Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

L’alcool est une substance psychoactive qui agit sur le cerveau et le corps. Il peut provoquer des sensations de détente, d’euphorie ou de désinhibition, mais aussi des troubles de la coordination, de l’équilibre, de la vision, de la mémoire ou du jugement. À forte dose, il peut entraîner une ivresse, voire un coma éthylique, qui peut être fatal.

En France, il constitue une préoccupation majeure, causant un pourcentage significatif de décès chaque année. Le vin en France, c’est toute une économie, avec près de 800 000 emplois, 15 milliards d’euros d’exportations par an.  Mais le vin reste un taboue. En effet Claire Touzard, dans son livre Sans alcool, 2021, disait « en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. La sobriété est corrosive, elle est le grain de sable qui vient enrayer un déni bien huilé »

Quels sont les dangers de l’alcool ?

L’alcool est un produit psychoactif qui modifie la conscience et les perceptions, et de ce fait le ressenti et les comportements. Les effets immédiats dépendent surtout de l’alcoolémie, c’est-à-dire du taux d’alcool dans le sang. Une consommation faible peut entraîner une sensation de détente, d’euphorie, voire d’excitation, mais aussi une diminution des réflexes, une réduction du champ visuel et une désinhibition. Une consommation plus forte peut provoquer une ivresse, avec une mauvaise coordination des mouvements, une élocution troublée, une diminution de la vigilance, une perte de contrôle de soi, voire une perte de connaissance.

L’alcool est également responsable de nombreux risques à court et à long terme, qui réduisent l’espérance de vie de plusieurs années. Il s’agit ainsi de la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabac. En 2015, l’alcool a été responsable de 7 % des décès chez les Français de plus de 15 ans, soit 41 080 décès. Les causes des décès ont été : des cancers (39 % des cas), des maladies cardiovasculaires (24 %), des maladies digestives (16,5 %), des accidents ou suicides (13 %) et d’autres problèmes de santé (7,5 %).

La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement d’une soixantaine de maladies. Parmi les maladies liées à l’alcool, on peut citer :

– Les cancers : l’alcool est un facteur de risque avéré pour plusieurs types de cancers, notamment ceux de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, du foie, du sein et du côlon-rectum. L’alcool augmente le risque de cancer en favorisant la formation de substances toxiques dans l’organisme, en altérant la réparation de l’ADN, en perturbant le métabolisme des hormones et en affaiblissant le système immunitaire.

– Les maladies cardiovasculaires : l’alcool peut avoir des effets bénéfiques sur le cœur et les vaisseaux sanguins à faible dose, en diminuant le risque de thrombose et en augmentant le taux de bon cholestérol. Mais ces effets sont contrebalancés par les effets néfastes d’une consommation excessive, qui augmente le risque d’hypertension, d’arythmie, de cardiomyopathie, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral.

– Les maladies du foie et du tube digestif : l’alcool est le principal responsable des maladies du foie, comme la stéatose hépatique (accumulation de graisse dans le foie), l’hépatite alcoolique (inflammation du foie) et la cirrhose (fibrose irréversible du foie). L’alcool peut aussi provoquer des maladies du tube digestif, comme la gastrite (inflammation de l’estomac), l’ulcère gastroduodénal, la pancréatite (inflammation du pancréas) et la colite (inflammation du côlon).

– Les maladies neurologiques et psychiatriques : l’alcool affecte le fonctionnement du cerveau et peut entraîner des troubles cognitifs, comme des pertes de mémoire, des difficultés d’attention, de raisonnement et de jugement, voire une démence alcoolique. L’alcool peut aussi causer des troubles psychiatriques, comme la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, les troubles du sommeil, les hallucinations et les psychoses.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’alcool est responsable de plus de 3 millions de décès par an dans le monde, soit 5,3 % de la mortalité globale.

L’alcool entraîne également des conséquences sociales et économiques importantes. Il est impliqué dans de nombreux accidents de la route, de la vie courante ou du travail, ainsi que dans des actes de violence, d’agression ou de délinquance. Il peut affecter la qualité de vie, les relations familiales, professionnelles ou amicales, et entraîner une dépendance, une détresse psychologique ou une exclusion sociale. L’alcool provoque une augmentation des risques de suicide, d’accidents de la circulation, de violences physiques ou sexuelle. Plusieurs études ont montré que l’alcool favorise les comportements violents. Le Monde du 23 février 2023, titrait « Violence conjugales : ‘’ L’alcool est présent dans plus d’un féminicide sur deux’’ ». Des données du ministère de l’Intérieur montraient, en 2018, qu’un tiers des auteurs d’homicide conjugal avait consommé de l’alcool au moment des faits.

En 2023, selon les données de Santé publique France, 41 000 personnes sont décédées en France à cause de l’alcool, soit 7 % de la mortalité totale. Les hommes sont plus touchés que les femmes, avec 30 000 décès contre 11 000. Les tranches d’âge les plus concernées sont les 55-64 ans et les 65-74 ans, avec respectivement 10 000 et 9 000 décès. Les principales causes de mortalité liées à l’alcool sont les cancers (15 000 décès), les maladies cardiovasculaires (9 000 décès) et les maladies digestives (7 000 décès). L’alcool est également à l’origine de 4 000 décès par accident, 2 000 décès par suicide et 1 000 décès par homicide.

De plus, selon Santé Publique France, 22% des Français déclarent avoir une consommation à risque qui dépasse les plafonds recommandés, c’est-à-dire pas plus de 2 verres par jour et 10 verres par semaine.

Enfin, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives révélait que l’alcool coûtait à la société 102 milliards d’euros par an et qu’elle coûtait aussi très cher aux finances publiques. En 2019, la taxation sur l’alcool rapportait 4 milliards d’euros à l’État alors que les coûts de traitement pour les maladies liées à sa consommation s’élevaient à 7,8 milliards. Pourtant, la France reste l’un des pays où l’on boit le plus avec près de 43 million de consommateurs à des niveaux très différents.

Or, ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’existe pas de consommation d’alcool sans risque. Comme l’a montré une analyse parue dans The Lancet, en 2018. Après une enquête menée entre 1990 et 2016 sur 28 millions de personnes, la conclusion est : l’alcool est dangereux même à faible dose.  « L’idée d’une dose d’alcool ‘’inoffensive’’ ou même bénéfique serait un mythe » titrait Science et Avenir le 24 août 2018. Les risques existent dès le premier verre.  « Non, une consommation modérée d’alcool n’a pas d’effet protecteur pour la santé » selon France info le 12 Mai 2019.

Quelle est l’évolution de la mentalité et de la réglementation de l’alcool  ?

La consommation d’alcool a toujours été encadrée par des règles sociales, culturelles ou religieuses, qui varient selon les époques et les lieux. Certaines religions, comme l’islam, le bouddhisme ou le mormonisme, interdisent ou limitent fortement la consommation d’alcool, considérée comme un péché ou une entrave à la spiritualité. D’autres religions, comme le judaïsme, le christianisme ou l’hindouisme, tolèrent ou encouragent la consommation d’alcool, dans le cadre de rituels, de fêtes ou de traditions. Certaines cultures, comme la culture méditerranéenne ou la culture française, valorisent la consommation modérée d’alcool, associée à la gastronomie, au partage ou à l’art de vivre. D’autres cultures, comme la culture anglo-saxonne ou la culture nordique, pratiquent davantage la consommation excessive d’alcool, lors de soirées, de week-ends ou de vacances. Marguerite Duras disait, d’ailleurs, en 1984 « vous savez Dieu n’existe pas, il est remplacé par l’alcool, il y a plus de problème si vous voulez »

La consommation d’alcool a également fait l’objet de réglementations juridiques, qui visent à protéger la santé publique, la sécurité routière ou l’ordre public. Ces réglementations concernent notamment l’âge légal d’achat ou de consommation d’alcool, le taux d’alcool autorisé au volant, la taxation ou la publicité des boissons alcoolisées, ou encore les horaires ou les lieux de vente ou de consommation d’alcool. Ces réglementations varient selon les pays, selon le degré de tolérance ou de répression vis-à-vis de l’alcool. Par exemple, en France, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,5 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est encadrée par la loi Evin de 1991. Au Royaume-Uni, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, mais il est possible de consommer de l’alcool à partir de 5 ans sous la responsabilité d’un adulte, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est plus libre. Aux États-Unis, l’âge légal d’achat d’alcool est de 21 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est soumise à l’autorégulation des professionnels.

Pourtant, en France, cela n’a pas été aisé de règlementer l’alcool et notamment le vin. En effet, en France, boire est « norme sociale » bien ancrée qui commence tout petit quand les parent « trempe les lèvre » des bébés. Le Monde en 1954, titrait, « Le Français est l’homme au monde qui consomme le plus d’alcool ».  Cette première place est due à l’importance de la consommation de vin dans le pays jusqu’en 1950. La boisson était tellement banalisée que le vin, mais aussi le cidre, était servi comme boisson dans les cantines scolaires comme l’explique Stéphane Le Bras spécialiste d’histoire contemporaine sur Public Sénat « à cette époque, c’est une pratique commune de voir des enfants consommer du vin. Les parents ont l’habitude de donner une fiole de vin coupée avec de l’eau à leurs enfants lorsqu’ils se rendent à l’école. »

Il faudra attendre 1956 pour que l’État interdise la consommation de l’alcool dans les cantines, mais seulement pour les enfants de moins de 14 ans. Ce n’est qu’en 1981 que la consommation d’alcool sera aussi interdite dans les lycées. On entre alors dans une période de sensibilisation avec des slogans comme « Boire ou conduire, il faut choisir ». Simon Veil disait en 1977, « je crois qu’il faut toujours commencer une campagne et que l’alcoolisme au volant est certainement un des aspects qui sera le mieux compris par les Français parce qu’il voit les conséquences de façon très frappante et je pense que pour qu’il y ait une campagne qui réussit dans un pays il faut que les gens comprennent et adhèrent ». Mais même si la consommation d’alcool a beaucoup diminué par rapport à 1960, elle reste très importante en France. A l’époque, chaque habitant consommait 26 l d’alcool par an en moyenne. Une consommation divisée par 2,5 puisque sur la période 2018-2021. Nous en sommes à 10,5 l d’alcool par an et par habitant aujourd’hui. Cela est surtout due à la diminution de la consommation de vin, mais aussi à une prise de conscience et à l’évolution de la loi sur le sujet. Pourtant, la France continue de faire partie des pays les plus consommateurs d’alcool au monde. Elle figure à la 9e place des 38 pays membres de l’OCDE et à la 11e place des 27 pays de l’Union européenne. En 2021, la France était le 2e pays où l’on consommait le plus de vin derrière les États-Unis, qui ont une population 5 fois plus importante. Selon la dernière étude de santé publique France, publiée en juin 2023 et basée sur les données de 2021, la proportion d’adultes dépassant les limites d’alcool recommandées est en baisse mais ils sont encore 22% à boire plus de 2 verres par jour, et même 30% chez les hommes.

L’Alcool accentue les inégalités ?

L’alcool est un fait d’homme. En effet, les consommations à risque sont davantage le fait des hommes. Cela représente 31% chez les hommes et 14% chez les femmes. L’alcool étant aussi beaucoup lié à une forme de virilité, dans l’imaginaire collectif. Dans les Tonton flinguer, nous pouvions entendre « c’est plutôt une boisson d’homme. » quand il parlait d’un bon Bordeau.

Cependant l’écart entre homme et femme s’est réduit au fil des années. Les femmes consomment plus souvent et en plus grande quantité qu’autrefois et leur mode de consommation n’est pas le même. Les femmes le dissimulent plus quand elles boivent. « J’ai commencé à boire quand j’étais jeune parce que je me suis mariée jeune et après j’en ai pris l’habitude. Je buvais en famille comme tout le monde, peut-être, puis je m’en suis servi comme stimulant. C’est devenu une catastrophe, mais pensez qu’il y a 600 mille françaises qui boivent. Et en somme, on ne sait pas parce qu’une française, elle boit, elle se cache. Elle a honte alors, elle boit chez elle. C’est très dur à déceler une femme qui boit. » selon une interview de 1973.

« Quand on est une femme, la vie est très violente et l’alcool permet à beaucoup de femme de transcender ça, de surpasser ça. C’est une façon de tenir face à la pression, face à la violence que l’on vit. Sauf que le problème c’est un mauvais médicament et que au final, ça finit par dégrader qui on est. » selon Claire Touzard dans une interview de Simone Media du 13 janvier 2021.

De plus l’alcool a des effets plus néfastes chez les femmes provoquant plus rapidement des problèmes de santé graves, en raison de leur métabolisme. Concrètement, les femmes réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l’alcool. « Les femmes ont, par exemple, 6 fois plus de risques de développer une cirrhose du foie. » selon Samia Hurst-Majnp, médecin en Bioéthique.

Qu’est-ce que le Dry January ?

Le Dry January, ou Janvier Sobre en français, est un défi qui consiste à ne pas boire une goutte d’alcool pendant le mois de janvier, afin de mettre son corps (et son foie) au repos et de profiter des bienfaits d’une abstinence. Ce défi, imaginé en 2013 par l’association britannique Alcohol Change UK, est vite devenu viral sur les réseaux sociaux et a fait l’objet de milliers de partages. En France, il a été lancé en 2019 à l’initiative de l’association France Janvier Sobre, présidée par Laurence Cottet, une ancienne alcoolique qui a médiatisé son combat contre la maladie.

Le Dry January propose de faire une pause dans sa consommation d’alcool pendant un mois, afin de changer son rapport à l’alcool et de prendre conscience de ses effets sur la santé, le moral, le sommeil, le poids, le budget, etc. Il ne s’agit pas d’un sevrage pour les personnes dépendantes, qui doivent être accompagnées par des professionnels, mais d’une expérience volontaire et collective, qui peut être l’occasion de se fixer de nouveaux objectifs pour l’année à venir.

En France, c’est la 5ème édition de ce mouvement avec potentiellement un tiers des Français qui ont arrêté de boire ce janvier. Lors d’une interview de trottoir de 28’ du 10 janvier 2024, les passant affirmer que « c’est une détoxe importante » car « après les fêtes, on sort tous fatigué ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie ont appelé le ministère de la Santé et le gouvernement à soutenir le mois sans alcool, à mettre en œuvre une véritable politique de prévention et à réaffirmer leur engagement. Ils ont déclaré : « soutenir l’opération de mobilisation sociale connue en France sous le nom de ‘’défi de janvier’’ nous semble être une opportunité de choix ».

Quels sont les bienfaits du Dry January ?

Face à ces dangers, le Dry January offre l’opportunité de faire une pause avec l’alcool et de bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Selon une étude menée par l’Université de Sussex en 2019 sur près de 3 000 participants au Dry January, 71 % ont expliqué avoir mieux dormi, 58 % avoir perdu du poids, 57 % avoir une meilleure concentration et 54 % une plus belle peau. De plus, 88 % ont déclaré avoir économisé de l’argent, 80 % avoir retrouvé le contrôle de leur consommation d’alcool, 76 % avoir pris conscience des situations où ils buvaient par habitude et 71 % avoir réalisé qu’ils n’avaient pas besoin d’alcool pour s’amuser.

En janvier 2023, Michael Naassil, président de la société française d’alcoologie, expliquait dans Le monde « l’enjeu est de déclencher une prise de conscience sur le niveau de consommation. Ce n’est pas moralisateur, ni hygiéniste. Plusieurs études anglaises ont montré un effet sur la fréquence de consommation. L’une d’elles mesurait que 7 personnes sur 10 consommaient moins d’alcool 6 mois après ce défi. Le message positif de la possibilité d’améliorer la santé par la réduction de la consommation, voire l’abstinence devrait être défendue par les décideurs politiques […] pour réduire le lourd fardeau sanitaire et sociétal de l’alcool. »

Quelle sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Dry January ?

Le Dry January n’est pas une initiative officielle du gouvernement français, contrairement à d’autres nations telles que le Royaume-Uni, l’Irlande, la Finlande ou l’Australie, où il bénéficie du soutien des autorités sanitaires. En France, cette initiative a été lancée par des associations, des médias et des personnalités, sans le soutien direct du ministère de la Santé. Certains observateurs ont critiqué l’influence des lobbys de l’alcool, suggérant qu’ils auraient dissuadé le gouvernement de soutenir le Dry January par peur d’entraver l’industrie viticole et les traditions culturelles françaises. Un article daté du 4 janvier 2024 indique que « la plupart des ministres ne participent pas à l’initiative », certains considérant qu’il s’agit d’un sujet éloigné des préoccupations françaises ou même d’une question relevant de la sphère privée.

D’autant plus que, le poids des lobbys présent à l’assemblée depuis 1919 est très important. En 1973, de nombreuses personnes affirmaient « oui le vins, ce n’est vraiment pas de l’alcool. C’est une nourriture, si on veut. » ou encore, « le vin ce n’est pas de l’alcool, ça fait du bien le bien », « vous savez en France on a tellement d’occasion de boire, que ça soit pour une naissance, pour un enterrement, ou quoi que ce soit. Vous allez chez les gens faire du travail, bon, la première chose qu’on vous dit, vous voulez boire un coup ».

Le travail des lobbies à payer puisque c’est une idée bien ancrée, encore aujourd’hui, que le vin est un alcool à part, qui ne fait pas autant de dégâts.

C’est ce que répétait en 2019 le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, « bah non, je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres. L’addiction à l’alcool est dramatique et notamment dans la jeunesse. Mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit alcoolisé aux bouches du Rhône, au Bordeaux.  Jamais. ». Pourtant le vin est bien un alcool comme les autres et c’est ce que disent tous les addictologues. L’alcool qu’il contient a les mêmes effets sur le corps que celui présent dans la bière ou les alcools forts. Aucune étude n’a été en mesure de démontrer de différence entre les conséquences de la consommation de vin et de bière. Le Monde du 16 janvier 2019, titrait « Le vin est ‘’un alcool comme un autre’’, n’en déplaise au ministre de l’agriculture »

Guillaume Davido, addictologue, interrogé le 2 janvier 2024 sur BFM TV racontait, « par exemple ça c’est justement une idée reçue, des patients disent, ne vous inquiétez pas, je ne consomme pas d’alcool fort, donc j’ai pas de problème. Mais en vérité à partir du moment où vous consommez énormément de vin rouge, si vous consommez un verre standard de vin rouge, cela vaut un verre standard de whisky. Vous avez exactement les mêmes risques ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie disait « La confiance envers le gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue contre l’alcoolisme est sérieusement altérée. La restauration de cette confiance ne peut passer que par des gestes forts, tant sur le plan du contenu que de la portée symbolique ».  Face à cela, le 16 décembre, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, s’est exprimé sur France Inter en critiquant la pression constante : « Je suis comme mon collègue Rousseau, […] c’est bizarre comme on dit à chaque fois, quand on est comme ça, on dit on est dans le lobby. […] Il me semble qu’on n’a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur une trajectoire. Je ne veux pas faire [le Dry January] parce que, mais j’essaie de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de consommer avec modération. La mesure est la modération, plutôt que l’interdiction ». Pour l’addictologue Amine Benyamina, la proximité avec les lobbys de l’alcool est ici flagrante.

En 2019, Santé Publique France avait prévu une campagne intitulée « mois sans alcool » pour janvier 2020, avec le soutien du ministère de la Santé. Un budget avait été alloué et les préparatifs étaient déjà avancés. Cependant, cette initiative avait suscité des inquiétudes au sein de l’association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait demandé au gouvernement d’y renoncer en raison des difficultés économiques du secteur. Dans une lettre datée du 7 novembre 2019, ils écrivaient : « Moi sans alcool – Les Français ne doivent pas passer le mois de janvier à Sec ! ». Une enquête de France Télévisions avait ensuite révélé que c’était Emmanuel Macron lui-même qui avait annulé la campagne à la suite d’une conversation avec le président du syndicat général des vignerons de la Champagne, Maxime Toubar. La campagne a été remplacée par la promotion d’un « janvier sobre », un mois où l’on peut boire mais avec modération. Dans leurs correspondances, ils soulignent : « La filière viticole promeut depuis des années un message de modération, d’éducation à l’art de vivre à la française et à la culture du vin ». Dans l’émission Envoyé Spécial du 11 novembre 2024, Agnès Buzyn a déclaré : « A cette époque-là, je pense que les arbitrages ont été vraiment en faveur de l’agriculture, de la viticulture, des vignerons et parce que c’est aussi un critère qui fait d’exportation, c’est une image de la culture française. Donc on m’a reproché de ne pas respecter la culture française, d’avoir un discours moralisateur ».

Cette situation s’est répétée au printemps 2023, lorsque le ministère de la Santé a rejeté deux campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. L’une d’elles était prévue pour être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby. Les slogans de ces campagnes étaient « ne laissez pas l’alcool vous mettre KO » et « quand on boit des coups, notre santé prend des coups ». Sous la pression des lobbys, le ministère a plutôt décidé de cibler les jeunes avec une campagne de prévention intitulée « c’est la base », proposant des messages tels que « faire attention à ses amis s’ils boivent trop », « boire aussi de l’eau en soirée » et « ne pas oublier de manger ». Cette décision a été critiquée par Myriam Savy, directrice du plaidoyer au sein de l’association Addiction France : « Les campagnes de prévention ciblant les jeunes ou les femmes enceintes ne dérangent car elles sont spécifiques. Cependant, les deux campagnes initiales visaient la population générale, qui consomme de manière régulière de l’alcool. On leur disait que l’alcool présente un risque pour la santé, qu’il est un facteur de risque de cancer. Et cela, l’industrie de l’alcool ne l’aime pas ». En remplacement de ces deux campagnes, Santé Publique France avait proposé de rediffuser une ancienne campagne de 2019, « 2 verres par jour et pas tous les jours », mais l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’y était opposé.

En septembre 2023, lors de ces révélations, Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addiction France, a dénoncé « le lobby de l’alcool qui a infiltré tout l’appareil d’État » et « influence les décisions et s’arroge un droit de veto sur les campagnes ». Il a ajouté : « On peut faire une campagne d’information libre sur l’alcool en France. La mission de Santé Publique France est de faire de la prévention, pas de la communication gouvernementale. Ce n’est pas de relayer la parole d’Emmanuel Macron, c’est de défendre la santé. Ce n’est pas ce qui se passe ».

En conclusion, le Dry January offre une opportunité précieuse de réévaluer notre relation avec l’alcool et de prendre conscience des dangers qu’il peut présenter pour notre santé physique et mentale. En adoptant une habitude de vie sans excès, nous pouvons non seulement améliorer notre bien-être général, mais aussi réduire les risques de maladies chroniques, de dépendance et d’accidents liés à la consommation d’alcool. Il est crucial de reconnaître l’importance d’une consommation responsable et de rechercher des alternatives saines pour faire face au stress et aux pressions sociales. En cultivant des habitudes de vie équilibrées et en mettant l’accent sur la santé et le bien-être, nous pouvons non seulement vivre plus longtemps, mais aussi profiter pleinement de chaque aspect de notre existence.

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

Expansion : Quel destin pour l’Union Européenne ?

Expansion : Quel destin pour l’Union Européenne ?

Si la nouvelle est relativement récente, il n’en demeure pas moins que celle-ci est historique : le 14 décembre 2023, à la suite d’un sommet de l’Union Européenne à Bruxelles, les 27 Etats membres ont décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie, deux Etats seulement officiellement candidats depuis l’année précédente. Si la décision, surprenante de par sa rapidité (la Hongrie de Viktor Orban s’étant abstenue pour le vote), réjouit la majeure partie des Européens ainsi que les gouvernements des Etats candidats, elle a en revanche un goût amer dans certains pays candidats à l’entrée de l’UE, avec qui cette dernière n’a pas encore ouvert les négociations, alors qu’ils se sont pourtant portés candidats antérieurement à l’Ukraine et à la Moldavie.

Ces sentiments contrastés mettent en avant un véritable carrefour auquel fait face l’Union Européenne : entre diverses possibilités d’expansion, qui ont cependant chacune leurs opportunités, leurs risques et leurs menaces, tant internes qu’externes, qui pourraient enliser l’Union voire la faire vaciller.

Des nouveaux candidats enthousiastes

Les deux candidatures les plus récentes qui ont été acceptées par l’UE sont donc celles de l’Ukraine et de la Moldavie, candidats depuis 2023 avec un dépôt de candidature effectué en 2022. Ces deux pays se situent à l’est des frontières actuelles de l’Union, et sont actuellement membres du Partenariat Oriental qu’entretient celui-ci avec des Etats d’Europe Orientale et du Caucase, qui souhaitent se rapprocher de l’UE, tant pour des raisons économiques, politiques (comme par exemple en Géorgie avec la victoire d’un parti pro-européen lors des élections présidentielles) ou sociétales.

Pour l’Ukraine, si le processus de candidature est dans les faits récent, l’idée d’un rapprochement avec l’UE a germé dans les esprits de certains ukrainiens depuis des décennies déjà, bien que le pays ait été fortement divisé sur le sujet entre partisans de l’Est (la Russie) et de l’Ouest (l’UE). Cette polarisation est l’un des facteurs des nombreux troubles politiques qu’a connu le pays, qu’il s’agisse de la révolution orange en 2004 ou des manifestations de la place Maïdan en 2013. Cependant, avec le déclenchement d’un conflit avec la Russie, d’abord en 2014 avec l’annexion de la Crimée puis en 2022, les partisans d’un rapprochement avec l’UE se sont ancrés sur le devant de la scène politique locale. De surcroît, du fait de la guerre désormais ouverte entre Ukraine et Russie, la volonté de pivoter vers l’Ouest est d’autant plus puissante aujourd’hui car elle pourrait être une garantie supplémentaire de sécurité et d’aide pour le pays, actuellement enlisé dans un conflit qui tend vers la guerre d’attrition.

L’Union Européenne a avec ces deux candidatures la possibilité d’étendre son influence vers l’Est et d’ainsi réduire celle de la Russie en s’immisçant davantage au sein de son ancien glacis protecteur de l’époque soviétique, tout en s’affirmant comme un ensemble cohérant possédant une véritable dynamique sur la scène internationale. Malgré ces avantages, le processus d’intégration d’un Etat à l’Union Européenne est long et surtout très exigent. En effet, pour qu’un Etat puisse intégrer l’Union Européenne, il doit respecter un certain cahier des charges imposé par l’UE, ce qui amène donc le candidat à faire de nombreuses réformes, plus ou moins difficiles, et ces réformes peuvent prendre du temps. La volonté européenne derrière la main tendue à l’Ukraine et à la Moldavie est en partie politique : au cours d’un agenda ‘normal’, ces Etats n’auraient pas déposés leurs candidatures avant au moins quelques années voire décennies. De ce fait, les deux Etats ne sont pas aujourd’hui en capacité de respecter le cahier des charges européen : l’Ukraine est un pays en guerre et la Moldavie est un pays en lutte contre la corruption, les trafics en tous genres (le pays étant une voie de passages de ressources illégales vers l’Europe), et des séparatistes russophiles dans la région de Transnistrie (dans l’Est du pays).

D’autres candidatures de longue dates, mais qui n’aboutissent pas

Mais ces deux Etats ne sont pas les seuls à vouloir intégrer l’Union Européenne, car 5 Etats de la région des Balkans ont également une candidature acceptée (le Kosovo a déposé sa candidature, elle n’a pas été encore acceptée à ce jour). Ces candidatures ont entre 8 et 20 ans, et pourtant elles sont au même stade que les candidatures ukrainiennes et moldaves, qui n’ont que 2 ans. En effet, les gouvernements de ces pays sont en négociation d’adhésion avec l’Union Européenne, et essayent de faire respecter dans leur Etat le cahier des charges que leur impose celle-ci pour pouvoir faire partie de cette dernière.

De plus, il existe une difficulté supplémentaire : l’intégration des Balkans à l’UE n’a pas le même écho sur le plan politique que celle des pays orientaux, et il existe de plus des inimitiés entre certains candidats et certains membres de l’Union. Prenons l’exemple de la Macédoine du Nord, dont la candidature a été acceptée en 2005. Les négociations d’adhésion traînent en longueur et ont même eu du mal à débuter du fait des conflictualités entre Macédoine du Nord et Grèce sur le nom du pays (car pour les grecs, la Macédoine est une de leurs provinces), car celui-ci porte un certain héritage – celui d’Alexandre le Grand notamment. Le pays a également un litige avec la Bulgarie, autre membre de l’UE, au sujet de la minorité bulgare dans le pays. Ainsi, des années durant, la Grèce et la Bulgarie ont fait pression à Bruxelles pour ralentir et retarder les négociations, à travers des vetos lors de votes. De ce fait, le cœur des négociations (l’ouverture des chapitres du cahier des charges) n’a réellement débuté qu’en 2023, 18 ans après la validation européenne de la candidature macédonienne.

Entre les différentes candidatures des pays des Balkans, c’est le Monténégro qui se trouve être le plus avancé, ayant déjà commencé à valider certains chapitres du cahier des charges. Mais dans les faits, les Etats font face à des rivalités politiques internes et externes, des difficultés économiques et ont du mal à se débarrasser de leurs fléaux (la corruption principalement), compliquant une adhésion rapide.

Les conséquences éventuelles d’une expansion de l’UE

Pour les Etats membres de l’Union Européenne, la possibilité d’une future expansion amène de nombreuses questions à faire surface, notamment sur la viabilité d’un tel projet. En effet, pour pouvoir comprendre les dilemmes, il faut analyser la situation à travers différents prismes.

En premier lieu, il fait sens d’étendre l’UE d’un point de vue paneuropéen (membre de l’UE ici), car une expansion permettrait d’étendre sa sphère d’influence – vers l’Est ou vers le Sud (les Balkans), pour éviter qu’une puissance extracontinentale puisse s’installer sur le continent, sous les yeux de l’UE –  et pourrait témoigner de la bonne santé de l’Union, car l’intégration de nouveaux Etats montrerait que l’Union Européenne serait capable de les ‘absorber’. De plus, cela rapprocherait cette dernière d’un statut qui pourrait devenir éponyme : celui d’une Union Européenne – de tout les Etats d’Europe (ou presque).

Cependant, à une heure où les sociétés occidentales se polarisent, certains voient d’un mauvais œil une extension de l’UE. Ainsi, vu d’une perspective plus nationale, plus d’Etats au sein de l’Union signifie moins de ressources pour chaque Etat – à court terme en tout cas -, du fait du principe d’une répartition des richesses basée sur l’équité. De surcroît, certains mettent en avant la faiblesse du système politique européen, basé en partie sur des votes à l’unanimité, et ils dénoncent le fait que l’ajout de nouveaux Etats ne va que compliquer la prise de futures décisions, à un âge où celles-ci seront capitales pour l’Union et les membres. Les décisions de l’Union étant déjà complexes aujourd’hui, du fait des blocages et de la volonté de certains membres de faire pression sur Bruxelles, les futurs accords risquent d’être obtenus après des négociations fleuves (et pas forcément paisibles). Enfin vient le risque qu’avec une Union trop grande et qui risque de devenir impopulaire du fait de sa lenteur et de sa rigidité, certains prennent l’option de quitter l’Union, ou de se rapprocher d’autres membres pour une coopération plus directe.

Ainsi, si la perspective d’adhérer à l’Union Européenne fait encore rêver de nombreux citoyens et gouvernements de pays candidats, malgré des difficultés d’adaptation politique aux normes de l’UE. Mais c’est au sein même de l’Union que les instances et les Etats balancent sur le fait de faire grandir celle-ci, bien que les candidatures soient toutes examinées, en vertu des principes européens. En somme, entre velléités politiques internes et externes et perspectives politiques incertaines au niveau national (avec la montée d’un populisme eurosceptique dans certains Etats), l’Union et ses membres vont devoir trouver une ‘’unité dans la diversité’’, pour pouvoir adapter le modèle européen et ainsi prospérer sans risquer d’imploser.

Par Maël FERTIL

Comment expliquer la colère des agriculteurs

Comment expliquer la colère des agriculteurs

Un peu partout en Europe, notamment en France, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Pologne ou encore en Allemagne, les agriculteurs se mobilisent pour protester contre des conditions de travail et financières trop difficile et contre un manque de reconnaissance.

Depuis quelques jours, les agriculteurs français bloquent certaines autoroutes et périphéries pour faire entendre leur colère face à une situation qui ne change pas depuis de nombreuses années Des autoroutes comme la A64, près de Toulouse, en Occitanie qui sont devenues en quelque sorte des QG des agriculteurs durant ces manifestations. D’autres agriculteurs et notamment des producteurs de lait manifestent devant les locaux des industriels comme Lactalis, dénonçant un prix d’achat du litre de lait bien trop faibles.

Une protestation avant tout européenne !

Comme dit précédemment, la colère des agriculteurs n’est pas seulement française, elle est avant tout européenne. La semaine dernière encore, Berlin était également bloquée par les agriculteurs et éleveurs allemands qui protestaient contre la fin progressive d’une aide fiscale sur le gazole à usage agricole et sur les véhicules agricoles.

Parallèlement, en Roumanie, les agriculteurs se sont également mobilisés contre un coût du carburant trop élevé, des normes environnementales trop strictes.

Et depuis quelques mois, il s’agit aussi des agriculteurs et transporteurs polonais qui bloquent les routes, notamment celles qui sont frontalières à l’Ukraine pour contester contre les importations de céréales ukrainiennes qui fragilisent les agriculteurs polonais qui ont contestés contre les aides de l’UE facilitant les importations ukrainiennes (suppression des droits de douane en mai 2022 pour un an), qui ont fait baissés le prix des matières agricoles.

Alors qu’aux Pays-Bas, la colère quant-à-elle était due à la volonté de l’ancien gouvernement de réduire les surfaces exploitables et interdire l’azote pour les usages agricoles à des fins environnementales.

Les raisons pouvant expliquer cette colère des agriculteurs français

Certes, les agriculteurs européens se mobilisent pour des raisons plus ou moins divergentes mais le cœur du problème reste le même. Nombreux sont ceux à se plaindre d’une surrèglementation européenne imposant beaucoup de normes et de restrictions les rendant non compétitif par rapport aux pays non membres de l’Union européenne qui sont bien souvent non contraints par de tels règlements mais aussi par les nombreuses importations de produits étrangers que l’on produit pourtant en France au détriment des agriculteurs français. Ils contestent également la libre circulation des marchandises et produits agricoles au sein de l’UE. Enfin… le problème n’est pas tant le marché unique mais l’absence d’uniformité normative tant sur la législation applicable, que sur le droit du travail ou les prix.

De plus, les agriculteurs demandent que les aides de l’État soient versées en temps et en heure ainsi que la fin de la hausse du gazole non routier (GNR). Mais les contestations des agriculteurs qui font la une de l’actualité depuis le début du mois de janvier 2024 ne vient pas de commencer, elle ne fait que prendre de l’ampleur car cette contestation a débuté en automne 2023 avec de nombreux panneaux de certaines villes retournés dans de nombreuses communes françaises.

Les difficultés financières sont flagrantes dans le milieu agricole avec notamment un taux de pauvreté des ménages agricoles proche des 20% alors qu’il est considéré comme proche des 9% pour l’ensemble de la population française.

Le gouvernement français veut agir

Les membres gouvernementaux se rappellent de la crise des gilets jaunes et veulent éviter qu’une nouvelle crise sociale apparaisse. D’autant que les agriculteurs bénéficient d’une belle popularité selon les sondages qui affirment que 85% des Français interrogés soutiennent cette mobilisation et estiment que les agriculteurs jouent un rôle central dans l’accès à l’alimentation.

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, a annoncé vouloir repoussé le projet de loi sur l’agriculture. Ce projet de loi doit notamment répondre au manque d’agriculteurs en créant un Bachelor agro (Bac +3) mais aussi en créant un service qui permettrait un meilleur accompagnement des agriculteurs voulant s’installer à leur compte. Sachant que dans les 10 prochaines années, un tiers des agriculteurs devrait partir à la retraite, soit 166 000 exploitants sur les 500 000 actuellement installés, d’autant que les jeunes agriculteurs n’ont bien souvent pas les moyens financiers pour investir et s’installer et que le remboursement des emprunts serait trop élevé par rapport à la rentabilité aujourd’hui d’une exploitation agricole. Alessandra Kirsch, docteure en économie agricole affirme que les jeunes agriculteurs voulant s’installer doivent investir plusieurs milliers d’euros voire millions d’euros entre les véhicules, les équipements agricoles, les bâtiments, les terrains… La France aurait perdu 21% de ses exploitations agricoles en 2010 et 2020 soit 100 000 exploitations.

Vendredi 26 janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal s’est rendu en Haute-Garonne pour faire de premières mesures : réduction des délais administratifs et juridiques pour mettre en œuvre des projets agricoles, fin des acharnements juridiques, moins de normes et d’aberrations règlementaires, mieux protéger les agriculteurs par un meilleur respect de la loi EGAlim, qui a pour objectif de protéger les revenus des exploitants agricoles, remboursement à 90% des frais de vétérinaire conte 80% jusqu’à présent, 50 millions d’euros supplémentaires pour la filière bio, fin de la hausse du gazole non routier, aides dues remboursées plus rapidement… Malgré ces annonces, les agriculteurs sont globalement mitigés tout en soulignant des avancées. La capitale reste toutefois sous la menace d’un blocage prochain par les agriculteurs qui dénoncent toujours une concurrence déloyale vis-à-vis des autres agriculteurs de l’UE. Le gouvernement devrait annoncer la semaine prochaine de nouvelles mesures.

Par Maxence HRYWNIACK

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

En 2022, « 783 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation » dans le monde, selon le rapport annuel de la FAO. Cette situation dramatique est le résultat d’un système alimentaire mondial profondément inégalitaire et insoutenable, qui met en péril la santé, l’environnement et la paix.

Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les défis à relever pour nourrir le monde sans dévorer la planète ? Quelles sont les solutions envisageables pour garantir le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous ?

Comment le monde aborde-t-il les défis de la sous-alimentation alors que la faim persiste à l’échelle mondiale ?

Le système alimentaire mondial actuel est le fruit d’une longue histoire, marquée par des révolutions agricoles, des échanges commerciaux, des innovations technologiques, des politiques publiques, des mouvements sociaux et des crises diverses. Il se caractérise par une grande diversité, mais aussi par de fortes inégalités, tant au niveau de la production, de la distribution, que de la consommation des aliments.

D’un côté, on assiste à une intensification et à une industrialisation de l’agriculture, qui reposent sur l’utilisation massive d’intrants chimiques, de machines et d’OGM. En effet, selon Atlas des pesticides de 2022, la consommation mondiale de pesticides a augmenté de 80 % depuis 1990. Cette agriculture vise à augmenter les rendements et à réduire les coûts de production, mais elle a aussi des impacts néfastes sur l’environnement, et la santé des agriculteurs et des consommateurs. Par exemple, the Guardian parle de pesticide responsable « d’environ 11 000 décès humains et de l’empoisonnement de 385 millions de personnes chaque année ». Elle favorise également la concentration des terres, des marchés et des profits entre les mains de quelques acteurs puissants, au détriment des petits paysans.

De l’autre côté, on observe une expansion et une diversification de la demande alimentaire, liées à la croissance démographique, à l’augmentation des revenus et aux changements des modes de vie et des habitudes alimentaires. Cette demande se traduit par une plus grande consommation de produits animaux et de produits importés. Par exemple, selon le point, « la consommation mondiale de viande a été multipliée par près de cinq au cours des soixante dernières années ». Cette alimentation répond à des besoins de praticité, de variété, de plaisir, mais elle engendre aussi des problèmes de surpoids, d’obésité, de gaspillage et de dépendance. En effet, selon l’OMS, le cas d’obésité a « triplé entre 1975 et 2016 », englobant, en 2016, 13% de la population mondiale.

Quels défis notre système alimentaire doit-il surmonter pour garantir une alimentation suffisante et équitable ?

Aux vues de cette situation, notre système alimentaire doit faire face à plusieurs défis majeurs, qui mettent en jeu sa capacité à assurer la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des populations, ainsi que sa durabilité écologique, économique et sociale.

Le premier défi est celui de la faim, qui touche encore 258 millions de personnes dans 58 pays, selon le rapport mondial sur les crises alimentaires. La faim est le résultat de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion, qui empêchent les personnes d’accéder à des aliments suffisants, sains et nutritifs. En France, en 2022, par exemple, la demande d’aide alimentaire a triplé en 10 ans, avec 2,4 millions aujourd’hui. De plus, la Fédération française des banques alimentaires expliquait que « Depuis 2008, les différentes crises […] se sont traduites par cette marée lente du recours à l’aide alimentaire qui n’a jamais reflué ». La faim entraîne des conséquences dramatiques sur la santé, le développement et la dignité des personnes qui en souffrent.

Le deuxième défi est celui de la malnutrition, qui affecte plus de 2 milliards de personnes dans le monde, selon l’OMS. La malnutrition recouvre à la fois la sous-nutrition, qui se manifeste par un déficit en calories, et la sur-nutrition, qui se traduit par un excès de calories. La malnutrition est liée à la qualité et à la diversité de l’alimentation. La malnutrition a des effets néfastes sur la croissance, le développement cognitif, la résistance aux infections, la productivité et le bien-être des individus.

Le troisième défi est celui du changement climatique, qui menace la sécurité et la durabilité de notre système alimentaire, mais qui est aussi en partie causé par celui-ci. En effet, le secteur agricole est responsable d’environ « un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre » selon l’ONU. Le changement climatique a des impacts négatifs sur la biodiversité et les rendements agricoles, la qualité. Il accroît aussi les risques environnementaux qui affectent la production et l’accès à la nourriture.

Le quatrième défi est celui du manque de résilience du système alimentaire. L’agriculture s’autodétruit alors que « 99% de nos aliments viennent du sol » selon George Monbiot dans son livre Nourrir le Monde. Nous avons un système alimentaire qui devient fragile, car il est dominé par quelques entreprises qui prônent une diversité végétale réduite. Dès lors, George Monbiot affirme que « Notre façon de nous nourrir engendre des difficultés de vie sur terre ».

Le cinquième défi reste le désintéressement de l’agriculture pour l’alimentation. Des États, à l’instar du Brésil, mettent en place une politique agricole afin de valoriser le biocarburant. Ces biocarburants font sortir de l’alimentation de grandes quantités de produit alimentaire comme le maïs, le sucre et le soja.

Comment pouvons-nous transformer notre système alimentaire pour le rendre plus résilient et équitable ?

Pour faire face à ces défis, il est nécessaire de transformer radicalement notre système alimentaire, en le rendant plus juste, plus résilient et plus respectueux de la nature et des êtres humains.

La première piste est celle de l’agroécologie, qui consiste à appliquer les principes de l’écologie à l’agriculture, en favorisant la diversité des cultures, la rotation des sols et l’utilisation des savoirs locaux. L’agroécologie permet de produire des aliments sains et nutritifs, tout en préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Elle contribue aussi à renforcer la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à définir leur propre politique agricole et alimentaire, en fonction de leurs besoins, de leurs cultures et de leurs valeurs.

La deuxième piste est celle de l’alimentation durable, qui vise à adopter des modes de consommation et de distribution des aliments qui respectent la santé et l’environnement. L’alimentation durable implique de réduire la consommation de produits animaux, et de privilégier les produits végétaux et les produits locaux. Elle suppose aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui représente environ « un tiers de la production mondiale de nourriture ». Elle nécessite enfin de soutenir les circuits courts, les marchés locaux, les coopératives et les associations qui favorisent la proximité, la solidarité, la transparence et la démocratie alimentaire.

La troisième piste est celle de la Sécurité sociale de l’alimentation, qui consiste à reconnaître le droit à une alimentation suffisante, saine et durable comme un droit fondamental, et à le garantir par des politiques publiques adaptées. En effet, pour Bénédicte Bonzi, dans La France qui a faim, il faut créer une « sécurité sociale de l’alimentation », qui garantirait « le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous », en s’appuyant sur les principes de la démocratie alimentaire. Pour elle, se nourrir correctement est un « droit fondamental », qui « ne doit pas dépendre de la charité, du marché ou de l’État », mais qui doit être « co-construit » par les citoyens, les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.

La faim persistante à l’échelle mondiale, les défis structurels de notre système alimentaire, et les solutions possibles sont autant de sujets cruciaux qui exigent une réflexion et une action immédiate. Face à cette complexité, la France, en tant qu’acteur majeur dans la production alimentaire mondiale, doit jouer un rôle proactif dans la recherche de solutions durables. En repensant nos habitudes alimentaires et en promouvant une agriculture respectueuse de l’environnement, nous pouvons aspirer à un avenir auquel personne ne souffre de la faim, et où l’alimentation est un droit indispensable pour tous.

Comment pouvons-nous collectivement contribuer à la transformation de notre système alimentaire pour un avenir plus juste et nourrissant ?

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

Pourquoi la fonte des glaciers himalayens menace-t-elle l’accès à l’eau de millions de personnes ?

Pourquoi la fonte des glaciers himalayens menace-t-elle l’accès à l’eau de millions de personnes ?

En juin 2023, une nouvelle étude publiée par le Centre international pour le développement intégré des montagnes (ICIMOD) estime que le rythme de fonte des glaciers himalayens entre 2011 et 2020 a été 65 % plus rapide que pour la décennie précédente. Le centre alarme aussi quant à la sécurité hydrique de millions de personnes.

L’Himalaya et ses glaciers constituent une région-source fondamentale pour l’approvisionnement en eau de 240 millions d’habitants dans les régions montagneuses et 1,65 milliards d’autres personnes dans les vallées en contrebas, indique l’ICIMOD. Les glaciers himalayens alimentent en effet les plus importants bassins fluviaux du monde, dont le Gange, l’Indus, le Fleuve Jaune, le Mékong et l’Irrawaddy. C’est donc une ressource stratégique pour les 8 pays régionaux de l’Hindu Kush Himalaya membres de l’ICIMOD que sont l’Afghanistan, le Bangladesh, le Bhoutan, la Chine, l’Inde, Myanmar, le Népal et le Pakistan.

La fonte rapide des glaciers en raison du réchauffement climatique aura donc des conséquences écologiques et économiques dévastatrices qui se révèlent déjà préoccupantes. Sur le court terme en effet, la fonte des glaciers entraîne une augmentation du volume d’eau descendant des sommets. Ainsi, en février 2021 à la suite d’une crue, des dizaines de milliers de foyers de New Delhi ont été privés d’eau courante. Cette crue a fait suite à la rupture d’un glacier himalayen. Elle a endommagé un complexe hydroélectrique et détruit routes et ponts.

Selon l’étude de l’ICIMOD, ces conséquences ne feront que s’aggraver dans les années à venir puisque celle-ci estime une disparition des glaciers himalayens jusqu’à 80 % de leur volume d’ici la fin du siècle en suivant les trajectoires d’émissions actuelles. « Cela souligne la nécessité d’une action climatique urgente », déclare Philippus Wester, chercheur et principal auteur de cette étude.

Par Cassandre LETORTU