Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?


Publié le 13 janvier 2024

En 2022, « 783 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation » dans le monde, selon le rapport annuel de la FAO. Cette situation dramatique est le résultat d’un système alimentaire mondial profondément inégalitaire et insoutenable, qui met en péril la santé, l’environnement et la paix.

Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les défis à relever pour nourrir le monde sans dévorer la planète ? Quelles sont les solutions envisageables pour garantir le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous ?

Comment le monde aborde-t-il les défis de la sous-alimentation alors que la faim persiste à l’échelle mondiale ?

Le système alimentaire mondial actuel est le fruit d’une longue histoire, marquée par des révolutions agricoles, des échanges commerciaux, des innovations technologiques, des politiques publiques, des mouvements sociaux et des crises diverses. Il se caractérise par une grande diversité, mais aussi par de fortes inégalités, tant au niveau de la production, de la distribution, que de la consommation des aliments.

D’un côté, on assiste à une intensification et à une industrialisation de l’agriculture, qui reposent sur l’utilisation massive d’intrants chimiques, de machines et d’OGM. En effet, selon Atlas des pesticides de 2022, la consommation mondiale de pesticides a augmenté de 80 % depuis 1990. Cette agriculture vise à augmenter les rendements et à réduire les coûts de production, mais elle a aussi des impacts néfastes sur l’environnement, et la santé des agriculteurs et des consommateurs. Par exemple, the Guardian parle de pesticide responsable « d’environ 11 000 décès humains et de l’empoisonnement de 385 millions de personnes chaque année ». Elle favorise également la concentration des terres, des marchés et des profits entre les mains de quelques acteurs puissants, au détriment des petits paysans.

De l’autre côté, on observe une expansion et une diversification de la demande alimentaire, liées à la croissance démographique, à l’augmentation des revenus et aux changements des modes de vie et des habitudes alimentaires. Cette demande se traduit par une plus grande consommation de produits animaux et de produits importés. Par exemple, selon le point, « la consommation mondiale de viande a été multipliée par près de cinq au cours des soixante dernières années ». Cette alimentation répond à des besoins de praticité, de variété, de plaisir, mais elle engendre aussi des problèmes de surpoids, d’obésité, de gaspillage et de dépendance. En effet, selon l’OMS, le cas d’obésité a « triplé entre 1975 et 2016 », englobant, en 2016, 13% de la population mondiale.

Quels défis notre système alimentaire doit-il surmonter pour garantir une alimentation suffisante et équitable ?

Aux vues de cette situation, notre système alimentaire doit faire face à plusieurs défis majeurs, qui mettent en jeu sa capacité à assurer la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des populations, ainsi que sa durabilité écologique, économique et sociale.

Le premier défi est celui de la faim, qui touche encore 258 millions de personnes dans 58 pays, selon le rapport mondial sur les crises alimentaires. La faim est le résultat de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion, qui empêchent les personnes d’accéder à des aliments suffisants, sains et nutritifs. En France, en 2022, par exemple, la demande d’aide alimentaire a triplé en 10 ans, avec 2,4 millions aujourd’hui. De plus, la Fédération française des banques alimentaires expliquait que « Depuis 2008, les différentes crises […] se sont traduites par cette marée lente du recours à l’aide alimentaire qui n’a jamais reflué ». La faim entraîne des conséquences dramatiques sur la santé, le développement et la dignité des personnes qui en souffrent.

Le deuxième défi est celui de la malnutrition, qui affecte plus de 2 milliards de personnes dans le monde, selon l’OMS. La malnutrition recouvre à la fois la sous-nutrition, qui se manifeste par un déficit en calories, et la sur-nutrition, qui se traduit par un excès de calories. La malnutrition est liée à la qualité et à la diversité de l’alimentation. La malnutrition a des effets néfastes sur la croissance, le développement cognitif, la résistance aux infections, la productivité et le bien-être des individus.

Le troisième défi est celui du changement climatique, qui menace la sécurité et la durabilité de notre système alimentaire, mais qui est aussi en partie causé par celui-ci. En effet, le secteur agricole est responsable d’environ « un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre » selon l’ONU. Le changement climatique a des impacts négatifs sur la biodiversité et les rendements agricoles, la qualité. Il accroît aussi les risques environnementaux qui affectent la production et l’accès à la nourriture.

Le quatrième défi est celui du manque de résilience du système alimentaire. L’agriculture s’autodétruit alors que « 99% de nos aliments viennent du sol » selon George Monbiot dans son livre Nourrir le Monde. Nous avons un système alimentaire qui devient fragile, car il est dominé par quelques entreprises qui prônent une diversité végétale réduite. Dès lors, George Monbiot affirme que « Notre façon de nous nourrir engendre des difficultés de vie sur terre ».

Le cinquième défi reste le désintéressement de l’agriculture pour l’alimentation. Des États, à l’instar du Brésil, mettent en place une politique agricole afin de valoriser le biocarburant. Ces biocarburants font sortir de l’alimentation de grandes quantités de produit alimentaire comme le maïs, le sucre et le soja.

Comment pouvons-nous transformer notre système alimentaire pour le rendre plus résilient et équitable ?

Pour faire face à ces défis, il est nécessaire de transformer radicalement notre système alimentaire, en le rendant plus juste, plus résilient et plus respectueux de la nature et des êtres humains.

La première piste est celle de l’agroécologie, qui consiste à appliquer les principes de l’écologie à l’agriculture, en favorisant la diversité des cultures, la rotation des sols et l’utilisation des savoirs locaux. L’agroécologie permet de produire des aliments sains et nutritifs, tout en préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Elle contribue aussi à renforcer la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à définir leur propre politique agricole et alimentaire, en fonction de leurs besoins, de leurs cultures et de leurs valeurs.

La deuxième piste est celle de l’alimentation durable, qui vise à adopter des modes de consommation et de distribution des aliments qui respectent la santé et l’environnement. L’alimentation durable implique de réduire la consommation de produits animaux, et de privilégier les produits végétaux et les produits locaux. Elle suppose aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui représente environ « un tiers de la production mondiale de nourriture ». Elle nécessite enfin de soutenir les circuits courts, les marchés locaux, les coopératives et les associations qui favorisent la proximité, la solidarité, la transparence et la démocratie alimentaire.

La troisième piste est celle de la Sécurité sociale de l’alimentation, qui consiste à reconnaître le droit à une alimentation suffisante, saine et durable comme un droit fondamental, et à le garantir par des politiques publiques adaptées. En effet, pour Bénédicte Bonzi, dans La France qui a faim, il faut créer une « sécurité sociale de l’alimentation », qui garantirait « le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous », en s’appuyant sur les principes de la démocratie alimentaire. Pour elle, se nourrir correctement est un « droit fondamental », qui « ne doit pas dépendre de la charité, du marché ou de l’État », mais qui doit être « co-construit » par les citoyens, les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.

La faim persistante à l’échelle mondiale, les défis structurels de notre système alimentaire, et les solutions possibles sont autant de sujets cruciaux qui exigent une réflexion et une action immédiate. Face à cette complexité, la France, en tant qu’acteur majeur dans la production alimentaire mondiale, doit jouer un rôle proactif dans la recherche de solutions durables. En repensant nos habitudes alimentaires et en promouvant une agriculture respectueuse de l’environnement, nous pouvons aspirer à un avenir auquel personne ne souffre de la faim, et où l’alimentation est un droit indispensable pour tous.

Comment pouvons-nous collectivement contribuer à la transformation de notre système alimentaire pour un avenir plus juste et nourrissant ?

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.