Entretien de Jean-François Battesti

Entretien de Jean-François Battesti

Entretien de Jean-François Battesti
 Diplômé de l’ESC Toulouse en 1976 et Dirigeant Fondateur du Groupe RH PARTNERS

 

Jean François Battesti, est dirigeant fondateur du Groupe RH PARTNERS, spécialisé dans le recrutement, la gestion de carrière et les projets RH.
Je souhaite le remercier chaleureusement pour avoir accepté de se prêter au jeu des questions réponses.
La première partie de l’entretien est consacrée à son expérience en tant qu’étudiant à l’ESC Toulouse, la deuxième partie s’intéresse à sa vie professionnelle.
La vie à TBS
De quelle génération êtes-vous ?
Vous vous êtes de la génération Y, la génération Z arrive aujourd’hui, moi je suis de la génération ABC si je puis dire. C’est une génération assez traditionaliste qui a vécu les 30 glorieuses. On est né dans une période de forte croissance et quand je suis arrivé à l’ESC, c’était pour qu’on commence à nous parler du chômage, de l’inflation, de la crise du pétrole, de la crise économique.  Un monde qu’on ne connaissait pas. On m’a appris pendant 3 ans à l’ESC Toulouse à gérer la croissance et quand je suis arrivé sur le marché du travail il fallait que j’apprenne aussi à gérer la crise.
L’ESC Toulouse était-elle dans les mêmes locaux qu’aujourd’hui ?
L’ESC Toulouse était située depuis ses débuts au 32 rue de la Dalbade. Les bâtiments dans lesquels nous nous trouvions avaient servi d’hôpital au Moyen-âge avant de devenir l’hôtel Saint Jean, l’hôtel des chevaliers de Malte. C’était un monument classé historique qui était très vétuste mais très riche au niveau culturel. Aujourd’hui ils ont découvert qu’il était bâti sur un cimetière. Nous étions donc sans le savoir sur l’un des grands gisements de l’histoire.
Les promotions étaient-elles aussi importantes qu’aujourd’hui ?
Les promotions étaient de 100 personnes. Il y avait globalement une centaine d’étudiants par années plus les classes préparatoires qui étaient dans le même bâtiment mais à l’étage au-dessus.
En prépa nous étions environs 200 et quand nous avions la chance de réussir le concours nous descendions d’un étage pour nous retrouver à l’ESC Toulouse.
Comment était la prépa à l’époque ?
Moi j’ai fait ma prépa juste au-dessus de l’ESC Toulouse. A l’époque 90% des préparationnaires de ma prépa passaient uniquement le concours de l’ESC Toulouse. Il n’y avait pas 3 filières comme aujourd’hui (voie ECE, ECS ou ECT) mais une seule. Aussi les bacheliers des voies économiques et scientifiques se retrouvaient dans la même classe ce qui désavantageait les voies économiques à cause du décalage de niveau en math.
Les deux matières principales et vraiment importantes étaient les mathématiques et la philosophie. Il y avait aussi histoire-Géographie et les langues. La prépa ne durait aussi qu’un an même si nous avions le droit de redoubler.
Cela signifie que vous n’avez plus fait d’économie en prépa ?
Tout à fait.
Comment était la vie étudiant à l’ESC Toulouse ?
C’était de grandes vacances. Autant nous en avions bavé pendant la prépa autant l’ESC était la découverte d’un monde nouveau avec des exigences nouvelles. De plus nous étions devenus intelligents auprès des autres, nous étions nous disait-on les futurs cadres de la nation. On savait aussi un petit peu en jouer.
Y-avait-il comme aujourd’hui autant de femmes que d’hommes en école de commerce ?
Il n’y avait que 30% de femmes. Elles étaient sympas, il arrivait parfois qu’elles soient jolies. Quand je passe devant TBS aujourd’hui je me dis que c’est autre chose…
La vie associative était-elle aussi riche qu’aujourd’hui ?
Je ne saurai pas la comparer à aujourd’hui mais il y avait un certain nombre d’associations. Il y avait bien sûr la Corpo (l’équivalent du BDE), et puis il y avait l’AIESSEC qui était une association internationale qui avait pour but de mutualiser les échanges d’étudiants transnationaux. Nous avions pour charge de leur trouver des stages pour qu’ils puissent rester quelques temps en France et ils faisaient de même pour nous. Il faut savoir qu’à l’époque nous n’avions pas du tout cette connotation internationale qu’ont les écoles aujourd’hui. Il y avait aussi un certain nombre d’associations sportives.
Etiez-vous un étudiant studieux ?
En prépa j’étais obligé de l’être. Ensuite en école j’étais studieux juste ce qu’il fallait. Il y avait des cours qui me plaisaient comme la gestion, d’autre pas du tout comme la compta. J’ai d’ailleurs eu 4 en compta au concours de sortie. On faisait juste ce qu’il fallait.
Quels types de soirées aviez-vous ?
Les soirées officielles se passaient à l’intérieur de ce que nous appelions « La Cave ». C’était une salle au sous-sol, voutée et en brique rouge. Il y avait tout : le bar, la sono, une piste sur laquelle on dansait, des tables sur lesquelles nous jouions on tarot et autres. Ce n’était pas très grand mais très festif, très bondé et très enfumé (car nous fumions tous à ce moment-là).
La Cave était ouverte entre midi et deux. Après manger nous allions prendre un café ou une bière à la cave avant de repartir en cours à 14h.
La Cave était aussi ouverte certaines soirées. Il y avait alors de vraies boumes. Elle avait tellement bonne réputation que des étudiants d’autres filières y venaient.
J’imagine que le peu de jeunes filles à l’ESC Toulouse vous incitait à en inviter d’autres.
Il fallait bien nourrir le vivier ! Nous allions donc aux soirées d’infirmières et de droit ou nous les faisions venir à la Cave.
Vous aviez aussi alcool à volonté dans la Cave ?
Oui, il y avait des problèmes d’alcool mais il n’y avait pas de problème d’approvisionnement d’alcool.
On pouvait boire à volonté et on pouvait aussi conduire à volonté. Il nous est arrivé de conduire dans un état second. C’est quelque chose qui paraîtrait inimaginable aujourd’hui.
Aviez-vous aussi des campagnes ?
Oui, il y avait de vraies campagnes électorales, fort animées, avec les slogans, les programmes, les affiches et ensuite l’animation qu’il fallait pour convaincre le public.
Une tranche de vies des campagnes à nous partager ?
Nous étions une bande de copains, de déconneurs et nous avions décidé de nous présenter non pas pour gagner mais pour foutre le boxon et mettre la honte à tous ces coincés. Parce qu’il y avait des gens sympas mais il avait aussi des petits c*** arrogants, péteux et vraiment insupportables.
On avait un copain qui avait un coup de crayon fabuleux. Il nous a donc émaillé les campagnes de ses dessins. On passait des nuits entières dans l’école à produire nos slogans.  L’école étant fermé nous laissions les fenêtre le soir en partant et revenions la nuit en faisant le mur, mais pour rentrer dans l’école cette fois-ci. Le matin tous les étudiants voyaient nos affiches et slogans partout sans savoir d’où ça venait.
Le point d’orgue a été lorsque nous avons dû présenter notre programme dans la salle capitulaire. Une salle voutée et très élégante où se déroulait spectacles et discours. Lorsque notre tour est venu on a dit des trucs très cons avec un air très sérieux puis on a pris un tuyau d’arrosage et on a aspergé tout le monde.
Quels étaient les événements marquants de l’année outre les campagnes ?
Il y avait le bal de l’école. C’était une grande manifestation qui se déroulait une fois par an et qui au niveau toulousain était très réputée pour faire venir du beau monde. On faisait venir des artistes assez célèbres (nationaux du type Johnny), Il y avait 2000 ou 3000 personnes dans les locaux de l’ESC. C’était très chic, très prisé.
Il y avait aussi le bizutage qui était très sympathique. J’ai d’ailleurs été grand maître bizuth.
Une dernière anecdote sur l’ESC Toulouse ?
J’ai connu le premier professeur de marketing de TBS. Il faut savoir qu’à l’époque le marketing était tout nouveau pour nous et venait de débarquer tout droit des US. Notre professeur de marketing était quelqu’un de très brillant mais qui était complètement à l’ouest. Il avait une piaule à l’école et un matin il a été appelé et est descendu à l’école en pantoufle et en pyjama pas vraiment réveillé. C’était assez potache.
Pas mal d’étudiants trouvent que les cours à TBS ne leur apprennent pas beaucoup de choses qui leur seront vraiment utile dans le monde du travail. Qu’en pensez-vous ?
A votre âge je pensais exactement la même chose, mais en tant que chef d’entreprise il y a finalement eu peu de domaines qu’on m’a enseigné à cette époque-là que je n’ai pas eu à mettre en œuvre.  Dans l’entreprise et plus particulièrement dans les positions dirigeantes on a toujours des experts qui travaillent pour nous mais quand on dirige on se doit d’avoir une approche globale de l’ensemble des fonctions. Avoir étudié les différentes disciplines en détail ça aide.
Le réseau des anciens de TBS vous va-t-il été utile dans votre carrière ?
Je crois personnellement que dans la culture Sup de Co (école de commerce) il n’y a pas de vraie culture du réseau spontanée. Je n’en ai jamais usé. Ce n’était pas mon truc. On savait venir me chercher pour des services mais je n’en ai jamais demandé.
Attaquons-nous maintenant à votre parcours professionnel
Racontez-nous ce que vous avez fait au sortir de l’ESC.
J’ai fait Sup de Co pour devenir patron. Je détestais l’autorité alors je voulais être mon propre patron. Dans quel secteur je ne savais pas.
Lorsque j’ai été diplômé en 1976 j’ai fait le MIG qui est l’équivalent de la Junior Entreprise. C’était un groupe d’une dizaine de diplômés encadré par 3 profs et qui faisait pendant un an du conseil en entreprise.
Ce qui m’a plu c’est qu’on faisait encore la fête pendant 1 an tout en gagnant un peu de fric, et j’ai trouvé très sympa de commencer la vie active avec 10 copains.
Aujourd’hui Escadrille fait la même chose et il y a des stages associatifs, mais en dernière année ce stage pourrait nous paraître moins professionnalisant et donc plus risqué pour bien s’intégrer dans le marché du travail.
A l’époque en 1976 il y avait à peu près 3 propositions d’emplois par diplômé donc rien ne pressait. On pouvait donc poursuivre dans ce statut absolument délicieux qu’est le statut d’étudiant tout en gagnant du fric. Les risques étaient faibles et les avantages forts.
Et ensuite qu’avez-vous fait ?
A la sortie du MIG j’ai trouvé un boulot de consultant à Paris. L’objectif de la boîte était de me former à Paris pour ensuite m’envoyer avec un associé à Toulouse pour créer une succursale ici.
La société était spécialisée dans l’organisation industrielle et informatique des entreprises.
Et là je suis tombé exclusivement sur des centraliens, des gadzarts (étudiants des arts et métiers) et des ingénieurs informatiques. J’étais le petit de la bande qui arrivait de province avec un diplôme de commerce. Eux à quelque chose près ils ne savaient même pas ce que c’était un diplôme de commerce.
Là j’ai vécu huit mois qu’on ne vit plus aujourd’hui. J’ai été formé pendant huit mois en double commande avec un consultant senior. J’allais partout où il allait et l’épaulait dans ses tâches. En fait pendant 8 mois j’ai été en apprentissage, peu productif et bien payé.
Puis ils ont créé l’agence de Toulouse et j’y ai travaillé. J’ai alors vécu pendant 3 ans une vie de nomade sur la moitié Sud de la France où j’ai produit de manière intensive et très enrichissante des missions.
Et qu’avez-vous fait ensuite ?
Le 18 juin 1984 j’ai entendu l’appel si je puis dire et j’ai créé ma boîte de conseil en recrutement à Toulouse, dans un 2 pièces cuisine rue Bayard. Je suis parti avec mon téléphone et l’annuaire des pages jaunes et en 2 mois de prospection j’ai rempli la moitié de mon prévisionnel pour l’année. Très vite j’ai embauché une assistante et deux consultants.
2 ans plus tard, en 86, je déménageais dans de vrais bureaux du côté de Basso Cambo. J’y suis resté pendant 20 ans.
Assez rapidement j’ai été le premier franchisé à intégrer ce qui est ensuite devenu un des premiers réseaux nationaux en conseil en recrutement. A l’époque il n’y avait pas internet ni les réseaux sociaux. Tout passait par la presse. Vous ouvriez l’express, le Figaro ou le Monde et vous aviez 42 pages d’annonce. On mesurait l’audience des cabinets de recrutement à la surface des annonces qu’ils vendaient. Et nous en 92 on était le 7e annonceur national.
En 1992 moi et les autres franchises historiques avons décidé de créer notre propre, RH PARTNERS.
Nous étions des patrons régionaux sous la même enseigne bien implantés en province face aux grands cabinets parisiens.
Quelles vont être les évolutions de RH PARTNERS ?
Membre fondateur, je deviens en 2005 l’actionnaire majoritaire du groupe. Aujourd’hui, 10 ans après, je viens de revendre l’enseigne au réseau afin qu’elle soit la copropriété de tous et que la gouvernance soit collective. Ce sera aux nouvelles générations de développer le groupe.
Quels ont été les plus gros problèmes auxquels vous avez été confronté lorsque vous avez créé votre entreprise ?
Partir sans fond initiale. Comment faire en sorte que votre entreprise se développe suffisamment vite pour dégager un chiffre d’affaire suffisant pour rembourser les frais de départ ? Il faut savoir qu’à l’époque faire une levée de fond n’était pas du tout aussi facile qu’aujourd’hui.
En tant que chef d’entreprise quelle est la chose la plus gratifiante ?
J’apprécie énormément l’attachement des salariés à l’entreprise. Chacun est consciencieux et exigeant comme si l’entreprise était leur propre bébé.
Quels ont été vos motivations pour créer votre entreprise ?
J’ai créé ma boîte pour 2 raisons principales. D’une part je déteste l’autorité et j’avais envie d’être mon propre patron. D’autre part je voulais créer un espace de vie professionnel harmonieux où il puisse se passer des choses, où les gens se sentent bien.
Comment voyez-vous votre rôle de manager.
Globalement je suis le garant d’un certain nombre de choses. Les valeurs, le projet et le sens que l’on donne à celui-ci. Il y a peu d’événements où je suis interventionniste parce que d’abord ça m’ennuie profondément et ensuite les gens sont très autonomes et responsables. J’interviens seulement lorsque la ligne jaune est dépassée.
Cet espace de vie (chez RH PARTNERS) ne convient qu’aux gens autonomes. Je n’aime pas les perfusions.
Quelles sont les plus grandes différences que vous observez entre notre génération et la vôtre concernant les attentes professionnelles, la manière de travailler et le rapport à l’autorité au travail ?
Pour ma génération le rapport à l’autorité, l’engagement et la fidélité était fort. Quand on rentrait dans une boite c’était pour faire carrière. Une personne qui changeait de boite tous les 3 ans était perçue comme instable.
Aujourd’hui on est face à des générations Y (les trentenaires) qui ont un rapport à l’autorité totalement différent. Ils vont parler de l’autorité par la compétence, de l’exemplarité, de la notion d’engagement réciproque mais avec la liberté de partir dès qu’ils ne sont plus satisfaits. « Je bosse avec vous et plus si affinité ». Ils cherchent leur investissement et épanouissement au travail par rapport à des objectifs très personnels. Ils se détachent fortement de toute notion de carrière dans une seule et même entreprise. Ils n’ont aucun problème à partir quand ils ont mieux ailleurs ou tout simplement quand ils le veulent.
Ils sont plus intéressés par de vrais projets, notamment dans des structures plus petites et plus souples que les grandes boites.
En bref les jeunes sont souples, mobiles, non fidèles et intéressés par le sens des missions plutôt que par l’entreprise.
Quelles ont été les plus grands changements dans le recrutement entre le moment où vous y êtes rentré (1983) et aujourd’hui, c’est-à-dire 37 ans plus tard ?
J’ai épousé un métier qui était globalement papier crayon. C’était l’artisan, même dans les grosses boites. On est passé d’un métier d’artisan à un métier de cyber-recrutement, digitalisé (mais pas forcément impersonnel).
Il y a eu 2 grosses révolutions :
Il y eu d’abord la rupture technologique. L’apparition d’internet a permis aux entreprises de diffuser leurs propres offres et d’avoir leurs propres CV thèques. Les Job boards (Monster, Cadre emploi) sont devenus des pompes publiques de CV dans lesquelles n’importe quel quidam pouvait puiser. Finalement les réseaux sociaux ont explosé la donne verticale. Tout le monde peut désormais contacter tout le monde, y compris les recruteurs.
Le recruteur n’est plus le pape et le goulot d’étranglement auprès de qui on doit prêter allégeance. D’un monde vertical on est passé à un monde horizontal avec un maillage très complexe. Les annonces presse ont été remplacées par des big data où tous les cv sont partout et où par excès de matière on est dans une jungle de compétence qu’il faut savoir trier.
Ensuite il y a eu la venue sur le marché des Anglo-Saxon spécialisés et des entreprises de Travail Temporaire (ETT), type Hays Michael Page et Randstad. Une loi entérinée en 2005 leur a ouvert le marché des CDI.
Nous nous faisons du conseil en entreprise. On part de l’entreprise pour aller vers le candidat. On analyse le secteur, le contexte, l’organisation, les besoins spécifiques de l’entreprise et d’autres facteurs pour ensuite aller chercher dans la masse de candidats ceux qui répondent le mieux aux exigences de l’entreprise. C’est du sur-mesure, du chirurgical.
Eux Ils partent du candidat pour aller vers l’entreprise. En caricaturant à peine ils vous disent « Vous – voulez un comptable avec 3 ans d’expérience dans l’aéronautique avec des connaissances en Anglais ? », ils regardent dans leur data base, vous sortent 20 profils répondant a priori à ces critères et vous les envoie pour faire votre choix. En bref ils regardent leurs stocks et vous fournissent en conséquence.
Nous nous considérons que pour avoir de bons profils il faut d’abord avoir une bonne compréhension de l’entreprise, de sa culture, de son métier et de son environnement. Notre valeur ajoutée c’est nos consultants, la leur c’est leur data base.
Finalement quels enseignements liés à votre métier auriez-vous à nous transmettre ?
Il y a deux choses que j’ai retenu dans mon métier
D’abord il y a toujours des problèmes humains dans n’importe quelle entreprise, quel que soit sa taille, des problèmes dans l’embauche, l’organisation, les relations etc.  Ensuite il n’y a pas de métiers qui ne sont pas importants dans une entreprise. Si vous en tant que stagiaire faites du mauvais travail c’est un manque de valeur ajoutée pour l’entreprise. Si l’assistante gère mal les dossiers le cabinet se retrouve paralysé. Tous les salariés d’une entreprise sont importants et apportent leur pierre à l’édifice.
Propos recueillis par Nam Delespierre

 

La Conquête spatiale entre concurrence et coopération

La Conquête spatiale entre concurrence et coopération

 
La Conquête spatiale entre concurrence et coopération


Après la seconde Guerre Mondiale, les ingénieurs allemands, ayant conçu les fusées V2, sont récupérés par l’armée américaine et l’armée soviétique, ces deux puissances souhaitant bénéficier des avancées allemandes. Mais les Anglais et les Français ont aussi largement utilisé ces avancées pour leur propre programme nucléaire. Les USA et l’URSS les utiliseront pour fabriquer les premiers missiles intercontinentaux et des missiles nucléaires, mas aussi pour construire des fusées plus puissantes.
C’est ainsi que commence la course à l’espace entre les deux superpuissances. Les soviétiques seront d’ailleurs pendant longtemps loin devant les américains, ce qui est trop souvent oublié. En effet en 1957 pour le 40éme anniversaire de l’union, Sergueï Korolev (un grand ingénieur aéronautique et chef du programme spatial de l’URSS) réussi à mettre « sputnik 1 » et « sputnik 2 » (avec à bord la chienne « Laïka » premier animal à être allé dans l’espace) en orbite, alors qu’à cette période les américains échouent à lancer leur premier satellite. Seulement quatre ans plus tard, le 12 avril 1961, Youri Gagarine sera le premier homme à aller dans l’espace, cet exploit est salué par la presse du monde entier et consacre l’avance de l’URSS dans la course à l’espace. Légèrement agacés par leur retard et surtout par la réussite très médiatisée de leurs ennemi du moment les américains prévoient de frapper un grand coup en envoyant le premier homme sur la lune, ce qu’ils feront en 1969 avec Neil Armstrong et Buzz Aldrin.
On l’aura compris la course à l’espace est depuis longtemps une histoire de prestige pour montrer au monde et surtout à son ennemi son avance technologique, elle est donc au centre d’une bataille acharnée entre les Etats-Unis et l’URSS.
Pourtant en 1975 lors d’une période de détente, pour la première fois une navette Soyouz s’amarre à une navette Apollo. Un geste de détente fort, symbole de cette période de réchauffement pendant la guerre froide, mais qui n’ira pas vraiment plus loin qu’une simple rencontre entre les astronautes des deux pays. Ce n’est qu’après la chute de l’URSS en 1991 que la coopération va plus loin, les Etats Unis cherchent des partenaires pour construire une station spatiale alors que la Russie, qui connait de grandes difficultés financières, a besoin d’aide pour financer son programme. L’ISS, la station spatiale internationale, dont la construction a commencé en 1998, est la consécration de la coopération internationale dans le domaine spatial (elle regroupe outre Les Etats-Unis et la Russie, l’Europe, le Canada et le Japon, et a depuis accueilli des astronautes de 36 nationalités différentes).
Bien qu’il existe une coopération internationale, l’espace a été depuis que les pays ont envisager la possibilité d’y aller et pendant toute la guerre froide, un théâtre de tensions. Qu’en est-il aujourd’hui?
Actuellement, les différentes agences spatiales mondiales semblent recommencer à se faire concurrence.
Russes et Chinois ont des ambitions spatiales très prononcées, et pas des moindres. Les Russes forts de leur expérience acquise lors de la guerre froide veulent assembler leur propre station spatiale dès 2024, qui pourra servir de point de départ aux vaisseaux de missions de colonisations futures. Cependant bien que réalisable sur le plan technique, ce projet l’est nettement moins sur le plan financier. L’agence spatiale russe (de son vrai nom Roscosmos), a un financement assez limité, son budget en 2012 était de 5 milliards d’euros, ce qui parait bien peu face aux 17 milliards d’euros de la NASA. Alors quand on sait que la NASA a eu besoin d’aide pour l’ISS on s’imagine mal une station construite uniquement pas Roscosmos. D’autant plus que dans un contexte de sanctions occidentales et de contre-sanctions de sa part, la Russie connait des difficultés économiques (une contraction du PIB de 3.73% en 2015). Une augmentation du budget de l’agence spatiale qui serait nécessaire à la réalisation de son ambition ne semble donc pas à l’ordre du jour, ni à celui de demain…
La Chine, quant à elle, a un programme pour préparer l’arrivée d’astronautes chinois sur la lune en 2025-2030 pour à terme exploiter les ressources du sous-sol lunaire, ambition réalisable avec la technologie actuelle et qui parait être une ambition « naturelle » de la Chine compte tenu de ces besoins croissant en matières premières. Cependant les coûts sont tels que pour le moment que ce ne serait pas rentable. Mais à l’horizon 2025 ce pourrait être possible grâce à l’essor considérables des sociétés privées.
 les Etats-Unis qui sont toujours dans la course et semble avoir délaissé la Lune pour Mars.Ils seront, quand même, amenés à retourner sur notre satellite pour tester de nouveaux matériels car les technologies actuelles rendent les voyages vers Mars difficiles et les conséquences sur la santé des astronautes sont encore mal connues ,une étude de l’université d’Irvine en Californie montre que les rayons cosmiques pourraient avoir des dommages à long terme sur le cerveau des astronautes.
Quant est il de l’europe et des autres pays? l’ESA a certes réussi à faire atterrir la sonde Rosetta sur un astéroïde, mais elle n’a pour le moment aucune ambition de conquête spatiale à proprement parler (d’ailleurs seulement 9,3% de son budget sert pour des missions habitées contre 40% pour la NASA). Cette agence est plutôt tournée vers l’observation de la terre grâce aux satellites grâce aux programmes Copernicus et sentinels et à la recherche (20% du budget). C’est pourquoi cet article ne traitera pas de l’ESA malgré son importance évidente. Il y a d’autres agences que l’on pourrait citer qui sont dans ce cas comme l’Organisation Indienne pour la Recherche Spatiale, qui a réussi à mettre en orbite une sonde autour de Mars, mais ces agences sont loin d’avoir suffisamment de moyens pour envisager des projets de taille comparable à celle de la NASA ou Roscosmos.
Nous le voyons les différentes agences nationales ont des objectifs qui n’impliquent pas de partenaires, ces objectifs sont mêmes conçus sans aucun partenaire car les pays (et pas seulement les agences) se font concurrences et les agences spatiales ont de fait des agendas définis par les politiques de leur gouvernement, ce qui n’invite pas à la coopération. Mais il est un problème qui revient régulièrement pour toutes, le financement.
En effet, le coût d’une mission est exorbitant (et c’est peu de le dire, la mission Rosetta de l’ESA a coûté 1.4 milliards d’euros à l’ESA, imaginez le coût d’une colonisation. Ces coûts réduisent donc la marge de manœuvre des pays et de leurs agences spatiales et les poussent à rester en contact, quelle que soit la situation politique, au sein de l’ISECG (International Space Exploration Coordination Group) où 14 agences mènent des travaux de réflexions collectives. L’ISECG défini ces travaux comme étant une « coopération internationale en matière d’exploration humaine et robotique de notre système solaire » ce qui veut simplement dire échange de savoir. Cette coopération reste donc très limitée car l’ISECG n’a pas les moyens de définir ses propres missions, en fait l’ISECG n’est même pas une agence spatiale.
En plus des contraintes économiques, les agences nationales sont souvent assignées à l’envoi et au maintien de satellites (d’écoute et d’observation) destinés à la défense. C’est le cas pour Roscosmos, l’agence spatiale française, chinoise et d’autres (israélienne, iranienne, coréenne…).
Du fait de ces contraintes et de ce manque de coopération, il est très probable que des entreprises privées jouent un rôle de plus en plus important. En effet les acteurs privés même peu nombreux ne sont pas en reste. De nombreuses innovations leur sont dues, on pourra citer la technologie du falcon 9 de Space X qui est la première fusée à avoir atterri, (le 21 décembre 2015) et qui est donc réutilisable, ce qui va permettre de réduire les coûts de construction des vaisseaux.Il faut aussi ajouter à cela les innovations en cours de développement: Boeing est en train de construire une capsule habitée qui pourra être utilisée dès 2018, Bigelow Aerospace développe une station spatiale composée de modules habitables gonflables appelés BEAM (Bigelow Expandable Activity Module). D’autre part Space X a déjà assuré 8 ravitaillements de l’ISS.Il est donc probable qu’au vu de la progression très rapide du secteur privé (Space X existe depuis 2002 et Bigelow Aerospace depuis 1999) ce dernier assurera dans un futur assez proche les missions en orbite basse (ravitaillement, transport pour l’ISS…) pendant que les agences spatiales s’occuperont de repousser les limites de l’univers (ou du moins celles de l’homme). Mais les entreprises spatiales ne semblent pas vouloir s’arrêter là, Space X a déjà comme ambition une mission de colonisation de Mars à l’horizon 2025.
Il semble donc, que l’espace soit un terrain peu propice à une coopération internationale poussée qui permettrait sans doute des avancées plus rapides et plus importantes. Cependant l’émergence du secteur privé et d’une coopération publique/privé est une aubaine pour les états car cela permettra à leurs agences de rediriger leurs moyens vers des missions plus compliquées et coûteuses que celles en orbite basse mais aussi d’éviter que s’organise une coopération plus poussée.
Marc FOUQUET

 

Le cinéma numérique : ça tourne !

Le cinéma numérique : ça tourne !

Le cinéma hollywoodien pour pouvoir sans cesse rentabiliser ses films au budget croissant a voulu mettre en avant sa recherche et ses avancées technologiques. Depuis une dizaine d’années la 3D a voulu percer dans le milieu avec en tête d’affiche Avatar de James Cameron. L’avancée technologique du cinéma rend beaucoup d’amateurs nostalgiques de la vieille époque où l’ordinateur n’intervenait pas dans le cinéma. En effet, Depuis cinq ans, le cinéma est passé à l’ère numérique, toutes les étapes de la production d’un film sont affectées. A l’inverse le fait de tourner de façon traditionnelle, en argentique, commence à devenir un argument commercial comme avec les 8 Salopards de Quentin Tarantino. Ainsi aujourd’hui nous allons parler de la révolution invisible du 7ème art, celle du passage de l’argentique au numérique.

Techniquement, comment on fait un film et quelle est la différence entre l’argentique et le numérique ?

D’abord il convient de rappeler qu’un film est une séquence d’images projetées à 24 images par seconde  La différence entre les deux méthodes est soit durant la prise de vue, soit lors de la projection.
Pour commencer une caméra traditionnelle utilisant la technologie argentique dispose d’une pellicule qui défile à la verticale, au passage derrière l’objectif, ses composés chimiques (halogénure d’argent) réagissent à la lumière, pour obtenir ensuite une image traitable, il faut le plonger dans du révélateur, c’est le développement.
Ensuite les images sont montées puis traitées. Ensuite il faut tirer le film, c’est-à-dire à partir du film monté original faire des copies envoyées dans les cinémas. Le projecteur lui s’occupe de faire défiler le film mécaniquement devant une lampe. Il s’agit du fonctionnement théorique, en réalité, à l’heure des effets spéciaux et des techniques de montages sur PC, uniquement la prise de vue se fait avec un film qui est par la suite numérisé, monté sur ordinateur, les copies sont aujourd’hui aussi en numérique sur des disques durs.
 Il existe beaucoup de type de pellicule, la plus courante et encore aujourd’hui beaucoup utilisée est la pellicule 35mm inventé par Edisson à la fin du XIXème siècle, elle offre une grande qualité et un cout bas (75€ la minute de tournage). Néanmoins, d’autres pellicules sont utilisées, la deuxième la plus utilisées est la pellicule iMax.
Schéma du film 35mm appelé le « format académique »
 
A l’inverse, une caméra numérique remplace la pellicule par un capteur photosensible muni de millions de photosites, les photosites sont par groupe de 4 pour former le pixel (1 photosite pour le rouge, un pour le bleu et deux pour le vert). Les pixels, eux vont former ensemble une image. La caméra prend alors 24 « photos numériques» par seconde.
Les fichiers sont alors enregistrés généralement directement sur des disques durs reliés à la caméra ou sur des cartes internes. Elles sont ensuite transférées sur ordinateur pour le montage. Le film, une fois fini, est distribué sous forme de disque durs (dits « DCP »). Comme pour le nombre de type de pellicule disponible, il y a plusieurs tailles de capteur (Attention, un capteur plus grand ne veut pas dire qu’il y a plus de pixels) le plus courant est le capteur Super35 de la même taille que l’image du film 35mm. Il existe aussi plusieurs définitions que peuvent enregistrer les caméras, elles vont du 2K (2048 x 1080 pixels) au 8k, la norme la plus courante au cinéma maintenant étant le 4K (4096 x 2160 pixels). La projection dans les cinémas ne se fait qu’en 2K généralement, le 4K est en cours d’installation.
ARRI, autrefois producteur de caméra argentique s’est mise sur la vague pour ne pas se faire distancer par les marques comme RED.
 
 

Pourquoi être passé au cinéma numérique ? 

 
Le travail numérique au cinéma remonte aux années 1970, il avait pour but d’utiliser l’outil informatique afin de créer des effets spéciaux. La première fois qu’il est exploité avec Mondwest de Michael Crichton en 1973 avec 10 secondes, le rendu pour cet effet qui parait simple aujourd’hui a pris 8h par seconde !
A 1’09 le premier effet généré par un ordinateur.
A partir de ce film, utiliser des ordinateurs et des logiciels devient possible. On retiendra surtout Star Wars IV : un nouvel espoir de George Lucas, les effets numériques sont beaucoup plus nombreux et utilisé (Bien sur les effets spéciaux classiques restent présents), Tron en 1982 continue sur cette lancée. Au fur et à mesure des années, les techniques s’améliorent, les ordinateurs deviennent plus puissants et s’intègrent de plus en plus dans la production cinématographique et peut même devenir l’outil principal comme avec Toy Story, le premier long métrage d’animation. Mais à cette époque la prise de vue (hors animation) et la projection étaient toujours en format classique argentique.
C’est encore George Lucas qui va beaucoup agir pour le basculement du cinéma au numérique « puisque le cinéma numérique est inévitable, autant y passer le plus vite possible » Et c’est chose faite en 1999 avec la première projection en numérique depuis un disque dur et non un film avec Star Wars I : La menace fantôme, l’homme va ensuite faire pression sur le milieu pour convertir le cinéma que ça soit au niveau de la prise de vue ou au niveau de la projection, les technologies s’améliorant au fil du temps. Ce n’est qu’à partir des années 2010 que les cinémas remplacent un à un les projecteurs.
Les avantages du cinéma numérique sont nombreux, d’une part les caméras sont plus légères, n’utilisent pas de consommables (la pellicule) et les rushs produits sont visibles sur ordinateurs (avant il fallait les trier et les marquer des petites salles de projections) le travail de production est donc facilité (que ça soit le montage ou les effets spéciaux). Ainsi le numérique a vraiment donné beaucoup de possibilité supplémentaires tout en permettant de réduire les couts de productions au point que toutes les productions à faible et à moyen budget se font avec des prises de vue uniquement numériques. Même les grosses productions ont pour la plupart abandonné l’argentique.
Tournage de The revenant, une grosse production filmée grâce à la RED
 
La distribution du film est beaucoup moins couteuse, un long métrage tiré en film comporte environ 3 bobines de 1000€ chacune alors qu’une copie numérique coûte 200 €, mais aussi beaucoup plus rapide et facile, il est aisé de donner des disques durs à tout le monde (les cinémas se font même maintenant transférer le film directement depuis l’Internet) alors que les copies argentiques se passait d’un cinéma à un autre, sont compliquées à manipuler et s’usent rapidement à l’usage. En revanche les projecteurs numériques sont beaucoup plus chers environ 80 000€ par projecteur (multipliez cela par le nombre de salle !) et sont peu réparable contrairement aux projecteurs classiques coutant 15000€ pour les dernières versions et se réparant facilement vu qu’il s’agit de pièces mécaniques et non de circuits imprimés.
Le numérique n’a pas encore réussi à dépasser les prises de vue traditionnelle au niveau de la qualité. On ne peut pas parler de pixels pour un film (vu que ce sont les molécules d’argent qui réagissent). Néanmoins on peut parler d’équivalence, la pellicule 35mm est à peu près équivalente à du 6k, (ce qui correspond à la moyenne de prise de vue aujourd’hui, la diffusion n’étant qu’en 4k maximum) et la pellicule IMAX (J’y viens après) et équivalente au 12k, ce que aucun format numérique ne peut prendre en charge. La durée de conservation des films est par contre plus à l’avantage de l’argentique : 100 ans dans de bonnes conditions alors qu’on ne sait pas au bout de quelles durées les données numériques se dégradent.

L’argentique a t’il encore de l’avenir ?

Comme dit précédemment, l’argentique est un véritable gage de qualité d’image, même si aujourd’hui la pellicule est numérisée et le travail est fait sur ordinateur. La prise de vue traditionnelle est encore beaucoup appréciée également pour ses couleurs, son grain (l’image numérique est définie comme trop propre et parfois et non sans mauvaise foi un peu impersonnelle). Ainsi des réalisateurs aiment bien revenir dessus, comme Quentin Tarantino qui est fan de ce cinéma et a même utilisé la pellicule 70mm Panavision, inutilisée depuis les années 60 pour produire Les huit salopards. Cette utilisation est même devenue, comme le IMAX, un argument commercial de choix : un western tourné comme autrefois ! Et même si le film a peu été distribué sur bande Panavision (seuls 6 cinémas en France en ont profité) et que presque tout le monde l’a vu en projection numérique, l’argument a fait mouche.
Tournage des huit Salopards avec une caméra Panavision
 
 
L’argentique a aussi réussi à s’adapter à la venue du numérique en utilisant de plus en plus  la pellicule dite IMAX (pour Image Maximum), il s’agit d’une pellicule 70mm mais qui défile à l’horizontale au lieu de la verticale pour avoir l’image la plus grande possible. Bien que cette technologie datant des années 1970 soit restée un moment confidentielle, elle est revenue en grande pompe dans les années 2000 et 2010 ayant été notamment utilisée pour les films Harry Potter, Transformers ou encore James Bond Spectre. Elle reste néanmoins extrêmement couteuse (4000€ par minute d’utilisation et des caméras extrêmement cher à acheter) et peu de cinémas disposent de salles dotés de projecteurs IMAX (très cher et compliqué à mettre en place) : 4 en France seulement, ainsi seulement les productions à très gros budget peuvent se permettre ce luxe. Ainsi la plupart du temps la pellicule est convertie en image numérique pour la distribution mais la diffusion numérique ne permet pas encore de restituer la qualité apportée par la pellicule.
Différence entre le format académique et le format IMAX

Conclusion

Bien qu’ayant pris beaucoup de temps à s’implanter, le numérique a parfaitement intégré le cinéma dans toutes les étapes de production, du tournage à la projection. Au tel point que la technologie argentique ne peut plus survivre que sur la prise de vue. Les caméras traditionnelles, qui perdent du terrain, essayent de mettre en avant leur côté authentique et de meilleure qualité et même de s’améliorer grâce à la technologie IMAX mais indéniablement, l’amélioration des formats vidéo ainsi que de la puissance des ordinateurs auront raison des technologies traditionnelles au grand dam de nombreux cinéphiles.
 
Malgré tout, la qualité d’un film n’est pas dépendante du moyen de tournage, aujourd’hui, tourner en argentique revient à faire un choix artistique qui doit servir le long-métrage et ne doit pas devenir un simple argument commercial, ce que n’a pas réussi à faire la 3D.
Pour en savoir plus

Damien Dezeque
 
 
“En Marche” d’Emmanuel Macron, l’outil d’une ambition présidentielle?

“En Marche” d’Emmanuel Macron, l’outil d’une ambition présidentielle?

Mercredi 06 avril au soir, Emmanuel Macron a lancé un mouvement politique à ses initiales : « En Marche ». Depuis Amiens, sa ville natale, le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique a présenté son projet devant quelques 200 personnes, sans même inviter les journalistes. Surprenant, quand on sait que l’évènement a été largement repris depuis dans les médias, avec comme point d’orgue le passage du ministre au journal télévisé de France 2 ce dimanche. D’après l’intéressé, le mouvement compterait d’ores et déjà 13 000 membres à cette date, et enregistrerait un nouvel adhérent toutes les 30 secondes – soit près de 3000 nouveaux adhérents par jour.
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Conclusion du teaser faisant la promotion du mouvement

Un mouvement hors du clivage gauche/ droite ?

« C’est un mouvement politique qui ne sera pas à droite, qui ne sera pas à gauche » a affirmé le ministre, qui soutient vouloir « refonder par le bas, de manière authentique » le lien entre les Français et la politique. Ainsi, le mouvement est ouvert à tous, aux adhérents du Parti Socialiste comme aux adhérents des Républicains.
Le teaser du mouvement annonce vouloir remédier aux « blocages économiques qui font que l’ascenseur social est en panne ». En fait, le mouvement se veut être le prolongement de la vision politique d’Emmanuel Macron, résolument libérale, et ce à tout point de vue. C’est en effet à partir de la notion de liberté, « primat essentiel » selon lui, qu’il formalise ses idées politiques. L’idée de liberté se décline ainsi sur le plan économique sous la forme d’un libéralisme assumé, tout en s’accompagnant de politiques en faveur de l’égalité des chances. En ce sens, le mouvement réunit bien deux approches qui appartiennent l’une à la droite, l’autre à la gauche. On notera que cette approche rappelle à de nombreux égards la position adoptée par Justin Trudeau, l’actuel Premier ministre canadien.
Ainsi, s’il se dit bien « être de gauche, venir de la gauche », Emmanuel Macron entend se donner les moyens de travailler avec des gens de droite, de « rassembler les bonnes volontés de droite et de gauche, […] de créer une dynamique pour que les progressistes puissent se retrouver ». Les réactions à l’annonce de la création du mouvement sont à ce titre révélatrices, puisque François Hollande ou Najat Vallau-Belkacem ont salué le projet, quand Jean-Pierre Raffarin ou Pierre Gattaz faisaient de même.

 

La finalité du mouvement en question

Ce positionnement qui prétend s’affranchir d’une distinction nette entre droite et gauche – à l’heure où 45% des Français disent ne plus en tenir compte – ne prépare vraisemblablement pas un éventuel gouvernement de coalition. Rappelons que cette configuration de coalition n’a eu lieu qu’en de très rares occasions : en 1926 avec l’Union nationale de Poincaré, puis dans le cadre du Gouvernement provisoire du général de Gaulle (quand bien même « lors de moments de crise, ce type de coalition a bien fonctionné », ainsi que le rappelle Jean Garrigues, professeur d’Histoire à Sciences Po Paris).
Aussi, si la possibilité de formation d’un gouvernement de coalition semble tout à fait lointaine, à quelle échéance la création du mouvement a-t-elle l’intention de répondre ? A partir des nombreux commentaires portant sur ce sujet, deux hypothèses se dessinent. En premier lieu, on soupçonne bien sûr le mouvement d’être une rampe de lancement pour l’élection présidentielle de 2022. Emmanuel Macron n’ayant jusque-là jamais été élu, n’étant pas même adhérent du Parti Socialiste, l’initiative semble d’abord être le signe manifeste que le ministre s’assume désormais comme un homme politique à part entière, et non plus seulement comme un haut-fonctionnaire de renom.
D’autres voient dans ce mouvement une manière pour le ministre de jouer les rabatteurs pour François Hollande, en allant chercher des électeurs au centre tout en sachant que François Hollande tentera vraisemblablement de se positionner en point d’équilibre de la gauche. Emmanuel Macron s’en défend, sans avoir les moyens d’en faire la démonstration. Après analyse, on devine bien sûr que les deux hypothèses présentées ici ne sont pas exclusives l’une de l’autre, et que dans son intention l’initiative joue très certainement sur les deux tableaux.
Concernant la seule ambition présidentielle du ministre, celui-ci affirme ne pas en faire une question centrale, rebuté qu’il serait par l’ « efflorescence de candidats » qu’on constate en cette période de primaires. Difficile de lui donner tort sur ce point. Et de poursuivre : « Ça n’est pas une aventure solitaire. Je ne suis pas obsédé par la comédie humaine, où la vie des gens ne devient qu’un décor. […] Le plus important c’est d’essayer de faire œuvre utile pour le pays ». On ne demande qu’à y croire.
 Sylvain

2007, c’est avant 2016 ou après ? Réponses de 4 économistes français à une question de niveau CE1

           Posez la question « 2007 vient-il avant ou après 2016 ? » à un CE1 puis à un économiste et vous obtiendrez probablement deux réponses différentes. Le môme débutant, qui répondra correctement, prendra le meilleur sur l’adulte expert, qui se plantera lamentablement. Oui mais voilà, comme l’a dit Philippe Néricault en 1732, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». Tentons alors de voir en quoi l’économiste pourrait ne pas avoir (complétement) tort, en répondant autre chose que le brillant élève de primaire. Pour ce faire, il s’agira d’examiner quatre points de vue, tous d’économistes français -dont celui d’une femme, concernant la politique monétaire menée ces derniers temps et les liens entre 2007 et la période actuelle. Résolument critiques et extrêmement pessimistes, ces positions font néanmoins relativement l’unanimité en France et en Europe. Beaucoup d’éléments de réponses se rejoignent, d’autres se complètent. C’est sûrement signe que la question de niveau CE1 n’était pas si compliquée que cela… Plus précisément, si Jean-Marc Daniel, en tant que professeur associé à l’ESCP, a trouvé la bonne réponse, d’autres, comme Philippe Dessertine ou Nathalie Janson, ont échoué. Enfin, Patrick Artus a quant à lui préféré répondre à une question qui ne lui était pas posée. Tour d’horizon, entre critiques acerbes et solutions radicales, énoncées dans les médias ou lors de conférences.

 2007, c’est avant 2016. Ou pourquoi des politiques efficaces en 2007 ne peuvent plus l’être en 2016 (Jean-Marc Daniel : l’ubérisation de l’économie comme prémisse de la fin des banques centrales)

Les économistes ne savent plus où ils (en) sont : le chaos s’installe dans les esprits des experts parce qu’ils sont incapables de comprendre le nouveau monde. Ce nouveau monde ? En un mot -et pour faire plaisir à Emmanuel Macron : ubérisé. La concurrence renforcée et la hausse de la part de l’emploi indépendant depuis 2008 rendent les pays développés tendanciellement déflationnistes. La génération « zéro inflation » a vu le jour. Mais elle est arrivée au monde un peu trop tôt, à en croire le manque de réactivité de la BCE. En effet, elle continue d’injecter des liquidités pour espérer tirer l’inflation vers le haut (et si possible vers 2%, objectif dans la zone euro). Résultat : une inflation toujours plus modérée, passée parfois en territoire négatif ces derniers temps.
Comme beaucoup de ses collègues, Daniel considère la société des années 60/70 comme celle d’un « capitalisme monopoliste d’Etat ». Epoque où la société connaissait l’inflation qui a vu naître les banques centrales indépendantes, pour limiter la hausse des prix. Mais la société ultra concurrentielle d’aujourd’hui ne rentre pas dans ce cadre théorique : la baisse du salariat rend le lien inflation-salaires obsolète, et avec lui toutes les politiques monétaires traditionnelles.
Reconnaissant l’action légitime et efficace des banques centrales en 2007 et 2008 lors de la crise de liquidités des subprimes, Daniel endosse paradoxalement une posture radicale quand il s’agit d’examiner les solutions à la crise actuelle. En effet, il n’évoque jamais la suppression du mandat de la BCE lié à l’inflation. Il lui préfère cette position, très critiquée : la suppression des banques centrales, vu comme d’uniques coffres forts et jugés inutiles pour les raisons évoquées plus haut.

 2007, c’est pendant 2016. Ou pourquoi la prochaine crise est celle que nous connaissons actuellement (Philippe Dessertine : changement de monde, crise permanente)

             Si Dessertine est également très critique vis-à-vis de l’action menée par la BCE, il s’attache plus que les autres à démontrer que la tâche n’est pas aisée. Parlant d’ « événements historiques extraordinaires » d’un point de vue économique (taux négatifs, interrogations sur la courbe de Phillips avec une inflation très faible pendant que la croissance repart, flux commerciaux au niveau mondial qui diminuent), il insiste sur le fait que le paradigme a changé. L’émergence d’une nouvelle économie, la création de richesses qui ne se fait plus seulement dans les pays développés, la moyennisation de la société chinoise et une potentielle guerre des monnaies à venir sont autant d’éléments qui participent à l’élaboration nécessaire d’un nouveau cadre de réflexion, selon lui.
             D’après Dessertine, l’économie mondiale, en perpétuelle reconfiguration, n’en reste pas moins figée dans un état de crise permanente. Du fait d’un système artificiel qui repose sur des liquidités ne profitant nullement à l’économie réelle injectées par la BCE, « on est et on sera toujours en crise ». Selon l’économiste, les grandes fluctuations sur le marché financier sont des relents de la crise de 2007/2008. Citant Michel Aglietta, Dessertine expose ainsi « la fin d’un certain régime d’accumulation » et le début d’un autre, qui ne touche pas l’économie mais seulement les banques. L’injection de liquidités est donc un vecteur utilisé avec les banques, créant de la suractivité financière. Tandis que l’économie réelle n’a pas accès à ces liquidités, des fusions-acquisitions s’effectuent, ne créant aucune valeur ajoutée réelle. Les bulles, elles, se créent plus rapidement que les emplois.
 2016, c’est pendant 2007. Ou pourquoi il faut se rappeler de 2007 pour espérer terminer 2016 (Nathalie Janson : pervesrité de la politique monétaire, effets Cantillon et Bretton Woods)
            En plus d’être inefficace, la politique monétaire peut être perverse : elle a un effet sur le  marché obligataire et provoque une distorsion des prix. Ce phénomène se rapproche des « effets Cantillon ». Ces effets montrent que les rachats d’actifs profitent aux agents économiques étant les plus proches de l’agent ayant injecté les liquidités. En effet, ce sont bel et bien les investisseurs qui bénéficient de la hausse du prix des actifs (ici, les obligations souveraines massivement achetées par la banque centrale). Le but recherché qu’est la baisse du taux d’intérêt s’effectue lui automatiquement. Or, ce taux est essentiel dans le calcul de la rentabilité des projets d’investissement. La baisse du taux d’intérêt fait bien sûr augmenter leur rentabilité. La politique monétaire permet donc à des projets d’être entrepris. L’action de la banque centrale a donc pour effet d’allonger la structure de production alors même que l’épargne nécessaire pour soutenir cet allongement de la structure de production n’existe pas. Se pose donc un problème de soutenabilité de financement de ces projets.
N. Janson s’interroge aussi sur la durée des politiques monétaires non conventionnelles et de leurs conditions de sortie. Si Bretton Woods (et le système de l’étalon-or qui l’accompagnait) permettait de conserver une sécurité, aujourd’hui, les banques centrales peuvent injecter autant de liquidités qu’elles le souhaitent. Dans ce cas, à quand la fin des liquidités à tout-va ? Nul ne le sait. Pire, les banques centrales sont tellement dans l’incertitude du fait du caractère inédit de ce qui se produit actuellement qu’elles ont tout intérêt à ne pas stopper ce type de politiques.
              En guise de solutions proposées, N. Janson préfère revenir sur un aspect clé de la crise de 2007/2008, et appelle à garder en mémoire ce point lors de la prochaine crise : il était temps de mettre les banques face à leurs responsabilités. Actuellement, avec le système du too big to fail, les banques sont incitées à devenir de plus en plus grosses. Il faudrait rompre le système et ainsi remettre la responsabilité au cœur des activités bancaires. L’effet pervers d’une banque centrale étant qu’elle détermine les actions des banques (et aussi celles de second rang qui font toutes la même chose ensuite), l’irresponsabilité semble avoir pris le dessus.
 2016, c’est autre chose qu’après 2007. Ou pourquoi la crise de 2007 n’était qu’un détail de l’Histoire (Patrick Artus : la politique monétaire expansionniste et ses conséquences en termes de bulles)
            Se fondant sur les derniers chiffres concernant l’inflation (très modérée, voire négative dans la zone euro ces dernières années), P. Artus critique le cadre théorique des politiques monétaires, afin de montrer qu’elles ne parviennent pas à atteindre leur objectif. Au lieu de financer l’économie réelle, les politiques conduisent à des bulles financières, elles-mêmes rendant inévitable une nouvelle crise mondiale, qu’il projette comme bien plus importante que celles de 1929 ou 2007.
             Il explique son raisonnement en s’appuyant sur une réalité financière actuelle. Un des grands objectifs d’une politique monétaire expansionniste est le suivant : la détention d’actifs risqués par les banques (et plus globalement l’ensemble des investisseurs). Cette opération doit en théorie conduire à un meilleur financement des entreprises, et ce notamment dans une période de faible croissance. Oui mais voilà, l’effet escompté n’a jamais eu lieu : la création monétaire supplémentaire a uniquement créé une volatilité importante au niveau des marchés financiers (plus les flux de capitaux sont importants, plus les actifs sont volatils). La volatilité des actifs décourageant certains investisseurs, ces derniers se dirigent au final vers des produits financiers sans risque : de fait, les entreprises qui devaient être aidées par la politique monétaire expansionniste ne le sont nullement, et les entreprises en capacité de financement le deviennent encore davantage, agrandissant le fossé entre sociétés dynamiques et entreprises dans le dur.

 

             Les banques centrales créent donc uniquement de la volatilité, ce qui provoque le développement d’une bulle obligataire (le prix des obligations devient trop élevé et déconnecté des fondamentaux). Plus la bulle est grosse, plus elle fait de dégâts lorsqu’elle éclate : toutes les liquidités injectées par les banques centrales font craindre le pire à P. Artus.