par thinktank | 3 octobre 2016 | Géopolitique, TBS Press, Think Tank Averroes
Notre souveraineté nationale dans des mains peu innocentes ?
La récente nomination de Jose Manuel Barroso, président de la Commission Européenne de 2004 à 2014, à la présidence non-exécutive de Goldman Sachs a défrayé la chronique. Entre la première banque d’investissement au monde et l’ancien président de la Commission Européenne « aux services des Etats », à plus d’un le mariage a pu sembler incongru.
Et en effet, compte tenu de leurs fonctions, les commissaires européens, membres du plus haut organe exécutif de l’Union Européenne, sont soumis à certaines contraintes quant à la pratique d’une activité professionnelle pendant l’exercice de leurs fonctions et y compris après cessation desdites fonctions.
L’article 245 du TFUE précise ainsi : » Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages »
Pour notre part, nous reprendrons un adage traditionnel : « Dis-moi qui te paye, je te dirai pour qui tu travailles »Rappelez-vous en parcourant cette liste que ces personnes disposent d’un pouvoir exécutif et législatif hors-norme au sein de l’UE, ils fixent les Grandes Orientations de Politique Economique qui sont par la suite concrètement imposées aux Etats.
« La Commission est l’institution européenne qui a le monopole de l’initiative législative et des pouvoirs exécutifs importants dans des domaines tels que la concurrence et le commerce extérieur. C’est le principal organe exécutif de l’UE »
*
Pour notre part, nous reprendrons à notre compte un adage traditionnel : « dis-moi qui te paye, je te dirai pour qui tu travailles ».
« Les principaux pouvoirs conférés à la Commission sont les suivants: l’exécution du budget (article 317 du TFUE); le pouvoir d’autoriser les États membres à prendre les mesures de sauvegarde que les traités prévoient, en particulier pendant les périodes de transition (par exemple, article 201 du TFUE); et des pouvoirs en matière de règles de concurrence, en particulier le contrôle des aides d’État, conformément à l’article 108 du TFUE. »
« Les traités confient à la Commission le soin de veiller à leur bonne application et à celle des décisions prises pour les mettre en œuvre (droit dérivé). C’est son rôle de «gardienne des traités». Il s’agit avant tout de la «procédure en manquement» à l’égard des États membres, prévue à l’article 258 du TFUE »
Petite revue d’effectifs non-exhaustive des nouvelles fonctions des anciens commissaires européens sous les mandats Barroso
[2] :
Neelies Kroes, hollandaise, commissaire à la concurrence de 2004 à 2009 et de la société numérique de 2009 à 2014 : désormais conseillère spéciale auprès de Bank of America Merrill Lynch Europe, Middle East and Africa
[3], membre du conseil d’administration de Salesforce
[4], entreprise américaine spécialisée dans le cloud computing et conseillère auprès d’Uber
[5].
Viviane Reding, luxembourgeoise, commissaire à l’éducation, la culture et le sport de 1999 à 2004, de la société de l’information et des médias de 2004 à 2010 et à la justice de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil d’administration de Nyrstar
[6], compagnie minière belge, membre du conseil d’administration de la Fondation Bertelsmann
[7] qui détient plus des ¾ du conglomérat de presse Bertelsmann, et membre du conseil d’administration d’Afga Gevaert
[8], entreprise belge d’imagerie numérique.
Ferdinando Nelli Feroci[9], italien, commissaire à l’industrie et à l’entreprenariat en 2014 : désormais membre du conseil d’administration de Simest, fonds d’investissement italien, et président de l’Istituto Affari Internazionali.
Slim Kallas, estonien, commissaire aux transports de 2010 à 2014 : désormais consultant pour Nortal, entreprise de logiciels estonienne
[10].
Maria Damanaki[11], grecque, commissaire aux affaires maritimes et à la pêche de 2010 à 2014 : désormais directrice mondiale de la branche océans chez Nature Conservancy, organisation américaine de protection de l’environnement.
László Andor[12], hongrois, commissaire à l’emploi de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil consultatif de Rand Europe, think tank américain.
Karel de Gucht[13], belge, commissaire au commerce de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil consultatif de CVC Capital Partners, grand fonds de capital-investissement luxembourgeois, membre du conseil d’administration de Proximus, opérateur de télécommunications belge, un des directeurs d’ArcelorMittal, membre du conseil d’administration de Merit Capital NV, gestionnaire de patrimoine belge
Janez Poto?nik[14], slovène, commissaire à l’environnement de 2010 à 2014 : désormais président du Forum pour le Futur de l’Agriculture, notamment fondé par Syngenta, société suisse de chimie et d’agroalimentaire.
Connie Hedegaard[15], dannoise, commissaire au climat de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil de Danfoss, entreprise dannoise de chauffage-réfrigération et de contrôles industriels.
Jose Manuel Barroso[16], portugais, président de la Commission Européenne de 2004 à 2014 : désormais président non-exécutif et conseiller chez Goldman Sachs International, membre du groupe dirigeant des conférences Bilderberg, président émérite de l’Institut Teneo de l’Université Cornell de New York.
Egalement :
Peter Sutherland[17], irlandais, commissaire à la concurrence de 1985 à 1989 : président d’Allied Irish Banks de 1989 à 1993, directeur d’Ericsson en 1996, administrateur d’alibaba.com en 2000, président non-exécutif de British Petroleum de 1997 à 2009, président de la section Europe de la Commission Trilatérale de 2001 à 2010, et aujourd’hui président honoraire de la Commission Trilatérale, président non-exécutif de Goldman Sachs International depuis 1995, membre du comité directeur du groupe Bilderberg et directeur de la Royal Bank of Scotland.
Mario Monti[18], italien, commissaire au marché intérieur et au service de 1995 à 1999 et à la concurrence de 1999 à 2004 : conseiller international de Goldman Sachs International depuis 2005
Karel Van Miert[19], belge, commissaire aux transports de 1989 à 1992 et à la concurrence de 1993 à 1999 : membre du conseil d’administration de Solvay America de 2003 à 2009, directeur non-exécutif d’Anglo American PLC de 2002 à 2009, membre du conseil d’administration de Vivendi de 2004 à 2009 et conseiller international de Goldman Sachs International de 2001 à 2009.
On constatera aisément qu’en dehors des bancs de Bruxelles, les commissaires européens ne se sont pas massivement engagés en faveur des pandas et des koalas menacés d’extinction.
Une question subsiste : pour qui travaillent vraiment les commissaires européens ?
Think Tank Averroès
Sources :
par thinktank | 24 septembre 2016 | Géopolitique, TBS Press, Think Tank Averroes
François Hollande, homme de paix ou homme de main ?
François Hollande vient de recevoir un prix de la part de la Fondation Appeal of Conscience pour son « leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et à la sécurité mondiale
*« .
Nombre de nos lecteurs ont été surpris, médusés, amusés par ce titre d’homme d’Etat de l’année. De prime abord, comment leur donner tort ? Le bilan du Président de la République – au delà de sa politique intérieure – paraît bien peu contribuer à ce que cette fondation appelle la «
paix » ou encore la «
stabilité et la sécurité mondiale«
*.
A l’heure où il est établi que ce dernier quinquennat a aggravé – c’est un exploit – les erreurs déjà commises lors de l’exercice précédent, les citoyens français désapprouvent largement la politique étrangère française hollandaise
*.
Comment expliquer alors cet abîme entre le ressentiment* des français à l’endroit des décisions* de politique étrangère* du Président Hollande et la remise de cette récompense, louant cette politique ?
Deux outils vont nous permettre de replacer cette récompense dans une cohérence et une logique implacable. D’une part, nous allons nous intéresser à la sémantique pour déterminer les signifiés des mots qui ici semblent contradictoires avec les actes géopolitiques de l’élu. D’autre part, en pratiquant une herméneutique élémentaire des textes fondateurs de l’OTAN, expression de la vision géopolitique des puissants aux Etats-Unis. Nous allons découvrir qu’il y a une congruence -concept Kepelien subtil- totale entre Appeal of Conscience et les apôtres de l’Alliance de l’Atlantique Nord.
Il serait une erreur de considérer que cette récompense est une erreur d’appréciation ou un geste hasardeux de la part de cette Fondation. Elle est parfaitement légitime à donner des brevets de « paix » à la sauce OTAN, de par sa structure et ses orientations.
Si nous pouvons exclure l’idée, objectivement, que François Hollande défende la paix et la sécurité internationale, il reste maintenant à déterminer à quelle paix et à quelle sécurité pensent ceux qui ont gratifié notre Président.
Il faut tenir compte du fait que François Hollande a pleinement rempli sa mission de chef de guerre vassalisé par :
– Sa capacité à
effacer la tradition diplomatique et de politique étrangère de la France, qui empêcherait par définition la participation de la France à la démolition d’Etats souverains non alignés
*.
– Sa capacité à se donner en
serviteur volontaire aux intérêts et ambitions hégémoniques éloignés des intérêts français
*.
– Sa capacité à se comporter vis à vis des autres Nations en
fonction de l’agenda de Washington*.
Sous ce prisme, cette
récompense prend tout son sens. Nous allons tout de même en venir au fond des sujets susvisés.
Qu’est ce que la Fondation Appeal of Conscience ?
Cette fondation a été créée par le rabbin Arthur Schneier en 1965. Survivant de la Shoah, il a reçu la « Presidential Citizens Medal » des mains de Bill Clinton pour « service rendu comme représentant international » ainsi que pour sa lutte « contre la haine et l’intolérance ». Il préside la commission américaine pour la conservation de l’Héritage de l’Amérique à l’ONU
*.
Nous avons malgré tout décidé de décortiquer la structure et les actions de cette Fondation, nous y avons trouver des éléments susceptible de déterminer sa nature et ses buts poursuivis.
En ce qui concerne la « paix »:Il nous paraît peu défendable de présenter cette fondation comme oeuvrant pour la paix dans le monde. Il serait plus exact de la présenter comme une organisation défendant une certaine conception de la paix – non universelle – dans une région du monde très limitée et bien définie. En effet, la Fondation est présente dans une trentaine de pays, mais
aucun pays du monde « arabo-musulman » n’y figure
* mis à part le Maroc et la Turquie. Le premier a été nommé en 2004 par George W.Bush « Allié majeur Hors-OTAN » et la seconde est membre à part entière de l’OTAN.
Si le dialogue inter religieux et la paix sont les maîtres mots de la Fondation, comment se fait-il qu’il y ait une telle
homogénéité dans son champ d’action. En somme, il n’y a aucun Etat défendant une autre idée de la paix. C’est à dire aucun Etat opposé à la publicité de la démocratie de marché, à l’idéologie du progrès, au capitalisme financier sauvage.
De plus la quasi totalité des Etats (90%)
* dans lesquels la Fondation est active ont des
relations privilégiées avec le gouvernement des Etats-Unis et entretiennent des relations souvent très étroites avec l’OTAN.
Les opposants au mondialisme et à son catéchisme capitaliste n’ont donc pas droit de cité sur cette carte du monde tronquée de ses « pustules ». Ils ne participent pas du monde « libre » qui doit demeurer en « paix ».
Il est également très intéressant de constater que la Fondation est active dans les zones stratégiques qui intéressent particulièrement les stratèges américains. Dans les Balkans, dans toutes les anciens territoires de l’Union Soviétique
*, en Amérique Centrale. En somme, un fabuleux relais d’influence pour le monde libre dans celui qui est aux frontières et qui doit encore « progresser ».
Afin de démontrer cette
proximité -douteuse- entre la Fondation et les intérêts géopolitiques de l’oligarchie américaine (est-il permis de la mentionner au même titre que son alter ego russe?) nous avons étudié les parcours et les fonctions des membres ou proches de la Fondation :
A notre connaissance, ces individus ne sont pas réputés ni pour être des chantres de la révolution bolivarienne, ni pour leur défense acharnée des espèces en voie de disparation dans le désert togolais.
–
John Negroponte :Diplomate américain, néoconservateur, chantre de l’invasion de l’Irak, nommé par G.W.Bush ambassadeur en Irak après la chute de Hussein, Directeur du Renseignement national en 2005, Secrétaire d’Etat adjoint en 2007. Mis en cause pour des activités criminelles pendant son mandat d’ambassadeur au Honduras antérieurement
*.
–Peter G Peterson :Ancien PDG de Lehman Brothers, ancien directeur du Council of Foreign Relations, Think tank néoconservateur très puissant et proche du Département d’Etat. Milliardaire le plus influent de la politique américaine.
–Henry Kissinger :Responsable de la politique étrangère américaine pendant la guerre du Vietnam. Mis en cause pour crimes de guerre, participant à l’opération meurtrière Condor. Intervenant à la commission trilatérale et au Groupe Bilderberg.
–Rupert Murdoch :Milliardaire influent. Invité d’honneur pour le dernier anniversaire de la Fondation, propriétaire des médias néoconservateurs aux Etats-Unis, a fondé un journal avec le fondateur du PNAC (projet militaire hégémonique américain pour le 21ème).
–Rozanne L.Ridgway :Ancienne sous-secrétaire d’Etat aux affaires européennes, membre du Council of Foreign Relations, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
–Jacob Frenkel :Ancien gouverneur de la Banque d’Israël, membre de la commission trilatérale et du Peter G Peterson Institute for International Economics.
–Mario Monti :Ancien commissaire européen, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
-Stanley Fischer :Gouverneur de la Banque d’Israël
–Laurence Summers et Paul O’neill :Anciens secrétaires du Trésor des Etats Unis. Membres du Groupe Bilderberg.
–David Rockfeller :Fondateur de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
–Jean-Claude Trichet :Ancien Président de la BCE
Force est de constater que ces personnes ont un parcours et des fonctions très homogènes appartenant tous aux mêmes cercles d’influences qui regroupent les puissances économiques, financières et politiques de première importance sur la scène internationale.
Quel bilan en politique étrangère pour mériter ce prix ?
La négation de la tradition d’équilibre et d’indépendance de la politique étrangère de la France est manifeste
Richelieu théorisa brillamment la Raison d’Etat, l’Etat-nation et la souveraineté de celui-ci, entre 1624 et 1642. Talleyrand fut certainement le plus grand diplomate de l’Histoire de France, acteur magnifique du Congrès de Vienne, il consacra sa vie à maintenir la France au centre de l’échiquier politique européen, traversant les époques et les régimes. Ces hommes sont de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire diplomatique de la France. Ils ont fondé l’identité géniale de sa politique étrangère, ce pour quoi elle est respectée à travers l’histoire par toutes les Nations: Son indépendance, sa finesse, toutes les nuances que sa langue permet de rendre. Attachée aux droits fondamentaux des peuples et des Nations, elle disposera jusqu’à récemment d’une place et d’une voix singulière au sein du concert des Nations.
Charles de Gaulle fut le dernier grand représentant de cette tradition. Il avait compris la dialectique du plan Marshall et son aboutissement : le règne du modèle économique et culturel américain en Europe. Il avait anticipé que l’Union Européenne et l’OTAN seraient les formes modernes de la soumission de la France aux intérêts des Etats-Unis américains. Sa compréhension des forces profondes de l’Histoire lui avait déjà intimé l’idée que la France était menacée par les oubliettes de l’Histoire contemporaine.
Qu’ont compris Nicolas Sarkozy et François Hollande de leur époque?
Qu’ont à voir les choix de politique étrangère avec l’identité et les intérêts de politique étrangère de la France ?
La soumission de la France est intégrale, sur tous les dossiers : la Syrie, l’Arabie Saoudite et le Qatar,la Russie,Israël,l’Iran.Où est passée la politique arabe de la France, son équilibre et sa capacité à incarner une singularité dans les relations internationales ?
Cette tradition s’est effacée au profit d’une organisation dont la distribution du chaos et l’entretien de la terreur sont les deux moyens d’action. L’OTAN.
Cette négation s’est faite au profit de l’OTAN
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy vint assassiner une partie de l’Histoire de France, au profit de la bannière étoilée. Le président Sarkozy avait acté le retour -marqueur de son atlantisme forcené – de la
France dans le commandement intégré de l’OTAN, le 4 avril 2009
*.
François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste avait signé une motion de censure, qui visait à « éclairer les français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le PR et son gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays »
*
Or, le 4 janvier 2016, en tant que Président de la République, il apportait son soutien à un projet de loi visant à « autoriser l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Que faut-il comprendre ?
La France souhaite accueillir des forces armées étrangères sur son territoire en permanence.*
Si l’on devait mesurer précisément, pendant le quinquennat Hollande, l’alignement stratégique de la France sur Washington et son acolyte israélien, nous dirions qu’il est de 8 sur l’échelle d’un philosophe, cinéaste, journaliste, acteur, va-t-en guerre de nationalité française, par ailleurs certainement abonné à Phosphore.
Contrairement aux idées reçues,
il est fortement contestable de qualifier l’OTAN d’organisme défensif. Il est vrai qu’en vertu de l’article 5 de la Charte de l’OTAN, il est établi qu’il existe une sécurité collective, qui présente d’ailleurs de nombreux risques. Mais, avant tout, l’OTAN est la machine de guerre américaine qui sert des ambitions hégémoniques incontestables, en violant systématiquement le Droit International et la souveraineté des Nations
*, en s’érigeant comme « Gendarme du monde » au mépris des décisions rendues par les Nations-Unies. Les guerres de conquête dans lesquelles la France est entraînée sont sont contraires à tous les engagements juridiques et philosophiques de la France, et contraire enfin à ses intérêts stratégiques
*.
Hollande, un très bon élève atlantiste qui méritait une récompense pour bons et loyaux services
L’atlantisme de François Hollande et son soutien au gouvernement israélien ne date pas du dernier Chabbat. Frédéric Encel, spécialiste des relations internationales plutôt acquis à la cause du gouvernement israélien, le rappelait en ces termes : « Du temps où il était premier secrétaire du Parti Socialiste, Hollande a toujours été le chef social-démocrate le plus favorable à Israël. » et « Il existe chez le Président Hollande et les poids lourds du gouvernement une tendance qui a toujours considéré la sécurité d’Israël comme prioritaire »
*
Néanmoins, le degré de cette orientation est une première historique. Il est évident que la France a rompu avec toute exigence vis à vis de l’Etat hébreu sur les questions de colonisation, de réponse militaire.
Sur la
question de la relation avec la Russie, la position extrêmement rigide du gouvernement français a surpassé les attentes de Washington en la matière. Sur la question iranienne, l’attitude de Laurent Fabius fut exemplaire aux yeux de Tel-Aviv
*. Paris a eu également le grand « mérite » de soigner ses relations avec les pétromonarchies du Golf, alliées historiques des Etats-Unis, au détriment d’un dialogue avec les Etats et les peuples ayant une histoire en commun avec la France: Syrie, Liban, territoires palestiniens.
Aussi, François Hollande s’est lancé à corps perdu dans la bataille en Syrie. Il était même sur le point d’attaquer le gouvernement syrien par des bombardements au profit des groupes terroristes qui constituent l’immense majorité de ce que l’on appelle l’ « opposition ».
Aux naïfs qui prétendraient qu’une adhésion à l’OTAN n’est pas en contradiction avec une politique étrangère indépendante et équilibrée nous présenterons l
‘article 8 du traité de l’OTAN* :
« Chacune des parties assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le traité«
Comparons maintenant la déclaration de Varsovie du 9 juillet 2016
* et les déclarations de la Fondation. La première émane de l’OTAN, traite de la sûreté transatlantique :
« Nous sommes solidaires, et nous agissons ensemble, pour assurer la défense de notre territoire et de nos populations, ainsi que de nos valeurs communes. Unies par notre lien transatlantique immuable, et par notre attachement à la
démocratie, aux
libertés individuelles, aux droits de l’homme et à l’état de droit, l’OTAN continuera d’œuvrer en faveur de la
paix, de la
sécurité et de la stabilité des territoires de l’Alliance »
*.
Voici un extrait du préambule de la Charte fondatrice de l’OTAN : « Déterminés à sauvegarder la liberté de leur peuple, leur héritage en commun et leur civilisation fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles, (…), Soucieux de favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et la préservation de la paix et de la stabilité«
Vous souvenez-vous de la formule de la Fondation pour récompenser François Hollande ?
« Pour son leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et la sécurité mondiale«
N’y a t-il pas une grande proximité dans les éléments de langage?
En définitive, Hollande aura œuvrer pour la sauvegarde des valeurs atlantistes de « démocratie » et de « liberté » et à la sécurité et la stabilité des territoires de l’Alliance.En ce qui concerne les peuples et les nations qui ne composent pas ce territoire, les problématiques sont différentes.
Rappelez-vous que le 13 mai 2015, à la réunion d’Istanbul, les
dirigeants de l’OTAN chantaient
« We are the world », un humanisme révolutionnaire tout relatif
*.
Quant aux peuples et aux Nations qui ne se reconnaissent pas dans cette philosophie politique, pourquoi ne pas créer une Fondation Appeal of Conscience for the Rest of the World, qui récompenserait Hugo Chavez – à titre posthume – ou Vladimir Poutine pour sa contribution à la naissance d’un monde multipolaire ?
La remise du prix serait-elle retweetée comme pour François Hollande par l’ambassade des Etats-Unis en France
* ? Rien n’est moins sûr.
Bien souvent, ces organisations (ONG, Fondations) jouent le rôle d’
éclaireur en faveur de la machine de guerre américaine*. Souvenons-nous de l’invention du « devoir d’ingérence » puis du « droit d’ingérence » sur l’autel du Droit Humanitaire
*. Souvenons-nous également du rôle que jouent ces organisations dans la déstabilisation d’Etats souverains opposés au système mondialiste et capitaliste, qui, pour citer Jacques Chirac, ne « s’exporte pas dans un camion blindé ».
PS : Suite à une étude attentive des pays dans lesquelles la Fondation oeuvre, nous pensions trouver – compte tenu de son intérêt pour le dialogue inter religieux, la paix et les conflits ethniques – l’Etat d’Israël, berceau des religions monothéistes et foyer de tensions qui justifient régulièrement la mobilisation vaine des Nations-Unis. En vain. Nous avons tenté de joindre la Fondation pour comprendre cette absence, la Fondation n’a pas donné suite à nos demandes.
Think Tank Averroès
Point sémantique
Oligarchie : Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombre d’individus ou de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée.
Mondialisme: Attitude qui consiste à considérer tous les peuples comme dépendants les uns des autres ou constituant une seule communauté humaine. Idéologie qui prône la disparition des Etats-nations comme cadre d’administration politique et de référence identitaire au profit d’un Etat mondial. Le choix de sa capitale fait l’objet de rudes débats.
par Mehdi BROCHET | 20 septembre 2016 | Géopolitique, Think Tank Averroes
Retour en force du bellicisme messianique étasunien ?
Temps de lecture : 13 min
Celle qui a voté en faveur de toutes les interventions américaines : bombardements de la Bosnie (1995), du Kosovo (1999), invasion de l’Afghanistan (2001), de l’Irak (2003) et de la Libye (2011), qui militait pour une intervention en Syrie et menaçait d’anéantir l’Iran*, serait le parangon de la paix dans le monde.
Compte tenu de l’afflux intarissable de poncifs relatifs aux élections étasuniennes, il convient de rappeler certains éléments factuels fondamentaux qui ne sauraient être mis en valeur dans le traitement médiatique actuel. Traitement médiatique qui offre une vision manichéenne des candidats en faveur de la candidate démocrate, en adossant systématiquement des éléments de langage de type « novlangue » aux déclarations du candidat républicain
(1). Cette présentation ne permet pas une approche sérieuse et profonde des enjeux internationaux inhérents à la présidentielle étasunienne.
Rappelons que les néoconservateurs sont les architectes du Choc des Civilisations
(2), que leur stratégie comprend un interventionnisme forcené, la volonté de combattre toute puissance en mesure de limiter la puissance hégémonique étasunienne, on se souviendra de leur rôle déterminant sous l’administration Bush, de la doctrine de la guerre préventive contre les « Etats voyous » et des conséquences désastreuses de la doctrine de l »Instabilité constructive » consistant à organiser le chaos au Moyen-Orient
(3).
La présentation manichéenne du profil des deux candidats est révélatrice d’un traitement médiatique très en faveur de la candidate Clinton et de la collusion entre le monde politique, économique et médiatique étasuniens.
Après un mandat où son influence a été revue à la baisse en raison des vues divergentes du président Obama en matière de relations internationales
(4), la sphère néoconservatrice est en passe de retrouver son pré-carré historique, la politique étrangère étasunienne. La condition de recouvrement de cette prédominance est l’élection d’Hillary Clinton, et nous verrons dans quelle mesure les mêmes bellicistes redoutent plus que tout une élection de Donald Trump.
Pour la première fois dans l’Histoire post-seconde guerre mondiale, un candidat démocrate propose une politique étrangère plus interventionniste que son concurrent républicain
(5).
Dans un contexte de fortes tensions dans les relations internationales, la grille de lecture des élections américaines doit intégrer en premier lieu les ambitions géopolitiques et le programme de politique étrangère dans lesquels s’inscrivent les candidats démocrates et républicains.
Deux facteurs sont décisifs dans la bonne compréhension des enjeux géopolitiques de l’élection étasunienne : nous assistons d’une part à l’émergence de puissances (Russie, Chine) qui sont en mesure de pérenniser un monde multipolaire et constatons d’autre part que la machine de guerre américaine et sa capacité à déployer des forces armées demeurent inégalées.
Cette élection décidera de la posture géopolitique et diplomatique étasunienne, elle pourrait être orientée vers le dialogue diplomatique et la continuation des processus multilatéraux qui sont à même de garantir la paix et la sécurité internationales, elle pourrait aussi être hégémonique et s’orienter vers le conflit ouvert avec des puissances – parfois nucléaires – dont les conséquences seraient absolument catastrophiques.
Anatomie des velléités d’Hillary Clinton en politique étrangère
Lors de la convention démocrate du 18 juillet qui octroiera à Hillary Clinton l’investiture pour l’élection présidentielle américaine, l’allocution du général John R.Allen
(6) – soutien d’Hillary Clinton et émissaire spécial du président américain pour la coalition contre l’Etat islamique – semble synthétiser la vision de la candidate Clinton en termes de politique étrangère :
« Nous avons foi dans sa vision d’une Amérique (…) luttant contre les forces de la haine, du chaos et des ténèbres »
« Nous résisterons et nous nous dresserons contre la tyrannie et nous vaincrons le mal »
« Nous renforcerons l’OTAN et protégerons nos Alliés en Asie du Sud Est »
« Pour ceux qui agissent contre la paix, contre la civilisation de l’ordre mondial, nous vous combattrons »
« A nos ennemis, je dis : Nous vous combattrons comme seule l’Amérique sait le faire, vous connaitrez la peur. Et à l’EI et aux autres, nous vous vaincrons ».
Michael Morell, ancien directeur de la CIA et soutien de Clinton a déclaré à la télévision qu’il était nécessaire de « se débarrasser » des Iraniens et des Russes engagés en Syrie au côté de Bachar-el-Assad.
(*)
Cette rhétorique d’obédience impérialiste convoque systématiquement le champ lexical martial. Cela correspond très exactement à l’idéologie néoconservatrice notamment mise en œuvre sous l’administration Bush. Cette vision est impropre au multilatéralisme et on notera les menaces à peine voilées aux puissances en mesure d’assurer un équilibre des forces dans un monde progressant vers la multipolarité (Russie, Chine, Iran).
Ce discours est totalement corroboré par les récentes prises de position d’Hillary Clinton en termes de politique étrangère. Le militarisme et l’interventionnisme sont indéniablement consubstantiels aux dernières déclarations de la candidate démocrate
(7) :
”We must maintain the best-trained, best equipped, and strongest military the world has ever known”
Ces propos ne sont pas minoritaires dans les éléments de langage d’Hillary Clinton, ils constituent concrètement la trame de sa conception de l’ « ordre mondial ».
Ils sont appuyés par de plus récentes déclarations
(8) :
« Les Etats-Unis sont le dernier et le meilleur espoir de la Terre »
« Nous sommes la nation indispensable du monde (…) nous sommes un pays exceptionnel (…) les peuples du monde nous regardent et nous suivent (…) l’Amérique doit montrer le chemin ».
« La Chine et la Russie n’ont rien »
S’opère ici un glissement sémantique et conceptuel décisif. En effet, à l’interventionnisme se joint le messianisme politique dans la mesure où les Etats-Unis sont présentés par Hillary Clinton comme « la cité sur la colline » dont la mission de police internationale découlerait d’une volonté divine.
Cette conception des relations internationales affichée par la candidate Clinton confine au fondamentalisme. Il y a prétention à faire dériver les principes politiques de principes religieux qui mèneront à la négation des normes civiles et séculières. Les normes juridiques positivement ratifiées comme celles du Droit international, garant le plus sérieux de la sécurité collective et de la paix à l’échelle internationales, sont délégitimées sur l’autel d’une vision binaire du monde.
La célébration de l’ « American exceptionnalism »
(9) a des précédents historiques dans le discours des présidents américains les plus interventionnistes. La lecture biblique de la politique étrangère et de la défense du territoire national américain comme « une cité sur la colline » ne sont pas de nature à faire éclore des bases normatives communes et dignes de réguler les tensions internationales.
Le ralliement pragmatique des chantres de la guerre à Clinton ?
Il est un contresens grave que de présenter le ralliement – ou la discréditation de Trump – de nombreux cadres du parti républicain comme une preuve de modération. Ce ralliement n’est pas la résultante de propos « racistes » ou « outranciers » – dont nous ne nions pas qu’ils aient pu être formulés – mais bien d’un calcul très simple des néoconservateurs
(10).
Les néoconservateurs républicains ont abandonné le navire Trump pour défendre leur pré-carré – malmené par Obama – sur la politique étrangère. Plusieurs dizaines d’entre eux ont mis en cause Trump dans une lettre ouverte
(11) (publiée dans le New York Times le 8 août) signifiant qu’ils ne le soutiendraient pas en raison de son « incompétence et son ignorance » et qu’il puisse être « le président le plus dangereux de l’histoire américaine ». Ces républicains ont tous occupé des fonctions très élevées dans le domaine de la sécurité nationale notamment sous l’administration Bush.
Il est très frappant de constater que tous les griefs établis à l’encontre de Trump se rapportent à sa conception de la politique étrangère étasunienne :
“He has little understanding of America’s national interests, its complex diplomatic challenges,its indispensable alliances, and the democratic values on which US foreign policy must be based”.
“He persistently compliments our adversaries and threatens our allies and friends”
Pour vous en convaincre, voici une liste non exhaustive de ces adorables républicains « modérés » qui se sont ostensiblement opposés à Donald Trump :
Paul Wolfowitz, architecte de l’intervention américaine en Irak.
Robert Kagan, fondateur du PNAC, plaidant pour un monde unipolaire basé sur l’extension sans limite de la puissance militaire américaine et pour l’élimination des régimes « ennemis » ;
Richard Lee Armitage, Assistant du secrétaire d’Etat sous l’administration Bush ;
John Negroponte, ancien conseiller à la sécurité nationale de George W. Bush ;
Eric Edelman, ancien conseiller à la sécurité nationale du vice-président Dick Cheney ;
Michael Chertoff, ancien secrétaire à la sécurité nationale sous l’administration Bush ;
Michael Hayden, ancien directeur de la CIA sous George W. Bush.
À notre connaissance, un certain nombre de ces individus ne se sont distingués ces dernières années ni par une philanthropie à toute épreuve, ni leur pratique du bouddhisme et de l’antimilitarisme forcené.
L’isolationnisme de Trump, alternative cauchemardesque aux yeux des apôtres de la guerre
Bien qu’il soit délicat de décrire très précisément quelle serait la politique étrangère du candidat républicain, il existe dans son discours des invariables qui permettent d’affirmer que Donald Trump s’inscrit dans une tradition de politique étrangère dite « isolationniste »
(12) qui consiste à s’opposer fermement au chimérique « droit d’ingérence » et à renoncer à un rôle de leader hégémonique du monde. Cette vision est corroborée par la formule « America First »
(13) du candidat républicain. Donald Trump entend donc revoir largement à la baisse les ambitions hégémoniques étasuniennes et se concentrer sur le territoire national américain.Cette doctrine condamnerait les velléités belliqueuses de toutes les structures de la machine de guerre américaine, il lui deviendrait impossible d’imposer un modèle de société par la force et la supériorité militaire, voilà une révolution géopolitique en puissance.
Aussi, le candidat républicain a remis en question l’existence et la légitimité de l’OTAN
(14), à tout le moins il envisage une réduction de la contribution étasunienne à l’OTAN et une réduction drastique de la présence militaire en Asie. Cette remise en cause de l’outil militaire de la domination américaine dans le monde est hautement inquiétante pour les néoconservateurs interventionnistes
(15).
De plus, les déclarations plutôt élogieuses du candidat républicain à l’égard du président russe Vladimir Poutine
(16) ont été reçues plus que froidement par les partisans du monde unilatéral que sont les soutiens militaristes d’Hillary Clinton
(17). Ces derniers sont visiblement effrayés par la perspective d’un monde multipolaire, plus sûr garant du respect des principes du droit international et par extension de la paix et de la sécurité internationales.
Nous vous laissons maintenant juger de la « paix » promue par la candidate Clinton, qui s’inscrit dans une conception des relations internationales que ne renierait pas George W. Bush. Impropre à accompagner l’émergence d’un monde multipolaire et à créer un équilibre des forces annihilant tout projet hégémonique, d’où qu’il vienne, la vision géopolitique Clintonienne confine au Choc des Civilisations, concept imaginé par les prophètes du néoconservatisme étasunien et qu’elle a déjà largement orchestré de par son mandat au Département d’État.
Face à ce projet belliqueux, force est de constater que la vision géopolitique de Trump – il n’est pas question ici de politique intérieure – est très clairement empreinte de modération, de la volonté de dialogue avec les autres grandes puissances de ce monde. Il s’agit là d’un programme susceptible, et ce n’est pas rien, de nous épargner un conflit majeur, qui mobiliserait des forces nucléaires.
Mehdi Brochet du Think Tank Averroès
par Mehdi BROCHET | 18 septembre 2016 | Géopolitique, TBS Press, Think Tank Averroes

Acteur géopolitique toujours plus influent au proche et Moyen-Orient, forte de sa stratégie d’expansion régionale (le projet de grande Turquie), apparaissant comme un allié géostratégique indispensable et dont le modèle politique pourrait s’imposer dans le monde Arabe, la Turquie semble pourtant avoir nombre de garanties à fournir, notamment au vu de la somme des éléments qui pourraient l’associer aux attentats de Paris et Bruxelles.
Afin de couper court à toute accusation -hâtive et stérile- de complotisme forcené ou autres délires, commençons par un bref mais nécessaire et salvateur rappel chronologique des faits. Peu après le début des printemps arabes (mars 2011), Juppé et Erdogan concluent un accord secret définissant les conditions de participation de la Turquie à l’intervention qui se trame sur le sol syrien, ainsi qu’a celle visant à destituer le Guide libyen, conditions que sont : la France s’engage d’une part à soutenir la candidature turque à l’Union européenne et d’autre part à « régler la question kurde » (ce qui revient de facto à soutenir une politique de purification ethnique) ainsi qu’a « préserver l’intégrité du territoire turc » (soit, du point de vue d’Erdogan, la débarrasser de ces éléments exogènes), donc à terme créer un Kurdistan au nord de la Syrie et en Irak (selon les plans dévoilés deux ans plus tard par Robin Wright dans le New York Times, document signé par Alain Juppé et son homologue turc Ahmet Davutoglu) et exclure le PKK de la Turquie.
Le 31 octobre 2014, se déroule à l’Elysée une rencontre tripartite entre Hollande, Erdogan et les kurdes de Syrie. A l’issue des négociations, Salih Muslim, président du YPG (branche armée du parti de l’union démocratique kurde syrien),trahissant par la même occasion Ocalan, le chef du PKK, accepte de devenir le président du Kurdistan syrien qui devait être crée après le renversement d’el-Assad.
Afin de mieux cerner les enjeux géostratégiques de cette alliance, nous nous efforcerons d’évoquer ici les éléments les plus troublants de la question syrienne.Intéressons nous ainsi à cette force armée décisive dans le conflit qui déchire la Syrie depuis 2011 qu’est l’armée syrienne libre. Fin 2011, elle est composé de 8000 à 15000 hommes -majoritairement des civils- selon les diverses estimations. Selon la version officielle, leurs armes seraient (du moins jusqu’à l’aide logistique étrangère reçue vraisemblablement depuis début 2012) achetées directement aux soldats de l’armée régulière, ou encore aux milices pro-régimes.
Fait étrange, Fahd Al-Masri (porte-parole de l’armée syrienne libre à Paris) déclare en juillet 2012 que l’ASL dispose seulement d’armes moyennes et légères, alors qu’au même moment les rebelles marchent sur Alep, avec un effectif -toujours d’après Al-Masri- de 100 000 hommes, face à une armée forte de 210 000 hommes et de 280 000 réservistes, possédant une division blindée de réserve à Alep, ainsi que trois brigades de missiles (équipées de missiles balistiques à courte portée Scud, SS-21 Scarab et Frog-7) dans la même localité!
Par ailleurs, force est de constater qu’on assiste à une véritable collusion d’intérêts entre Israël et la Turquie. Le ministre des affaires étrangères français, L.Fabius, déclarant alors que le « Front Al-Nostra fait du bon boulot en Syrie » (il se trouve, triste hasard, que le front Al-Nostra est la branche syrienne d’Al-Qaida). L.Fabius dont le soutien pour un autre état ayant lui aussi une stratégie d’expansion territoriale au proche-orient (soit le projet du Eretz Israël) est avéré, de sorte qu’on assiste en Syrie à une collusion des intérêts israéliens et turques (le Likoud bénéficiant de la chute de deux états souverains et influents au proche-orient contrecarrant son projet géopolitique, et la Turquie se voyant offrir une occasion de créer un territoire kurde), au détriment de la France, qui aurait mieux fait de renforcer ses liens privilégiés et historiques avec la Syrie…
Le problème étant que les occidentaux et les alliés stratégiques des rebelles syriens sont très surpris de la victoire kurde à Kobané le 26 janvier 2015, et que, face à la menace -sponsorisée- Daesh, les kurdes deviennent un allié militaire indispensable, les USA et la France ayant refusé à l’été 2014 le déploiement de leurs troupes sur le sol syrien,optant pour une aide logistique. D’autant plus que Bachar leur a accordé la nationalité syrienne au début du conflit, et les occidentaux tendent désormais à traiter avec le YPG (mais toujours pas avec le PKK).
Le 8 Février 2015, on assiste à un véritable retournement du jeu d’alliance français : François Hollande reçoit la co-présidente des kurdes de Syrie, elle fidèle au PKK turque, en l’absence de Salih Muslim, ce qui provoque l’ire d’Erdogan. Le 20 Juillet 2015, un attentat est perpétré à Suruc contre une manifestation pro-kurde. la Turquie déclare alors la guerre à Daesh et aux kurdes, actant ainsi la fin du cessez-le-feu datant de 2013, provoquant leur exode massif vers l’Europe.L’UE subventionne la poursuite de la guerre, et à titre d’aide humanitaire pour l’accueil des réfugiés, la Turquie reçoit trois milliards d’euros le 29 septembre 2015.
Néanmoins, l’intervention russe en Syrie fin septembre bouleverse la donne et l’équilibre des forces dans la région, d’autant plus que dans le même temps, S.Muslim lance une opération de kurdisation forcée du nord de la Syrie, provoquant ainsi de vives tensions avec la population syrienne. L’administration Erdogan -exaspérée de l’attentisme et des revirements français et furieux des conséquences de l’intervention russe- aurait donc pu aisément orchestrer ou encourager les séries d’attaques terroristes sur le continent européen (dont les attentats de Paris le 13 Novembre 2015) par le biais de ses services spéciaux, qu’on sait très liés voire maîtres des agissements de l’EI. La France, terrorisée et contrainte par la force, adopte la résolution 2249 le 20 novembre, avec l’appui du conseil de sécurité, afin de justifier la conquête du nord de la Syrie pour y créer le Kurdistan voulu par Erdogan.
Toutefois -nous rappelant étrangement la théorie du condominium et son application concrète lors de la crise de Suez en 56,- les USA et la Russie pressent de modifier la résolution, et la France et le RU ne pourront intervenir en Syrie sans y être invité par Bachar.
La résolution 2249
Afin de mieux saisir la nature cruciale de cette résolution, intéressons nous à son contenu objectif ainsi qu’a son historique. La résolution fut votée le vendredi 20 novembre 2015, et est restée sous embargo jusqu’au lundi 23. Elle résulte originellement d’un premier projet de résolution russe présenté le 30 septembre, proposant une coopération internationale afin de lutter au sol contre les forces armées de l’EI. Le projet fut refusé par le Royaume-Uni, refus appuyé par la France et les USA. La France propose alors un nouveau projet de résolution, et la Russie, dans un absolu de conciliation et de multilatéralisme, vote le projet (ce qui se révélera être une erreur lourde de conséquences).
Bien qu’elle ne se réfère pas directement au chapitre 7 de la charte de l’Onu, la résolution 2249 mentionne une menace mondiale à la paix et à la sécurité internationale-ce qui est très précisément le sujet du chapitre 7 de la charte de l’ONU- et incite à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour « éradiquer les sanctuaires de l’EIIL ». En dépit de la violation de la souveraineté de la Syrie, car les opérations militaires sous l’égide américaine menées depuis 15 mois en Syrie l’ont été sans l’accord de Bachar -elle est donc illégale-, et n’en déplaise aux ayatollah du choc des civilisations le droit d’ingérence n’est pas un recours légal du point de vue du droit international- elle n’opère aucune distinction entre l’intervention russe (à la demande de la Syrie) et l’intervention états-unienne.
Mais, plus grave encore, la résolution 2249 suspend la souveraineté de l’Irak et de la Syrie, puisqu’elle ne mentionne pas leur gouvernement respectif ni la nécessité de les associer à ce que l’on entreprendra sur leurs territoires nationaux ! L’état islamique en Irak et au Levant devient donc un acteur reconnu aux yeux de la communauté internationale, et cela de l’aveu de l’ONU elle-même !
Alors que la Russie voulait tout d’abord faire la guerre à la Turquie du fait de la recrudescence des tensions, (l’attentat contre le vol Metrojet 9268 dans le Sinaï, les accusations de Poutine au sommet du G20 à Antalya, les sanctions russes, la publication de photographies aériennes montrant le pétrole de Daesh transitant par la Turquie dans des camions-citernes..), elle va finalement soutenir le PKK contre le gouvernement turque. S.Lavrov (le ministre des affaires étrangères russe) négocie même avec les USA un éventuel renversement d’Erdogan, et le 14 Mars, Poutine annonce le retrait des bombardiers russes en Syrie. Toutefois, Russie et États-Unis commencent à livrer des armes au PKK, contrecarrant ainsi les plans turques.
De plus, la majorité des membres de l’UE sont exaspérés par la stérilité de la politique étrangère français, et la Belgique reçoit même des dignitaires du PKK. Durant le sommet UE-Turquie le 18 mars, Erdogan prononce un discours télévisé en mémoire des victimes de l’attentat à Ankara quelques jours plus tôt, ou il se montre ouvertement menaçant envers les états de l’UE qui ne s’alignerait pas sur la politique turque au proche-orient. Le 22 mars, Bruxelles connait à son tour des attentats faisant 34 morts et plus de 250 blessés… Malheureuse coïncidence…
Voici la retranscription de l’intervention télévisée d’Erdogan:
« Il n’y a aucune raison que la bombe qui a explosé à Ankara, n’explose pas à Bruxelles ou dans une autre ville européenne (…) Là, je lance un appel aux États qui leur ouvrent les bras qui, directement ou indirectement, soutiennent les organisations terroristes. Vous nourrissez un serpent dans votre lit. Et ce serpent que vous nourrissez peut à tout moment vous mordre. Peut-être que regarder des bombes qui explosent en Turquie sur vos écrans de télévision ne signifie rien pour vous ; mais quand les bombes commenceront à exploser dans vos villes, vous comprendrez certainement ce que nous ressentons. Mais alors, il sera trop tard »
Think Tank Averroès
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