Que retenir du grenelle des violences conjugales ?

Que retenir du grenelle des violences conjugales ?

Le Grenelle sur les violences conjugales s’est achevé le lundi 25 novembre, journée internationale
contre la violence à l’égard des femmes, après deux mois de rassemblements locaux dans toute la
France. Il aura fallu que les réseaux sociaux s’en mêlent pour que la puissance publique prenne le
problème à bras le corps.

A la mi-octobre, 121 femmes étaient tuées par leur mari sur le territoire français, soit autant que sur
l’année 2018 complète. Les statistiques sur les féminicides montrent une hausse des violences, mais
ces chiffres cachent une réalité plus complexe, découlant d’une prise de conscience collective qui
débouche sur un décompte plus précis et plus juste qu’auparavant.
Les violences conjugales, dans l’imaginaire collectif, se limitent aux situations dans lesquelles des
hommes portent des coups, parfois mortels, à leur épouse. Pourtant, cette expression porte un sens
bien plus large : il s’agit d’un processus au cours duquel un partenaire utilise la force ou la contrainte
pour perpétuer ou promouvoir des relations hiérarchisées et de domination. Ces violences peuvent
donc être aussi bien physiques que psychologiques, et concernent deux personnes qui entretiennent
ou ont entretenu une relation de couple quelle qu’elle soit.

Le chef du gouvernement Edouard Philippe a annoncé un panel de mesures dans le but d’apporter
des solutions et d’adapter le système judiciaire à ce défi de sécurité publique.

« Des mesures d’urgence »

En premier lieu, le Premier Ministre a annoncé avoir travaillé sur une meilleure prise en charge des
victimes en permettant l’accès à une ligne d’écoute jour et nuit au numéro 3919. En ce qui concerne
la problématique du logement, le chef du gouvernement a reconnu la difficulté pour les femmes
victimes de violences conjugales de quitter le domicile familial, en particulier lorsque le couple a des
enfants. Il a donc demandé l’ouverture de 1000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires au
1 er janvier 2020, dédiées aux femmes et à leurs enfants, ainsi que l’accès à la garantie Visale, caution
locative gratuite, aux femmes violentées.

Les mesures à l’encontre des hommes violents vont également être durcies : les hommes contre
lesquels une plainte a été déposée vont être équipés d’un bracelet anti-rapprochement afin de
garantir la sécurité de la plaignante au moyen de la localisation GPS des membres du couple. De plus,
un père violent pourra être démis de son autorité parentale ou voir cette dernière être aménagée,
dès le dépôt de plainte.

Le Premier Ministre a ensuite souligné l’importance de la prévention des violences physiques par
l’identification de signes avant-coureurs. Dans cette perspective, la notion d’emprise est en passe
d’être inscrite dans le Code Civil et dans le Code Pénal. Etant donné que les violences physiques sont
souvent consécutives à des violences psychologiques, Edouard Philippe a ainsi déclaré : « L’emprise
conjugale, c’est la prise de possession d’un membre du couple par l’autre qui s’installe de manière
progressive et implacable, parfois même sans que la victime ne s’en aperçoive et qui s’apparente à
un enfermement à l’air libre. » Dans une perspective de prévention, il sera également possible pour la
justice de retirer le droit à la détention d’une arme à feu à des hommes présumés violents. Un suivi
psychologique de proximité est d’ailleurs préconisé par le gouvernement, qui avait annoncé début
septembre un objectif de deux centres pour hommes violents par région.

La formation des forces de l’ordre a aussi été évoquée : il est question de fournir une grille
d’évaluation de la violence constituée de 23 questions que les policiers et gendarmes devront poser
aux plaignantes. Cette grille a été élaborée sous l’égide de Marlène Schiappa et vise à ce que les
plaintes soient davantage prises au sérieux afin d’instaurer un climat de confiance entre les victimes
et les forces de l’ordre. En effet, on estime que seules 16% des victimes de violences conjugales
portent plaintes, notamment car elles craignent de ne pas être crues et de subir des représailles de la
part de leur conjoint. De plus, davantage d’intervenants sociaux devraient être missionnés dans les
commissariats dans les mois qui viennent.

Enfin, la formation ne s’arrêtera pas aux forces de l’ordre : Edouard Philippe compte éradiquer la
violence à la racine en sensibilisant les jeunes aux problèmes de violences conjugales, corrélés à la
place des femmes dans la société. Dorénavant, les enseignants vont recevoir une formation sur les
langages et comportements à adopter pour ne pas reproduire les stéréotypes genrés à l’école.
L’égalité des sexes fera également l’objet d’un conseil de la vie collégienne et lycéenne afin d’évaluer
la situation des établissements sur le sujet, et un module obligatoire sera dédié à la sensibilisation
contre les violences conjugales pendant le Service National Universel. Pour finir, « un document
unique de signalement » sera proposé aux institutions scolaires afin de faciliter les démarches
lorsqu’un enfant victime ou témoin de violence a été identifié.

Un grenelle satisfaisant ?

Certains observateurs dénoncent un « coup de communication » de la part du gouvernement, qui
mettrait l’accent sur des mesures qui existaient auparavant, de façon officielle ou non, sans
augmenter significativement le budget qui leur est alloué.
Les spécialistes donnent des pistes pour compléter ces mesures. La première serait de lever le secret
médical en cas de suspicion de maltraitance. Cette proposition est actuellement en discussion dans
les cas « d’urgence absolue, où il existe un risque sérieux de renouvellement de violences » selon les
mots d’Edouard Philippe. Toutefois, une autre école de pensée estime que cette mesure serait
totalement contreproductive, puisque les victimes pourraient simplement se détourner du milieu
médical. Une réflexion plus globale sur ce grenelle montre le silence relatif qu’il existe sur d’autres
configurations des violences conjugales : dans un couple homosexuel, de la femme vers son mari…
Or, dans la définition même des violences conjugales, il n’existe aucune mention de genre.

Il existe ainsi un tabou persistant sur les violences conjugales, qu’elles soient physiques ou
psychologiques, et si l’intention de ce grenelle était justement de les lever, certains aspects ont été
oubliés. En revanche, il est important de noter qu’un grenelle sur les violences conjugales est déjà un
pas en avant en ce qu’il révèle le phénomène au grand jour. Impossible aujourd’hui de fermer les
yeux. Reste maintenant à savoir si le budget retenu suffira à mener des actions concrètes pour faire
évoluer les mentalités en profondeur et réellement protéger les victimes.

Marie-Esther Duron

 

Chili : la colère gronde, un référendum pour la calmer : est- ce réellement suffisant ?

Depuis le début du mois d’octobre, le Chili traverse une grave crise sociale qui
plombe toute l’économie d’un pays. Pourtant, ce pays se confond avec les pays développés
par son espérance de vie supérieure à 80 ans, son PIB avoisinant les 300 milliards de dollars
en 2018. Alors pourquoi ce pays traverse une grave crise et comment il peut s’en relever ?

¿Qué pasa en Chile ?

L’élément supposé déclencheur de ce mouvement social est la hausse de 3% des prix
du ticket de métro dans la capitale Santiago de Chile. Cependant, cette mesure n’est pas
l’élément déclencheur de ce mouvement mais c’est plutôt « la goutte d’eau qui fait
déborder le vase ». En effet, la nouvelle revendication des manifestants est une fin des
inégalités qui persistent au Chili et dans toute l’Amérique latine. La phrase de Ricardo Lagos
résume parfaitement ce problème :
« L’Amérique n’est pas le continent le plus pauvre mais peut-être bien le plus injuste. »
Dans le cas du Chili, les inégalités persistent car 1/3 des revenus chiliens est détenu par 1%
de la population 2 dont le président actuel Sébastien Piñera. Ce chiffre ternit la réputation
d’un Chili ambitieux qui a réduit son taux de pauvreté (8% de la population aujourd’hui). Il
est notamment possible d’évoquer le peuple indigène les Mapuche composés de 1million de
personnes qui vivent au Sud du Pays. Ce peuple a été le premier à s’installer sur les terres du
Chili actuel souffre aujourd’hui d’un manque de considération du gouvernement qui les
considère comme des terroristes à cause de leur réponse violentes face aux grandes
entreprises textiles et minières qui ont volé leurs terres. De ce fait, la crise sociale n’est pas
simplement liée à l’augmentation des prix des tickets de métro dans la capitale, c’est
l’explosion des inégalités qui a provoqué la colère des chiliens.
Une constitution obsolète est la source de ce conflit

L’obsolescence de la Constitution chilienne est aussi une cause de ce mouvement social. En effet elle est accusée par la société de favoriser les inégalités et de les développer.
Elle date de la dictature initiée par le général Pinochet (1973-1990) et depuis elle n’a pas été
modifiée. L’ex-présidente Michelle Bachelet (2006-2010 et 2014-2018) a pensé à le faire
mais sans jamais y parvenir. Les détracteurs du président actuel dénoncent également
l’ultralibéralisation du pays où la santé, l’éducation et le système des retraites relèvent
désormais quasiment du secteur privé.

Ce mouvement n’est pas sans conséquences
Depuis le début de ce mouvement, on déplore 22 décès et plus de 2000 blessés selon
les chiffres officiels livrés par le gouvernement. Le point d’orgue de ce mouvement est la
journée du 25 octobre où plus de 1 million de chiliens ont défilé dans les rues de Santiago. La
première conséquence de cette crise est une paralysie du pays. De plus l’économie du pays
est au ralenti alors que la croissance du pays ne cessait d’être positive (1,5% en 2017 selon la
Banque Mondiale). Enfin, le Chili a dû renoncer à l’organisation de la COP 25 (Conference of
Parties) qui devait avoir lieu le 2 décembre.

Que va faire le président chilien pour atténuer la colère ?

Pour résoudre ce conflit social, le président actuel avait au départ envoyé l’armée
dans les rues afin de rétablir l’ordre et avait déclaré l’état d’urgence, une première depuis la
fin de la dictature. Or, dans une allocution télévisée accordée le 17 novembre le président
Piñera fait un « mea-culpa » en dénonçant les exactions policières depuis le début des
manifestations. Les manifestants ont même condamné les policiers de violer les Droits de
l’homme ce qui a poussé l’ONU a détaché une mission sur place. Depuis, l’armée n’est plus
dans la rue. De plus, le président a promis un référendum en avril 2020 pour un éventuel
changement de constitution. Enfin des mesures plus économiques seront mises en place
pour calmer les manifestants comme un gel des tarifs d’électricité, un remaniement du
gouvernement ,…
La crise sociale montre un « ras-le-bol » général de la situation économique et
politique du pays : la population veut du changement. Les inégalités sont au cœur de cette
crise et ce mouvement pourrait se généraliser à l’ensemble de l’Amérique latine où de
profondes disparités divisent les populations. Pour résoudre cette crise, il faudrait un
profond changement des Institutions en revanche même si le président Piñera est ouvert
aux négociations et propose des réformes, les opposants doutent de sa volonté de réformer
le système qui date de la Dictature et qui en a fait sa fortune estimée à plus de 2 milliards
d’euros.

BERNARDINI GUILLAUME

Encore une minute !

Encore une minute !

Que nous veut-il encore ce Monsieur Macron ?
Après tous ces débats interminables, tu nous veux encore une minute ?
Bah écoute, au point où nous en sommes, vas-y ! Dis-nous tout.

Vous savez quoi ? Cette minute en valait peut-être la peine ! Le 7 Novembre vient de passer,
mais la situation reste inchangée.

De quoi s’agit-il ?
Harceler est un mot qui en définit d’autres tels qu’insulter, frapper, ou encore menacer.
En France, selon LE MONDE, 1 élève sur 10 est concerné par le harcèlement ; ce qui
représente 14% des élèves du primaire, 12% de ceux du collège et 3% des lycéens. Ce
phénomène se manifeste, la plupart du temps, de manière physique chez les garçons et via
internet chez les filles. Vu comme ça, ça n’a l’air de rien, mais à l’échelle nationale, ce 1
représente des milliers d’enfants, qui transportent, avec eux, des séquelles de ces
abaissements. En grandissant et en évoluant, pour la plupart, dans le même environnement,
le comportement psychologique est, d’une manière ou d’une autre, impacté !
Au niveau de la population étudiante, ce phénomène est plus rare. Mêlés à une population
plus ou moins mature et confrontés à deux nouveaux défis professionnels, le temps n’est
plus à la rigolade, les harcèlements non plus. Pourtant, c’est justement dans cet
environnement qu’on constate les catastrophes psychologiques qu’ont crée ces
talonnements disparates chez leurs victimes.
Conséquences et causes !

Deux variables sont à prendre en compte pour évaluer les conséquences du harcèlement :
1. Le type d’harcèlement
2. La force de caractère
Selon le degré de ces variables, les résultats peuvent aller du décrochage scolaire à des
troubles du sommeil en passant par différentes phases de dépression. Quoiqu’il en soit,
l’estime de soi est quelque peu entachée et peut conduire à commettre des actes tragiques ;
mais bon, on ne va pas en arriver là, bien au contraire on va remonter à l’origine de tout
cela.
La France, pays des manifestations, a mis en place depuis, maintenant 4 ans, une journée de
prévention et de lutte contre le harcèlement entre élèves. Mais est-ce vraiment la solution à
ces maux ?
Aucun élève n’a à changer d’établissement pour arrêter cette spirale.
Aucun enfant ne doit être moqué ni insulté en raison de la situation professionnelle de ses
parents.
Aucun étudiant ne doit sombrer dans la dépression pour accumulation de blessures internes.
Ma vérité est que l’individualisme français détruit l’humanité de tout un chacun, dans ce
pays. “Tout le monde” ne pense qu’à sa petite personne, à sa zone de confort, sans se
soucier un instant de ce qui se passe chez son voisin. Je ne vous parle pas de se mêler de la
vie des autres, je vous parle du dernier aspect de la devise de ce pays : “Fraternité".
Être frère ou agir dans un esprit fraternel, c’est aussi faire attention à l’autre, et cela
commence par la base d’une société, j’ai nommé : l’éducation.

Comment expliquer qu’au PRIMAIRE, le taux d’harcèlement « sévère et modéré » soit aussi
élevé ?
Le primaire, une période innocente dans une vie humaine, finalement pas si innocente que
ça. Et pour cause, certainement une confusion entre “indulgence” et “laxisme” de la part de
certains parents, bien qu’en quête d’épanouissement de leurs enfants, obtiennent l’inverse

de l’effet escompté. Ajoutée à cela, la société et ses émissions télévisés qui prônent de
moins en moins l’Être au détriment du paraître, face à des jeunes insouciants en pleine
construction de leur identité.
Si j’ai un message à transmettre, aujourd’hui, ce serait tout d’abord au président de la
République française.
Alors oui, Monsieur Macron, votre vidéo est parlante et appelle à une prise de conscience.
Mais ce n’est pas aux élèves de rattraper l’éducation manquée de certains parents.
Et vous, chers étudiants et futurs leaders du monde de demain, certains d’entre vous ont
harcelé, peut-être sans le savoir…ou pas. Quoiqu’il en soit, vous serez tenus responsables
des harcèlements de demain. Il est de votre devoir de mesurer l’ampleur de l’éducation que
vous donnerez à vos descendants.
Quant à toi, chère France, c’est bien beau de faire des manifestations contre ceci et cela,
mais, pour parodier un tant soit peu notre cher François Rabelais, la marche sans la
démarche n’est que ruine de l’âme.

Urielle Agossou

Limitons le politiquement correct

En France, la tendance est à prendre des pincettes dans ses déclarations. Cela se traduit, entre autres, par cette habitude fâcheuse que l’on a à mimer des guillemets dès lors qu’on évoque quoique ce soit qui puisse être mal interprété, ou encore un sujet sensible de société. Si l’usage de ces guillemets est par ailleurs incorrect dans la langue de Molière (nous utilisons les chevrons), il est toutefois amusant de remarquer que si nous avons importé le politiquement correct des États-Unis, nous en avons aussi adopté la gestuelle.

Les 5 formes d’intelligence pour affronter l’avenir de Howard Gardner

      En effet, le politiquement correct, que l’on peut définir par « l’habitude d’agir positivement à l’égard d’un certain groupe, pour la seule raison que ce groupe a été maltraité par le passé, et de quiconque se montre critique vis-à-vis dudit groupe » (Howard Gardner, Les cinq formes d’intelligence pour affronter l’avenir) est profondément américain. Traduit de l’anglais « political correctness », ses défenseurs le justifient en s’appuyant sur le postulat – contesté par les linguistes – communément appelé « l’hypothèse Sapir-Wholf », qui développe l’idée que le langage conditionne la pensée (en d’autres termes, un langage sexiste entraine une pensée sexiste par exemple). La réflexion développée ainsi indique que de doux euphémismes seraient plus appropriés pour évoquer certains groupes ou conditions sociales, certains métiers : « non-voyant » pour « aveugle », « hôtesse de caisse » pour caissière », mais encore « black » pour « noir » ou « gay » pour « homosexuel » (oui, le politiquement correct se nourrit justement du franglais).  À quand le « mal comprenant » de Guy Bedos ?

           

Cependant, s’il serait ridicule de s’offusquer de l’emploi de termes moins catégoriques, descriptifs, et somme toute péjoratifs voire dégradants à l’égard de certains groupes, les dérives du politiquement correct sont bien présentes, à commencer par l’imposition du vocabulaire. Il n’est pas rare de sentir que l’on dilue son propos, et si l’exemple de l’homme blanc qui n’ose plus dire « noir » ou « arabe » en public est facile, il en est tout de même une bonne illustration.

« Late Night with Seth Meyers » est une émission-débat américaine de fin de soirée animée par Seth Meyers sur NBC.

Aux États-Unis, où le politiquement correct est moins diffus et bien plus présent, on réussit à le tourner en dérision, avec les séquences comme « Jokes Seth can’t tell » (Les blagues que Seth ne peut pas dire). Dans cette séquence du Late Night show animé par l’animateur star Seth Meyers, quadragénaire blanc hétérosexuel, des intervenants issus des minorités (ethniques, LGBT) énoncent les chutes de blagues qui pourraient être considérées racistes si elles sortaient de la bouche du présentateur.

 

En France, toutefois, nous ne possédons pas encore le recul nécessaire pour avoir la vision d’ensemble des caractéristiques que le politiquement correct prend – et c’est tout le problème. Quand on étiquette tabous des termes employés au quotidien, mais aussi des éléments de réflexion, on oriente fortement le débat par une pression sourde, qui se réclame d’un soutien majoritaire (mais jamais évalué) de la population. Les raccourcis avec le Novlangue Orwellien semblent-ils si éloignés ?

Si la thèse semble a priori incongrue, elle n’en est pas moins fondée. Prenons l’exemple de Michèle Tribalat, démographe émérite à l’Ined (Institut national d’étude démographiques). Pourtant fervente critique de l’extrême droite et de ses méthodes (elle signe en 1998 Face au Front national : arguments pour une contre-offensive), on lui affuble dès le début des années 2000, suite à sa prise de position en faveur de statistiques ethniques, une pensée raciste, qui lui vaudra sa carrière et qu’elle dénoncera comme une « nazification de l’adversaire ». On retrouve ici la définition du politiquement correct du philosophe André Comte-Sponville in L’avenir du politiquement correct (2011) : « la tyrannie des bons sentiments, de la morale qui prétend s’appliquer hors de son ordre ». L’exemple est d’autant plus criant qu’il met en exergue la bien-pensance développée par le politiquement correct : on en arrive à vouloir limiter les éléments qui permettraient d’affirmer une réflexion, de peur qu’elle ne soit pas « acceptable ». 

Mais alors, face à ce constat, que faire ? La réponse doit être collective, claire et publique : pour limiter l’autocensure, tournons-là en dérision. Après tout, si on arrive à rire de la pensée unique qui s’installe discrètement, peut-être pourrons-nous mieux l’identifier dans tous ses aspects. Quoiqu’il en soit, si nous continuons à abandonner les réquisitoires contre le politiquement correct à l’extrême droite, un phénomène aussi paradoxal que malheureux fera son apparition : le bon sens servira le populisme.

Alban SIBAUD

Qu’est-ce qui est jaune et qui attend?

Les Gilets jaunes sont des plus nombreux à Toulouse

En jetant un coup d’œil au classement des personnalités préférées des Français, on remarque surtout des célébrités très consensuelles, des Omar Sy, des Jean-Jacques Goldman. Des individus qui n’ont jamais fait la moindre vaguelette. Au contraire, au rang des personnalités les plus détestées, uniquement des personnes très politisées, à l’instar d’Alain Delon ou de Nicolas Sarkozy. L’absence d’idée politique claire rassemble les Français : de là vient l’immense popularité du mouvement des Gilets Jaunes.

Le mouvement dès le départ, se réclame apolitique, dépourvu d’organisation syndicale, de toute façon socialiste. Sur les plateaux, on invite des Gilets Jaunes qui martèlent et qui s’égosillent à qui mieux mieux : le mouvement est a-po-li-tique. Il est apolitique. Il est surtout apolitisé. Car les personnes qui ont initié le mouvement n’ont que faire des luttes de pouvoir entre les partis, et les piètres tentatives de quelques hommes politiques délavés pour incarner le mouvement se sont soldées par une cuisante indifférence. Des personnalités de droite dure surtout, Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan. La gauche, poltronne ou pudique, s’est tue. La rumeur qui émanait des ronds-points n’exigeait pas l’augmentation du nombre de tranches fiscales.

Etranglée entre des obligations présentielles en Assemblée et une inexpérience en communication, il n’est pas étonnant qu’une néo-classe politique entière soit en lévitation au-dessus de la vraie France, celle que décrit Jacline Mouraud dans sa vidéo virale sur Facebook. Les revendications ne peuvent plus emprunter les voies traditionnelles pour remonter à Paris. Ajoutez à ce blocage des commentaires au mieux maladroits, au pire franchement méprisants (« nous avons été trop subtils »). L’erreur a été de croire que ces députés LREM porteraient la voix du milieu d’où ils viennent. Ils portent finalement la voix de celui qui les a adoubés, j’ai nommé le Président de la République. Face à un problème aussi profondément politique, la colère des Français s’est cristallisée autour d’un mouvement qui a eu l’intelligence, (ou la chance ?) de ne pas y répondre politiquement, au sens traditionnel, au sens de la création d’un parti. La création d’une liste « Gilets Jaunes » pour les européennes signe la fin de la particularité, de la popularité, du plébiscite presque, que suscitaient ces casseurs bien-aimés de radars inquisiteurs.

Cette fin est aussi signée par une distanciation des classes moyennes et moyennes supérieures. Elles soutenaient ce mouvement, libéral et anti-taxes, comme 80% des Français. Ecrasées par la fiscalité, ça faisait longtemps qu’elles n’avaient pas senti qu’une manifestation « traditionnelle », d’ordre économique, leur parlait. N’ayan

Un manifestant gilet jaune réclamant le RIC samedi 15 décembre à Paris.

t jamais eu la culture du conflit social, elles se sont reposées pour défendre leurs intérêts sur la frange pauvre qui a occupé les autoroutes. Mais les semaines passant, les actes s’enchainant les uns après les autres, le beauf, au côté exotique de prime abord, est assez rapidement devenu gênant. Sur la forme, être assimilés à ces moyens-pauvres, voire pauvres, n’est plus attirant. Le mouvement a également trouvé une panacée appelée RIC, dont les moyens-riches n’ont que faire. Le fond ne les intéresse donc plus non plus.

Les Gilets Jaunes sont la conséquence directe du dégagisme qui a animé toute la campagne présidentielle 2017. En lieu et place d’hommes politiques expérimentés, apparatchiks roublards, des « barons » de partis, vieux hommes blancs, nous avons eu une brochette de nouveaux visages. Drapés dans le manteau immaculé du renouvellement, ils se sont révélés incapables de relayer le ras-le-bol croissant, assourdissant même, d’une grande partie des Français. Le manteau immaculé n’était que la fourrure du blanc mouton qui marche, qui marche toujours.

Anna MÉDAN

Le Brésil dans la tourmente

Le Brésil dans la tourmente

Depuis plusieurs mois, le monde dérivait déjà vers les contrées les plus lointaines et les plus haineuses des mouvements d’extrême droite. Ce mois-ci, le Brésil, qui doit élire son prochain président, n’échappe pas à la tendance. Les chaînes d’infos ne parlent que de ça, ou plutôt de lui : Jaïr Bolsonaro, soutenu par le parti démocrate-chrétien brésilien et candidat à la présidentielle. Cet ancien militaire a recueilli près de 46% des voix au premier tour de l’élection le 4 octobre, ce qui lui a presque valu d’être élu au premier tour. Il affrontera le 28 octobre prochain le candidat de gauche, Fernando Haddad, héritier controversé de l’ancien président Lula, dont les différents mandats avaient été placés sous le signe de la corruption.
La corruption dans le pays justement, c’est ce qui révolte les brésiliens et semble expliquer leur vote en faveur de Bolsonaro. Depuis plusieurs années le pays est plongé dans une grave crise économique et politique, principalement due, selon le peuple, à l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva. En effet, les affaires de pots-de-vin, d’entrave à la justice et de contrats illégaux au sein même du gouvernement explosent dans le pays depuis la fin de la dictature militaire en 1985.

 

Le changement… c’est maintenant ?

Pour les brésiliens, Jaïr Bolsonaro semble être la seule solution possible pour enclencher un vrai changement, bien que pour le monde entier, ses prises de positions virulentes à l’égard des femmes et des homosexuels ainsi que sa nostalgie pour la dictature militaire, constituent de vraies raisons de s’inquiéter pour l’avenir du pays. Les dirigeants occidentaux s’alarment d’ailleurs d’une possible « gangrène » aux pays voisins, qui pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années voir les candidats d’extrême droite monter en puissance au sein des gouvernements. Mais comment Bolosonaro peut-il bien avoir un tel impact politique et une telle aura auprès du peuple brésilien, pourtant déjà si blessé et torturé par le passé ?

 

L’insécurité, un sujet récurrent au Brésil

Comme la plupart des programmes des candidats d’extrême droite dans le monde, celui du brésilien se tourne principalement sur la sécurité intérieure. Alors que le pays est rongé par les trafics de drogues et d’armes, qui mettent en péril de nombreuses vies innocentes même dans les plus grandes villes, le candidat entend bien remettre de l’ordre dans les affaires du pays. L’ancien militaire propose notamment de donner l’accès au port d’arme à « tous les gens bien », mais aussi de renforcer la sécurité judiciaire en faveur des policiers, qui seraient moins inquiétés en cas d’utilisation de leurs armes de service sur un suspect.
De plus, n’ayant jamais été soupçonné ni pointé du doigt pour des affaires de corruption, le candidat se vante de pouvoir remettre de l’ordre au sein du gouvernement, ce qui séduit les brésiliens, trop souvent victimes de la corruption pratiquée sur l’échiquier politique. Il promet ainsi de reconstruire un « gouvernement décent », plus à l’écoute et apte à comprendre les problématiques du peuple. Alors que le pays compte près de 60000 homicides par an, le slogan du candidat « Un bon bandit est un bandit mort ! » fait mouche auprès des brésiliens, qui selon un sondage, seraient plus de 50% à avoir la même pensée.

Sur le plan économique, difficile cependant de pouvoir dessiner précisément le programme de Bolsonaro. Alors qu’il avouait publiquement en avril dernier ne rien connaître à l’économie, il promet cependant des mesures « chocs », inspirée très fortement de la vision ultra-libérale de l’économiste Paulo Guedes. L’une de ces grandes propositions serait de privatiser à tout va afin de réduire la dette brésilienne de plus de 20% (ce qui semble malgré tout quasiment impossible).

 

Et la planète dans tout ça ?

Sur le plan environnemental, le programme n’est guère plus précis. Alors que la forêt amazonienne représente plus de 60% du territoire, Bolsonaro n’a aucune intention de la protéger ni de s’inquiéter du changement climatique. Triste nouvelle pour l’Amérique du Sud donc, qui pourrait bien voir une fois de plus les intentions économiques passer au-dessus des questions planétaires de protection du climat…

 

Un candidat adulé par les uns, détesté par les autres

Il reste cependant à rappeler que les brésiliens sont nombreux à ne pas soutenir le candidat d’extrême droite. Depuis plusieurs mois, les femmes défilent dans la rue pour protéger leurs intérêts. Le candidat, qui ne cache pas son antiféminisme, son homophobie, son racisme envers les brésiliens noirs (nombreux par ailleurs, et faisant déjà l’objet d’une réelle discrimination au sein du pays) ou les autochtones, semble bien vouloir respecter le mythe de l’homme blanc raciste, peu ouvert d’esprit et partisan d’un modèle patriarcal. Il a d’ailleurs été poignardé en pleine manifestation de campagne par un ancien militant du parti de gauche PSOL au chômage, qui se serait senti « directement menacé » par le discours du candidat d’extrême droite (et on le comprend).

Le monde entier se tourne donc vers le Brésil pour ces 15 prochains jours, espérant un miracle de la part du peuple brésilien. Le candidat, qui ne cache pas son admiration pour Trump (décidément…), pourrait bien souffler un froid glacial sur l’Amérique du Sud et les gouvernements occidentaux frémissent déjà à l’idée de faire affaire avec des gouvernements d’extrême droite.