Comment expliquer la colère des agriculteurs

Comment expliquer la colère des agriculteurs

Un peu partout en Europe, notamment en France, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Pologne ou encore en Allemagne, les agriculteurs se mobilisent pour protester contre des conditions de travail et financières trop difficile et contre un manque de reconnaissance.

Depuis quelques jours, les agriculteurs français bloquent certaines autoroutes et périphéries pour faire entendre leur colère face à une situation qui ne change pas depuis de nombreuses années Des autoroutes comme la A64, près de Toulouse, en Occitanie qui sont devenues en quelque sorte des QG des agriculteurs durant ces manifestations. D’autres agriculteurs et notamment des producteurs de lait manifestent devant les locaux des industriels comme Lactalis, dénonçant un prix d’achat du litre de lait bien trop faibles.

Une protestation avant tout européenne !

Comme dit précédemment, la colère des agriculteurs n’est pas seulement française, elle est avant tout européenne. La semaine dernière encore, Berlin était également bloquée par les agriculteurs et éleveurs allemands qui protestaient contre la fin progressive d’une aide fiscale sur le gazole à usage agricole et sur les véhicules agricoles.

Parallèlement, en Roumanie, les agriculteurs se sont également mobilisés contre un coût du carburant trop élevé, des normes environnementales trop strictes.

Et depuis quelques mois, il s’agit aussi des agriculteurs et transporteurs polonais qui bloquent les routes, notamment celles qui sont frontalières à l’Ukraine pour contester contre les importations de céréales ukrainiennes qui fragilisent les agriculteurs polonais qui ont contestés contre les aides de l’UE facilitant les importations ukrainiennes (suppression des droits de douane en mai 2022 pour un an), qui ont fait baissés le prix des matières agricoles.

Alors qu’aux Pays-Bas, la colère quant-à-elle était due à la volonté de l’ancien gouvernement de réduire les surfaces exploitables et interdire l’azote pour les usages agricoles à des fins environnementales.

Les raisons pouvant expliquer cette colère des agriculteurs français

Certes, les agriculteurs européens se mobilisent pour des raisons plus ou moins divergentes mais le cœur du problème reste le même. Nombreux sont ceux à se plaindre d’une surrèglementation européenne imposant beaucoup de normes et de restrictions les rendant non compétitif par rapport aux pays non membres de l’Union européenne qui sont bien souvent non contraints par de tels règlements mais aussi par les nombreuses importations de produits étrangers que l’on produit pourtant en France au détriment des agriculteurs français. Ils contestent également la libre circulation des marchandises et produits agricoles au sein de l’UE. Enfin… le problème n’est pas tant le marché unique mais l’absence d’uniformité normative tant sur la législation applicable, que sur le droit du travail ou les prix.

De plus, les agriculteurs demandent que les aides de l’État soient versées en temps et en heure ainsi que la fin de la hausse du gazole non routier (GNR). Mais les contestations des agriculteurs qui font la une de l’actualité depuis le début du mois de janvier 2024 ne vient pas de commencer, elle ne fait que prendre de l’ampleur car cette contestation a débuté en automne 2023 avec de nombreux panneaux de certaines villes retournés dans de nombreuses communes françaises.

Les difficultés financières sont flagrantes dans le milieu agricole avec notamment un taux de pauvreté des ménages agricoles proche des 20% alors qu’il est considéré comme proche des 9% pour l’ensemble de la population française.

Le gouvernement français veut agir

Les membres gouvernementaux se rappellent de la crise des gilets jaunes et veulent éviter qu’une nouvelle crise sociale apparaisse. D’autant que les agriculteurs bénéficient d’une belle popularité selon les sondages qui affirment que 85% des Français interrogés soutiennent cette mobilisation et estiment que les agriculteurs jouent un rôle central dans l’accès à l’alimentation.

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, a annoncé vouloir repoussé le projet de loi sur l’agriculture. Ce projet de loi doit notamment répondre au manque d’agriculteurs en créant un Bachelor agro (Bac +3) mais aussi en créant un service qui permettrait un meilleur accompagnement des agriculteurs voulant s’installer à leur compte. Sachant que dans les 10 prochaines années, un tiers des agriculteurs devrait partir à la retraite, soit 166 000 exploitants sur les 500 000 actuellement installés, d’autant que les jeunes agriculteurs n’ont bien souvent pas les moyens financiers pour investir et s’installer et que le remboursement des emprunts serait trop élevé par rapport à la rentabilité aujourd’hui d’une exploitation agricole. Alessandra Kirsch, docteure en économie agricole affirme que les jeunes agriculteurs voulant s’installer doivent investir plusieurs milliers d’euros voire millions d’euros entre les véhicules, les équipements agricoles, les bâtiments, les terrains… La France aurait perdu 21% de ses exploitations agricoles en 2010 et 2020 soit 100 000 exploitations.

Vendredi 26 janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal s’est rendu en Haute-Garonne pour faire de premières mesures : réduction des délais administratifs et juridiques pour mettre en œuvre des projets agricoles, fin des acharnements juridiques, moins de normes et d’aberrations règlementaires, mieux protéger les agriculteurs par un meilleur respect de la loi EGAlim, qui a pour objectif de protéger les revenus des exploitants agricoles, remboursement à 90% des frais de vétérinaire conte 80% jusqu’à présent, 50 millions d’euros supplémentaires pour la filière bio, fin de la hausse du gazole non routier, aides dues remboursées plus rapidement… Malgré ces annonces, les agriculteurs sont globalement mitigés tout en soulignant des avancées. La capitale reste toutefois sous la menace d’un blocage prochain par les agriculteurs qui dénoncent toujours une concurrence déloyale vis-à-vis des autres agriculteurs de l’UE. Le gouvernement devrait annoncer la semaine prochaine de nouvelles mesures.

Par Maxence HRYWNIACK

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

En 2022, « 783 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation » dans le monde, selon le rapport annuel de la FAO. Cette situation dramatique est le résultat d’un système alimentaire mondial profondément inégalitaire et insoutenable, qui met en péril la santé, l’environnement et la paix.

Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les défis à relever pour nourrir le monde sans dévorer la planète ? Quelles sont les solutions envisageables pour garantir le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous ?

Comment le monde aborde-t-il les défis de la sous-alimentation alors que la faim persiste à l’échelle mondiale ?

Le système alimentaire mondial actuel est le fruit d’une longue histoire, marquée par des révolutions agricoles, des échanges commerciaux, des innovations technologiques, des politiques publiques, des mouvements sociaux et des crises diverses. Il se caractérise par une grande diversité, mais aussi par de fortes inégalités, tant au niveau de la production, de la distribution, que de la consommation des aliments.

D’un côté, on assiste à une intensification et à une industrialisation de l’agriculture, qui reposent sur l’utilisation massive d’intrants chimiques, de machines et d’OGM. En effet, selon Atlas des pesticides de 2022, la consommation mondiale de pesticides a augmenté de 80 % depuis 1990. Cette agriculture vise à augmenter les rendements et à réduire les coûts de production, mais elle a aussi des impacts néfastes sur l’environnement, et la santé des agriculteurs et des consommateurs. Par exemple, the Guardian parle de pesticide responsable « d’environ 11 000 décès humains et de l’empoisonnement de 385 millions de personnes chaque année ». Elle favorise également la concentration des terres, des marchés et des profits entre les mains de quelques acteurs puissants, au détriment des petits paysans.

De l’autre côté, on observe une expansion et une diversification de la demande alimentaire, liées à la croissance démographique, à l’augmentation des revenus et aux changements des modes de vie et des habitudes alimentaires. Cette demande se traduit par une plus grande consommation de produits animaux et de produits importés. Par exemple, selon le point, « la consommation mondiale de viande a été multipliée par près de cinq au cours des soixante dernières années ». Cette alimentation répond à des besoins de praticité, de variété, de plaisir, mais elle engendre aussi des problèmes de surpoids, d’obésité, de gaspillage et de dépendance. En effet, selon l’OMS, le cas d’obésité a « triplé entre 1975 et 2016 », englobant, en 2016, 13% de la population mondiale.

Quels défis notre système alimentaire doit-il surmonter pour garantir une alimentation suffisante et équitable ?

Aux vues de cette situation, notre système alimentaire doit faire face à plusieurs défis majeurs, qui mettent en jeu sa capacité à assurer la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des populations, ainsi que sa durabilité écologique, économique et sociale.

Le premier défi est celui de la faim, qui touche encore 258 millions de personnes dans 58 pays, selon le rapport mondial sur les crises alimentaires. La faim est le résultat de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion, qui empêchent les personnes d’accéder à des aliments suffisants, sains et nutritifs. En France, en 2022, par exemple, la demande d’aide alimentaire a triplé en 10 ans, avec 2,4 millions aujourd’hui. De plus, la Fédération française des banques alimentaires expliquait que « Depuis 2008, les différentes crises […] se sont traduites par cette marée lente du recours à l’aide alimentaire qui n’a jamais reflué ». La faim entraîne des conséquences dramatiques sur la santé, le développement et la dignité des personnes qui en souffrent.

Le deuxième défi est celui de la malnutrition, qui affecte plus de 2 milliards de personnes dans le monde, selon l’OMS. La malnutrition recouvre à la fois la sous-nutrition, qui se manifeste par un déficit en calories, et la sur-nutrition, qui se traduit par un excès de calories. La malnutrition est liée à la qualité et à la diversité de l’alimentation. La malnutrition a des effets néfastes sur la croissance, le développement cognitif, la résistance aux infections, la productivité et le bien-être des individus.

Le troisième défi est celui du changement climatique, qui menace la sécurité et la durabilité de notre système alimentaire, mais qui est aussi en partie causé par celui-ci. En effet, le secteur agricole est responsable d’environ « un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre » selon l’ONU. Le changement climatique a des impacts négatifs sur la biodiversité et les rendements agricoles, la qualité. Il accroît aussi les risques environnementaux qui affectent la production et l’accès à la nourriture.

Le quatrième défi est celui du manque de résilience du système alimentaire. L’agriculture s’autodétruit alors que « 99% de nos aliments viennent du sol » selon George Monbiot dans son livre Nourrir le Monde. Nous avons un système alimentaire qui devient fragile, car il est dominé par quelques entreprises qui prônent une diversité végétale réduite. Dès lors, George Monbiot affirme que « Notre façon de nous nourrir engendre des difficultés de vie sur terre ».

Le cinquième défi reste le désintéressement de l’agriculture pour l’alimentation. Des États, à l’instar du Brésil, mettent en place une politique agricole afin de valoriser le biocarburant. Ces biocarburants font sortir de l’alimentation de grandes quantités de produit alimentaire comme le maïs, le sucre et le soja.

Comment pouvons-nous transformer notre système alimentaire pour le rendre plus résilient et équitable ?

Pour faire face à ces défis, il est nécessaire de transformer radicalement notre système alimentaire, en le rendant plus juste, plus résilient et plus respectueux de la nature et des êtres humains.

La première piste est celle de l’agroécologie, qui consiste à appliquer les principes de l’écologie à l’agriculture, en favorisant la diversité des cultures, la rotation des sols et l’utilisation des savoirs locaux. L’agroécologie permet de produire des aliments sains et nutritifs, tout en préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Elle contribue aussi à renforcer la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à définir leur propre politique agricole et alimentaire, en fonction de leurs besoins, de leurs cultures et de leurs valeurs.

La deuxième piste est celle de l’alimentation durable, qui vise à adopter des modes de consommation et de distribution des aliments qui respectent la santé et l’environnement. L’alimentation durable implique de réduire la consommation de produits animaux, et de privilégier les produits végétaux et les produits locaux. Elle suppose aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui représente environ « un tiers de la production mondiale de nourriture ». Elle nécessite enfin de soutenir les circuits courts, les marchés locaux, les coopératives et les associations qui favorisent la proximité, la solidarité, la transparence et la démocratie alimentaire.

La troisième piste est celle de la Sécurité sociale de l’alimentation, qui consiste à reconnaître le droit à une alimentation suffisante, saine et durable comme un droit fondamental, et à le garantir par des politiques publiques adaptées. En effet, pour Bénédicte Bonzi, dans La France qui a faim, il faut créer une « sécurité sociale de l’alimentation », qui garantirait « le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous », en s’appuyant sur les principes de la démocratie alimentaire. Pour elle, se nourrir correctement est un « droit fondamental », qui « ne doit pas dépendre de la charité, du marché ou de l’État », mais qui doit être « co-construit » par les citoyens, les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.

La faim persistante à l’échelle mondiale, les défis structurels de notre système alimentaire, et les solutions possibles sont autant de sujets cruciaux qui exigent une réflexion et une action immédiate. Face à cette complexité, la France, en tant qu’acteur majeur dans la production alimentaire mondiale, doit jouer un rôle proactif dans la recherche de solutions durables. En repensant nos habitudes alimentaires et en promouvant une agriculture respectueuse de l’environnement, nous pouvons aspirer à un avenir auquel personne ne souffre de la faim, et où l’alimentation est un droit indispensable pour tous.

Comment pouvons-nous collectivement contribuer à la transformation de notre système alimentaire pour un avenir plus juste et nourrissant ?

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

L’or : métal de référence ou indicateur contesté ?

Connu de tout le monde au point de représenter la plus symbolique expression de la richesse, l’or est sans aucun doute possible, de manière antinomique, l’un des métaux nobles les moins présents dans notre vie quotidienne. Devant l’argent, le cuivre, le fer ou le zinc que nous trouvons tellement plus souvent dans chaque conception humaine, c’est bien lui pourtant qui est plébiscité. Il a fait vibrer des générations d’orpailleurs, d’entrepreneurs et de pionniers avides de faire fortune « au détour d’un chemin de la Cordillère des Andes » au mépris souvent de tous les périls et de tous les dangers, si l’on reprend l’accroche exacte rédigée par Jean Chalopin pour le générique de la série-télévisée d’animation à succès franco-nippo-luxembourgeoise des années 1980, les Mystérieuses Cités d’Or. Le proverbe classique attribue à l’argent le nerf de la guerre mais peut-être oublions-nous trop facilement que cette monnaie fiduciaire n’en reste pas moins une monnaie papier qui n’a de valeur autant que l’on prend conscience de ce qu’elle engage en valeur aurifère. Il serait donc de bon ton de modifier légèrement un proverbe qui maquille ce qui, de fait, dicte la conduite humaine depuis sa découverte au VIème millénaire avant J.-C. L’or est nulle part bien qu’il soit dans tous les esprits.

Un métal qui fait remuer ciel et terre

La rareté de l’or en fait l’exceptionnelle convoitise mais il est bon de rappeler que cette rareté n’est pas la seule difficulté que l’on rencontre dans la perspective de la production aurifère. La prospection de l’or a continuellement représenté une source d’espoir mais aussi de désespoir pour tous les aventureux en quête d’un filon de jaune doré. Car l’exploitation de l’or doit respecter des principes complexes et adouber un individu à la patience légendaire. En effet, à titre d’exemple, il est bon de savoir qu’une fois déterminée la présence d’or dans un sous-sol, le délai nécessaire à l’exploitation de la mine correspondante s’étale sur près de 15 à 20 ans et savoir aussi que traiter une tonne de minerai ne conduit généralement qu’à l’extraction d’un gramme d’or pur tout au plus (2,5 dans les années 1990). Notons aussi que l’imaginaire collectif nous décrit des ruées vers l’or comme celle de Californie dans les années 1850 comme des courses à l’extraction de gisements purs alors que déterrer de l’or, c’est déterrer un mélange rocheux qui ne contient pas que de l’or, loin de là. Des processus bien précis sont indispensables à l’extraction de ce métal dont le point d’ébullition atteint 2 808 degrés et le point de liquéfaction 1 064 degrés. A l’heure actuelle, 187 200 tonnes d’or en tout ont été extraites des entrailles de la Terre de sorte que l’on pourrait selon les estimations faire tenir la totalité dans un cube de 21 mètres d’arête de côté soit le quart d’un terrain de football.

Propriétés et définitions

Formé à 30 kilomètres de profondeur à un niveau de collision entre le magma et la croûte terrestre, l’or a entre 3,5 milliards et 600 millions d’années. Produit à hauteur de plus de 3 300 tonnes chaque année face aux 20 000 tonnes d’argent ou 124 000 tonnes de cobalt, l’or continue de prouver son extrême rareté par rapport à ses congénères surtout que sur ces 3 300 tonnes, 1 200 proviennent de l’or dit « recyclé », autrement dit de la fonte des composants aurifères de certains outils ou objets déjà utilisés et destinés au recyclage. Parmi eux, les bijoux, le matériel informatique et les couronnes dentaires trustent les premières places et participent à 25% de l’offre d’or mondiale. Originaire d’Asie pour plus de 50%, l’or est extrait par l’intermédiaire de plusieurs techniques au choix : la gravitation d’abord laquelle consiste en un enchaînement de mélange d’eau au bloc rocheux extrait puis processus de décantation, la cyanuration, ensuite – certainement la méthode la plus utilisée et la plus avantageuse –, consistant en une pulvérisation de cyanure de sodium sur le minerai extrait puis liquéfaction de l’or au contact de l’air et l’amalgamation au mercure dont le procédé repose sur le versement de mercure toujours sur le minerait extrait qui absorbe l’or présent en un liquide distillé par la suite.

L’irrésistible ascension de l’or

On peut dire que 2020 a été l’année de l’or. Avec un cours de l’once qui a explosé les compteurs (+12% depuis 3 ans et +3% depuis début 2018), l’or crève de nouveau le plafond, une première depuis 2011. En effet, le dernier record en date de l’élément chimique portant le numéro atomique 79 était celui d’une augmentation de plus de 644% sur la période 2001-2011. Valant 257 dollars en 2001, son niveau historiquement le plus bas, l’or avait finalement atteint l’équivalent de 1 912 dollars dix ans plus tard. Près d’une décennie après ces événements, l’or tient toujours la corde et vient de dépasser la barre symbolique des 2 000 dollars l’once (NDLR : 2 075,47 dollars précisément au 7 août) soit près de 1 700 euros l’once. Il n’a jamais été plus prolifique de miser sur l’or qu’aujourd’hui. L’argent, par exemple, malgré une projection de +47,5% n’a grimpé qu’à 26,27 dollars l’once. Depuis début juillet, l’once flirte avec les 1 800 dollars et le lingot d’or (NDLR : un kilogramme d’or fin) valait au 21 juillet 2020 pas moins de 51 000 euros.

Mon précieux

Détenir de l’or, voilà certainement le rêve de beaucoup de personnes. En France, il a été certifié que près d’un Français sur 6 détenait de l’or soit près de 16% de la population nationale. Sur la base de ces mêmes statistiques, les experts ont estimé que 17% des propriétaires d’or sont des employés et 20% des cadres. Si désormais l’or est en grande partie détenu par les banques et l’Etat, il convient de préciser que deux siècles auparavant, chaque Français détenait une partie des 2 990 tonnes d’or fin mises en circulation sur le marché puisque près de 515 millions de francs Napoléon en pièces de 20 inondaient alors le marché. Aujourd’hui, un lingot vaut 4m2 d’immobilier parisien, le mètre carré ayant été coté à 34 750 euros au 6 avril 2018 et il faut réunir 40 téléphones portables pour espérer obtenir 1 gramme d’or. Sinon, de manière générale, l’or concerne essentiellement la joaillerie (52%), le secteur technologique (8%) et les banques centrales (9%), les 30% restants étant partagés par les investisseurs. Au rayon chiffres enfin, on considère « Welcome stranger » et ses 71 kilos comme la plus grande pépite d’or jamais découverte. C’était à Victoria en Australie en 1869.

Géopolitique de l’or

Annuellement, sur les 3 300 tonnes d’or produites et évoquées précédemment, 430 le sont par la Chine, élevant à 13% sa part de production aurifère dans la production mondiale. Face à cette quasi-hégémonie, il est intéressant de constater à l’inverse la dégringolade de la production sud-africaine dans la production mondiale laquelle est passée de 50% ces dernières années à 9% seulement. Néanmoins, l’Afrique du Sud reste le berceau de l’extraction d’or représentant 40% de l’or extrait depuis la nuit des temps. C’est d’ailleurs dans la mine de Mponeng, par 55 degrés de température rocheuse, que l’on trouve la profondeur la plus grande jamais observée pour une mine (3,9 kilomètres). Après la Chine donc, dont les ressources naturelles sont en revanche presque épuisées, on situe les plus grandes réserves naturelles encore inexploitées en Australie (10 000 tonnes) et en Russie (5 300). L’Afrique du Sud complète le podium (3 200) devant les Etats-Unis (3 000 tonnes en majorité dans le Nevada) et l’Indonésie (2 600) soit un peu plus de 24 100 tonnes cumulées à eux cinq sur les 48 700 tonnes mondiales ; c’est-à-dire la moitié des réserves naturelles mondiales. En réalité, 90 pays produisent de l’or minier (18 réalisant 80% de cette production mondiale) mais sur ces 90 pays, 52% d’entre eux ont un régime démocratique qui n’apporte pas aux travailleurs de garanties suffisantes tandis que 43% d’entre eux sont encore des pays en guerre. Si la tête du classement en matière de production ne change pas de celui des pays ayant les plus grandes réserves naturelles, certains pays d’Amérique latine (Pérou, Mexique) ou d’Afrique (Ghana) s’établissent à des rangs importants avec plus de 100 tonnes d’or extraites chaque année. En matière de possession d’or par contre, le bouleversement est total. Si les Etats-Unis, et ce depuis la fin de la Première Guerre mondiale, demeure à un niveau phénoménal (8 133,5 tonnes d’or possédées soit 414,81 milliards d’euros et donc 2,5 fois plus que le second), les pays européens, absents du précédent classement, comblent les places restantes. L’Allemagne, deuxième avec 3 363,6 tonnes d’or, mène la danse devant le FMI, l’Italie et la France dont les 2 436 tonnes, placées dans la Souterraine – une pièce située à 27 mètres sous terre –, équivalent à 124,24 milliards d’euros et correspondent à 65% des réserves de taux de change du pays. A noter cependant que la France a perdu quelques places en 2009 lorsque la présidence Sarkozy a revendu de l’or à des clients étrangers.

L’or : valeur refuge des périodes de tensions

L’or constitue incontestablement la valeur refuge par excellence des cycles de crise. A n’importe quel moment de dépression dans l’Histoire, l’or s’est révélé être une soupape de sûreté pour les gouvernements ou les particuliers. Aujourd’hui, les craintes de guerre commerciale entre Washington et Pékin, la montée des tensions géopolitiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, les conséquences inconnues de l’accord sur le nucléaire iranien ainsi que les incertitudes vis-à-vis de la Corée du Nord et le risque en Europe politique ont fait monter sensiblement le cours de l’or. D’ailleurs, si la Chine est le premier producteur aurifère du monde, sa demande en or dépasse néanmoins bien largement sa consommation nationale et ce sont 2 000 tonnes d’or par an qui sont demandées à la fois par l’Empire du milieu et par l’Inde afin de couvrir l’ensemble de leurs besoins en matières premières soit près de la moitié de la demande mondiale (4 058 tonnes d’or). Après elles, les banques centrales s’arrachent le reste de l’or mondial, achetant chaque année de 300 à 500 tonnes d’or et plus encore à un moment de crise sanitaire mondiale. Toutefois, il est important de souligner que la part d’or représente moins d’1% des portefeuilles financiers.

Vers un monde où l’or reste déterminant ?

Malgré le rôle prépondérant joué par l’or aujourd’hui, le déclin de la production aurifère est estimé à 25% d’ici 2025. Face à cette tendance déclinante de l’or, d’autres indicateurs sont en progression croissante et risquent à terme de supplanter l’or comme valeur référence de la richesse. A ce jeu-là, ce sont les crypto-monnaies qui semblent les gagnantes, extrêmement compétitives. Le bitcoin lui-même vient d’atteindre un seuil sensationnel de 35 000 dollars à tel point que le bitcoin vaut désormais 17,5 onces d’or. Il n’est donc plus insensé de penser que le bitcoin puisse dans un futur proche faire concurrence à l’or.

Par Raphaël Delagnes

Environnement: Transition en panne ?

Environnement: Transition en panne ?

Mardi 28 août 2018, Nicolas Hulot annonçait sa démission, au grand étonnement des journalistes et auditeurs, faute d’une annonce préalable. L’ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire dénonçait un manque d’ambition du gouvernement dans le domaine de l’écologie et plus largement un manque de soutien général pour la cause environnementale, pourtant urgente à l’heure actuelle. Nicolas Hulot énonçait alors un bilan écologique déplorable sur les grandes préoccupations, comme la réduction des gaz à effets de serre non amorcée, ou un modèle agricole nocif pour la nature. La raison principale à cette stagnation résiderait dans les contradictions des priorités économiques, financières et environnementales.

Devant ces contradictions pointées du doigt par Nicolas Hulot, devons-nous croire que nous sommes entrés dans une impasse écologique ?

La réponse est non. Nous avançons certes suivant une méthode bien connue des Européens, appelée les « petits pas », sans pour autant signer l’arrêt définitif des progrès écologiques. Si le gouvernement semble être à l’heure actuelle en panne sur la question, le secteur privé semble sérieusement commencer à se mettre « en marche ». Les grandes entreprises industrielles françaises, qui par leurs tailles et activités ont de lourdes responsabilités dans l’empreinte écologique semblent préparer la transition en mettant sur le marché des biens de consommation plus écologiques.

Le géant du stylo à bille se met au recyclage

C’est le cas du géant industriel français Bic, roi du stylo à bille présent sur les 5 continents et dans 162 pays, qui s’est récemment associé avec Terracycle, entreprise spécialisée dans le recyclage afin de lancer ensemble un programme de collecte et de recyclage d’instruments d’écriture pour la fabrication de nouveaux produits d’usage courant tels des pots à crayon, des corbeilles à papier, ou encore des arrosoirs.

Renault en transition ?

L’industrie automobile, longuement critiquée pour son impact écologique développe désormais les modèles de voiture électrique. Renault, par exemple, prévoit de faire de la France un pôle d’excellence dans ce domaine et lance un investissement d’1 milliard de dollars prévu à cet effet. Le constructeur envisage de produire 8 modèles électriques et 12 modèles électrifiés d’ici à 2022, de quoi offrir plus de choix au consommateur afin de l’encourager à acheter des véhicules électriques et participer à la réduction des gaz à effets de serre.

S’habiller à proximité 

Parmi les industries les plus polluantes, figure l’industrie textile qui émet l’équivalent d’environ une tonne de gaz à effets de serre chaque année. Une des raisons à cela est qu’avant d’être livré en magasin, le vêtement a déjà fait plusieurs fois le tour du monde. Faire attention à l’origine du vêtement est ainsi déjà un premier pas. Les labels France Terre Textile et Origine France garantissent que l’article a été produit à 75% en France pour le premier et 83% pour le second. Nous pourrons par exemple citer quelques marques fabriquant leurs vêtements en France comme les fameuses chaussettes alsaciennes « Labonal », les marques de prêt à porter « Rue de L’abbesse », « Mamouchka », les jeans de la marque 1083, le fabricants de pulls en matière recyclée « plus de pulls », « Le slip français » pour les sous-vêtements,…

La transition écologique est un processus qui nécessite nombreuses recherches et innovations afin de transformer notre économie et notre quotidien. Nous ne pouvons effectuer en une année les changements qui auraient sans doute dû être amorcés bien avant la prise de conscience écologique générale. Continuons ainsi d’encourager ces entreprises qui innovent et participent à l’élaboration des solutions de demain et ne baissons pas les bras, car l’heure est grave.

Le véganisme : entre radicalisation et paradoxes

Le véganisme : entre radicalisation et paradoxes

Vitrines brisées, façades taguées de rouge, magasins vandalisés…depuis quelques mois, certaines boucheries et poissonneries sont victimes d’une mystérieuse série d’attaques. Les auteurs présumés, des adeptes du mouvement vegan, n’ont qu’une revendication : « stop au spécisme ». Mais le spécisme, qu’est-ce que c’est ? Une idéologie selon laquelle, le fait que l’être humain soit supérieur aux animaux justifierait le massacre de ceux-ci et leur présence dans nos assiettes. Si le fond mérite débat, la manière dont il est mené interroge.

Une montée en puissance du mouvement

Profitant d’une vague de surmédiatisation, le mouvement vegan mobilise les foules et s’en prend davantage aux petits commerces et aux monuments publics. Ce militantisme n’a pour but, à défaut de ternir l’image de ceux qui, libre d’adopter ce régime alimentaire et de se passer de tout élément animal, de terroriser et d’imposer ses vues sous couvert de bon sentiment. Il faut, selon les extrêmes, passer à l’action quitte à écoper d’une condamnation pour « apologie du terrorisme ».

Les défenseurs les plus radicaux de la cause animale rentrent parfois dans une logique extrémiste. En effet, l’usage de plus en plus croissant des réseaux sociaux a facilité sa dérive vers l’extrême.

« Ben quoi, ça vous choque un assassin qui se fait tuer par un terroriste ? Pas moi, j’ai zéro compassion pour lui, il y a quand même une justice », ces quelques mots postés quelques jours après l’attaque terroriste du Super U de Trèbes ont suscité l’actualité en mars dernier, ce message posté quelques jours après l’attaque terroriste du Super U de Trèbes, a été suffisant pour condamné son auteur, une militante pour la cause animale à sept mois de prison avec sursis. Mais cela ne s’arrête pas là.

Depuis peu, les choix individuels d’une minorité tentent de s’imposer par la voix politique. En Belgique, DierAnimal prône une vision éthique et durable dont l’humain n’est pas le centre d’intérêt unique. Encore plus surprenant, le Parti des Animaux a remporté, en mars 2017, 5 sièges à l’Assemblée Nationale.

D’où vient le véganisme ?

Le mouvement, créé par le Britannique Donald Watson dans les années 1940 se voulait au départ pacifique. « Le véganisme est la doctrine selon laquelle les humains doivent vivre sans exploiter les animaux ». Ses adeptes adoptent un mode de vie à part entière : ils ne consomment aucun produit d’origine animale autant sur le plan alimentaire que vestimentaire et sanitaire (vêtements, médicaments etc).

Une radicalisation du mouvement qui prend de l’ampleur

Tous défendent la même idéologie mais les actions de sensibilisation divergent. Les sympathisants du mouvement se déchirent principalement en deux courants : les pragmatiques adeptes des petites actions, et les seconds, qui estiment que tous les moyens sont bons pour mettre fin à la domination des humains sur les animaux.

L’association la plus connue reste L214. Celle-ci fait reposer son action sur deux axes : la publication de vidéos chocs enregistrées dans des abattoirs tournées clandestinement et une négociation avec les élus et le monde industriel pour obtenir des avancées concrètes. Désormais considérée comme trop modérée et trop minimaliste, d’autres mouvements adoptent des méthodes plus radicales. Très connue en Angleterre et un peu moins dans l’hexagone, l’Animal Front Libération, née en 1970 est connue pour ses actions violentes (lettres piégées, sabotages, incendies) et va jusqu’à se définir comme mouvement ecoterroriste. En 1982, ils sont les initiateurs de l’envoi de lettres piégées aux quatre grands partis du Royaume uni ainsi qu’au Premier Ministre Margaret Tatcher. Mais l’ALF appartient au passé.

Encore plus contemporaine, l’association 269 Libération animale est connue pour ses actions assez excessives, et dont les pratiques sont à la limite de la légalité. « Quant aux bouchers, leur sort est réglé avec la même logique, vous participez à un système injuste, vous en subissez les conséquences » estime Tiphaine Lagarde, la présidente.

Un mouvement encore fragile

Ces deux associations ont pourtant le même but mais pas les mêmes moyens, ce que reproche Brigitte Gothière, président de L214 : « Nous nous attaquons à des pratiques, et à un système, pas à des personnes. Avec les vitrines, une ligne a été franchie ». Ce mouvement encore assez peu adopté population ne serait-il pas plus performant en adoptant un plan et des moyens uniques ? Et si possible, en toute légalité ?

N’est-il pas également surprenant que certaines associations arrivent à une lutte violente pour défendre un point de vue qui se veut, à la base, non violent ?

Au-delà d’une radicalisation croissante et de nombreuses divergences, les adeptes doivent faire face à d’autres critiques. Selon Marianne Celka dans Vegan Order, une minorité supporterait mal un fait paradoxal : le capitalisme actuel, dévoreur de chair animale dénoncé par les militants de l’anti-spécisme propose désormais des produits vegans : burgers, chili con carne etc. Certains vivent donc la hype végan comme une trahison aux idéaux de base. Tiphaine Lagarde admet d’ailleurs que le mouvement comporte beaucoup de dérives. La société commence à réagir. Mais concrètement il n’y a pas d’effet : les abattoirs fonctionnent toujours à plein régime, les grands groupes de l’exploitation animale annoncent des chiffres d’affaires en hausse ».

Le mouvement vegan doit donc faire face à de nombreuses critiques, non pas pour ses convictions mais pour les moyens menés. Les actions réalisées par certaines associations ne font que ternir l’image des adeptes, souvent stéréotypés et considérés comme à part. En France, pas moins de 4% des Français déclarent pratiquer un régime vegan dont 47% de moins de 6 mois selon une enquête du cabinet Harris. S’il est difficile d’évaluer leur nombre, la manière dont ils occupent le terrain médiatique laisse augurer que ce mouvement n’en est qu’à ses débuts.

 

Entretien de Jean-François Battesti

Entretien de Jean-François Battesti

Entretien de Jean-François Battesti
 Diplômé de l’ESC Toulouse en 1976 et Dirigeant Fondateur du Groupe RH PARTNERS

 

Jean François Battesti, est dirigeant fondateur du Groupe RH PARTNERS, spécialisé dans le recrutement, la gestion de carrière et les projets RH.
Je souhaite le remercier chaleureusement pour avoir accepté de se prêter au jeu des questions réponses.
La première partie de l’entretien est consacrée à son expérience en tant qu’étudiant à l’ESC Toulouse, la deuxième partie s’intéresse à sa vie professionnelle.
La vie à TBS
De quelle génération êtes-vous ?
Vous vous êtes de la génération Y, la génération Z arrive aujourd’hui, moi je suis de la génération ABC si je puis dire. C’est une génération assez traditionaliste qui a vécu les 30 glorieuses. On est né dans une période de forte croissance et quand je suis arrivé à l’ESC, c’était pour qu’on commence à nous parler du chômage, de l’inflation, de la crise du pétrole, de la crise économique.  Un monde qu’on ne connaissait pas. On m’a appris pendant 3 ans à l’ESC Toulouse à gérer la croissance et quand je suis arrivé sur le marché du travail il fallait que j’apprenne aussi à gérer la crise.
L’ESC Toulouse était-elle dans les mêmes locaux qu’aujourd’hui ?
L’ESC Toulouse était située depuis ses débuts au 32 rue de la Dalbade. Les bâtiments dans lesquels nous nous trouvions avaient servi d’hôpital au Moyen-âge avant de devenir l’hôtel Saint Jean, l’hôtel des chevaliers de Malte. C’était un monument classé historique qui était très vétuste mais très riche au niveau culturel. Aujourd’hui ils ont découvert qu’il était bâti sur un cimetière. Nous étions donc sans le savoir sur l’un des grands gisements de l’histoire.
Les promotions étaient-elles aussi importantes qu’aujourd’hui ?
Les promotions étaient de 100 personnes. Il y avait globalement une centaine d’étudiants par années plus les classes préparatoires qui étaient dans le même bâtiment mais à l’étage au-dessus.
En prépa nous étions environs 200 et quand nous avions la chance de réussir le concours nous descendions d’un étage pour nous retrouver à l’ESC Toulouse.
Comment était la prépa à l’époque ?
Moi j’ai fait ma prépa juste au-dessus de l’ESC Toulouse. A l’époque 90% des préparationnaires de ma prépa passaient uniquement le concours de l’ESC Toulouse. Il n’y avait pas 3 filières comme aujourd’hui (voie ECE, ECS ou ECT) mais une seule. Aussi les bacheliers des voies économiques et scientifiques se retrouvaient dans la même classe ce qui désavantageait les voies économiques à cause du décalage de niveau en math.
Les deux matières principales et vraiment importantes étaient les mathématiques et la philosophie. Il y avait aussi histoire-Géographie et les langues. La prépa ne durait aussi qu’un an même si nous avions le droit de redoubler.
Cela signifie que vous n’avez plus fait d’économie en prépa ?
Tout à fait.
Comment était la vie étudiant à l’ESC Toulouse ?
C’était de grandes vacances. Autant nous en avions bavé pendant la prépa autant l’ESC était la découverte d’un monde nouveau avec des exigences nouvelles. De plus nous étions devenus intelligents auprès des autres, nous étions nous disait-on les futurs cadres de la nation. On savait aussi un petit peu en jouer.
Y-avait-il comme aujourd’hui autant de femmes que d’hommes en école de commerce ?
Il n’y avait que 30% de femmes. Elles étaient sympas, il arrivait parfois qu’elles soient jolies. Quand je passe devant TBS aujourd’hui je me dis que c’est autre chose…
La vie associative était-elle aussi riche qu’aujourd’hui ?
Je ne saurai pas la comparer à aujourd’hui mais il y avait un certain nombre d’associations. Il y avait bien sûr la Corpo (l’équivalent du BDE), et puis il y avait l’AIESSEC qui était une association internationale qui avait pour but de mutualiser les échanges d’étudiants transnationaux. Nous avions pour charge de leur trouver des stages pour qu’ils puissent rester quelques temps en France et ils faisaient de même pour nous. Il faut savoir qu’à l’époque nous n’avions pas du tout cette connotation internationale qu’ont les écoles aujourd’hui. Il y avait aussi un certain nombre d’associations sportives.
Etiez-vous un étudiant studieux ?
En prépa j’étais obligé de l’être. Ensuite en école j’étais studieux juste ce qu’il fallait. Il y avait des cours qui me plaisaient comme la gestion, d’autre pas du tout comme la compta. J’ai d’ailleurs eu 4 en compta au concours de sortie. On faisait juste ce qu’il fallait.
Quels types de soirées aviez-vous ?
Les soirées officielles se passaient à l’intérieur de ce que nous appelions « La Cave ». C’était une salle au sous-sol, voutée et en brique rouge. Il y avait tout : le bar, la sono, une piste sur laquelle on dansait, des tables sur lesquelles nous jouions on tarot et autres. Ce n’était pas très grand mais très festif, très bondé et très enfumé (car nous fumions tous à ce moment-là).
La Cave était ouverte entre midi et deux. Après manger nous allions prendre un café ou une bière à la cave avant de repartir en cours à 14h.
La Cave était aussi ouverte certaines soirées. Il y avait alors de vraies boumes. Elle avait tellement bonne réputation que des étudiants d’autres filières y venaient.
J’imagine que le peu de jeunes filles à l’ESC Toulouse vous incitait à en inviter d’autres.
Il fallait bien nourrir le vivier ! Nous allions donc aux soirées d’infirmières et de droit ou nous les faisions venir à la Cave.
Vous aviez aussi alcool à volonté dans la Cave ?
Oui, il y avait des problèmes d’alcool mais il n’y avait pas de problème d’approvisionnement d’alcool.
On pouvait boire à volonté et on pouvait aussi conduire à volonté. Il nous est arrivé de conduire dans un état second. C’est quelque chose qui paraîtrait inimaginable aujourd’hui.
Aviez-vous aussi des campagnes ?
Oui, il y avait de vraies campagnes électorales, fort animées, avec les slogans, les programmes, les affiches et ensuite l’animation qu’il fallait pour convaincre le public.
Une tranche de vies des campagnes à nous partager ?
Nous étions une bande de copains, de déconneurs et nous avions décidé de nous présenter non pas pour gagner mais pour foutre le boxon et mettre la honte à tous ces coincés. Parce qu’il y avait des gens sympas mais il avait aussi des petits c*** arrogants, péteux et vraiment insupportables.
On avait un copain qui avait un coup de crayon fabuleux. Il nous a donc émaillé les campagnes de ses dessins. On passait des nuits entières dans l’école à produire nos slogans.  L’école étant fermé nous laissions les fenêtre le soir en partant et revenions la nuit en faisant le mur, mais pour rentrer dans l’école cette fois-ci. Le matin tous les étudiants voyaient nos affiches et slogans partout sans savoir d’où ça venait.
Le point d’orgue a été lorsque nous avons dû présenter notre programme dans la salle capitulaire. Une salle voutée et très élégante où se déroulait spectacles et discours. Lorsque notre tour est venu on a dit des trucs très cons avec un air très sérieux puis on a pris un tuyau d’arrosage et on a aspergé tout le monde.
Quels étaient les événements marquants de l’année outre les campagnes ?
Il y avait le bal de l’école. C’était une grande manifestation qui se déroulait une fois par an et qui au niveau toulousain était très réputée pour faire venir du beau monde. On faisait venir des artistes assez célèbres (nationaux du type Johnny), Il y avait 2000 ou 3000 personnes dans les locaux de l’ESC. C’était très chic, très prisé.
Il y avait aussi le bizutage qui était très sympathique. J’ai d’ailleurs été grand maître bizuth.
Une dernière anecdote sur l’ESC Toulouse ?
J’ai connu le premier professeur de marketing de TBS. Il faut savoir qu’à l’époque le marketing était tout nouveau pour nous et venait de débarquer tout droit des US. Notre professeur de marketing était quelqu’un de très brillant mais qui était complètement à l’ouest. Il avait une piaule à l’école et un matin il a été appelé et est descendu à l’école en pantoufle et en pyjama pas vraiment réveillé. C’était assez potache.
Pas mal d’étudiants trouvent que les cours à TBS ne leur apprennent pas beaucoup de choses qui leur seront vraiment utile dans le monde du travail. Qu’en pensez-vous ?
A votre âge je pensais exactement la même chose, mais en tant que chef d’entreprise il y a finalement eu peu de domaines qu’on m’a enseigné à cette époque-là que je n’ai pas eu à mettre en œuvre.  Dans l’entreprise et plus particulièrement dans les positions dirigeantes on a toujours des experts qui travaillent pour nous mais quand on dirige on se doit d’avoir une approche globale de l’ensemble des fonctions. Avoir étudié les différentes disciplines en détail ça aide.
Le réseau des anciens de TBS vous va-t-il été utile dans votre carrière ?
Je crois personnellement que dans la culture Sup de Co (école de commerce) il n’y a pas de vraie culture du réseau spontanée. Je n’en ai jamais usé. Ce n’était pas mon truc. On savait venir me chercher pour des services mais je n’en ai jamais demandé.
Attaquons-nous maintenant à votre parcours professionnel
Racontez-nous ce que vous avez fait au sortir de l’ESC.
J’ai fait Sup de Co pour devenir patron. Je détestais l’autorité alors je voulais être mon propre patron. Dans quel secteur je ne savais pas.
Lorsque j’ai été diplômé en 1976 j’ai fait le MIG qui est l’équivalent de la Junior Entreprise. C’était un groupe d’une dizaine de diplômés encadré par 3 profs et qui faisait pendant un an du conseil en entreprise.
Ce qui m’a plu c’est qu’on faisait encore la fête pendant 1 an tout en gagnant un peu de fric, et j’ai trouvé très sympa de commencer la vie active avec 10 copains.
Aujourd’hui Escadrille fait la même chose et il y a des stages associatifs, mais en dernière année ce stage pourrait nous paraître moins professionnalisant et donc plus risqué pour bien s’intégrer dans le marché du travail.
A l’époque en 1976 il y avait à peu près 3 propositions d’emplois par diplômé donc rien ne pressait. On pouvait donc poursuivre dans ce statut absolument délicieux qu’est le statut d’étudiant tout en gagnant du fric. Les risques étaient faibles et les avantages forts.
Et ensuite qu’avez-vous fait ?
A la sortie du MIG j’ai trouvé un boulot de consultant à Paris. L’objectif de la boîte était de me former à Paris pour ensuite m’envoyer avec un associé à Toulouse pour créer une succursale ici.
La société était spécialisée dans l’organisation industrielle et informatique des entreprises.
Et là je suis tombé exclusivement sur des centraliens, des gadzarts (étudiants des arts et métiers) et des ingénieurs informatiques. J’étais le petit de la bande qui arrivait de province avec un diplôme de commerce. Eux à quelque chose près ils ne savaient même pas ce que c’était un diplôme de commerce.
Là j’ai vécu huit mois qu’on ne vit plus aujourd’hui. J’ai été formé pendant huit mois en double commande avec un consultant senior. J’allais partout où il allait et l’épaulait dans ses tâches. En fait pendant 8 mois j’ai été en apprentissage, peu productif et bien payé.
Puis ils ont créé l’agence de Toulouse et j’y ai travaillé. J’ai alors vécu pendant 3 ans une vie de nomade sur la moitié Sud de la France où j’ai produit de manière intensive et très enrichissante des missions.
Et qu’avez-vous fait ensuite ?
Le 18 juin 1984 j’ai entendu l’appel si je puis dire et j’ai créé ma boîte de conseil en recrutement à Toulouse, dans un 2 pièces cuisine rue Bayard. Je suis parti avec mon téléphone et l’annuaire des pages jaunes et en 2 mois de prospection j’ai rempli la moitié de mon prévisionnel pour l’année. Très vite j’ai embauché une assistante et deux consultants.
2 ans plus tard, en 86, je déménageais dans de vrais bureaux du côté de Basso Cambo. J’y suis resté pendant 20 ans.
Assez rapidement j’ai été le premier franchisé à intégrer ce qui est ensuite devenu un des premiers réseaux nationaux en conseil en recrutement. A l’époque il n’y avait pas internet ni les réseaux sociaux. Tout passait par la presse. Vous ouvriez l’express, le Figaro ou le Monde et vous aviez 42 pages d’annonce. On mesurait l’audience des cabinets de recrutement à la surface des annonces qu’ils vendaient. Et nous en 92 on était le 7e annonceur national.
En 1992 moi et les autres franchises historiques avons décidé de créer notre propre, RH PARTNERS.
Nous étions des patrons régionaux sous la même enseigne bien implantés en province face aux grands cabinets parisiens.
Quelles vont être les évolutions de RH PARTNERS ?
Membre fondateur, je deviens en 2005 l’actionnaire majoritaire du groupe. Aujourd’hui, 10 ans après, je viens de revendre l’enseigne au réseau afin qu’elle soit la copropriété de tous et que la gouvernance soit collective. Ce sera aux nouvelles générations de développer le groupe.
Quels ont été les plus gros problèmes auxquels vous avez été confronté lorsque vous avez créé votre entreprise ?
Partir sans fond initiale. Comment faire en sorte que votre entreprise se développe suffisamment vite pour dégager un chiffre d’affaire suffisant pour rembourser les frais de départ ? Il faut savoir qu’à l’époque faire une levée de fond n’était pas du tout aussi facile qu’aujourd’hui.
En tant que chef d’entreprise quelle est la chose la plus gratifiante ?
J’apprécie énormément l’attachement des salariés à l’entreprise. Chacun est consciencieux et exigeant comme si l’entreprise était leur propre bébé.
Quels ont été vos motivations pour créer votre entreprise ?
J’ai créé ma boîte pour 2 raisons principales. D’une part je déteste l’autorité et j’avais envie d’être mon propre patron. D’autre part je voulais créer un espace de vie professionnel harmonieux où il puisse se passer des choses, où les gens se sentent bien.
Comment voyez-vous votre rôle de manager.
Globalement je suis le garant d’un certain nombre de choses. Les valeurs, le projet et le sens que l’on donne à celui-ci. Il y a peu d’événements où je suis interventionniste parce que d’abord ça m’ennuie profondément et ensuite les gens sont très autonomes et responsables. J’interviens seulement lorsque la ligne jaune est dépassée.
Cet espace de vie (chez RH PARTNERS) ne convient qu’aux gens autonomes. Je n’aime pas les perfusions.
Quelles sont les plus grandes différences que vous observez entre notre génération et la vôtre concernant les attentes professionnelles, la manière de travailler et le rapport à l’autorité au travail ?
Pour ma génération le rapport à l’autorité, l’engagement et la fidélité était fort. Quand on rentrait dans une boite c’était pour faire carrière. Une personne qui changeait de boite tous les 3 ans était perçue comme instable.
Aujourd’hui on est face à des générations Y (les trentenaires) qui ont un rapport à l’autorité totalement différent. Ils vont parler de l’autorité par la compétence, de l’exemplarité, de la notion d’engagement réciproque mais avec la liberté de partir dès qu’ils ne sont plus satisfaits. « Je bosse avec vous et plus si affinité ». Ils cherchent leur investissement et épanouissement au travail par rapport à des objectifs très personnels. Ils se détachent fortement de toute notion de carrière dans une seule et même entreprise. Ils n’ont aucun problème à partir quand ils ont mieux ailleurs ou tout simplement quand ils le veulent.
Ils sont plus intéressés par de vrais projets, notamment dans des structures plus petites et plus souples que les grandes boites.
En bref les jeunes sont souples, mobiles, non fidèles et intéressés par le sens des missions plutôt que par l’entreprise.
Quelles ont été les plus grands changements dans le recrutement entre le moment où vous y êtes rentré (1983) et aujourd’hui, c’est-à-dire 37 ans plus tard ?
J’ai épousé un métier qui était globalement papier crayon. C’était l’artisan, même dans les grosses boites. On est passé d’un métier d’artisan à un métier de cyber-recrutement, digitalisé (mais pas forcément impersonnel).
Il y a eu 2 grosses révolutions :
Il y eu d’abord la rupture technologique. L’apparition d’internet a permis aux entreprises de diffuser leurs propres offres et d’avoir leurs propres CV thèques. Les Job boards (Monster, Cadre emploi) sont devenus des pompes publiques de CV dans lesquelles n’importe quel quidam pouvait puiser. Finalement les réseaux sociaux ont explosé la donne verticale. Tout le monde peut désormais contacter tout le monde, y compris les recruteurs.
Le recruteur n’est plus le pape et le goulot d’étranglement auprès de qui on doit prêter allégeance. D’un monde vertical on est passé à un monde horizontal avec un maillage très complexe. Les annonces presse ont été remplacées par des big data où tous les cv sont partout et où par excès de matière on est dans une jungle de compétence qu’il faut savoir trier.
Ensuite il y a eu la venue sur le marché des Anglo-Saxon spécialisés et des entreprises de Travail Temporaire (ETT), type Hays Michael Page et Randstad. Une loi entérinée en 2005 leur a ouvert le marché des CDI.
Nous nous faisons du conseil en entreprise. On part de l’entreprise pour aller vers le candidat. On analyse le secteur, le contexte, l’organisation, les besoins spécifiques de l’entreprise et d’autres facteurs pour ensuite aller chercher dans la masse de candidats ceux qui répondent le mieux aux exigences de l’entreprise. C’est du sur-mesure, du chirurgical.
Eux Ils partent du candidat pour aller vers l’entreprise. En caricaturant à peine ils vous disent « Vous – voulez un comptable avec 3 ans d’expérience dans l’aéronautique avec des connaissances en Anglais ? », ils regardent dans leur data base, vous sortent 20 profils répondant a priori à ces critères et vous les envoie pour faire votre choix. En bref ils regardent leurs stocks et vous fournissent en conséquence.
Nous nous considérons que pour avoir de bons profils il faut d’abord avoir une bonne compréhension de l’entreprise, de sa culture, de son métier et de son environnement. Notre valeur ajoutée c’est nos consultants, la leur c’est leur data base.
Finalement quels enseignements liés à votre métier auriez-vous à nous transmettre ?
Il y a deux choses que j’ai retenu dans mon métier
D’abord il y a toujours des problèmes humains dans n’importe quelle entreprise, quel que soit sa taille, des problèmes dans l’embauche, l’organisation, les relations etc.  Ensuite il n’y a pas de métiers qui ne sont pas importants dans une entreprise. Si vous en tant que stagiaire faites du mauvais travail c’est un manque de valeur ajoutée pour l’entreprise. Si l’assistante gère mal les dossiers le cabinet se retrouve paralysé. Tous les salariés d’une entreprise sont importants et apportent leur pierre à l’édifice.
Propos recueillis par Nam Delespierre