Le spectacle de ta vie

Le spectacle de ta vie

En effet, tu as pu retrouver cet article sur Facebook. Et oui bravo à toi, tu te sers des réseaux sociaux comme personne. Les réseaux sociaux sont absolument partout aujourd’hui. Et il t’est totalement impossible de t’en passer. C’est bien trop dur pour toi et pour tous les autres Suiveurs, Abonnés, Instragrameurs, Snapchateurs ou encore d’autres néologismes plus gerbant les uns que les autres. Tu viens peut-être de poster ta dernière photo sur Insta sans même songer à pourquoi tu as fait cela. C’est le problème de beaucoup de jeunes d’aujourd’hui, il leur est devenu impossible de répondre à la question suivante : « Pourquoi t’affiches-tu sur les réseaux sociaux ? ». Lorsque cette question leur est posée, ils se sentent totalement désemparés. Il est tout naturel de se sentir désorienter à l’écoute de cette question, car l’habitude et la routine sont très peu souvent expliquées et réfléchies par nous-même. Tout comme un réflexe pavlovien, le bon chien vient manger dans sa gamelle à l’écoute de la cloche, tandis que toi tu vas avoir le réflexe de « snaper » ta soirée au lieu d’en profiter. La différence n’est pas grande entre le canidé et l’Instagrameur. Néanmoins, je suis certain ou tout du moins j’ose l’espérer qu’au fond de chacun de vous, il y ait une prise de conscience sur l’utilisation des réseaux sociaux dans notre quotidien. Nous allons alors essayer de comprendre pourquoi.

Ce juteux Digital Report de 2021 publiée par Hootsuite et We Are Social nous affirme qu’il y aurait 4,2 milliards d’utilisateurs actifs de réseaux sociaux avec une moyenne d’utilisation de 2h25 par jour. Ce chiffre totalement démesuré montre bien la suprématie des réseaux sociaux sur notre esprit putride. Outre la démesure de ce chiffre, le problème réside dans les deux utilisations les plus courantes des réseaux sociaux. La première est bien sûre une utilisation privée et personnelle de ces plateformes. Mais la deuxième utilisation est bien souvent due à des besoins professionnels. Malheureusement même dans le travail ces objets de communication peuvent nous rattraper. Il est alors quasiment impossible pour une personne aujourd’hui de ne pas utiliser les réseaux sociaux. J’imagine que tout le monde à son petit LinkedIn, dans le monde du travail d’aujourd’hui et notamment pour le tertiaire ce genre d’outil est presque vital pour pouvoir réussir dans la vie professionnelle. Créer son propre réseau devient la principale motivation d’en utiliser, oui il devient très important d’entretenir ses jolis contacts. Du reste, l’utilisation privée des réseaux sociaux est très forte chez les 16-25 ans, 81% des 16-25 ans utilisent Instagram selon le Hellowork. Oui tu fais très certainement parti de ce pourcentage d’utilisateur, cela peut te mener à une prise de conscience sur ta surutilisation des réseaux sociaux ? Ou alors tu as la simple satisfaction d’être dans la majorité et de ne pas te sentir exclu ? C’est cette tranche d’âge qui est la plus touchée par ce virus. Il faudrait alors pouvoir expliquer pourquoi ces jeunes gens sont si addictes de futilités et de représentations sociales.

Les réseaux sociaux d’aujourd’hui sont réfléchis pour être les plus addictifs possibles. Il suffit de voir l’explosion des formats courts sur toutes les plateformes : les stories pour snapchat, Shorts pour Youtube ou encore les courtes vidéos TikTok. Ces médias tentent de maintenir le consommateur devant son écran le plus longtemps possible. Cela va s’en rappeler la sinistre phrase du président et directeur général du groupe TF1 entre 1988 et 2008, Patrick Le Lay : « Ce que nous vendons à Coca-Cola c’est du temps de cerveau disponible. ». Lorsque que tu regardes tes influenceurs préférés, tu n’es en réalité que du cerveau disponible, n’imagine pas être mieux ou différent. Et par conséquent, il en devient essentiel de maîtriser aussi le créateur de contenu. Le créateur doit être tenu en haleine pour pouvoir continuer de proposer ses meilleurs placements de produit tels que des prothèses mammaires. Et ce moyen de faire survivre ta crédulité repose dans la conception des likes et du nombre de vues. Car ce sont le nombre de likes, de commentaires ou encore les vues qui vont faire vivre, virtuellement, le créateur. En effet, le quidam ou l’influenceur va continuer de poster des photos ou des vidéos sur ses réseaux préféré se satisfaisant des résultats, comme le nombre de like ou de vues par exemple. Il ne semble qu’aucun ne continuerait si ce qu’il postait n’était vu par personne. Alors toi ! à partir de combien de like considères-tu que ta vie soit assez importante pour la partager ?  C’est à cet objectif atteint que l’influenceur ou le quidam vont se sentir accepté socialement. Une fois que ces mêmes humains sont engrenés par ce mécanisme il est compliqué d’en sortir. Et ce n’est pas ton application « Flipd » ou de programmer sur ton téléphone l’arrêt d’Instagram au bout de 30 minutes d’utilisation, qui va te freiner. La personnalité même de l’individu est remise en question, il agit sans même plus ne s’en rendre compte, la routine l’a emporté sur la raison. L’individu se retrouve prisonnier de ce système infernal que sont les réseaux sociaux et leur utilisation pour exister. Le créateur et le follower sont tous deux prisonniers du système. La prison y est encore plus agréable quand de véritables influenceurs comme le président de la république française ou cette femme au plus de 6 milles fan, Marlène Schiappa, s’y sont mis. Le pouvoir adhère à l’hérésie commune, c’est rassurant.

Une plateforme comme Instagram ne fait en réalité que ressortir de la jalousie entre les utilisateurs, c’est une course à celui qui aura la meilleure vie ou tout du moins veut montrer à penser qu’il a une vie bien remplie. Chaque photo doit être travaillée, réfléchie avec minutie pour pouvoir se mettre en scène de la meilleure des manières. Car oui tout n’est que mise en scène, le réel n’existe plus sur ses plateformes. N’oublie pas les longues secondes de gène que tu éprouves après avoir finalisé ta photo ou ta vidéo car tu reviens à la réalité et que tu cesses de sourire car rien de tout cela n’était réellement amusant. Pourtant tu continues d’y croire, avec une certaine tendance masochiste tu continues à t’infliger cette gêne de l’après photo ou vidéo. Tu attends de manière frénétique tes « j’aime ou tes followers ». Te plongeant dans un monde totalement irréel pour quelques secondes. Le problème est bien ici, car l’instagrameur tente de faire devenir l’irréalité comme chose réelle. Les réseaux sociaux détruisent l’intéressement de l’homme à la vie réelle et les combats qu’il peut y avoir seuls les combats par écrans interposées ont l’air de les passionner. Pourquoi s’intéresser à la réalité alors que ton but est d’atteindre les 1000 likes ?

Tout comme le relate, l’essayiste, Gilles Lipovetsky, dans L’ère du vide, il y a un malaise dans notre propre individualité. L’individu n’a jamais été autant exacerbé que sur les réseaux sociaux. C’est l’individu en tant que tel qui devient le plus important et non le groupe. Chacun veut apporter son unicité et non ses points communs avec les autres utilisateurs. De cette recherche absolue de sa propre différence en découle la mort du groupe. Alors qu’à l’origine ces plateformes étaient faites pour réunir. L’ultra-individualité qui s’en dégage est nauséabonde à tel point que des personnes comme Astrid Nelsia ou la très regrettée Kim Glow peuvent en vivre.

Nous arrivons alors dans la société du spectacle que décrivait déjà, l’écrivain, Guy Debord en 1973. Il évoque, dans le livre éponyme au concept, de manière très juste l’emprise du capitalisme et de la « pseudo-jouissance » qui peut en découler chez les hommes. Guy Debord relate que toutes ces publicités, ces images, ces magazines sont au centre de la vie sociale et ont un impact sur les hommes. Alors la surface d’activité du capitalisme peut être définie par une zone géographique précise. Et aujourd’hui les réseaux sociaux en sont bien une, là tous les excès y sont permis. Evidemment ces zones ne peuvent être dotées d’une forme d’intelligence par peur de désintéresser le public de ce spectacle. Chacun en s’affirmant sur un réseau social vient confirmer sa sottise et sa complaisance à ce spectacle plus que moyen. De cette idée de lieu géographique précis découle des nombreuses règles et codes que les Instagram, Facebook ou encore TikTok ont réussi à créer. Le temps est même différent dans ces lieux. Il y a le temps du buzz qui est désormais très court. Ce nouveau format pousse chacun à devoir innover ou à faire le buzz de la manière la plus stupide. Ce temps si court est contre nature. Cela rappelle une citation de Marx qui montre que désormais la mort guette l’habitant d’un réseau social. « L’homme recommence à loger dans des cavernes mais… l’ouvrier ne les habite plus qu’à titre précaire et elles sont pour lui une puissance étrangère qui peut lui faire défaut d’un jour à l’autre, et il peut aussi, d’un jour à l’autre en être expulsé s’il ne paie pas. Cette maison de mort il faut qu’il la paie. » Malgré tout le mépris de classe qu’affiche ces individualités utilisateurs de réseaux, ils ne sont en fait que prisonniers de leur nouvelle maison. Mais la chose la plus perverse est que désormais cette maison n’est pas aussi essentielle que l’est pour un ouvrier du XIXème siècle. Pourtant pour rien au monde les Instagrameurs voudraient quitter Instagram. Ce sont eux aujourd’hui les aliénés. L’aliénation comme Marx a pu l’utiliser est la dépossession de l’individu en lui-même. Tu commences à t’y retrouver ? Lorsqu’un influenceur ou toi vous prenez en photo ce n’est plus la motivation de se prendre en photo qui vous fait agir mais bien les codes et règles établies par ces réseaux qui vous font poster fait poster cette photo.

Ici il n’a pas été question de traiter toute la typologie des personnes usant des réseaux sociaux ni d’en faire une étude psychologique précise. Nous n’avons pas parler de ces tendres complotistes sur Facebook, ces délicieux gauchistes sur Twitter, ces merveilleux fachos sur Youtube ou encore des filles ou garçons beaucoup trop jeune pour être si peu habillé sur Tiktok. Dans cet article il a bien été question de ta propre hérésie dans l’utilisation de ces monstres sociétaux appelés réseaux sociaux. Il est pour le mieux qu’à chaque fois que tu t’apprêtes à poster une photo, une story ou une dance Tiktok, de te questionner sur la réelle utilité de ton acte. Eradiquer ces maux est évidemment impossible et c’est encore moins cet article qui peut le faire. Mais il est important que tout lecteur lisant ce papier songe à son rapport aux réseaux sociaux puis à son rapport à lui-même. De combien de likes as-tu besoin pour vivre ?

Par Jean Lamouret

Le néo-obscurantisme ou comment la « morale » nous empoisonne

Le néo-obscurantisme ou comment la « morale » nous empoisonne

Vous l’avez sûrement remarqué, mais au pôle think-tank la mode est à la critique religieuse, et notamment dans son rapport à la modernité. L’influence néfaste de la religion sur le rapport de l’Homme à la Nature ainsi que le fanatisme religieux ont été dénoncés. Ces articles furent intéressants et je voudrais en poursuivre l’analyse. D’autant plus que Nietzsche a été cité…

Je vais donc en profiter pour faire une courte introduction à la philosophie nietzschéenne, souvent mal comprise. Pour ce faire, je vais partir du même point que Pierre Hognon dans son dernier article mais prendre un autre chemin :

« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous, les meurtriers des meurtriers ? » (Nietzsche, Le Gai Savoir)

En proclamant la mort de Dieu à la fin du XIXe siècle, Nietzsche ne fait que constater ce qu’aucun de ses contemporains n’accepte de regarder en face : Le Dieu chrétien autrefois si puissant s’est fait renverser par la modernité et ses avancées. Il a été tué par la foule moderne qui, encore aujourd’hui, se moque de lui. Le XXe siècle, ses deux guerres mondiales et le communisme, ne feront que confirmer ses dires : désormais, c’est au nom d’idéologies politiques et d’idéaux de sociétés parfaites que nous vivrons et perpétuerons des massacres.

La modernité tue Dieu et laisse les Hommes sans sens, sans guide, ils deviennent des « insensés ».

Maintenant que le constat de la mort de Dieu est posé, on est en droit de se poser une question : si Dieu, celui qui montre la voie et distingue entre « Bien » et « Mal », est mort, qu’advient-il de ces valeurs et de la société ?

Dans Généalogie de la morale, Nietzsche explique que ce que l’on prend aujourd’hui pour le « Bien » et le « Mal » en soi, ont été créés de toutes pièces par des êtres souhaitant s’en servir pour prendre le pouvoir. Le christianisme en étant l’archétype. Avec le christianisme, le faible, le malade, l’opprimé, le médiocre – aujourd’hui le discriminé, l’oppressé – sont les messagers du « Bon » et du « Bien ». Le faible éprouve de la haine pour le fort qui lui est supérieur, pour la vie qui a été injuste avec lui. En cela, Nietzsche est très critique du christianisme mais il lui reconnaît un point positif : la notion d’« arrière-monde », le paradis. En dénigrant le monde et la vie terrestre, les opprimés, les êtres du ressentiment, se tourne vers le Paradis dans lequel « les derniers seront les premiers » (L’Evangile selon Matthieu), et se parent de vertus comme l’humilité, la générosité, le pacifisme et tendent l’autre joue comme le préconise Jésus.

Cependant, la mort de Dieu à des conséquences graves : les êtres du ressentiment n’ont plus de paradis. Ils ne condamnent plus les « méchants » à l’Enfer s’ils refusent de les écouter et de se soumettre. Tout comme les valeurs véhiculées par le christianisme, le ressentiment s’est sécularisé.

L’analyse par la psychologie nietzschéenne permet de comprendre que derrière de grands préceptes comme l’« amour », la « justice » ou l’« égalité » se cachent en vérité haine, ressentiment et désir de vengeance. La Rochefoucauld ne disait rien de moins déjà au XVIIe siècle lorsqu’il écrit : « nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices cachés ». On peut ainsi avoir un regard neuf sur la société. On observe alors qu’un nouveau fléau est né du corps putride et en décomposition de Dieu : le nihilisme.

Nietzsche dit : le nihilisme, c’est la volonté du rien, car l’Homme préfère toujours vouloir le rien plutôt que de ne rien vouloir. Or, notre époque est ravagée par le nihilisme qui est semblable à un nouvel obscurantisme : haine de la vie et de la réalité, victoire des idéaux moraux abstraits, culpabilisation des peuples qui verse dans le masochisme, promotion du ressentiment et de la volonté de vengeance au nom de l’amour, de la justice et de l’égalité, pour finalement tout niveler, donc tout détruire.

En outre, alors que Dieu se réservait l’exercice de la « justice » au paradis : « C’est à moi qu’appartient la vengeance, c’est moi qui donnerais à chacun ce qu’il mérite » (Ancien Testament, Deutéronome 32.35), les êtres du ressentiment se confèrent eux-mêmes le droit d’exercer la « justice » selon leur propre « morale », une « morale d’esclave » dont le visage est double : assouvir le désir de vengeance au nom du « Bien ». C’est ainsi que l’on voit émerger des phénomènes comme l’antiracisme, le féminisme, le progressisme ou le socialisme, dont les partisans font preuve d’une intolérance rare : censure, condamnation professionnelle et judiciaire, lynchage médiatique et sur les réseaux sociaux, tout cela au nom de la tolérance, du « Bien » et du politiquement correct, comme ils auraient hier condamné les ennemis de Dieu.

Le grand secret de l’âme humaine que révèle Nietzsche, c’est le désir de vengeance qui sommeille au fond de chacun : le malade veut se venger de sa maladie, le faible de sa faiblesse et le laid de sa laideur. Le problème, c’est que ces malheureux ont besoin d’un coupable. Cependant, tenter de se consoler en s’imaginant faire partie des victimes ne fait pas disparaitre le malaise que ressent l’être du ressentiment. Le malade qui parvient à tuer l’homme sain ne guérit pas de sa maladie…

Les partisans de la justice sociale, de l’égalitarisme et du progressisme réclament réparation et s’inventent des coupables qu’ils vont jusqu’à fantasmer, jouant sur la corde – fort lucrative soit dit en passant – du pathos pour obtenir gains de cause dans leur quête de vengeance. Nietzsche compare les prêcheurs de la « morale » à des tarentules inoculant leur venin dans leurs victimes, les plongeants dans une profonde léthargie dont ils ne se réveillent pas.

Ces nouveaux prêtres sont semblables aux anciens voir pires encore. Ils sont prêts à sanctionner, punir et censurer s’ils entendent ou lisent des propos qui dépassent leur cadre « morale » étriqué qu’ils cherchent à imposer partout. Ils agissent au nom du « Bien » qu’ils nomment « valeurs », suivies d’un adjectif dont ils ne connaissent pas la signification : « républicaines », « démocratiques », « libérales » ou « humanistes ». G.K. Chesterton ne s’est pas trompé lorsqu’il écrit : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles »

Dans leur folie, les êtres du ressentiment sont tous les mêmes. Au fond, que ce soit le progressiste qui veut la déconstruction – autre mot pour dire destruction – de la civilisation occidentale pour la remplacer par une société parfaite, plus « juste », ou l’imam fanatique qui enjoint ses fidèles à se faire sauter pour l’avènement d’un monde parfait, celui de Dieu, les deux ont en commun un nihilisme profond. Seuls leurs « idéaux » diffèrent. Ils souhaitent simplement exprimer leurs pulsions les plus viles, ce qu’ils veulent vraiment c’est détruire, assouvir leur désir de vengeance.

Par Adrien JAVOY

Vaincre l’obscurité

Vaincre l’obscurité

 

« Dieu est mort !», proclamait le philosophe Nietzsche au 19eme siècle, « Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! ». Le philosophe avait alors perçu que les avancées scientifiques, sociales, morales, philosophiques et sociétales érodaient de plus en plus la suprématie de la religion sur tous ces sujets, et qu’à terme, les dernières religions rejoindraient le cimetière mythologique de l’Humanité où le nombre de cultes et divinités est si étendu qu’il est pratiquement impossible d’en faire le décompte.

Malheureusement, l’obscurantisme a la peau dure, les formidables avancés scientifiques notamment les découvertes de Darwin, puis du projet sur le génome humain, les découvertes spatiales ainsi que de nombreux autres facteurs ont conduit à une massive sécularisation des sociétés au cours du 20eme siècle. Dieu est blessé, ils nous restent à l’achever.

 

Tout d’abord, établissons les faits. Les gens ont la liberté de croire en privé en ce qu’ils veulent. C’est là l’un des principes moteurs de nos démocraties, principe qui soit dit en passant n’est ou n’était pas accordé, ou seulement en de rares exceptions, par les sociétés religieuses des siècles passés ou les sociétés religieuses modernes. Cette liberté de pensée doit permettre l’émulation des esprits, la confrontation des pensées et l’élévation des consciences. Tant que les croyances religieuses restent des croyances privées, assurés par le principe de liberté de cultes (ou non-cultes), il n’y a aucune raison de créer des problèmes. Évidemment, nous avons toujours la possibilité de contester certains points religieux, et discuter des enseignements moraux fournies dans les prétendues livres saints ou débattre de théologie, des sujets forts intéressants. Cependant, ces croyances ne restent pas privées. Étrange, n’est-ce pas. Si vous étiez convaincu de savoir que votre vie serait éternelle et que l’ensemble de l’univers avait été créé avec vous en son centre, vous devriez être heureux et ne pas vraiment vous soucier du reste, néanmoins certains croyant ne sont pas heureux. Ils ne peuvent être satisfait que quand tout le monde est convaincu. En témoigne le retour des fanatismes dans l’ensemble du monde et dans tous les courants religieux, et les nombreuses actions honteuses défendues par la théologie. (Certes peut-être moins visible en Europe de l’Ouest, ici référence est faite notamment aux extrémistes musulmans du monde arabe, les intégristes chrétiens d’Europe de l’Est et d’Amérique, et les sionistes de Palestine, pour ne citer que les monothéismes).

Bien maintenant que les évidences ont été énoncées, nous pouvons poursuivre.

 

Ce retour des religions est en accord je pense avec la théorie de Samuel Huntington dans son essai Le choc des civilisations. Cette théorie défend que les relations internationales post-effondrement soviétique ne dépendraient plus de problèmes politiques, mais davantage d’une opposition culturelles floues et du « substrat » religieux de ces cultures, et donc d’un retour du religieux sur le devant de la scène. Ce retour invite à une déconstruction des mythes, afin d’en ridiculiser les concepts, car nous nous devons de défendre ce droit de parole. Trop souvent, il est entendu que nous n’avons pas le droit de critiquer la croyance, que les religions sont sacrées, ou qu’il est offensant de s’en moquer. Si les gens sont prêts à croire et suivre des textes composés par des paysans illettrés et sauvages de l’âge de bronze, ils s’ouvrent indéniablement à la critique. Trop souvent, la liberté d’expression est attaquée par la théologie, les plus jeunes d’entre vous ne s’en souviendront pas, mais il y a environ une quinzaine d’années maintenant, un journal danois avait publié des caricatures du soi-disant prophète Mohamed, ce à quoi s’en était suivi un vaste choc mondial. Les ambassades danoises dans les pays musulmans ont été attaquées, des manifestations étaient organisés devant lesdites ambassades dans des pays où ce droit est interdit, des citoyens danois étaient attaqués à l’étranger. L’économie danoise avait été attaqué directement. Heureusement, d’autres représentants politiques et religieux se sont levés, notamment le pape de Rome, divers représentants religieux et politiques américains et européens, pour dénoncer…. Le blasphème que représentaient les caricatures, et non pas la campagne de violence et de sabotage vis-à-vis du Danemark. Plus récemment, dois-je rappeler ce qui est arrivé à d’autres caricaturistes français en 2015, massacré par des fanatiques d’une croyance de l’autre bout du monde.  Je soutiens que ce fanatisme provient des religions elles-mêmes et de leurs textes, où se trouvent des paragraphes prônant l’intolérance ou laissant le champ libre à l’interprétation :

_1 Pierre 2:18 : « Esclaves, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère pervers »

_1 Samuel 15:3 :  « Va maintenant, frappe Amalek, et dévouer par interdit tout ce qui lui appartient; tu ne l’épargneras point, et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons »

_Talmud Baba Necia 114, 6: « Les Juifs sont des êtres humains, mais les nations du monde ne sont pas des êtres humains mais des bêtes.  »

 

(Pour ne citer que quelques exemples, je renvoie les lecteurs à s’intéresser à de nombreux passages de l’Ancien Testament et du Nouveau, du Talmud (la tradition orale juive), et certaines sourates. Ici, la critique vise l’incitation directe ou l’intolérance cachée des textes, en totale inadéquation avec nos valeurs morales actuelles.)

 

Si l’homme désire réellement s’élever au rang de ses aspirations, ou que les croyants souhaitent être considérés comme des hommes de paix, il faut se débarrasser des mythes, des textes prônant l’absolu de leurs enseignements, des fanatismes, et faire la place pour la raison et la logique, la morale, la bonté, les idées des Lumières, et les concepts Humanistes.

 

 

Défendre le sécularisme

C’est à ce moment que les religieux pourraient m’arrêter et me soutenir que sans la religion, (1) il n’y pas d’explication logique pour notre présence en ce monde, (2) pas de source pour la moralité, et que (3) les religieux sont les chantres de la tolérance et de l’avancement de la pensée, que (4) leurs livres proviennent de leurs divinités et sont donc absolu. (Ou plus probablement me dirait que je finirai en enfer tout en souriant, ce à quoi je répondrais que tous les gens les plus intéressants on l’air d’y aller.) Ce sont quelques-uns des arguments les plus célèbres visant à défendre la foi.

 

  1. Dans l’ordre, les avancées de la science et du savoir ont plus fait progresser l’Humanité sur ces deux cents dernières années, aussitôt qu’elle fut libérée des chaînes du dogmatisme. Cet avancement nous montre que progressivement les mystères du passé seront expliqués, que les explications surnaturelles ne seront plus nécessaires. Darwin nous a expliqué que les hommes étaient le produit d’un processus d’évolution infiniment long, et non des créations spontanées d’une sorte de créateur divin. Les études des géologistes nous ont montré que la Terre avait plus de 4,5 milliards d’années, et non 6 000 ans comme le suggère la bible. Les découvertes des cosmologues ont expliqué les raisons de l’existence de notre univers. Finalement, dieu n’avait plus sa place dans toutes ses explications. Pour citer le grand mathématicien Laplace, qui présentant son modèle de l’univers à l’empereur Napoléon Bonaparte se fit questionner sur l’absence d’un dieu dans le modèle, ce à quoi il répondit : « Je n’ai pas besoin de cette hypothèse ». Bien entendu, ces arguments ne suffiraient pas à des religieux, pour qui, chacune de ces nouvelles théories ne prouvent que l’ingéniosité de leurs dieux, dans une sorte de tautologie infinie.

 

 

  1. En ce qui concerne la moralité, il est sûr d’affirmer que la morale est innée chez les animaux vivant en communauté, car le bien-être du groupe est profitable à chaque individu. La philosophie complète la pensée et influence les cultures. Les enseignements des dix commandements sur le meurtre, le vol et le parjure sont communs à quasiment toutes les cultures à juste titre. Aucune société n’ayant accepté le meurtre, le vol et le parjure n’aurait pu survivre bien longtemps. D’ailleurs doit-on vraiment croire que jusqu’à ce que Moise et les anciens juifs arrivent au mont Sinaï, ils étaient convaincus que le meurtre, le vol et le parjure étaient acceptable pour que dieu leur révèle l’inverse ? Non, cela ne fait aucun sens.

Par ailleurs les archéologues israéliens qui avaient été mandatés de trouver des preuves de cette histoire, dans un espoir de légitimer les demandes sionistes, ont toujours été bredouilles. Cette histoire n’est qu’une maladroite invention. Si on prend le reste de la bible, l’Ancien Testament inspire au génocide, incite à l’esclavage et au vol de territoire. Après tout, quel sort fut réservé au cananéens, aux Amalécites, ou bien au malheureux de la ville de Sodome et Gomorrhe, si ce n’est la destruction et la mort. « Aime ton prochain », sauf si ce dernier n’est pas de ta religion, ou une femme, ou d’une sexualité « non-conforme » : il n’y a rien de moral là-dedans. Et s’il est possible pour les croyants de réussir à faire la part des choses entre les bons et mauvais passages de leurs livres, ont-ils réellement besoin du livre pour leur moral ?

 

  1. À présent, l’argument stipulant que les gens religieux sont plus « moraux », ou plus investis socialement. De nombreuses études au Etats-Unis ont montré que les gens religieux avaient en effet tendance à donner plus aux organisations de charité, à avoir une consommation d’alcool et substances dopantes moindre par rapport au reste de la population, et à créer des liens plus développés dans leurs communautés. Ceci ne peut pas être contesté, mais nul ne peut défendre sa position en ne citant que ses meilleures brebis, ces études ne permettent pas d’affirmer que la religion permet de mieux se comporter rien qu’à la vue des nombreux contre-exemples de personnes de foi commettant des atrocités spécifiquement au nom de leur foi. Combien de fois par an doit-on lire dans le journal des nouvelles d’un attentat suicide commis par un fanatique, ou bien de prêtres responsables de viol et de torture sur mineurs, affaires que le Vatican tente à chaque fois de dissimuler, comme si les lois civiques ne pouvaient s’appliquer à la chrétienté.

 

  1. Enfin, qu’en est-il de la validité de leurs textes saints ? On estime à environ 10 000 le nombre de religions aujourd’hui dans le monde, nombre bien plus vaste si l’on inclut les religions du passé, ce qui nous ferait atteindre une fourchette entre 8 000 et 12 000 dieux dans l’histoire. Trois choix s’offrent à nous. Soit, elles sont toutes vraies, soit elles sont toutes fausses, soit seulement l’une d’entre elles est vrai. Il est évidemment qu’elles ne peuvent être toutes vraies, à la vue des très nombreuses divergences entre les textes et les interprétations. Il est peu probable que juste une seule d’entre elle soit vrai, et encore moins probable de savoir déterminer laquelle. La seule option logique est d’assumer que toutes ces religions sont des créations des hommes (hommes dans les deux sens du terme quand on analyse la place des femmes dans ces croyances) afin de faire sens du monde qui les entouraient, et non des textes divins. Il est clair par l’analyse de ces textes qu’ils sont empreints de peurs et croyances mystiques des temps où elles ont vu le jour et qu’ils ne sont pas l’œuvre d’une créature omnisciente et omnipotente. La morale de ces textes est quasiment toujours en retard par rapport à la morale des sociétés actuelles. Quant à la validité de ces histoires et sur les événements extraordinaires qui s’y déroulent, je vais laisser ce cher David Hume répondre à ma place sur l’exemple de l’immaculée conception : « Qu’est-ce qui est le plus probable, que l’ordre naturel soit suspendu [en votre faveur], ou qu’une juive de petite vertu dise un mensonge ? »

 

 

Alors quelle place pour Dieu ?

De nombreux philosophes et scientifiques croyants des derniers siècles s’étaient accordés pour une croyance déiste, c’est-à-dire croire en un Créateur ayant fondé l’univers et ses lois, il serait donc l’origine de tout. Il est impossible pour un athéiste de prouver que cela est faux comme ils ne pouvaient et ne peuvent pas prouver que c’est le cas. Mais passé de la position déiste à théiste, c’est-à-dire du déisme à la religion, d’un créateur en retrait à un créateur qui dans toute l’immensité du cosmos et des galaxies s’intéresse à ce que nous faisons, à ce que nous mangeons et durant quels jours de la semaine, avec qui nous faisons l’amour et dans quelles positions, quelles parties de notre appareil génital nous devons circoncire… demanderait une montagne de preuves. Alors j’entends déjà les philosophes de bas étage me dire que je devrais adopter la position du pari de Pascal sur Dieu : que Dieu existe ou non j’ai tout intérêt à croire en lui, car s’il existe, je gagne une éternité au paradis, s’il n’existe pas, je ne perds rien. Deux critiques évidentes face à cette théorie fumeuse. Un, elle assume que vous savez quel Dieu/culte/secte est le bon, or nous avons déjà évoqué leur multiplicité. Deux, si Dieu, comme il est souvent décrit, est omniscient, comment comptez-vous le duper avec un stratagème comme celui-ci ?

 

Pourquoi faut-il résister à la théocratie ? Pour la défense de notre droit inaliénable à la critiquer, à la vue de ses nombreux assauts sur la liberté d’expression, pour combattre les formes extrêmes qu’elle prend dans certaines parties du monde et sur l’emprise que ces idées ont sur les consciences des gens. Après tout, encore aujourd’hui dans toutes les parties du monde, même les plus civilisés, son emprise reste grande. Regardez, aux Etats-Unis où il est impossible de faire carrière en politique sans avoir une forme de croyance, et l’impact des groupes religieux sur la politique. (Ce qui va à l’encontre même de leur Constitution séculaire), ou bien la situation en Israël, qui en devient presque embarrassante tant elle traîne en longueur. Alors que la solution relativement simple et acceptée par un grand nombre d’acteurs internationaux, d’une séparation égale du territoire concerné est bloquée par des très petits groupes de fanatiques dans chacun des camps qui proclament que leur Dieu leur a donné l’ensemble du territoire.

 

Finalement, le fanatisme menace tant les athées que les simples croyants. Supprimer la volonté de croire me parait comme impossible et non-souhaitable. Les gens auront des croyances de ce type tant qu’ils seront aussi effrayés par la mort, et il est naturel de chercher du confort là où on le peut. Cependant, je conseille à chacun de faire attention à ce qu’on appelle en anglais « wishful thinking », c’est-à-dire croire ce que l’on désire croire, prendre ses désirs pour des réalités en quelque sorte.

Cependant, restez bien conscient que la disparition de l’obscurantisme ne résoudra pas tous nos problèmes, il faudra toujours réfléchir à la moralité, à l’éthique, à l’égalité. Ce n’est qu’un premier pas pour atteindre un âge de raison.

 

 

Pierre HOGNON