Courbettes et mansuétude : Comment Facebook veut outrepasser le protectionnisme économique chinois ?

Courbettes et mansuétude : Comment Facebook veut outrepasser le protectionnisme économique chinois ?

 « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat » : c’est au pragmatisme de l’un des pères fondateurs du développement économique de l’Empire du Milieu, Dèng Xi?opíng, que les entreprises occidentales devraient se référer lorsque leurs volontés les poussent à s’introduire sur le marché chinois. Via des stratégies protectionnistes reposant sur des montages juridico-financiers saupoudrés d’une bonne dose de contrôle politique, la Chine a instauré des barrières visant à soutenir ses propres multinationales au détriment des géants occidentaux. Cependant, la doxa aurait tort de considérer la Chine comme un pays fermé ou plutôt renfermé. Au contraire, la République Populaire de Chine reste ouverte… sous ses conditions.
Rien de mieux pour illustrer ces propos que d’évoquer Facebook qui depuis 2009 souffre d’une interdiction de ses activités en Chine continentale, ce qui profite largement à son concurrent chinois « WeChat » (ou « W?ixìn) détenu par l’entreprise Tencent. La suspension de 5années contre le réseau social comptant plus d’un milliard d’utilisateurs n’a rien d’étonnant. En effet, celui-ci est jugé non-conforme aux réglementations en vigueur par les autorités car il ne permet pas un contrôle de la diffusion des informations. Facebook fut officiellement sanctionné aux côtés de Google et Youtube à la suite des violences ethniques qui ont eu lieu à Ürümqi, la capitale du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, durant l’été 2009 où plus de 150 personnes furent tuées sans compter le millier de blessés. Cependant, on retiendra surtout que Facebook, au cours de sa période de forte expansion autour de 2010 aurait pu venir s’accaparer un marché laissé quasiment à l’abandon par les entreprises chinoises (WeChat ayant vu le jour en 2011 par exemple).

 

Après 5 ans de purgatoire, Mark Zuckerberg et ses équipes comptent bien revenir en force sur ce marché de 632 millions d’internautes. C’est pourquoi Facebook intensifie ses efforts envers le pouvoir à coup de courbettes et de gestes habiles. Dès mai 2014, le réseau social a ouvert un bureau en plein cœur du centre des affaires de Pékin dans le but de montrer sa volonté de coopérer et sa docilité. D’ailleurs, l’activité développée dans les locaux de la capitale chinoise bien que lucrative, ne se résume qu’à la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs chinois voulant acquérir plus de visibilité à travers le globe. Plus récemment en octobre, nous avons pu voir Mark Zuckerberg se prêtant au jeu des questions/réponses, en mandarin s’il vous plait pendant plus d’une trentaine de minutes lors d’une conférence donnée à la meilleure université chinoise, celle de Tsinghua où le jeune directeur possède un siège au Conseil d’Administration. L’idée de séduire la future élite du pays n’est pas neutre, elle est même plutôt astucieuse sur le long terme. De plus, ni le directeur de Facebook ni ses équipes n’ont pris la liberté de se plaindre de la situation de leur réseau social dans le pays ; au contraire le Vice-Président du développement de Facebook Vaughan Smith s’est même dit « satisfait » de la situation.
Néanmoins la plus remarquable des courbettes est signée Mark Zuckerberg lors de la visite dans les locaux californiens de Facebook de l’un des grands dignitaires du parti communiste chinois, L? We?, le chien de garde choisi par Xí Jìnpíng pour veiller sur le système de censure Internet le plus développé au monde. En effet, le président du géant du web s’est volontiers fait photographier aux côtés de son invité (voir photo) avec le recueil « La gouvernance de la Chine » posé nonchalamment sur son bureau : un pavé de 515 pages comprenant l’ensemble des discours, citations, interventions du président chinois. Les joues enflammées de Lu Wei ne trompent pas ; Facebook est prêt à faire de nombreuses concessions pour se faire accepter et passer au travers des barrières érigées par Beijing. Plus encore, Mark Zuckerberg est allé jusqu’à acheter ce livre à ses collaborateurs pour qu’ils puissent comprendre « le socialisme aux caractéristiques chinoises » : un prosélytisme apprécié. Ces courbettes ne font que justifier et légitimer la censure orchestrée par Xí Jìnpíng. Ce comportement représente l’acceptation d’un Facebook prêt à se plier aux normes chinoises tout en clamant être le défenseur de liberté d’expression en Occident : la schizophrénie affichée par la firme américaine n’étonne cependant plus après les révélations des liens entre les services secrets américains et cette dernière.
Cependant, est-ce vraiment suffisant pour amadouer l’Etat-parti ? En septembre, L? We? a déclaré que Facebook « ne pourrait pas » gagner l’accès au marché chinois dans un avenir proche. De plus, ce dernier a renchéri par une attaque subtile et indirecte lors du « World Economic Forum » à Tianjin : « Si vous essayez d’effriter les intérêts de la Chine […] nous ne vous autoriserons pas à exister ! ». Plus récemment, ce même ministre de la censure, responsable de la supervision de l’internet en Chine, a affirmé « Je n’ai pas dit que Facebook ne pourrait pas entrer en Chine mais je n’ai pas dit qu’il pourrait ». Des paroles ambiguës, peu encourageantes mais qui ont pour mérite de ne pas fermer la porte à l’entrée de Facebook en Chine. Toutefois, quelques facteurs encourageants comme la fantastique réussite de Linkedin au sein de l’Empire du Milieu, acceptant ouvertement la censure et le filtrage sur son réseau, laissent Facebook rêveur.
Néanmoins, même si un jour ses courbettes bien que chronophages permettaient à Facebook de décrocher le fameux sésame lui permettant de s’attaquer au marché chinois, le site de Mark Zuckerberg pourrait-il véritablement rivaliser face à un rival de la taille de WeChat, si bien installé dans le paysage et fort de ses 400 millions d’utilisateurs en Chine ? De plus, en cas d’introduction du réseau social Facebook, le pouvoir chinois pourrait-il malgré des restrictions fortes vraiment contrôler un univers si permissif et si vaste ? Des interrogations persistent quant à l’avenir de Facebook en Chine, bien malin sera celui qui pourra prédire l’avenir de ce duo.
Finalement, un phénomène récent pourrait bien venir bousculer l’ordre établi. Malgré le blocage du réseau social, celui-ci reste tout de même accessible via des réseaux privés virtuels en Chine. L’attrait d’un nombre croissant de jeunes chinois sympathisants à Facebook permet au réseau d’infiltrer ce marché petit à petit… jouant sur l’effet boule de neige propre aux réseaux sociaux, on en vient à se demander si le gouvernement de Xí Jìnpíng serait en mesure d’endiguer une telle tendance.
Jordane Decas
Le Bon, la Brute et l’Iran

Le Bon, la Brute et l’Iran

Vers un accord Téhéran-Washington ?

 

« La question des relations Iran/Etats-Unis est devenue particulièrement complexe et une décision à ce sujet très délicate à prendre pour chacune des parties. Mais il faut être réaliste : un jour ou l’autre, ces relations devront être rétablies. Notre habilité, je dirais notre art, sera de choisir le meilleur moment » Hassan Rohani, 2004.

 

     A la suite des attentats du 11 septembre 2001, Georges Bush avait qualifié la guerre contre le terrorisme de « croisade », ce qui ressemble vaguement à la formulation d’une guerre de la Croix contre le Croissant,  à l’idée d’une guerre de civilisation judéo-chrétienne contre l’islam. Cette guerre contre le terrorisme a pris la forme d’une « guerre sainte ». Dès 2002, les américains se voyaient distribuer des autocollants proclamant « Dieu bénisse l’Amérique », il était évident que Dieu était du côté des Américains dans leur politique étrangère, ils devenaient l’ « Empire du bien » combattant l’ « Axe du mal » d’après leurs propres éléments de langage. Autre fait à prendre en considération, la dernière décennie fut marquée par la fin d’un monde unipolaire et l’émergence de puissances capables de contrer l’impérialisme américain, dont les figures de proue sont la Russie qui n’a de cesse d’être présentée comme la résurrection sanguinaire et péremptoire d’une Union soviétique défunte et l’Iran dont le qualificatif d’ « État voyou » semble faire oublier efficacement la quintessence d’une civilisation perse millénaire.

 

     L’idée d’un rapprochement entre un membre de l’ « Axe du mal » et le « Grand Satan » semble chimérique. En effet, la révolution Iranienne de 1979 semble avoir signé l’arrêt de mort des relations internationales de l’Iran avec le monde occidental en tant qu’elle s’est fait le chantre d’une idéologie politico-religieuse anti-occidentale qui se veut communicative et tournée vers l’ensemble du monde chiite, notamment ses composantes les plus violentes (Hezbollah libanais, Front islamique de libération de Bahreïn). Cette déclaration de guerre à l’idéologie occidentale et à l’impérialisme américain a engendré l’isolement de l’Iran sur la scène internationale. Les conséquences de cet isolement sont tangibles sur l’économie iranienne et les conditions de vie d’une population asphyxiée par les sanctions et embargos que subit l’Iran. Les dirigeants iraniens ont bien intégré qu’il leur fallait redorer le blason de la république islamique pour sortir de cette impasse, d’autant plus que son potentiel énergétique et démographique est certain. La volonté iranienne de ne pas perdre la face devant l’opposant idéologique est également un facteur important dans la présente démarche, que l’on retrouve dans la rareté des concessions iraniennes sur le dossier nucléaire.
    L’histoire des relations entre les États-Unis et l’Iran a montré la versatilité de celles-ci. Il fut un temps où l’Iran était considéré par les américains comme un garant de la stabilité au Moyen-Orient et un formidable garde-fou contre l’Union Soviétique, c’était le temps du Shah. Durant cette période antérieure à la Révolution, l’Iran a bénéficié d’un soutien américain en termes militaire et technologique très soutenu dans le cadre de la stratégie TWINS PILLARS. Fait incroyable mais véridique, les recherches nucléaires de l’Iran qui devaient lui coûter sa réputation quelques années plus tard, ont commencé en 1953 via la livraison par les Etats-Unis d’un réacteur nucléaire.
    L’élection d’Hassan Rohani le 14 juin 2013 semble corroborer l’hypothèse d’une volonté de normalisation des relations de l’Iran au sein de la communauté internationale et particulièrement avec les Etats-Unis. Le scheik diplomate est un interlocuteur fréquentable aux yeux des occidentaux, il avait su nouer une relation de confiance avec les chancelleries occidentales alors qu’il était négociateur en chef du dossier nucléaire iranien entre 2O03 et 2005, faisant même des concessions sur lesquelles il avait été contraint de revenir, blâmé qu’il avait été par les durs du régime fidèles au Guide. C’est aussi la marge de manœuvre de Rohani qu’il faut considérer. S’il est vrai que le Guide Ali Khamenei est une figure emblématique dont le pouvoir est effectif, il n’est pas le seul décisionnaire, notamment dans les décisions liées à la politique étrangère, la constitution de la république islamique est plus complexe, il doit composer avec plusieurs organes et fait office d’arbitre, même s’il a pour lui un parlement largement acquis à la cause des conservateurs. Rohani peut donc réellement infléchir la dynamique de rejet de l’occident que veulent insuffler les gardiens de la Révolution.
    De fait, les États-Unis ont échoué à détruire le conservatisme iranien, ils ont commis de lourdes erreurs géostratégiques. Ils ont fait tomber deux régimes antagonistes à l’Iran, à savoir les Talibans afghans et le régime de Saddam Hussein, qui fournissaient tous deux une résistance à l’hégémonie Iranienne dans la région. Les américains auraient voulu compter sur les chiites irakiens (humiliés sous Hussein) pour créer un état démocratique vertueux en Irak et propager cette dynamique chez les chiites Iraniens pour faire tomber le régime autoritaire de la République islamique. Une stratégie vaine qui a donné les résultats inverses à ceux attendus dans la mesure où le nationalisme iranien s’est nourri de ces tentatives de destruction pour se renforcer.
    Or, si l’Iran parvenait au seuil nucléaire, l’arc chiite serait considérablement renforcé et ses intérêts protégés par la dissuasion nucléaire. De plus, une vision binaire réductrice mais intéressante suggère que les alliés de la Russie (premier contre-pouvoir face aux américains) se trouvent notamment à Téhéran. Un deal des Etats-Unis avec l’Iran serait un énorme coup porté aux velléités géopolitiques de la Russie. Aussi, la mise sur le marché du gaz et du pétrole iranien permettrait une baisse des prix des matières premières qui viendrait sanctionner l’Arabie Saoudite, dont la question de la responsabilité dans les attentats du 11 septembre est pour le moins soulevée par les Etats-Unis.
    Les américains ont un désir de respectabilité fort au sein de la communauté internationale et la place centrale de l’Iran dans le Moyen-Orient en général et le monde chiite en particulier intéresse grandement les Etats-Unis. N’oublions pas que la relation fusionnelle au satellite Israël s’est fragilisée, ce satellite intrinsèquement anti-iranien qui n’a eu de cesse de bloquer toute possibilité de dialogue entre les américains et les iraniens. Qui plus est, l’administration Obama est moins soumise à l’influence du lobby pro-israélien que les républicains. Il s’agit aussi de dire que l’administration Obama n’a jamais pensé être moins présente que dans le passé au Moyen-Orient, il a été simplement décidé d’œuvrer dans une plus grande discrétion (utilisation des technologies de pointes comme le drone) et en apportant une plus grande attention à la communication avec les régimes orientaux, fussent-ils dictatoriaux. La priorité de la politique étrangère américaine depuis l’élection d’Obama est de pallier à ce déficit d’image auprès des gouvernements et des populations orientales. L’instauration d’un dialogue avec les salafistes et les Iraniens va dans ce sens, il en est de même pour la prise de distance face aux agissements israéliens qui sont révélateurs d’un sentiment de faiblesse, peut être lié au sentiment de solitude que le gouvernement israélien ressent et l’évolution de ses relations avec des États qui lui sont historiquement hostiles est de ce fait intéressante. Le bombardement des positions de Daesh en Irak par l’Iran est de nature à montrer qu’un deal est envisagé par les iraniens : L’Iran doit aller au deal avec à ses côtés un Irak stable, puisque ce dernier est satellisé par la République islamique et que les ressources conjointent de l’Iran et de l’Irak pèsent lourd dans la négociation.
Ces différents facteurs permettent de penser qu’une réhabilitation de l’Iran au sein de la communauté internationale est possible, souhaitable pour les américains et vitale pour l’Iran dont l’économie serait revigorée
    Dans un contexte de négociations à 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), il y a fort à parier que personne ne veuille d’un accord. La Russie s’y opposera parce qu’elle y perdrait un allié régional majeur, les européens sont très virulents à l’égard de Téhéran (particulièrement la France) et il est très probable qu’un accord s’il est trouvé, verra le jour sous une forme bilatérale, entre les Etats-Unis et l’Iran, un accord qui heurterait principalement la Russie et Israël. En définitive, le « Bon » aurait la peau de la « Brute » en pactisant avec le « Truand » et   ils  empocheraient tous deux les bénéfices de cet accord inattendu.
 Think Tank Averroès

 

Les printemps arabes, un révélateur de la dissymétrie Occident-Orient.

 

Le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid (Tunisie), Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant, s’immole par le feu. C’est l’élément déclencheur de l’ensemble des phénomènes de révoltes dans la région que l’on nomme non par hasard « Moyen-Orient ». L’angle d’attaque sensationnel voire fantasmagorique des médias occidentaux face à ces évènements est potentiellement le catalyseur de nos idées reçues et préjugés sur cette région. De ce fait, Il parait légitime et opportun de se demander ce que disent ces évènements de la nature de la relation entre l’Occident et l’Orient.

Il convient de rappeler que le terme globalisant Moyen-Orient est utilisé par les occidentaux pour désigner un théâtre d’opérations stratégiques dans une zone géographique dont la délimitation par des critères ethniques, religieux et politiques est malaisée. Cette vision stratégique est entérinée par les accords Sykes-Picot en 1916 : la France et la Grande-Bretagne qui constituent les deux plus grandes puissances coloniales de ce temps se partagent les terres du feu empire Ottoman. Les frontières naissant de cet accord ne correspondront à aucunes réalités cohérentes en termes sociaux, ethniques, politiques. Ce découpage arbitraire ne sera pas le meilleur vecteur du bien-être des populations le subissant mais en termes de défense des intérêts stratégiques occidentaux, il est indubitablement efficient. L’efficacité de la soumission d’un régime politique étant inversement proportionnelle au nombre d’individus ayant effectivement le pouvoir, la promotion factice de la démocratie par la voie médiatique pouvait bien remplacer la défense de l’intérêt des peuples par un biais diplomatique dans les instances compétentes en la matière. C’est en cela que l’Occident propose un double discours : les régimes autoritaires n’ont pas reçu d’admonestation occidentale concernant leurs dérives liberticides en politique intérieure dans la mesure où ils ont permis la défense des intérêts géostratégiques qui ont poussé les occidentaux à pactiser avec eux. C’est indéniable pour l’Arabie Saoudite (via le pacte de Quincy), pour la Libye et la Tunisie, parce qu’ils servaient de rempart contre le terrorisme au sud de la méditerranée et ont été renforcés post 11 septembre, enfin pour l’Egypte en tant qu’elle était un rempart historique contre l’URSS puis garante de la sécurité du canal de Suez.

La projection de fantasmes liés à cet « ailleurs en mouvement » a gâté l’analyse scientifique des évènements. Il est aisé de constater que le facteur économique, essentiel vecteur de ces révoltes, a été oblitéré par l’immense majorité des médias européens. Et pour cause, il lui a été substitué un vecteur que l’ethnocentrisme nous enjoint à prêter aux révoltés : un désir soudain et inespéré de démocratie, un combat pour le pluralisme politique, le droit des femmes et des minorités. L’Histoire apprend à ceux qui daignent s’y intéresser que les révolutions s’inscrivent d’abord dans un contexte de crise économique et non idéologique. La situation économique d’un grand nombre de pays qui composent la région est désastreux au moment où éclatent les premières manifestations, notamment le chômage des jeunes, c’est ce qui justifie en premier lieu le profil sociologique des « meneurs » des révoltes. Les résultats des élections démocratiques qui porteront les islamistes au pouvoir en Tunisie (Ennahda) et en Egypte (Les frères musulmans) L’idéologie vient ensuite en ce que le  phénomène d’acculturation touche aussi ces jeunes, plus sensibles aux marqueurs sociaux que représente une paire de chaussures floquées d’une virgule qu’aux marqueurs religieux qui les séparent du monde occidental. En somme, les populations occidentales ont voulu croire que leur système de valeurs avait été enfin adoubé par des populations ayant désormais bien du retard sur le fameux printemps des peuples européen de 1848, dont les idées progressistes furent d’ailleurs anéanties dans l’année même de leur émergence.

La caractérisation même des évènements révèle un ethnocentrisme irréfutable. Le terme de « révolution » a été employé très tôt au détriment de « révolte ». Or, une révolution suppose une transformation profonde des institutions, de la société voire des valeurs fondamentales d’une civilisation, ce processus n’étant objectivement pas de mise. La révolte, quant à elle, implique un mouvement collectif de rébellion contre une autorité établie, un gouvernement, un ordre social, des institutions, ce qui est on ne peut plus proche de la réalité.  L’essentialisation si hâtive de ces évènements démontre un besoin profond de l’Occident de projeter un modèle, un système de valeurs sur cette partie du monde, sans tenir compte de la réalité objective de « l’autre » qui doit devenir le miroir réconfortant d’une morale inquisitrice.

Il est en fait question de l’impérialisme européen relatif à la représentation du monde : la projection de Mercator datant de 1569 propose une carte du monde qui ne respecte pas les dimensions des territoires (l’Afrique qui représente un quart des terres immergées du globe s’y trouve moins étendue que les Etats-Unis, la taille de l’Amérique du Sud et du Moyen-Orient étant aussi minorées au profit des grandes puissances de l’Hémisphère Nord). Cette représentation de l’espace est le premier substrat des conquêtes coloniales et des rapports de force engagés avec des territoires minorés. La projection de Peters, plus récente et respectant la dimension des territoires, promue par Willy Brandt dans le cadre de l’ouverture géopolitique de l’Allemagne à l’Afrique en 1973, n’est pas celle qui prévaut à la maison blanche, au palais de l’Elysée et au siège de l’ONU mais aussi dans les écoles. Doit-on pour autant estimer que le rapport de l’Occident à l’Orient est essentiellement guidé par une vision stratégique ? Yves Lacoste ne disait pas autre chose en affirmant « La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre ».

Projection de Mercator
Projection de Peters

 

Les printemps arabes, un révélateur de la dissymétrie Occident-Orient.

 

Le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid (Tunisie), Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant, s’immole par le feu. C’est l’élément déclencheur de l’ensemble des phénomènes de révoltes dans la région que l’on nomme non par hasard « Moyen-Orient ». L’angle d’attaque sensationnel voire fantasmagorique des médias occidentaux face à ces évènements est potentiellement le catalyseur de nos idées reçues et préjugés sur cette région. De ce fait, Il parait légitime et opportun de se demander ce que disent ces évènements de la nature de la relation entre l’Occident et l’Orient.

Il convient de rappeler que le terme globalisant Moyen-Orient est utilisé par les occidentaux pour désigner un théâtre d’opérations stratégiques dans une zone géographique dont la délimitation par des critères ethniques, religieux et politiques est malaisée. Cette vision stratégique est entérinée par les accords Sykes-Picot en 1916 : la France et la Grande-Bretagne qui constituent les deux plus grandes puissances coloniales de ce temps se partagent les terres du feu empire Ottoman. Les frontières naissant de cet accord ne correspondront à aucunes réalités cohérentes en termes sociaux, ethniques, politiques. Ce découpage arbitraire ne sera pas le meilleur vecteur du bien-être des populations le subissant mais en termes de défense des intérêts stratégiques occidentaux, il est indubitablement efficient. L’efficacité de la soumission d’un régime politique étant inversement proportionnelle au nombre d’individus ayant effectivement le pouvoir, la promotion factice de la démocratie par la voie médiatique pouvait bien remplacer la défense de l’intérêt des peuples par un biais diplomatique dans les instances compétentes en la matière. C’est en cela que l’Occident propose un double discours : les régimes autoritaires n’ont pas reçu d’admonestation occidentale concernant leurs dérives liberticides en politique intérieure dans la mesure où ils ont permis la défense des intérêts géostratégiques qui ont poussé les occidentaux à pactiser avec eux. C’est indéniable pour l’Arabie Saoudite (via le pacte de Quincy), pour la Libye et la Tunisie, parce qu’ils servaient de rempart contre le terrorisme au sud de la méditerranée et ont été renforcés post 11 septembre, enfin pour l’Egypte en tant qu’elle était un rempart historique contre l’URSS puis garante de la sécurité du canal de Suez.

La projection de fantasmes liés à cet « ailleurs en mouvement » a gâté l’analyse scientifique des évènements. Il est aisé de constater que le facteur économique, essentiel vecteur de ces révoltes, a été oblitéré par l’immense majorité des médias européens. Et pour cause, il lui a été substitué un vecteur que l’ethnocentrisme nous enjoint à prêter aux révoltés : un désir soudain et inespéré de démocratie, un combat pour le pluralisme politique, le droit des femmes et des minorités. L’Histoire apprend à ceux qui daignent s’y intéresser que les révolutions s’inscrivent d’abord dans un contexte de crise économique et non idéologique. La situation économique d’un grand nombre de pays qui composent la région est désastreux au moment où éclatent les premières manifestations, notamment le chômage des jeunes, c’est ce qui justifie en premier lieu le profil sociologique des « meneurs » des révoltes. Les résultats des élections démocratiques qui porteront les islamistes au pouvoir en Tunisie (Ennahda) et en Egypte (Les frères musulmans) L’idéologie vient ensuite en ce que le  phénomène d’acculturation touche aussi ces jeunes, plus sensibles aux marqueurs sociaux que représente une paire de chaussures floquées d’une virgule qu’aux marqueurs religieux qui les séparent du monde occidental. En somme, les populations occidentales ont voulu croire que leur système de valeurs avait été enfin adoubé par des populations ayant désormais bien du retard sur le fameux printemps des peuples européen de 1848, dont les idées progressistes furent d’ailleurs anéanties dans l’année même de leur émergence.

La caractérisation même des évènements révèle un ethnocentrisme irréfutable. Le terme de « révolution » a été employé très tôt au détriment de « révolte ». Or, une révolution suppose une transformation profonde des institutions, de la société voire des valeurs fondamentales d’une civilisation, ce processus n’étant objectivement pas de mise. La révolte, quant à elle, implique un mouvement collectif de rébellion contre une autorité établie, un gouvernement, un ordre social, des institutions, ce qui est on ne peut plus proche de la réalité.  L’essentialisation si hâtive de ces évènements démontre un besoin profond de l’Occident de projeter un modèle, un système de valeurs sur cette partie du monde, sans tenir compte de la réalité objective de « l’autre » qui doit devenir le miroir réconfortant d’une morale inquisitrice.

Il est en fait question de l’impérialisme européen relatif à la représentation du monde : la projection de Mercator datant de 1569 propose une carte du monde qui ne respecte pas les dimensions des territoires (l’Afrique qui représente un quart des terres immergées du globe s’y trouve moins étendue que les Etats-Unis, la taille de l’Amérique du Sud et du Moyen-Orient étant aussi minorées au profit des grandes puissances de l’Hémisphère Nord). Cette représentation de l’espace est le premier substrat des conquêtes coloniales et des rapports de force engagés avec des territoires minorés. La projection de Peters, plus récente et respectant la dimension des territoires, promue par Willy Brandt dans le cadre de l’ouverture géopolitique de l’Allemagne à l’Afrique en 1973, n’est pas celle qui prévaut à la maison blanche, au palais de l’Elysée et au siège de l’ONU mais aussi dans les écoles. Doit-on pour autant estimer que le rapport de l’Occident à l’Orient est essentiellement guidé par une vision stratégique ? Yves Lacoste ne disait pas autre chose en affirmant « La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre ».

Projection de Mercator
Projection de Peters

 

Israël et la Palestine sont sur un bateau, Israël est un Etat depuis 1948, la Palestine tombe à l’eau ?

Israël et la Palestine sont sur un bateau, Israël est un Etat depuis 1948, la Palestine tombe à l’eau ?

Israël et la Palestine sont sur un bateau, Israël est un Etat depuis 1948, la Palestine tombe à l’eau ?

« L’acceptation de la partition ne nous engage pas à renoncer à la Cisjordanie. On ne demande pas à quelqu’un de renoncer à sa vision. Nous accepterons un état dans les frontières fixées aujourd’hui — mais les frontières des aspirations Sionistes sont les affaires des Juifs et aucun facteur externe ne pourra les limiter. »

David Ben Gourion – fondateur de l’Etat d’Israël

Le 28 novembre 2014 nos chers députés français vont devoir voter pour ou contre la reconnaissance de l’Etat Palestinien. Ce n’est pas une action isolée en Europe. Déjà en octobre, le Parlement britannique s’est prononcé en faveur de la reconnaissance de l’Etat Palestinien. En effet, le gouvernement devrait accorder à la Palestine le statut « d’Etat » afin d’aider à l’établissement d’une solution négociée à deux Etats avec Israël. Fin octobre, c’est la Suède qui a totalement reconnu l’Etat Palestinien. Le ministre des affaires étrangères suédois, Margot Wallström, a déclaré que « les critères de droit international pour une reconnaissance de l’Etat de la Palestine sont remplis » : elle possède un territoire – bien que les frontières ne soient pas fixes, une population et un gouvernement.
Il semble qu’ « une décision conjointe des pays européens de reconnaître la Palestine serait une bonne idée » d’après Alain Juppé interviewé sur RMC le 4 novembre 2014. C’est d’ailleurs ce que semble vouloir mettre en place la nouvelle chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Lors d’un déplacement à Gaza, elle a clairement déclaré « Il faut un Etat Palestinien ». Il faut savoir que 8 pays de l’Union Européenne reconnaissent déjà l’Etat Palestinien mais, à part la Suède, tous l’ont fait avant d’adhérer à l’Union. La plupart d’entre eux sont des pays de l’ancien bloc soviétique, bloc qui avait déjà en partie reconnu l’existence d’un Etat Palestinien suite de la création de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) le 15 novembre 1988 avec de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique.
Malgré la stagnation du processus de paix entre la Palestine et Israël, la communauté internationale semble pourtant vouloir faire avancer les choses : en 2011, le Brésil et l’Argentine reconnaissent l’Etat Palestinien, en 2012 c’est l’ONU qui donne le statut d’ « Etat observateur non membre de l’ONU » à la Palestine, avec 138 voix ‘pour’ sur 193, lui conférant le droit d’assister à la plupart des réunions et de pouvoir consulter les documents onusiens mais pas de voter, de proposer des résolutions et de postuler pour les offices onusiens.
A ce jour, 135 pays reconnaissent l’Etat Palestinien soit 70% des 193 Etats membres de l’ONU mais aucune grande puissance occidentale ne l’a encore fait. Cette dynamique semble pourtant profitable au processus de paix entre Israël et la Palestine puisque Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne, a promis un nouveau calendrier de négociations avec Israël et estime qu’il faudra 3 ans à la Palestine pour obtenir totalement le statut d’Etat avec comme base les frontières de 1967.

 Finalement, la Palestine ne tombera peut-être pas à l’eau…

Trois français kidnappés au Mexique, l’épopée de Maude Versini [interview].

Trois français kidnappés au Mexique, l’épopée de Maude Versini [interview].

817 jours 15 heures 22 minutes et 15 secondes soit plus de deux ans c’est le temps qui sépare Maude de ses trois enfants Sofia, Adrian et Alexi. Ancienne femme d’un des hommes les plus puissants du Mexique, cette parisienne a saisi la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour attaquer l’Etat Mexicain. Elle nous raconte son odyssée, en exclusivité pour TBS Press.

Maude, journaliste française, quitte la France pour développer son activité de l’autre côté de l’Atlantique, en 2002 elle interviewe le Gouverneur de l’Etat de Mexique et probablement l’homme le plus puissant du pays, Arturo Montiel Rojas, c’est le coup de foudre. Ils auront trois enfants dont le plus petit Alexi qui est autiste. Cinq ans plus tard cet amour intercontinental prend fin et Maude, ayant obtenu la garde des enfants, rentre à Paris. 2012, année charnière, Montiel annonce à son ancienne femme que les enfants qui étaient avec lui lors des vacances de Noel « ne rentreront plus jamais en France », la même année son disciple et neveu Enrique du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) est élu Président.

(ImageLes trois enfants de Maude kinappés par leur père au Mexique)

La justice mexicaine est sous la tutelle des personnes comme Montiel qui peuvent dicter les lois et bénéficient des privilèges exorbitants que seule la Nomenklatura soviétique avait connu dans l’histoire récente de l’humanité. Le Mexique, le pays le plus corrompu d’Amérique Latine (d’après Transparency International), abrite des criminels qui bénéficient d’une impunité totale et la « nouvelle ère dans la justice mexicaine » promise par Enrique Peña Nieto n’a toujours pas vu le jour. Arturo Montiel est classé parmi les 10 personnes les plus corrompues du Mexique d’après le magazine Forbes. Depuis 2012 Maude essaye de récupérer ses enfants ou du moins de les voir, efforts qui jusqu’à présent n’ont pas porté leurs fruits du fait de la manipulation de la justice exercée par l’ancien Gouverneur. Maude a donc décidé d’attaquer l’Etat mexicain à travers la Commission interaméricaine des droits de l’homme qui siège à Washington DC. Les relations franco-mexicaines, rétablies récemment après l’affaire Cassez, pourraient être mises en danger encore une fois.

Aviez-vous déjà remarqué que Montiel pouvait contrôler jusqu’à la justice ? 

Non, pas lorsqu’on était marié, mais par contre je l’ai vu manipuler la justice lorsqu’il m’a demandé en mariage. Pour pouvoir se marier avec moi il a changé un texte de loi pour qu’une personne divorcée au lieu d’attendre un an pour se remarier puisse le faire en 15 jours.

Vous dites souvent que Montiel a « le bras » long, avez-vous des exemples ?

Oui, dans mon cas par exemple, la juge dite impartiale Guadalupe Escalona Valdez qui gère notre cas m’avait donné raison à deux reprises, elle a changé d’avis lors du troisième procès. J’ai vu, dans une vidéo du procès, Montiel la tutoyer et l’appeler Lupita. Il manipule magistrats et juges ainsi que mes enfants qui sont victimes d’une aliénation parentale (endoctrinement psychologique).

Enrique Peña Nieto (EPN) a déclaré qu’il s’agit d’une « affaire privée » et qu’elle doit être « réglée entre particuliers », pensez-vous que le Président est neutre et impartial ?

C’est complètement faux ce n’est plus une affaire privée depuis longtemps, Montiel l’a rendu politique, et elle est devenue publique. Il est plutôt du côté de son oncle Montiel, il disait qu’il allait laisser la justice mexicaine faire son travail mais quand on voit la manipulation des juges je vois que EPN n’est pas de mon côté. Le fait qu’on ne me laisse pas voir mes enfants, même pas le droit de visite pendant que la justice fait son travail est complètement déplorable. Il s’agit de sa justice, il prétend que sa justice est impartiale et il cependant permet que les droits des enfants et d’une mère soient bafoués.

Que pensez-vous de la « nouvelle ère » dans la justice mexicaine promise par EPN ?
 

Je suis très sceptique. Lorsque Florence Cassez a été libérée et il parlait de cette nouvelle ère j’étais optimiste en me disant que j’allais bénéficier de celle-ci. Aujourd’hui la seule justice qui existe est celle de la Cour Suprême, dernière instance de recours, mon dernier espoir.

Pensez-vous que l’affaire Florence Cassez peut influencer votre cas ? 

L’affaire Cassez m’a beaucoup desservi puisque depuis l’affaire la France n’agit plus de la même manière dans les relations bilatérales avec le Mexique, les diplomates français prennent plus de pincettes, ils font davantage attention à ne pas blesser les mexicains. Aujourd’hui, ils ne veulent plus politiser les conflits entre les deux pays, ils ne veulent pas intervenir et malheureusement mon problème ne peut pas se régler par la voie douce, il ne se réglera que lorsque le Président François Hollande tapera du poing sur la table, aujourd’hui la France est incapable de le faire.

L’ex compagne du Président François Hollande, Valérie Trierwieler vous a reçu deux fois à l’Elysée et a promis de vous soutenir. Qu’est-ce qu’elle a fait concrètement ?

Elle a envoyé une lettre aux avocats mexicains en leur disant qu’il fallait qu’ils trouvent une solution avant que ça devienne un conflit international. Je suis bien attristée qu’elle soit partie, elle m’a dit sur Twitter que sa souffrance n’était rien par rapport à la mienne. Je pense que c’est une personne sur qui je peux toujours compter. 

(Image: Les 4 enfants de Maude)
En avril François Hollande ira au Mexique rencontrer son homologue EPN. Va-t-il aborder votre cas ? Avez-vous réussi à contacter d’autres autorités ou personnalités? 
Le dossier est suivi par son cabinet et par le Quai d’Orsay. J’espère qu’il pourra non seulement traiter le dossier mais aussi récupérer mes enfants et les ramener en France. J’ai écrit à Carla Bruni mais je n’ai pas eu de réponse. J’ai été reçue au Quai d’Orsay à deux reprises. Le Quai d’Orsay gère les relations entre moi, le consul et l’ambassadeur français au Mexique, et suit très bien mon affaire, mais on a une échéance celle de la visite de François Hollande au Mexique en avril et s’il ne tape pas du poing sur la table pour me récupérer mes enfants je les aurais définitivement perdu, tous mes espoirs reposent sur cette visite.
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Lire aussi:
Voir:
Documentaire sur l’Affaire Versini sur M6: Maude voyage au Méxique pour voir ses enfants