We want you for US Army : où sont passés les commissaires européens ?

We want you for US Army : où sont passés les commissaires européens ?

Notre souveraineté nationale dans des mains peu innocentes ? 
La récente nomination de Jose Manuel Barroso, président de la Commission Européenne de 2004 à 2014, à la présidence non-exécutive de Goldman Sachs a défrayé la chronique. Entre la première banque d’investissement au monde et l’ancien président de la Commission Européenne « aux services des Etats », à plus d’un le mariage a pu sembler incongru.
Et en effet, compte tenu de leurs fonctions, les commissaires européens, membres du plus haut organe exécutif de l’Union Européenne, sont soumis à certaines contraintes quant à la pratique d’une activité professionnelle pendant l’exercice de leurs fonctions et y compris après cessation desdites fonctions.
L’article 245 du TFUE précise ainsi :  » Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages »
Pour notre part, nous reprendrons un adage traditionnel : « Dis-moi qui te paye, je te dirai pour qui tu travailles »Rappelez-vous en parcourant cette liste que ces personnes disposent d’un pouvoir exécutif et législatif hors-norme au sein de l’UE, ils fixent les Grandes Orientations de Politique Economique qui sont par la suite concrètement imposées aux Etats.
« La Commission est l’institution européenne qui a le monopole de l’initiative législative et des pouvoirs exécutifs importants dans des domaines tels que la concurrence et le commerce extérieur. C’est le principal organe exécutif de l’UE » *

Pour notre part, nous reprendrons à notre compte un adage traditionnel : « dis-moi qui te paye, je te dirai pour qui tu travailles ».

« Les principaux pouvoirs conférés à la Commission sont les suivants: l’exécution du budget (article 317 du TFUE); le pouvoir d’autoriser les États membres à prendre les mesures de sauvegarde que les traités prévoient, en particulier pendant les périodes de transition (par exemple, article 201 du TFUE); et des pouvoirs en matière de règles de concurrence, en particulier le contrôle des aides d’État, conformément à l’article 108 du TFUE. »

« Les traités confient à la Commission le soin de veiller à leur bonne application et à celle des décisions prises pour les mettre en œuvre (droit dérivé). C’est son rôle de «gardienne des traités». Il s’agit avant tout de la «procédure en manquement» à l’égard des États membres, prévue à l’article 258 du TFUE »

Petite revue d’effectifs non-exhaustive des nouvelles fonctions des anciens commissaires européens sous les mandats Barroso[2] :
Neelies Kroes, hollandaise, commissaire à la concurrence de 2004 à 2009 et de la société numérique de 2009 à 2014 : désormais conseillère spéciale auprès de Bank of America Merrill Lynch Europe, Middle East and Africa[3], membre du conseil d’administration de Salesforce[4], entreprise américaine spécialisée dans le cloud computing et conseillère auprès d’Uber[5].
Viviane Reding, luxembourgeoise, commissaire à l’éducation, la culture et le sport de 1999 à 2004, de la société de l’information et des médias de 2004 à 2010 et à la justice de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil d’administration de Nyrstar[6], compagnie minière belge, membre du conseil d’administration de la Fondation Bertelsmann[7] qui détient plus des ¾ du conglomérat de presse Bertelsmann, et membre du conseil d’administration d’Afga Gevaert[8], entreprise belge d’imagerie numérique.
Ferdinando Nelli Feroci[9], italien, commissaire à l’industrie et à l’entreprenariat en 2014 : désormais membre du conseil d’administration de Simest, fonds d’investissement italien, et président de l’Istituto Affari Internazionali.
Slim Kallas, estonien, commissaire aux transports de 2010 à 2014 : désormais consultant pour Nortal, entreprise de logiciels estonienne[10].
Maria Damanaki[11], grecque, commissaire aux affaires maritimes et à la pêche de 2010 à 2014 : désormais directrice mondiale de la branche océans chez Nature Conservancy, organisation américaine de protection de l’environnement.
László Andor[12], hongrois, commissaire à l’emploi de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil consultatif de Rand Europe, think tank américain.
Karel de Gucht[13], belge, commissaire au commerce de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil consultatif de CVC Capital Partners, grand fonds de capital-investissement luxembourgeois, membre du conseil d’administration de Proximus, opérateur de télécommunications belge, un des directeurs d’ArcelorMittal, membre du conseil d’administration de Merit Capital NV, gestionnaire de patrimoine belge
Janez Poto?nik[14], slovène, commissaire à l’environnement de 2010 à 2014 : désormais président du Forum pour le Futur de l’Agriculture, notamment fondé par Syngenta, société suisse de chimie et d’agroalimentaire.
Connie Hedegaard[15], dannoise, commissaire au climat de 2010 à 2014 : désormais membre du conseil de Danfoss, entreprise dannoise de chauffage-réfrigération et de contrôles industriels.
Jose Manuel Barroso[16], portugais, président de la Commission Européenne de 2004 à 2014 : désormais président non-exécutif et conseiller chez Goldman Sachs International, membre du groupe dirigeant des conférences Bilderberg, président émérite de l’Institut Teneo de l’Université Cornell de New York.
Egalement :
Peter Sutherland[17], irlandais, commissaire à la concurrence de 1985 à 1989 : président d’Allied Irish Banks de 1989 à 1993, directeur d’Ericsson en 1996, administrateur d’alibaba.com en 2000, président non-exécutif de British Petroleum de 1997 à 2009, président de la section Europe de la Commission Trilatérale de 2001 à 2010, et aujourd’hui président honoraire de la Commission Trilatérale, président non-exécutif de Goldman Sachs International depuis 1995, membre du comité directeur du groupe Bilderberg et directeur de la Royal Bank of Scotland.
Mario Monti[18], italien, commissaire au marché intérieur et au service de 1995 à 1999 et à la concurrence de 1999 à 2004 : conseiller international de Goldman Sachs International depuis 2005
Karel Van Miert[19], belge, commissaire aux transports de 1989 à 1992 et à la concurrence de 1993 à 1999 : membre du conseil d’administration de Solvay America de 2003 à 2009, directeur non-exécutif d’Anglo American PLC de 2002 à 2009, membre du conseil d’administration de Vivendi de 2004 à 2009 et conseiller international de Goldman Sachs International de 2001 à 2009.
On constatera aisément qu’en dehors des bancs de Bruxelles, les commissaires européens ne se sont pas massivement engagés en faveur des pandas et des koalas menacés d’extinction.
Une question subsiste : pour qui travaillent vraiment les commissaires européens ?

Think Tank Averroès

Sources :

François Hollande, Ballon d’Or Atlantiste 2016

François Hollande, Ballon d’Or Atlantiste 2016

François Hollande, homme de paix ou homme de main ?

François Hollande vient de recevoir un prix de la part de la Fondation Appeal of Conscience pour son « leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et à la sécurité mondiale*« .
Nombre de nos lecteurs ont été surpris, médusés, amusés par ce titre d’homme d’Etat de l’année. De prime abord, comment leur donner tort ? Le bilan du Président de la République – au delà de sa politique intérieure – paraît bien peu contribuer à ce que cette fondation appelle la « paix » ou encore la « stabilité et la sécurité mondiale« *.
A l’heure où il est établi que ce dernier quinquennat a aggravé – c’est un exploit – les erreurs déjà commises lors de l’exercice précédent, les citoyens français désapprouvent largement la politique étrangère française hollandaise*.
Comment expliquer alors cet abîme entre le ressentiment* des français à l’endroit des décisions* de politique étrangère* du Président Hollande et la remise de cette récompense, louant cette politique ? 
Deux outils vont nous permettre de replacer cette récompense dans une cohérence et une logique implacable. D’une part, nous allons nous intéresser à la sémantique pour déterminer les signifiés des mots qui ici semblent contradictoires avec les actes géopolitiques de l’élu. D’autre part, en pratiquant une herméneutique élémentaire des textes fondateurs de l’OTAN, expression de la vision géopolitique des puissants aux Etats-Unis. Nous allons découvrir qu’il y a une congruence -concept Kepelien subtil- totale entre Appeal of Conscience et les apôtres de l’Alliance de l’Atlantique Nord.
Il serait une erreur de considérer que cette récompense est une erreur d’appréciation ou un geste hasardeux de la part de cette Fondation. Elle est parfaitement légitime à donner des brevets de « paix » à la sauce OTAN, de par sa structure et ses orientations.
Si nous pouvons exclure l’idée, objectivement, que François Hollande défende la paix et la sécurité internationale, il reste maintenant à déterminer à quelle paix et à quelle sécurité pensent ceux qui ont gratifié notre Président.
Il faut tenir compte du fait que François Hollande a pleinement rempli sa mission de chef de guerre vassalisé par :
– Sa capacité à effacer la tradition diplomatique et de politique étrangère de la France, qui empêcherait par définition la participation de la France à la démolition d’Etats souverains non alignés*.
– Sa capacité à se donner en serviteur volontaire aux intérêts et ambitions hégémoniques éloignés des intérêts français*.
– Sa capacité à se comporter vis à vis des autres Nations en fonction de l’agenda de Washington*.  
Sous ce prisme, cette récompense prend tout son sens. Nous allons tout de même en venir au fond des sujets susvisés.
Qu’est ce que la Fondation Appeal of Conscience ? 
Cette fondation a été créée par le rabbin Arthur Schneier en 1965. Survivant de la Shoah, il a reçu la « Presidential Citizens Medal » des mains de Bill Clinton pour « service rendu comme représentant international » ainsi que pour sa lutte « contre la haine et l’intolérance ». Il préside la commission américaine pour la conservation de l’Héritage de l’Amérique à l’ONU*.
Nous avons malgré tout décidé de décortiquer la structure et les actions de cette Fondation, nous y avons trouver des éléments susceptible de déterminer sa nature et ses buts poursuivis.
En ce qui concerne la « paix »:Il nous paraît peu défendable de présenter cette fondation comme oeuvrant pour la paix dans le monde. Il serait plus exact de la présenter comme une organisation défendant une certaine conception de la paix – non universelle – dans une région du monde très limitée et bien définie. En effet, la Fondation est présente dans une trentaine de pays, mais aucun pays du monde « arabo-musulman » n’y figure* mis à part le Maroc et la Turquie. Le premier a été nommé en 2004 par George W.Bush « Allié majeur Hors-OTAN » et la seconde est membre à part entière de l’OTAN.
Si le dialogue inter religieux et la paix sont les maîtres mots de la Fondation, comment se fait-il qu’il y ait une telle homogénéité dans son champ d’action. En somme, il n’y a aucun Etat défendant une autre idée de la paix. C’est à dire aucun Etat opposé à la publicité de la démocratie de marché, à l’idéologie du progrès, au capitalisme financier sauvage.
De plus la quasi totalité des Etats (90%)* dans lesquels la Fondation est active ont des relations privilégiées avec le gouvernement des Etats-Unis et entretiennent des relations souvent très étroites avec l’OTAN.
Les opposants au mondialisme et à son catéchisme capitaliste n’ont donc pas droit de cité sur cette carte du monde tronquée de ses « pustules ». Ils ne participent pas du monde « libre » qui doit demeurer en « paix ».
Il est également très intéressant de constater que la Fondation est active dans les zones stratégiques qui intéressent particulièrement les stratèges américains. Dans les Balkans, dans toutes les anciens territoires de l’Union Soviétique*, en Amérique Centrale. En somme, un fabuleux relais d’influence pour le monde libre dans celui qui est aux frontières et qui doit encore « progresser ».
Afin de démontrer cette proximité -douteuse- entre la Fondation et les intérêts géopolitiques de l’oligarchie américaine (est-il permis de la mentionner au même titre que son alter ego russe?) nous avons étudié les parcours et les fonctions des membres ou proches de la Fondation :
A notre connaissance, ces individus ne sont pas réputés ni pour être des chantres de la révolution bolivarienne, ni pour leur défense acharnée des espèces en voie de disparation dans le désert togolais.
John Negroponte :Diplomate américain, néoconservateur, chantre de l’invasion de l’Irak, nommé par G.W.Bush  ambassadeur en Irak après la chute de Hussein, Directeur du Renseignement national en 2005, Secrétaire d’Etat adjoint en 2007. Mis en cause pour des activités criminelles pendant son mandat d’ambassadeur au Honduras antérieurement*.
Peter G Peterson :Ancien PDG de Lehman Brothers, ancien directeur du Council of Foreign Relations, Think tank néoconservateur très puissant et proche du Département d’Etat. Milliardaire le plus influent de la politique américaine.
Henry Kissinger :Responsable de la politique étrangère américaine pendant la guerre du Vietnam. Mis en cause pour crimes de guerre, participant à l’opération meurtrière Condor. Intervenant à  la commission trilatérale et au Groupe Bilderberg.
Rupert Murdoch :Milliardaire influent. Invité d’honneur pour le dernier anniversaire de la Fondation, propriétaire des médias néoconservateurs aux Etats-Unis, a fondé un journal avec le fondateur du PNAC (projet militaire hégémonique américain pour le 21ème).
Rozanne L.Ridgway :Ancienne sous-secrétaire d’Etat aux affaires européennes, membre du Council of Foreign Relations, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
Jacob Frenkel :Ancien gouverneur de la Banque d’Israël, membre de la commission trilatérale et du Peter G Peterson Institute for International Economics.
Mario Monti :Ancien commissaire européen, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
-Stanley Fischer :Gouverneur de la Banque d’Israël
Laurence Summers et Paul O’neill :Anciens secrétaires du Trésor des Etats Unis. Membres du Groupe Bilderberg.
David Rockfeller :Fondateur de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
Jean-Claude Trichet :Ancien Président de la BCE
Force est de constater que ces personnes ont un parcours et des fonctions très homogènes appartenant tous aux mêmes cercles d’influences qui regroupent les puissances économiques, financières et politiques de première importance sur la scène internationale.
Quel bilan en politique étrangère pour mériter ce prix ?
La négation de la tradition d’équilibre et d’indépendance de la politique étrangère de la France est manifeste
Richelieu théorisa brillamment la Raison d’Etat, l’Etat-nation et la souveraineté de celui-ci, entre 1624 et 1642. Talleyrand fut certainement le plus grand diplomate de l’Histoire de France, acteur magnifique du Congrès de Vienne, il consacra sa vie à maintenir la France au centre de l’échiquier politique européen, traversant les époques et les régimes. Ces hommes sont de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire diplomatique de la France. Ils ont fondé l’identité géniale de sa politique étrangère, ce pour quoi elle est respectée à travers l’histoire par toutes les Nations: Son indépendance, sa finesse, toutes les nuances que sa langue permet de rendre. Attachée aux droits fondamentaux des peuples et des Nations, elle disposera jusqu’à récemment d’une place et d’une voix singulière au sein du concert des Nations.
Charles de Gaulle fut le dernier grand représentant de cette tradition. Il avait compris la dialectique du plan Marshall et son aboutissement : le règne du modèle économique et culturel américain en Europe. Il avait anticipé que l’Union Européenne et l’OTAN seraient les formes modernes de la soumission de la France aux intérêts des Etats-Unis américains. Sa compréhension des forces profondes de l’Histoire lui avait déjà intimé l’idée que la France était menacée par les oubliettes de l’Histoire contemporaine.
Qu’ont compris Nicolas Sarkozy et François Hollande de leur époque?
Qu’ont à voir les choix de politique étrangère avec l’identité et les intérêts de politique étrangère de la France ?
La soumission de la France est intégrale, sur tous les dossiers : la Syrie, l’Arabie Saoudite et le Qatar,la Russie,Israël,l’Iran.Où est passée la politique arabe de la France, son équilibre et sa capacité à incarner une singularité dans les relations internationales ?
Cette tradition s’est effacée au profit d’une organisation dont la distribution du chaos et l’entretien de la terreur sont les deux moyens d’action. L’OTAN.
Cette négation s’est faite au profit de l’OTAN
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy vint assassiner une partie de l’Histoire de France, au profit de la bannière étoilée. Le président Sarkozy avait acté le retour -marqueur de son atlantisme forcené – de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, le 4 avril 2009*.
François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste avait signé une motion de censure, qui visait à « éclairer les français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le PR et son gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays »*
Or, le 4 janvier 2016, en tant que Président de la République, il apportait son soutien à un projet de loi visant à « autoriser l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Que faut-il comprendre ? La France souhaite accueillir des forces armées étrangères sur son territoire en permanence.*
Si l’on devait mesurer précisément, pendant le quinquennat Hollande, l’alignement stratégique de la France sur Washington et son acolyte israélien, nous dirions qu’il est de 8 sur l’échelle d’un philosophe, cinéaste, journaliste, acteur, va-t-en guerre de nationalité française, par ailleurs certainement abonné à Phosphore.
Contrairement aux idées reçues, il est fortement contestable de qualifier l’OTAN d’organisme défensif. Il est vrai qu’en vertu de l’article 5 de la Charte de l’OTAN, il est établi qu’il existe une sécurité collective, qui présente d’ailleurs de nombreux risques. Mais, avant tout, l’OTAN est la machine de guerre américaine qui sert des ambitions hégémoniques incontestables, en violant systématiquement le Droit International et la souveraineté des Nations*, en s’érigeant comme « Gendarme du monde » au mépris des décisions rendues par les Nations-Unies. Les guerres de conquête dans lesquelles la France est entraînée sont sont contraires à tous les engagements juridiques et philosophiques de la France, et contraire enfin à ses intérêts stratégiques*.
Hollande, un très bon élève atlantiste qui méritait une récompense pour bons et loyaux services
L’atlantisme de François Hollande et son soutien au gouvernement israélien ne date pas du dernier Chabbat. Frédéric Encel, spécialiste des relations internationales plutôt acquis à la cause du gouvernement israélien, le rappelait en ces termes : « Du temps où il était premier secrétaire du Parti Socialiste, Hollande a toujours été le chef social-démocrate le plus favorable à Israël. » et « Il existe chez le Président Hollande et les poids lourds du gouvernement une tendance qui a toujours considéré la sécurité d’Israël comme prioritaire »*
Néanmoins, le degré de cette orientation est une première historique. Il est évident que la France a rompu avec toute exigence vis à vis de l’Etat hébreu sur les questions de colonisation, de réponse militaire.
Sur la question de la relation avec la Russie, la position extrêmement rigide du gouvernement français a surpassé les attentes de Washington en la matière. Sur la question iranienne, l’attitude de Laurent Fabius fut exemplaire aux yeux de Tel-Aviv*. Paris a eu également le grand « mérite » de soigner ses relations avec les pétromonarchies du Golf, alliées historiques des Etats-Unis, au détriment d’un dialogue avec les Etats et les peuples ayant une histoire en commun avec la France: Syrie, Liban, territoires palestiniens.
Aussi, François Hollande s’est lancé à corps perdu dans la bataille en Syrie. Il était même sur le point d’attaquer le gouvernement syrien par des bombardements au profit des groupes terroristes qui constituent l’immense majorité de ce que l’on appelle l’ « opposition ».
Aux naïfs qui prétendraient qu’une adhésion à l’OTAN n’est pas en contradiction avec une politique étrangère indépendante et équilibrée nous présenterons l‘article 8 du traité de l’OTAN* :
« Chacune des parties assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le traité« 
Comparons maintenant la déclaration de Varsovie du 9 juillet 2016* et les déclarations de la Fondation. La première émane de l’OTAN, traite de la sûreté transatlantique :
« Nous sommes solidaires, et nous agissons ensemble, pour assurer la défense de notre territoire et de nos populations, ainsi que de nos valeurs communes. Unies par notre lien transatlantique immuable, et par notre attachement à la démocratie, aux libertés individuelles, aux droits de l’homme et à l’état de droit, l’OTAN continuera d’œuvrer en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité des territoires de l’Alliance »*.
Voici un extrait du préambule de la Charte fondatrice de l’OTAN : « Déterminés à sauvegarder la liberté de leur peuple, leur héritage en commun et leur civilisation fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles, (…), Soucieux de favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et la préservation de la paix et de la stabilité« 
Vous souvenez-vous de la formule de la Fondation pour récompenser François Hollande ?
« Pour son leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et la sécurité mondiale« 
N’y a t-il pas une grande proximité dans les éléments de langage?
En définitive, Hollande aura œuvrer pour la sauvegarde des valeurs atlantistes de « démocratie » et de « liberté » et à la sécurité et la stabilité des territoires de l’Alliance.En ce qui concerne les peuples et les nations qui ne composent pas ce territoire, les problématiques sont différentes.
Rappelez-vous que le 13 mai 2015, à la réunion d’Istanbul, les dirigeants de l’OTAN chantaient « We are the world », un humanisme révolutionnaire tout relatif*.
Quant aux peuples et aux Nations qui ne se reconnaissent pas dans cette philosophie politique, pourquoi ne pas créer une Fondation Appeal of Conscience for the Rest of the World, qui récompenserait Hugo Chavez – à titre posthume – ou Vladimir Poutine pour sa contribution à la naissance d’un monde multipolaire ?
La remise du prix serait-elle retweetée comme pour François Hollande par l’ambassade des Etats-Unis en France* ? Rien n’est moins sûr.
Bien souvent, ces organisations (ONG, Fondations) jouent le rôle d’éclaireur en faveur de la machine de guerre américaine*. Souvenons-nous de l’invention du « devoir d’ingérence » puis du « droit d’ingérence » sur l’autel du Droit Humanitaire*. Souvenons-nous également du rôle que jouent ces organisations dans la déstabilisation d’Etats souverains opposés au système mondialiste et capitaliste, qui, pour citer Jacques Chirac, ne « s’exporte pas dans un camion blindé ».
PS : Suite à une étude attentive des pays dans lesquelles la Fondation oeuvre, nous pensions trouver – compte tenu de son intérêt pour le dialogue inter religieux, la paix et les conflits ethniques – l’Etat d’Israël, berceau des religions monothéistes et foyer de tensions qui justifient régulièrement la mobilisation vaine des Nations-Unis. En vain. Nous avons tenté de joindre la Fondation pour comprendre cette absence, la Fondation n’a pas donné suite à nos demandes.
Think Tank Averroès
Point sémantique
 
Oligarchie : Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombre d’individus ou de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée.
Mondialisme: Attitude qui consiste à considérer tous les peuples comme dépendants les uns des autres ou constituant une seule communauté humaine. Idéologie qui prône la disparition des Etats-nations comme cadre d’administration politique et de référence identitaire au profit d’un Etat mondial. Le choix de sa capitale fait l’objet de rudes débats.

2007, c’est avant 2016 ou après ? Réponses de 4 économistes français à une question de niveau CE1

           Posez la question « 2007 vient-il avant ou après 2016 ? » à un CE1 puis à un économiste et vous obtiendrez probablement deux réponses différentes. Le môme débutant, qui répondra correctement, prendra le meilleur sur l’adulte expert, qui se plantera lamentablement. Oui mais voilà, comme l’a dit Philippe Néricault en 1732, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». Tentons alors de voir en quoi l’économiste pourrait ne pas avoir (complétement) tort, en répondant autre chose que le brillant élève de primaire. Pour ce faire, il s’agira d’examiner quatre points de vue, tous d’économistes français -dont celui d’une femme, concernant la politique monétaire menée ces derniers temps et les liens entre 2007 et la période actuelle. Résolument critiques et extrêmement pessimistes, ces positions font néanmoins relativement l’unanimité en France et en Europe. Beaucoup d’éléments de réponses se rejoignent, d’autres se complètent. C’est sûrement signe que la question de niveau CE1 n’était pas si compliquée que cela… Plus précisément, si Jean-Marc Daniel, en tant que professeur associé à l’ESCP, a trouvé la bonne réponse, d’autres, comme Philippe Dessertine ou Nathalie Janson, ont échoué. Enfin, Patrick Artus a quant à lui préféré répondre à une question qui ne lui était pas posée. Tour d’horizon, entre critiques acerbes et solutions radicales, énoncées dans les médias ou lors de conférences.

 2007, c’est avant 2016. Ou pourquoi des politiques efficaces en 2007 ne peuvent plus l’être en 2016 (Jean-Marc Daniel : l’ubérisation de l’économie comme prémisse de la fin des banques centrales)

Les économistes ne savent plus où ils (en) sont : le chaos s’installe dans les esprits des experts parce qu’ils sont incapables de comprendre le nouveau monde. Ce nouveau monde ? En un mot -et pour faire plaisir à Emmanuel Macron : ubérisé. La concurrence renforcée et la hausse de la part de l’emploi indépendant depuis 2008 rendent les pays développés tendanciellement déflationnistes. La génération « zéro inflation » a vu le jour. Mais elle est arrivée au monde un peu trop tôt, à en croire le manque de réactivité de la BCE. En effet, elle continue d’injecter des liquidités pour espérer tirer l’inflation vers le haut (et si possible vers 2%, objectif dans la zone euro). Résultat : une inflation toujours plus modérée, passée parfois en territoire négatif ces derniers temps.
Comme beaucoup de ses collègues, Daniel considère la société des années 60/70 comme celle d’un « capitalisme monopoliste d’Etat ». Epoque où la société connaissait l’inflation qui a vu naître les banques centrales indépendantes, pour limiter la hausse des prix. Mais la société ultra concurrentielle d’aujourd’hui ne rentre pas dans ce cadre théorique : la baisse du salariat rend le lien inflation-salaires obsolète, et avec lui toutes les politiques monétaires traditionnelles.
Reconnaissant l’action légitime et efficace des banques centrales en 2007 et 2008 lors de la crise de liquidités des subprimes, Daniel endosse paradoxalement une posture radicale quand il s’agit d’examiner les solutions à la crise actuelle. En effet, il n’évoque jamais la suppression du mandat de la BCE lié à l’inflation. Il lui préfère cette position, très critiquée : la suppression des banques centrales, vu comme d’uniques coffres forts et jugés inutiles pour les raisons évoquées plus haut.

 2007, c’est pendant 2016. Ou pourquoi la prochaine crise est celle que nous connaissons actuellement (Philippe Dessertine : changement de monde, crise permanente)

             Si Dessertine est également très critique vis-à-vis de l’action menée par la BCE, il s’attache plus que les autres à démontrer que la tâche n’est pas aisée. Parlant d’ « événements historiques extraordinaires » d’un point de vue économique (taux négatifs, interrogations sur la courbe de Phillips avec une inflation très faible pendant que la croissance repart, flux commerciaux au niveau mondial qui diminuent), il insiste sur le fait que le paradigme a changé. L’émergence d’une nouvelle économie, la création de richesses qui ne se fait plus seulement dans les pays développés, la moyennisation de la société chinoise et une potentielle guerre des monnaies à venir sont autant d’éléments qui participent à l’élaboration nécessaire d’un nouveau cadre de réflexion, selon lui.
             D’après Dessertine, l’économie mondiale, en perpétuelle reconfiguration, n’en reste pas moins figée dans un état de crise permanente. Du fait d’un système artificiel qui repose sur des liquidités ne profitant nullement à l’économie réelle injectées par la BCE, « on est et on sera toujours en crise ». Selon l’économiste, les grandes fluctuations sur le marché financier sont des relents de la crise de 2007/2008. Citant Michel Aglietta, Dessertine expose ainsi « la fin d’un certain régime d’accumulation » et le début d’un autre, qui ne touche pas l’économie mais seulement les banques. L’injection de liquidités est donc un vecteur utilisé avec les banques, créant de la suractivité financière. Tandis que l’économie réelle n’a pas accès à ces liquidités, des fusions-acquisitions s’effectuent, ne créant aucune valeur ajoutée réelle. Les bulles, elles, se créent plus rapidement que les emplois.
 2016, c’est pendant 2007. Ou pourquoi il faut se rappeler de 2007 pour espérer terminer 2016 (Nathalie Janson : pervesrité de la politique monétaire, effets Cantillon et Bretton Woods)
            En plus d’être inefficace, la politique monétaire peut être perverse : elle a un effet sur le  marché obligataire et provoque une distorsion des prix. Ce phénomène se rapproche des « effets Cantillon ». Ces effets montrent que les rachats d’actifs profitent aux agents économiques étant les plus proches de l’agent ayant injecté les liquidités. En effet, ce sont bel et bien les investisseurs qui bénéficient de la hausse du prix des actifs (ici, les obligations souveraines massivement achetées par la banque centrale). Le but recherché qu’est la baisse du taux d’intérêt s’effectue lui automatiquement. Or, ce taux est essentiel dans le calcul de la rentabilité des projets d’investissement. La baisse du taux d’intérêt fait bien sûr augmenter leur rentabilité. La politique monétaire permet donc à des projets d’être entrepris. L’action de la banque centrale a donc pour effet d’allonger la structure de production alors même que l’épargne nécessaire pour soutenir cet allongement de la structure de production n’existe pas. Se pose donc un problème de soutenabilité de financement de ces projets.
N. Janson s’interroge aussi sur la durée des politiques monétaires non conventionnelles et de leurs conditions de sortie. Si Bretton Woods (et le système de l’étalon-or qui l’accompagnait) permettait de conserver une sécurité, aujourd’hui, les banques centrales peuvent injecter autant de liquidités qu’elles le souhaitent. Dans ce cas, à quand la fin des liquidités à tout-va ? Nul ne le sait. Pire, les banques centrales sont tellement dans l’incertitude du fait du caractère inédit de ce qui se produit actuellement qu’elles ont tout intérêt à ne pas stopper ce type de politiques.
              En guise de solutions proposées, N. Janson préfère revenir sur un aspect clé de la crise de 2007/2008, et appelle à garder en mémoire ce point lors de la prochaine crise : il était temps de mettre les banques face à leurs responsabilités. Actuellement, avec le système du too big to fail, les banques sont incitées à devenir de plus en plus grosses. Il faudrait rompre le système et ainsi remettre la responsabilité au cœur des activités bancaires. L’effet pervers d’une banque centrale étant qu’elle détermine les actions des banques (et aussi celles de second rang qui font toutes la même chose ensuite), l’irresponsabilité semble avoir pris le dessus.
 2016, c’est autre chose qu’après 2007. Ou pourquoi la crise de 2007 n’était qu’un détail de l’Histoire (Patrick Artus : la politique monétaire expansionniste et ses conséquences en termes de bulles)
            Se fondant sur les derniers chiffres concernant l’inflation (très modérée, voire négative dans la zone euro ces dernières années), P. Artus critique le cadre théorique des politiques monétaires, afin de montrer qu’elles ne parviennent pas à atteindre leur objectif. Au lieu de financer l’économie réelle, les politiques conduisent à des bulles financières, elles-mêmes rendant inévitable une nouvelle crise mondiale, qu’il projette comme bien plus importante que celles de 1929 ou 2007.
             Il explique son raisonnement en s’appuyant sur une réalité financière actuelle. Un des grands objectifs d’une politique monétaire expansionniste est le suivant : la détention d’actifs risqués par les banques (et plus globalement l’ensemble des investisseurs). Cette opération doit en théorie conduire à un meilleur financement des entreprises, et ce notamment dans une période de faible croissance. Oui mais voilà, l’effet escompté n’a jamais eu lieu : la création monétaire supplémentaire a uniquement créé une volatilité importante au niveau des marchés financiers (plus les flux de capitaux sont importants, plus les actifs sont volatils). La volatilité des actifs décourageant certains investisseurs, ces derniers se dirigent au final vers des produits financiers sans risque : de fait, les entreprises qui devaient être aidées par la politique monétaire expansionniste ne le sont nullement, et les entreprises en capacité de financement le deviennent encore davantage, agrandissant le fossé entre sociétés dynamiques et entreprises dans le dur.

 

             Les banques centrales créent donc uniquement de la volatilité, ce qui provoque le développement d’une bulle obligataire (le prix des obligations devient trop élevé et déconnecté des fondamentaux). Plus la bulle est grosse, plus elle fait de dégâts lorsqu’elle éclate : toutes les liquidités injectées par les banques centrales font craindre le pire à P. Artus.

Don’t cry for Cristina Argentina

     Buenos Aires, jeudi 10 décembre 2015, le soleil brille sur la ville, capitale fédérale de la République Argentine. Dans les rues la fête bat son plein. Le pays s’apprête à accueillir son nouveau président Mauricio Macri, élu contre toute attente le 22 novembre dernier face au candidat du Front Pour la Victoire (FPV), Daniel Scioli. La journée est historique pour le pays qui pour la première fois depuis près d’un siècle, voit un candidat ne faisant ni partie de la mouvance péroniste (Héritière de Juan Domingo Perón, chef d’Etat argentin de 1946 à 1955 et de 1973 à 1974, souvent jugée populiste, elle prône une Argentine socialement juste, économiquement libre et politiquement souveraine), ni du parti Union Civique Radicale (UCR), accéder à la plus haute fonction de la nation.

 

La foule fête l’arrivée du nouveau président Mauricio Macri 

     A travers la foule en liesse, Mauricio Macri se dirige en compagnie de son épouse vers La casa rosada (Le palais présidentiel) pour recevoir les attributs du pouvoir : le bâton et le bandeau présidentiels. Dans le palais, le roi retiré d’Espagne Juan Carlos ainsi que tous les chefs d’Etats sud-américains l’attendent ; tous sauf… Cristina Fernandez de Kirchner ! L’exprésidente du pays n’ayant pas souhaité être là pour réaliser la passation du pouvoir comme le veut la tradition, a quitté le palais la veille. Ce dernier geste de Cristina Fernandez de Kirchner, n’est-il finalement pas une bonne raison de ne pas pleurer pour votre présidente peuple argentin ?

Mauricio Macri, qui es-tu ?

Mauricio Macri lors d’un meeting 

    Mauricio Macri n’est pas un inconnu pour les argentins, bien au contraire. Né le 8 février 1959, son père est un riche homme d’affaire italien qui a connu un grand succès dans le secteur industriel et automobile. Pour sa part, il poursuit des études d’ingénieur dont il obtient le diplôme. Cette trajectoire le différencie d’une longue lignée d’avocats au sein de la classe politique argentine et fait de lui un gestionnaire reconnu.
    L’événement qui le place en haute estime dans le cœur d’une grande partie des argentins est sa présidence du club de foot Boca Junior (Club de foot de Buenos Aires, extrêmement populaire en Argentine) de 1995 à 2007, avec lequel il obtient de bons résultats ; preuve que déjà il sait gérer des équipes. Autre fait d’arme important dans sa carrière, lorsqu’il devient en 2007 maire de la ville de Buenos Aires, poste qu’il occupe jusqu’au 15 décembre 2015, en devenant président de la République d’Argentine. Son action principale dans cette fonction est une politique des transports de grande ampleur dans le but de désengorger la ville qui compte près de 3 millions d’habitants. (Création de 133 stations « Métrobus » ; promotion des transports respectueux de l’environnement avec la mise en place de 200 stations vélos « Ecobici » ; construction de nouvelles rames de métros).
      Si on devait coller une étiquette à Mauricio Macri, on peut dire que c’est un homme politique de centre droit, membre du parti Propuesta Republicana (PRO). Dans le but d’obtenir davantage de voix lors du premier tour des élections présidentielle le 25 octobre 2015, le futur président de la nation décide de créer une coalition de partis de centre-droit, non-péronistes (Propuesta Republicana (PRO), Union Civica Radical (UCR), Coalicion Civica ARI) sous le nom de « Cambiemos » (« Changeons ») dont il prend la tête après les primaires du 9 août 2015, en récoltant plus de 80% des voix.
Mauricio Macri incarne le changement pour l’Argentine, ses promesses électorales ont souvent été jugées vagues et obscures en termes d’explications sur leur réalisation. Néanmoins, c’est bien lui qui remporte les élections présidentielles face à Daniel Scioli, qui semble avoir été pénalisé par son rapprochement avec l’ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner, qui l’a désigné comme son successeur. Finalement, après 12 années de kirchnérisme aux résultats plutôt mitigés, l’Argentine voulait tourner la page.

 

Mauricio Macri recevant le bâton et le bandeau présidentiels le jour de l’investiture

L’Argentine ou 12 années de populisme…

          Il est difficile d’évoquer les douze ans qu’ont passé la famille Kirchner (Nestor Kirchner (2003-2007) ; Cristina Fernandez de Kirchner (2007-2015)), sans mentionner le populisme. Le populisme n’est pas uniquement présent en Argentine, au contraire, il se retrouve dans le continent sud-américain, comme au Venezuela et en Bolivie. Les Kirchner ont durant toutes ces années mené des politiques clientélistes qui ne faisaient que favoriser les agglomérations, où se trouvent leurs principales sources de votes. Ainsi ont-ils durant leurs trois mandats défini des ennemis intérieurs : les grands propriétaires terriens, à qui ils ont fait supporter des taxes faramineuses. Ces taxes ont peu d’effets positifs pour les gens du « campo » (champ), les infrastructures de transport manquent dans l’intérieur du pays. Dans la région du fleuve Paraná, la capacité du transport fluvial n’est que de 65%, alors que l’endroit compte en grande partie sur la voie navigable pour rejoindre l’océan. De plus, depuis 2007, et la montée en flèche des prix des matières premières, le gouvernement argentin taxe jusqu’à 35% les exportations de soja. Aussi ont-ils fait preuve de démagogie lorsqu’ils ont lancé une grande politique de « viande argentine pour les Argentin », en maintenant des prix d’achat bas, alors que les éleveurs ont vu le prix des matières premières, nécessaire pour nourrir leur cheptel, grimper depuis 2003. Cette initiative n’a fait que fragiliser l’élevage argentin ; d’après le Département Américain de l’Agriculture (USDA), en 2009, l’Argentine était le 4ème exportateur de viande au monde avec 621 000 tonnes ; aujourd’hui elle est sortie du top 10 avec moins de 150 000 tonnes exportées. Selon Miguel Schiariti, président de la Chambre de l’Industrie et du Commerce de Viandes de la République Argentine (CICCRA) chargé de la promotion de la viande Argentine, considérée par certains comme la meilleure du monde ; 92% de la production de viande est réservée au marché intérieur, ce qui représente une perte pour les marchés internationaux.
    Grâce aux taxes sur les exportations, liées à un contexte de prix des matières premières élevés, le gouvernement Kirchner a pu poursuivre sa politique clientéliste en redistribuant cette manne aux plus démunis. Ainsi, 40% de la population reçoit une pension de l’Etat, parfois sans avoir cotisé. Ce nombre a doublé sous la présidence Kirchner. Cette politique a laissé croire que le taux de pauvreté en Argentine avait baissé, comme dans le reste des pays sud-américain. C’était sans compter sur le contrôle que Cristina Fernandez de Kirchner a eu sur l’Indec (Institut officiel des statistiques), qui pour préserver la popularité des politiques gouvernementales, a publié des statistiques fausses que ce soit sur le niveau d’inflation ou sur le taux de pauvreté. En 2013, l’Indec annonce que le taux de pauvreté en Argentine est de 4,7%, alors même que le Danemark, pays le mieux classé selon l’Observatoire des inégalités, enregistre un taux de pauvreté de l’ordre de 6%. Selon l’Université Catholique d’Argentine, ce chiffre serait en réalité de 27,4%.
     Populiste, l’Argentine l’était d’autant plus ces dernières années avec l’installation d’un certain culte de la personnalité de Cristina Fernandez de Kirchner. Selon l’article 75 de la loi 26.522 des Services de Communication Audiovisuelle de 2009, le pouvoir exécutif a le droit en cas de situations graves, de réquisitionner les chaines de télévision pour discourir. Or lors de son second mandat, CFK utilisait cet usage de « Cadena Nacional » de manière hebdomadaire. Entre janvier et les élections présidentielles du 22 novembre 2015, l’ex-présidente s’en est servie à 44 reprises. Par ailleurs, les conférences de presse, exercice courant dans n’importe quel pays démocratique, ont eu lieu rarement, voire plus du tous les dernières années du mandat. Ainsi, les argentins écoutaient ce que le gouvernement leur proposait, s’appuyant sur les chiffres faussés de l’Indec, tandis qu’il leur était impossible d’interroger de manière directe la chef de l’Etat.
     Cristina va manquer dans le cœur de nombreux argentins qui voyaient en elle la femme qu’était Evita Perón, proche des plus démunis et qui chantait au peuple d’Argentine, sous les traits de Madonna dans le film d’Alan Parker : Evita, « Don’t cry for me Argentina »… Toutefois, il y a bien quelques personnes qui ne pleureront pas ce départ, il s’agit bien évidemment de la relève !

 

¡ Adios Cristina !

La longue route du président Macri…

           Lors de sa campagne présidentielle, Mauricio Macri a promis un changement dans la gestion du pays. Mettre fin à des années de mauvaise gestion est l’un de ses objectifs. Sa première mission d’envergure concerne l’économie. L’Argentine fait actuellement partie des 10 pays où le taux d’inflation est le plus élevé au monde. Depuis 8 ans, la hausse des prix varie entre 25% et 35%. Tous les économistes vous diront qu’un taux raisonnable d’inflation est bon pour l’économie, or s’il est trop élevé comme en Argentine, il ronge les économies des plus démunies. Ceux-ci n’ont d’autre solution que de dépenser leur argent de peur que les prix ne cessent d’augmenter. Peu à peu, les argentins ont commencé à ne plus du tout avoir confiance en leur monnaie nationale, el peso et ont privilégié le dollar américain qui sert de monnaie refuge, car sa valeur fluctue moins. Or depuis octobre 2011, Cristina Fernandez de Kirchner a instauré un contrôle des changes, « el cepo » pour freiner l’effritement des réserves de devises internationales au sein de la Banque Centrale. Ce mécanisme a rendu très compliqué le retrait de dollars américains, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, entrainant une chute du commerce extérieur. De plus, cette mesure a été vaine pour stopper la fonte des réserves de devises, qui aujourd’hui sont à leur niveau le plus bas en une décennie avec 125 millions de dollars américains.
       Ce phénomène contradictoire se résume par la politique de l’ex-présidente, aussi bien sur le plan économique que sur le plan des relations internationales. Depuis la crise de décembre 2001, lorsque l’Argentine s’est retrouvée en cessation de paiement face à ses investisseurs, le pays ne peut plus emprunter d’argent auprès des grandes institutions comme le Fond Monétaire International (FMI) et ce jusqu’à ce qu’il rembourse ses créanciers. D’après des estimations des Nations Unis, en 2014 les investissements étrangers en Argentine ont chuté de 41%. Cristina Fernandez de Kirchner n’a jamais, en 8 ans de présidence, accepté un quelconque arrangement pour rembourser la dette, plaçant l’Argentine au rang des mauvais élèves en qui on ne peut pas avoir confiance. Mauricio Macri va devoir se battre pour changer l’image.
            L’autre raison qui a causé la perte de devise malgré « el cepo » imposé, est que le gouvernement Kirchner a pendant des années spéculé sur la monnaie nationale, la maintenant à une valeur illusoire de 9,80 peso = 1$. Cette illusion s’est confirmée le 16 décembre 2015 lorsque le gouvernement Macri, par l’initiative du ministre de l’économie Alfonso Prat-Gay, a levé « el cepo », mettant fin au contrôle des changes. Le même jour, le peso argentin a perdu de sa valeur en passant de 9,80 peso = 1$ à 13,30 peso = 1$. (ndlr : il est actuellement autour de 13,90 peso = 1$).
         Dans la perspective de marquer la différence avec le gouvernement précédent, celui de Macri compte bien inverser la taxation punitive exercée sur les grands propriétaires terriens argentins, mentionnée plus haut. Par une telle mesure économique, le gouvernement prend le risque de percevoir moins de devises récoltées par le biais de la taxation, mais permet aux exploitants terriens et aux éleveurs de relancer leurs exportations et de redonner confiance au marché international. De la confiance, Mauricio Macri devra en faire naître chez de potentiels investisseurs, car l’Argentine a besoin d’agent, beaucoup d’argent, pour lancer une politique de grands travaux notamment en termes de rénovation des moyens et des réseaux de transports.
              Sur la scène internationale aussi Mauricio Macri souhaite marquer un virage à 180 degrés par rapport aux Kirchner. La première initiative est de renouer des partenariats économiques solides avec l’Union Européenne et les Etats-Unis en cessant de les considérer comme des ennemis extérieurs qui voudraient uniquement exploiter les matières premières de l’Argentine. Par son élection, Mauricio Macri, plutôt de droite, perturbe l’échiquier politique sud-américain dominé par la gauche depuis le début du XXIème siècle. Il a d’ailleurs précisé qu’il cesserait l’amitié que l’Argentine entretient avec le Venezuela, si le président Nicolás Maduro ne respectait pas la liberté d’expression dans son pays. (Au Venezuela, le leader de l’opposition ainsi que de nombreux journalistes de l’opposition sont en prison).
           Enfin, le grand projet de Mauricio Macri durant ses quatre années au pouvoir est de réformer le système éducatif argentin. Avec son ministre de l’éducation Esteban Bullrich, il compte mettre en place « la Revolución Educativa ». Avant de développer son programme, il est important de rappeler quelques données. Selon Esteban Bullrich, le gouvernement argentin depuis plusieurs décennies, mais davantage depuis ces dernières années, a transformé le système éducatif argentin en une institution frauduleuse. D’après lui, la moitié des argentins de 18 ans obtient un diplôme du cycle secondaire. La moitié de ces diplômés ne serait toutefois pas en capacité de comprendre et d’interpréter un texte écrit dans un espagnol simple. 1/10ème des jeunes argentins obtient un diplôme universitaire, et si l’on fait partie du quintile le plus pauvre, seul 1/100ème obtient un diplôme universitaire. La dépense en éducation pour la République Argentine est de 5% de son PIB selon les chiffres de la Banque Mondiale, il est de 5,5% pour la France. Pour autant, le système éducatif argentin est l’un des plus inégalitaires des pays développés. Pour mettre fin à ce déclin, la révolution éducative proposée par Mauricio Macri et Esteban Bullrich passe par :
> Une évaluation des élèves, pour pouvoir corriger ce qui ne fonctionne pas et poursuivre ce qui marche.
> Travailler main dans la main avec les enseignants. Améliorer leur matériel éducatif, leur donner un meilleur salaire, leur permettre un meilleur accès à la connaissance.
> Le programme « Familles à l’école ». La réussite scolaire passe aujourd’hui par le niveau d’éducation des parents. Comme les chiffres le montrent plus haut, il est 10 fois plus difficile pour un jeune de milieu modeste d’obtenir un diplôme universitaire. En Argentine, même dans la famille on a abandonné l’école. Cette dernière n’est plus vue comme le moyenne de réussir, dans un pays où réussissent les plus malins et non les plus diplômés. Cette transformation des mentalités est perceptible dans le langage des jeunes. Quand avant on qualifiait un bon élève de maestro, aujourd’hui on le traite de chapo (Chef d’une organisation douteuse). Le premier représente la profession d’une personne dévouée à transmettre un savoir, le second illustre la culture de la malignité, bien ancrée dans la société argentine. Par ce programme, le ministère de l’éducation permet aux parents qui n’ont pas terminé leur cycle secondaire, d’obtenir leur diplôme, pour pouvoir par la suite aider leurs enfants une fois à la maison. Cette mesure déjà existante dans la ville de Buenos Aires, depuis la mandature de Mauricio Macri à sa tête, compte en juin 2015 près de 370 000  participants. (7 millions d’adultes n’ont pas fini le cycle secondaire en Argentine sur une population de 43 millions d’habitants).
> La récupération de la valeur éducation en Argentine. Sarmiento, président de la République Argentine de 1868 à 1874 disait : « Tous les problèmes sont des problèmes d’éducation ». Sarmiento, suivi du président Avellaneda, ont mis en place une politique pro éducation qui ont permis à l’Argentine 30 ans plus tard d’intégrer le top 10 des nations les plus prospères au monde.
« Celui qui n’est pas éduqué ne demande pas d’éducation car il n’en connait pas la valeur ». Sarmiento.
L’Argentine est depuis longtemps sortie du pôle des nations les plus prospères au monde. Elle possède les capacités pour le redevenir. 8ème plus grand pays au monde, elle est riche en terres agricoles, sources de bénéfices. A Mauricio Macri de gérer l’opposition au Sénat et à l’Assemblée pour relever le défi d’une Argentine riche, sans pauvreté et où il fait bon investir.«¡Si se puede!»
Le drapeau argentin flotte après la victoire de Mauricio 
Luca Beltrami

Céline voterait-il Front national ? Partie 1: Éléments de réponses

Un écrivain dont on a pu lire sous la plume « le vrai rideau de fer c’est entre les riches et les miteux » s’indignerait-il de la percée électorale du FN, réaction authentiquement saine –en ce qu’elle ne s’exprime pas sous la forme de la violence- au sentiment de dépossession qui habite le citoyen dans un monde qui semble totalement échapper à son emprise et à sa morne réalité ?

 

A l’heure du « Front républicain » – authentiquement antirépublicain en ce qu’il exclut de facto 30% des français parmi les plus paupérisés par la mondialisation du débat et de l’espace public-et de l’indignation médiatique généralisée devant le retour annoncé et fracassant des « heures les plus sombres » de l’Histoire, il semble pertinent de se poser la question de quel aurait été l’alignement électoral et politique du plus grand écrivain du 20 ème siècle à nos jours. Toutefois, afin de répondre à cet épineuse problématique, nous allons tenter d’expliciter la vision du fait politique –voir la vision du monde- que laisse entrevoir les écrits céliniens.

 

Un style subordonné à sa perception du monde 

 

Force est de constater qu’on serait dans un premier temps tenté de rattacher Céline à la tradition dite des écrivains « anarchistes de droite », thèse que viennent soutenir les milieux littéraires peu après la parution du Voyage, et qu’accrédite Céline lui-même (« je suis anarchiste jusqu’aux poils, je l’ai toujours été et ne serai jamais rien d’autre », « j’adhère à moi-même tant que je peux »), proclamant même qu’il est « un homme à style », et non un homme à idées. Néanmoins, s’il y a chez Céline une véritable défiance vis-à-vis de l’action collective, source de son anti-stalinisme virulent dont il tirera un pamphlet écrit au retour de son voyage en URSS en 1936, il sait également le solipsisme résigné et la révolte individuelle impossible, d’où l’incroyable rage verbale qui anime ses écrits politique, ce que seul Trotski, qui, dans « Novelist and politician », nous livre une magistrale analyse de l’ambivalence intrinsèque de la vision du monde de Céline, avait anticipé à la lumière de la lecture du Voyage : « Céline n’écrira plus d’autres livres ou éclatent une telle aversion du mensonge et une telle méfiance de la vérité. Cette dissonance doit se résoudre. Ou l’artiste s’accommodera des ténèbres, ou il verra l’aurore ». La révolte célinienne est une révolte individuelle, voulue légère, qui nait des étincelles de poésie, des fusées de poésie que nous offre le texte célinien, tant la haine « métaphysique » de la lourdeur –qui chez Céline renvoie à l’angoisse de la mort, du dépérissement- le pousse à dénoncer les impasses du communisme politique :  « le communisme matérialiste, c’est la Matière avant tout et quand il s’agit de la matière c’est jamais le meilleur qui triomphe, c’est toujours le plus cynique, le plus rusé, le plus brutal ».

 

Alors que la critique littéraire a fait de Céline l’écrivain de l’abjection, du nihilisme triomphant suite à l’effondrement de la civilisation européenne, la voix du ressentiment n’est pas la seule à se faire entendre dans le Voyage ou encore dans « Mort à crédit ». S’il y a parfois dans le texte célinien « de la haine à tout faire et pour rien, assez pour faire sauter un monde », le sourire de Bebert est « bien une gaieté pour l’univers », et le suprême dévouement d’Alcide envers sa nièce contient bien « assez de tendresse pour refaire un monde ». Si Céline, véritable « Rabelais à réacteur » -d’où sa tendance à « grossir » sa vision du monde, de sorte que ce qu’il nomme l’ « hénaurme rire » est une pierre angulaire de son style- fait écho à Flaubert en ce qu’il « va au gueuloir », il y a dans la « petite musique célinienne », véritable rigodon littéraire, une jubilation du mot, une joie de la syllabe, de sorte que c’est la voix de la compassion qui résonne parfois le plus dans le voyage : « si les gens sont si méchants c’est peut être seulement parce qu’ils souffrent… ». De fait, nul autre que Céline n’a mieux usé du principe de non-contradiction du roman –d’autant plus que les illustrations de Tardi sont parfois si proches du texte célinien qu’on jurerait se trouver devant une œuvre à deux voix et viennent souligner les accents si contradictoires du texte célinien- et c’est bien la ponctuation (les fameux points de suspension qui donne cet aspect si fluide et aérien au texte célinien) et l’ ‘ « hénaurme rire » qui permettent d’oublier pour de brefs instants de gaieté, des bribes de poésie –d’où la récurrence de ce que j’appellerais « l’irruption d’une tendresse », le « surgissement de l’émotion » dans le texte célinien- l’oppression de la matière, du solide, de ce qui pèse : l’homme est « de la pourriture en suspens », et c’est pourquoi Céline fait éclater la phrase académique, rompt avec le point, lui substituant sa « petite musique », fait vivre toutes les infinies nuances de la langue française que des années de conformisme littéraire petit-bourgeois avait fait taire : « L’émotion dans le langage écrit !…Le langage écrit était à sec, c’est moi qu’ai redonné l’émotion au langage écrit ». Poétique célinienne qui atteint son apogée dans « Normance », ou, dénigrant toutes les conventions syntaxiques, il façonne un nouveau lyrisme –« l’émotif rendu » qui annonce ses ambitions esthétiques premières : « retrouver l’émotion du parlé à travers l’écrit », soit la constitution par la fluidité textuelle d’un véritable « métro émotif ».

 

C’est cet excès de compassion, que Kerouac avait d’ailleurs parfaitement identifié, déclarant même que « Céline était vraiment l’écrivain le plus compatissant de sa génération », cet absolu de révolte pure qui le pousse à vitupérer contre le monde entier dans ses pamphlets devant l’évidence du dépérissement des êtres qui le ramène à ce constat d’abjection. C’est cette impasse, cet aporie, qui le mène vers, ou du moins conditionne, la haine qui habite ses pamphlets, et il y a dans ces écrits assez de fougue et de vindicte pour détruire un monde : ce sont de véritables épitaphes désabusés de la civilisation européenne. Toutefois, si l’argumentaire tenu par Céline dans ses pamphlets camoufle le jeu qui se tient dans ses romans entre les deux voix précédemment évoquées, Céline impose son verbe, et son talent de prosateur génial se met alors au service de la harangue, « l’hénaurme rire » fait souvent irruption dans les pamphlets céliniens et l’on retrouve même dans « Bagatelles pour un massacre », au milieu des suppliques et des éructations, un morceau d’anthologie sur la ville de Saint-Petersbourg : « Graves personnes…de prodigieuses foulées…qui ne voyaient qu’immensité…Pierre…Empereur des steppes et de la mer !…Ville à la mesure du ciel !…Ciel de glace infini miroir… »

 

Céline et son programme politique 

 

Si « Mea culpa » est véritablement le texte de rupture de Céline avec la gauche française révolutionnaire, qui ne lui pardonnera jamais son anti-stalinisme forcené à l’époque ou Aragon et ses vues sur le régime soviétique avaient pignon sur rue dans le monde littéraire hexagonal, Céline pose dans son quatrième et dernier pamphlet « Les beaux draps » les bases de ce qu’il nomme le « communisme à la française », le « communisme Labiche » en six points :

 

1)Le plein emploi par la nationalisation des banques, des mines, des chemins de fer et des industries, « les fainéants en prison »
2)Les 35 heures pour tous ; « 35 heures c’est maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complétement bourrique » (à en faire pâlir Martine Aubry, renvoyée à ses occupations domestiques)
3)L’égalité des salaires : 100 francs par jour pour tous, « dictateur compris », 150 pour les couples 200 pour les couples avec enfants
4)Un logement pour tous : tous propriétaires d’un pavillon personnel avec 500 mètres de terrain ; « Il faut du communisme Labiche, du communisme petit-bourgeois, avec le pavillon permis, héréditaire et bien de famille » ; « Je trouve ça parfaitement légitime que le bonhomme il veuille être tranquille pour la fin de ses jours. C’est normal. Et la sécurité de l’emploi…C’est le rêve de chacun »
5) Tout le monde fonctionnaire, avec retraite assurée
6) Réforme de l’éducation, qui d’après lui permettrait d’éviter les affres de la cuistrerie, et ainsi permettrait de renouer avec la légèreté et la grâce. Ainsi déclare-il dans « Les beaux draps » : « La France est demeurée heureuse jusqu’au Rigodon », faisant de la création artistique un lien social d’usage : « Sans création continuelle, artistique, et de tous, aucune société possible, durable, surtout aux jours d’aujourd’hui, ou tout n’est que mécanique, autour de nous, agressif, abominable ».

 

Le docteur Destouches témoignant d’une infinie compassion et précaution envers ces patients fait écho à l’écrivain Céline et sa compréhension de la vacuité de la vie des pauvres, de la nécessité de l’enracinement, comme en atteste sa vision du fatum et de la misère humaine : « Elle a toujours existé, d’accord, mais dans le temps, on l’offrait à un dieu..[..]Aujourd’hui, dans le monde, il y a ses millions de miséreux, et leur détresse ne va nulle part ».  La vision des rapports sociaux et des petites gens chez Céline est celle d’un authentique déclassé –son père avaient des prétentions aristocratiques, bien que Louis-Ferdinand ai exercé au dispensaire de Clichy, en faisant ainsi nécessairement un médecin des pauvres-, qui a toujours refusé les honneurs et méprisé la course à la gloriole qui semble avoir motivé l’œuvre de nombre de ses contemporains scribouillards. On peut sans mal affirmer que Céline entretient avec les petites gens une relation que l’on pourrait qualifier « d’attraction-répulsion » -vision que l’on retrouve par ailleurs chez Simone Weil (notamment dans « La condition ouvrière » et dans « Conditions premières d’un travail non serviles »)-, soit la fine et entière compréhension de la vacuité et de la misère de leur existence, tout en fustigeant leur incapacité à s’élever à son propre niveau de génie, produisant ainsi une critique acérée du moralisme bourgeois : « Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas, c’est un songe-creux, une faribole », tant il savait que l’impératif de survie et de subsistance motivait les actes du prolétariat, qu’il a lui fréquenté et même parfois chéri : « Le peuple il n’a pas d’idéal, il n’a que des besoins ». Afin de mieux cerner la vision du prolétariat célinienne, osons un détour théorique, ici salvateur, à travers la pensée clouscardienne, exprimée dans « Néo-fascisme et idéologie du désir » : « Si le prolétaire est en situation éthique, cela n’a rien à voir avec la théologie ou avec les catégories morales. C’est, je le répète, l’extorsion de la plus-value qui fait le prolétaire [..] Très simple formule extorsion de la plus-value implique ?privation de consommation du prolétaire = fondement éthique de la revendication du producteur (fondement éthique du marxiste). Dès lors, on est à même d’affirmer que Céline à une lecture des rapports de classe authentiquement marxiste, du fait qu’il comprend que c’est bien l’extorsion de la plus-value qui fonde le manque de consommation (par rapport à ce qu’il produit) du prolétaire donc le prestige de l’opprimé, bien que toutefois il ait de tout temps combattu avec vigueur et dédain la moralisation des rapports de classe : « Il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demanderais qu’à devenir exploiteur ». Inlassable pourfendeur de « la vacherie humaine », sa fougue verbale semble masquer son inclinaison pour la tendresse et la compassion, compassion qui nait d’une vraie haine de l’affliction, qui le pousse à fustiger le communisme politique soviétique (« tout ça c’est encore l’injustice rambinée sous un nouveau blaze, bien plus terrible que l’ancienne », « Mea culpa ») tout en réhabilitant le communisme en tant que système de pensée permettant de créer une véritable « transcendance sociale » : « Je me sens communiste de toute fibres […] Mais s’il s’agit du vrai communisme, du partage de tous les biens et peines du monde dans la plus stricte égalité, alors je m’en ressens comme personne ». Céline, patriote pacifiste, savait que les basses et rageuses saillies nationalistes qui fleurirent durant l’entre-deux guerre vouées à flatter l’inclinaison naturelle des hommes à la barbarie, furent le terrain fécond de « la vacherie des hommes », et dénonça –toujours du fait de sa relation « d’attraction-répulsions envers les humbles et les damnés de la terre- la flagornerie socialisante à l’égard du prolétariat. Il fustige ainsi dans « Mea culpa » le populisme bourgeois –parfaitement antipopulaire au demeurant- qui sévit dans les milieux artistiques et culturo-mondains des années 30 : « Pourvu qu’on le flatte Popu prend tout ! Avale tout ! Il est devenu là-bas hideux de prétention, à mesure qu’on le faisait descendre plus profond dans la mouscaille, qu’on l’isolait davantage ! […] Depuis la fin des croyances, les chefs exaltent tous ses défauts, tous ses sadismes, et le tiennent plus que par ses vices : la vanité, l’ambition, la guerre, la Mort en un mot. […] On le fait crever par la misère, par son amour-propre aussi ! »

 

Le « Voyage au bout de la nuit » s’inscrit ainsi dans la tradition des romans picaresques, c’est une authentique épopée des « gueux » -Paul Nizan, ardent défenseur de Céline, le qualifia de « roman des gueux »- roman à propos duquel Staline déclara que c’était le « seul roman prolétarien » de l’histoire de la littérature. Bardamu est donc un fils de Panurge : Il porte en lui la même veulerie, use de la même splendide et désarmante gouaille, dont les attitudes magnanimes se heurtent à la brutalité du réel. Bardamu est donc un instrument de la transposition célinienne (que ce soit de son style ou de sa vision du monde, les deux étant absolument indissociables, comme nous nous sommes efforcés de le démontrer auparavant) , et outrepasse ainsi la simple retranscription biographique : Bardamu –mû par son barda-, fait l’apprentissage de la « lourdeur de l’existence », du vice, de la lâcheté humaine à travers ces voyages iniatiques dolents que sont le « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit ». Filiation avec Rabelais  revendiquée par Céline, qui, -inspirant grandement Bukoswki- a toujours clamé que « mettre sa peau sur la table » était la précondition indispensable à toute littérature : « ce qu’il y a en effet de bien chez Rabelais, c’est qu’il mettait sa peau sur la table, il risquait. La mort le guettait et ça inspire, la mort ! ».

 

 Céline et son positionnement politique vis-à-vis des milieux littéraires d’entre deux guerres 

 

Si la critique littéraire a –abusivement- fait de Céline un impitoyable contempteur des vices du peuple (« Aujourd’hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va nulle part.. », interview avec Pierre-Jean Launay), Louis-Ferdinand fut avant tout un implacable dénonciateur de la vanité mondaine. C’est pourquoi la vision du monde de Céline peut également être explicitée par sa relation torturée avec l’intelligentsia de son temps, et notamment par l’accueil critique que reçurent  le « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit ». Simone de Beauvoir, dont nous connaissons tous l’ascendance et la sensibilité populaire, ainsi que la justesse de son combat politique, déclara à propos de « Mort à crédit » -après avoir accueilli avec grand enthousiasme le Voyage- : « Mort à crédit nous ouvrit les yeux. Il y a un certain mépris des petites gens qui est une attitude préfasciste. » Mépris petit-bourgeois latent qu’on retrouve dans la critique d’Henry de Régnier, parue dans « Le Figaro » en janvier 1933, qui qualifie « Mort à crédit » de « marathon de la crotte », et fustige l’emploi de l’argot –contresens majeur, l’emploi de l’argot chez Céline n’est qu’un outil au service de la fluidité de sa poétique, extrêmement travaillée –  qu’il juge artificiel et nauséabond : « Une sorte d’affreux langage populo, dont la vulgarité fabriquée sonne d’ailleurs faux et dont la platitude ne se relève que par les scatologies ordurières sur lesquelles on marche à chaque pas ». Fort peu nombreux furent ceux qui comprirent, tel que Céline l’annonça à Gallimard lorsqu’il lui fit parvenir le manuscrit du Voyage, que ses romans étaient du « pain pour un siècle de littérature », d’où la rancœur tenace vis-à-vis du monde littéraire français que Céline laisse transparaître dans « Bagatelles pour un massacre » : « Les critiques, ils sont bien trop vaniteux pour vous parler d’autre chose que de leur magnifique soi-même. C’est un spectacle de grande lâcheté que de les voir, ces écœurants, profiter de votre pauvre ouvrage pour se faire reluire ! Les torves fumiers ! ». D’où sa réponse cinglante à L.Nakou et A.Vidal qui viennent le démarcher pour prendre la succession d’Henri Barbusse à la tête de l’association des écrivains et artistes révolutionnaires : « la différence qui me sépare de vous, c’est que, moi, je n’ai aucun espoir ! Je ne crois pas que le monde puisse devenir meilleur ».

 

Prosateur génial, commentateur avisé d’une époque morbide, pamphlétaire incandescent, Céline désarme, interroge, donne à voir le spectacle absurde de ce ballet brutal et pourtant si fécond que fut le 20 ème siècle. Arguant être à « un écrivain à style », masquant ainsi toute l’acuité de sa vision des rapports de classe et de force politiques, Céline a clos le chapitre littéraire français (« comment peut-on écrire autrement » déclare à propos J.M.G Le Clézio), laissant la littérature orpheline de sa « symphonie émotive » si caractéristique, à la merci de la névrose et de l’arrivisme petit-bourgeois (d’où l’insupportable féminisation du monde des lettres depuis la fin des années 1960, dont la carrière d’une Marguerite Duras est symptomatique). Son style-et donc sa vision du monde- ne laisse ainsi  guère présager une hypothétique adhésion célinienne à l’esprit Charlie, ou encore aux poncifs éculés de la social-démocratie qui sévissent dans nos admirables contrées. Pacifiste patriote, anarchiste autoritaire, élitiste et d’une sensibilité authentiquement populaire, Céline semble échapper à toute catégorisation politique. Toutefois, nous nous efforcerons de prouver dans un second article que cette vision du monde n’est pas étrangère à celle d’un homme politique –et par prolongement de son parti- qui n’a pu se soustraire au qualificatif de «bête immonde » qui lui a été accolé par nos élites culturo-mondaines, dont Céline fustigeait déjà la « lourdeur » : « Le monde est plein de gens qui se disent des raffinés et puis, qui ne sont pas, je l’affirme, raffinés pour un sou » (« Bagatelles pour un massacre ») .

 

On en avait vu des auteurs… Bien frisottés, bien mis, pontifiants et fats. Mais des écrivains, jamais….

Le pélican unijambiste