne ce monologue le chargeant d’autant plus en émotions. Celui-ci dénonce les dérives et les limites du mouvement Hippie en décrivant les horreurs commises par les sectes, américaines notamment, qui prirent naissance dans l’essence même du mouvement. Cela est d’ailleurs bien explicité dans cet extrait :
« Selon Daniel Macmillan, la destruction progressive des valeurs morales au cours des années soixante, soixante-dix, quatre-vingt puis quatre-vingt-dix était un processus logique et inéluctable. Après avoir épuisé les jouissances sexuelles, il était normal que les individus libérés des contraintes morales ordinaires se tournent vers les jouissances plus larges de la cruauté […]. En ce sens, les serial killers des années quatre-vingt-dix étaient les enfants naturels des hippies des années soixante. »

 

La force de cette pièce est que l’on peut passer du rire aux larmes – ou du moins à l’émotion extrême en quelques minutes voire quelques secondes. Elle nous incite à nous questionner quant à l’héritage que nous, étudiants et personnes n’ayant pas connu mai 68, avons reçu et quelles conclusions sur nos droits fondamentaux, particulièrement celui de la liberté mis à mal à de maintes reprises ces derniers temps, nous devons en tirer.
Je ne peux donc que conclure par : Allez voir cette pièce !

 

Loren Bousquet

Les revenants, la saison 2 est (enfin) en route

Il y a plus de deux ans, une série française a séduit le petit écran, allant jusqu’à convaincre même certains critiques outre-Atlantique, ce qui est assez rare pour le noter. Cette série s’appelle les revenants et possède des arguments de poids qui viennent largement combler certaines lacunes perceptibles. Sans doute semble-t-il étrange de déterrer une série qui commence à être ancienne, mais c’est maintenant officiel après tant d’attente, la saison 2 est en cours de route, ce qui ne peut que nous réjouir et qui mérite bien un petit article sur la première saison.
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Un envoûtement
Dès les premières notes et images du générique, musique composée par le groupe écossais Mogwai qui colle parfaitement à la série, la série attire et intéresse. Entrée en matière mystique, atmosphère délavée, mélancolique, lente et complexe, Les revenants explore le thème du deuil, des secrets des vivants et de ceux qui ne parviennent pas à surmonter leurs difficultés suite à la mort d’un proche. C’est une série au rythme lent, intellectuel et sensible où se côtoient la banalité d’une petite ville française et un surnaturel d’abord discret, puis de plus en plus palpable et inquiétant. Il semble régner constamment dans ce petit village une sorte de brume sans soleil. L’image est pâle, élégamment désaturée, ce ne sera pas un conte joyeux et ces choix esthétiques s’accentuent dans la série à l’approche du final pour donner des sens à des scènes surréalistes qui parviennent à poser une ambiance lourde et inquiétante.
Les revenants ne sont pas des zombies, ce sont juste des gens qui reviennent après des années. Déboussolés, ils tentent de retrouver leur place quand les autres avaient parfois surmonté leur absence. Ils ne sont pas à leur place, semblent décalés dans un monde où leurs connaissances comme les lieux ont changé. Le surnaturel se fait rare dans les séries françaises, seules quelques webséries comme Gabriel s’étaient lancé dans ce domaine boudé des grosses productions. Mais les revenants ne s’emparent du sujet comme le ferait une autre série, des critiques américains avaient en effet salué la série par son traitement très intellectualisé du sujet, comme si comme pour les films d’auteurs français réputés très cérébraux, elle marquait l’apparition d’une patte typiquement hexagonale.
Un casting de premier choix
La série a su trouver les talents nécessaires, et même certaines têtes déjà bien connues : Frédéric Pierrot en père alcoolique rongé par la douleur et la culpabilité, Samir Guesmi en flic d’apparence droit et très (trop) protecteur envers sa fiancée… La jeune fille qui joue Camille est également extrêmement impressionnante et Simon, jeune homme décédé le jour de son mariage est porté à l’écran par Pierre Perrier, image parfaite courante dans les films français des beaux gosses ténébreux/dépressifs/mystérieux/artistes (spécial dédicace à Louis Garrel). Et bien sûr Pierre, le bigot psychologue et abbé Pierre du coin, qui a tendance à vite devenir suspect avec sa tête mielleuse et ses bons sentiments qu’il distribue à la truelle.
Car les vivants ne sont pas beaucoup mieux lotis que les revenants. Rongés, dépressifs, ils cachent tous sans exception une part extrêmement sombre. Il existe une étrange dualité dans chaque personnage, chacun composé d’un Dr Jekyll respectable et d’un Mr Hyde bardé de secrets. Blessures secrètes, douleurs lointaines, culpabilité, les revenants raniment les vieilles meurtrissures et ces personnages torturés ou simplement sont tous parfaitement convaincants.
Mais dotée de certains défauts
On peut bien sûr remettre en question certains choix. Je trouve pour ma part que l’introduction du tueur en série est assez mal incorporée, disons un peu maladroite et apparaît comme assez incongrue. De même, qui laisse des lycéens faire des concours de shots tous les soirs dans le bar glauque du coin ? Ou même cette médium qui n’a des visions qu’en culbutant des hommes consentants ? pourquoi ? Il s’agit sans doute de choix pour apporter maturité et gravité à la série, mais ce sont pour moi des options scénaristiques qui auraient être plus habile dans leur traitement.
Mais ce qui vraiment peut troubler dans cette première saison, c’est que l’on nous laisse avec beaucoup de questions. Le scénario a jalonné de multiples indices et pistes, mais le dernier épisode ne nous éclaire que finalement peu et beaucoup de zones d’ombre demeurent, d’où la joie en apprenant la lancée de la seconde saison. En effet, la fin de cette première saison laissait un certain goût d’inachevé et décevait. Elle laisse la désagréable impression d’avoir affaire à un lost bis qui égraine les pistes à tout bout de champ sans ne serait-ce qu’esquisser une réponse.

 

Série audacieuse et d’excellente facture, Les revenants renouvellent la série française en lui donnant un aspect et une atmosphère particuliers. Avec de bonnes critiques outre-atlantique, elle risque cependant à trop se faire attendre de perdre son public.
Camille Barbry
Le Street Art vu par une curieuse

Le Street Art vu par une curieuse

 

Article rédigé par Maëva.B

 

 

Banksy

 

 

 

?David Zinn, Michigan
Swen Schmitz, Catalogne

 

Seth, Paris

 

Daniel Siering, Mario Shuin, Allemagne

 

Le Graffiti, un gros mot qui s’affiche sur les murs sales de la Cité. Gros mots aux grasses lettres, qui s’imposent à la vue de tous. De tous ? Non, à la vue des initiés d’abord. Historiquement, le graffiti était une pratique fermée aux seuls Crews, les graphismes complexes dessinés sur les rames de RER demeurant pour la plupart des gens illisibles, donc incompréhensibles et par conséquent… effrayants. Comme une langue qui demeure étrangère et menaçante.

 

Le graffiti, comme le Street Art de nos jours, ne sont pas toujours à la vue de tous. Et pourtant, ils ont vocation  -dans leur forme même – à l’être. C’est donc à nous d’être plus attentifs, et je vous y invite. Le mieux est encore, je crois, de se perdre dans la ville, car alors rien ne presse notre course, et notre oeil peut s’attacher aux nouveautés qu’il croise au détour d’une rue. Il faut dire que l’artiste nous complique souvent la tâche en choisissant des lieux atypiques, des non-lieux précisément, pour apposer le pinceau ou la bombe. Ce sont ces lieux hors du commun, à la frontière du visible et de l’invisible – telle ruelle à l’écart, tel renfoncement ou coin de mur- que je vous propose de chercher, pour pouvoir comprendre ce qui suit.

 

 

Qu’est-ce qui fait la spécificité du Street Art ? Pourquoi séduit-il un public toujours plus large ?

 

Reprenons depuis le début… Le Graffiti n’est qu’une infime partie du Street Art. Le Street Art regroupe les formes artistiques réalisées dans la rue, dans des lieux a priori publics. Ainsi, tandis que le graffiti est une forme d’art particulière, le Street Art peut recouvrir des formes aussi diverses que les collages (Levalet, collages de personnages grandeur nature peints à l’encre de chine), les dessins à la craie (Baudelocque), la peinture au pinceau fin, la pratique du pochoir (miss tic, C215) la mosaïque (Space Invaders). Et en outre, on ne trouve plus seulement des messages écrits ou des signatures (les tags) mais aussi des messages barrés (RERO, qui biffe ses majuscules en police Verdana), des visages, des animaux, voir des formes non identifiées (THTF)…

 

 

THTF, Lyon

 

 

 

Levalet, Paris

 

 

BAUDELOCQUE, Paris

 

Space Invaders, Paris

 

 

RERO
Ce qui rassemble des pratiques aussi éclectiques pourtant est une commune démarche : passer à la rue. S’afficher sur un mur. Transformer une technique d’atelier en art in situ. Car l’essence même du Street art est de se constituer en temps qu’art de l’espace, et de composer avec ce dernier pour offrir un dialogue. C’est un Levalet qui colle un photographe pointant son appareil vers une fenêtre qui se trouvait là, par exemple. En somme, chaque oeuvre se transforme ainsi en clin d’oeil destiné à son spectateur. Lors de la promenade, c’est un petit bonheur pour moi que de tomber sur ce « clin d’oeil ». Car quand on se rend au musée, la surprise n’est jamais grande : on connait, de près ou de loin, l’artiste et on se représente son style. A l’inverse, avec le Street Art, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Cette chasse au trésor a le charme de l’inattendu. Et le terrain de jeu du Street Art, urbain, français, mais aussi mondial, est infini … il ne connait pas la limite.
C215, Senegal
Tandis que d’autres formes artistiques s’enferment dans des musées et se livrent codées, difficiles à comprendre, le Street Art s’offre dans son humilité. C’est un visage, comme un miroir de notre humanité (C215) ; ou une jeune fille tenant un ballon (Banksy) qui, prête à s’envoler, nous rappelle à nos rêves. En somme, le Street Art nous raconte des histoires simples, et peut être apprécié par tous. Il n’est pas réservé à un public spécifique -ni dans le fond ni dans la forme- si ce n’est qu’il n’est visible que par ceux qui sont sensibles aux variations et aux détails de la promenade urbaine. Ouvrez donc l’oeil !
source photos : artfido blog
 Maëva B.

 

15 séries pour meubler votre année (Partie 3/3)

Enfin la dernière partie des séries à voir arrivent sur vos écrans avec 5 pépites plus ou moins connues pour occuper vos longues soirées d’hiver.

Twin Peaks

 

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On tape dans de la série ancienne et pas forcément des plus faciles d’accès. Pour tout vous dire cette série est de David Lynch, personne qui n’aime pas beaucoup faire des histoires simples. Le départ de la série n’a a priori rien de spécial. La jeune Laura Palmer a été assassinée et est retrouvée un matin emballée dans du cellophane, meurtre qui choque l’ensemble de la communauté de Twin Peaks, petite ville du fin fond des États-Unis. Ce drame va bientôt faire surgir les secrets de cet endroit aux apparences si banales et paisibles.

 

Twin Peaks profite de personnages à l’ouest (l’agent Dale Cooper…), d’une intrigue captivante et d’une ambiance surnaturelle qui parfois provoque une réelle inquiétude. La série cultive le bizarre, l’inattendu, et offre des moments absolument surréalistes qui provoquent une angoisse réelle.
Brooklyn 99

 

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Une série américaine filmée façon docu-fiction (comme pour parks and recreation) jubilatoire. Brooklyn 99, c’est le quotidien d’une équipe de police du quartier susnommé, un groupe hétéroclite, désordonné, limite bordélique mais étrangement efficace. Souvent too much, elle compense grâce à des personnages très travaillés. De Jack Peralta, insupportable prodige immature qui détient le record du nombre d’arrestation, Rosa Diaz, terrifiante et taciturne, et mention spéciale pour Ray Holt, noir, gay, intraitable et très peu expressif. Brooklyn 99 est un remède majeur contre la déprime qui parvient à redéfinir

 

Real Humans

 

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Série de science-fiction scandinave passée sur arte, Real Humans possède cette particularité palpable des créations nordiques. Elle parvient avec une grande pertinence à reprendre les questionnements philosophiques d’Asimov sur l’âme des machines. Dans un futur proche ou un présent alternatif, il est possible d’acheter des hubots, robots à l’apparence d’humains qui se chargent des tâches ménagères. Si ces derniers se démocratisent de plus en plus, tout lourd changement social implique une opposition, les Real Humans, groupe extrémiste d’humains qui s’oppose à la prolifération de nos amis mécanisés (qui tendent à remplacer les humains dans les tâches industrielles, une question totalement dans l’actualité).
Il s’est également développé un groupe de hubots rebelles uniques qui semble doté d’une volonté propre et individuelle. L’un d’entre eux, Mimi, a été capturé et revendu à une famille moyenne suédoise. Nous suivons donc ces trois écosystèmes opposés qui s’entrecroisent et se déchirent autour des problématiques de l’existence, d’autant plus que le code de programmation capable de libérer les hubots est dans la nature, attisant les convoitises…

 

Downton Abbey

 

 

Série britannique historique, Downton Abbey est une valeur sûre. Nous suivons ici une famille d’aristocrates du début du XXème siècle qui doit faire face à de nombreux dilemmes. Le premier est le décès de l’héritier officiel, fiancé et cousin de la caractérielle Mary, la fille aînée des trois sœurs Crowley, lors du naufrage du Titanic. Malheureusement, l’homme qui héritera du titre et du domaine n’est pas un aristocrate mais, ô drame, un simple avocat. Choc des cultures, survie d’un mode de vie séculaire face à la modernité (comment conserver la même existence lorsque l’on appartient à une classe dont le luxe depuis des siècles est de ne rien produire dans les prémices du capitalisme, face au féminisme, au socialisme ?). Elle pose aussi la difficulté des relations familiales, le fossé générationnelle avec Maggie Smith en grand-mère comtesse douairière délicieusement infecte, la rivalité entre les trois soeurs, le poids des traditions…

 

Il y a aussi bien sûr la vie des domestiques du domaine, personnalités fortes avec leurs loyautés , leurs passés et leurs ambitions respectifs, les luttes intestines dans les cuisines et la difficulté de leurs conditions. Downton Abbey expose avec réalisme et juste ce qu’il faut de théâtralité une période charnière et forte en changements d’un point de vue pourtant peu exploité jusqu’ici.

 

Terror in resonance

 

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Sorti cette année, Terror in resonance brille par de très beaux graphismes et une histoire pour le moins originale. Un groupe terroriste baptisé Sphynx terrifie le Japon, mais aucun de leur passage à l’acte ne provoque de victimes. Ils procèdent par énigmes pour faire deviner les lieux de leur prochain attentat à la police. L’anime nous invite à découvrir les raisons de leurs attaques et leur passé mystérieux. Un anime de bonne qualité, qui parvient à tenir en haleine.
Camille Barbry
Critique interactive n°2: Gone Girl

Critique interactive n°2: Gone Girl

De retour pour une critique ciné interactive avec ma deuxième grosse claque cinématographique depuis mon arrivée à Toulouse: Gone Girl! Avant d’expliquer en quoi ce film m’a surpris et captivé, voici le pitch:

      Amy et Nick Dunne semblent former un couple parfait et vivent parmi le gratin de Manhattan. Mais très vite à cause de problèmes professionnels puis familiaux, ils sont contraints de quitter New York et de retourner dans le Missouri où vit la famille de Nick. Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, Amy disparaît mystérieusement et Nick retrouvant sa maison dans un sale état craint le pire pour sa femme. Il appelle la police immédiatement mais certains indices  et son caractère apathique face à la gravité de la situation vont très vite faire de lui le suspect principal et l’ennemi public numéro un des médias.

De grandes attentes!

Je l’attendais avec impatience! En effet je fais partie de la génération qui a été marquée  par le cinéma de Fincher. J’ai grandi d’abord avec  Seven sorti en 1995 qui a notamment lancé la carrière de Brad Pitt puis avec le chef d’œuvre: Fight Club, sorti en 1999 qui est classé aujourd’hui 5ème meilleur film de tous les temps par IMDB, rien que ça! Ce que j’aime dans la réalisation  de Fincher comme dans celle  de Nolan d’ailleurs, c’est le ton toujours décalé, la richesse de l’intrigue et la pâte atypique que ces réalisateurs mettent dans leurs films. Ces réalisateurs mondialement connus créent ainsi ce que l’on pourrait appeler selon moi,  des « blockbusters complexes » ou qui donnent matière à réflexion. Aussi attendais-je de voir quels résultats allaient donner la  nouvelle collaboration de David Fincher avec les compositeurs Trent Reznor et Atticus Ross après le succès de the Social Network (2010). J’ai adoré Gone Girl, même si je conçois que ce film puisse surprendre au départ, on est vite transporté par la mise en scène millimétrée du réalisateur américain.

(attention le paragraphe suivant comporte des spoilers!)

un Hitchcock moderne?

Pas vraiment! Ce film annoncé comme un thriller surprend comme je l’ai dit. On est loin des thrillers à l’atmosphère glaciale, au suspense intense. On est bien loin par exemple du morbide Seven. Le génie de ce thriller ne réside pas tant dans le suspense comme dans le cinéma d’Hitchcock mais plutôt dans cette atmosphère pesante, entre le tragicomique et le vrai thriller. Certaines situations peuvent sembler absurdes dans le cadre d’un tel drame.  Par exemple, Amy a disparu, mais Nick reste apathique. Les réponses qu’il apporte aux enquêteurs font presque sourire, on rit même du manque de  finesse ou de discrétion de celui qu’on croit au départ être le meurtrier de sa femme. C’est donc la qualité des dialogues qui nous fait sourire. Les échanges  , entre la police et Nick, puis  entre les parents d’Amy et Nick , animent cette première partie du film (la première heure disons) que l’on aurait pu renommer « Looking for the amazing Amy ».  La recherche d’Amy et l’enquête qui  auraient pu être racontées de manière tragique nous font sourire, voir nous choquent pendant la première heure.      Je m’explique: les parents d’Amy vont lancer de grandes investigations sur tout le territoire national en mobilisant les fans de la saga à succès écrite par leur fille: « the Amazing Amy » mais  ils adoptent  une attitude déconcertante, en effet ils surjouent et veulent donner l’image d’un couple uni bouleversé par la disparation de leur fille et proche de leur gendre Nick. Tous les personnages semblent plus attachés à leur apparence qu’à la recherche de la disparue dans cette affaire qui va être saisie par les médias. Une scène qui illustre bien cette idée est celle du cocktail organisé par les parents d’Amy où Nick est contrait de prendre une photo avec « une groupie » qui l’avait vu passer à la télévision.  Le sur-emballement médiatique autour de cette affaire donne un aspect de plus en plus théâtral à l’enquête. On a l’impression que ce qui compte le plus pour les médias c’est « d’abattre Nick en place publique », en dévoilant sa vie privée, les erreurs qu’il a pu commettre, et en  l’accusant, bafouant du même coup la présomption d’innocence chère à la justice américaine.

Un drôle de thriller :

Pourtant malgré le caractère presque comique des dialogues ou des situations, on retrouve des codes de mise en scène propres aux thrillers. Par exemple pour créer une ambiance oppressante Fincher recourt au procédé dit du « cadre bouché ».

Exemple:

Ici l’utilisation du procédé est bien visible. Il n’y aucun point de fuite dans le décor en arrière plan du personnage. Nick est encerclé par l’image de sa femme disparue en bas à gauche,  ses beaux-parents en bas à droite le plafond en arrière plan.
La musique renforce cette atmosphère de thriller atypique. Selon moi, elle s’apparente dans les mélodies  à un mix étonnant entre une musique proche de celle de Desperate Housewives et  une plus proche de celle de  Seven

Un scénario à la fois prévisible et désarçonnant (spoiler énorme):

On comprend très vite que Nick n’a pas tué sa femme et qu’Amy a tout mis en scène pour le faire accuser bien que cela ne soit explicité qu’après un long moment. Mais ce qui devient intéressant, c’est de voir alors  à l’œuvre l’intelligence machiavélique d’Amy dans sa mise en scène puis sa réaction face à la tournure imprévisible que va prendre cette affaire. Notamment lorsque Nick qui a réussi plus ou moins à prouver son innocence et à  gagner un statut de repenti médiatique va lui demander en direct devant des millions de téléspectateurs de rentrer dans leur « nid d’amour ». Amy est prête à tout pour défendre son image de petite fille modèle malgré les atrocités qu’elle a pu commettre et pour cela elle commet des crimes encore plus grands. On a donc un crescendo d’intensité du début de la deuxième heure  à la fin du film. L’acmée  est atteinte lors de la scène du meurtre commis par Amy qui rivalise en intensité avec les plus belles scènes de Basic Instinct.

« Je ne suis pas un anarchiste, je vis entre les murs du royaume. Mais j’aime être dérangé par un film »

C’est ainsi que s’est lui même décrit David Fincher dans le GQ du mois d’Octobre dernier. Avec Gone Girl on peut dire qu’il a réussi à faire un film « qui dérange », pour sa tonalité mais aussi pour son contenu. Il est impressionnant en effet de voir la variété des thématiques traitées dans ce film.
Il y a  d’abord une critique  de la vie de couple et des liens du mariage dans nos sociétés modernes.
Ce film donne l’image d’une relation qui se détériore progressivement, une fois que « les masques sont tombés », que chaque amant découvre les défauts qui avaient été habilement cachés par l’autre.
Tout est une question de mise en scène finalement: la mise en scène du réalisateur, la mise en scène d’Amy pour faire accuser son mari, la mise en scène des parents pour donner l’image d’une famille soudée, la mise en scène de Nick pour cacher son adultère et enfin la mise en scène concoctée par l’avocat de Nick pour le tirer d’affaire. Tout le monde joue avec les apparences, pour occulter « le fond ».
Et là il est intéressant de voir que David Fincher utilise une mise en abyme qui offre un regard sur son propre travail. En effet dans sa carrière de réalisateur on lui a trop souvent reproché de privilégier la forme plutôt que le fonds…
Enfin Fincher donne l’image d’un monde où seul les apparences comptent: il faut faire « bonne figure » dans sa vie de couple, dans la tourmente, sur la scène médiatique, sur les réseaux sociaux et dans les tribunaux. Ce monde peut sembler caricatural et relever de la pure dystopie , pourtant en y réfléchissant bien il s’agirait plutôt d’une description naturaliste de notre monde actuel. Le voyeurisme des médias, leurs pratiques intrusives dans ce film ne sont pas tellement différentes de celles utilisées par certaines chaines de télévision de nos jours.
Aussi, déjà Sartre dénonçait cette société des apparences et « l’enfer des autres ». Selon lui, nous sommes en perpétuelle représentation, et la conscience que nous avons de nous même n’est que la synthèse des jugements qu’autrui a porté sur nous. En d’autres mots, nous ne nous connaissons qu’au travers du regard des autres, ce qui nous asservit en quelque sorte car pour que nous ayons une bonne image de nous même, il faut que nous soignons notre image auprès des autres avant tout.