Le vote : quels patchs correctifs ?

Le vote : quels patchs correctifs ?




Insatisfaction croissante des électeurs, abstention toujours plus élevée, élus toujours plus coupés de la réalité de ceux qui les portent au pouvoir : la démocratie est bel et bien le pire des systèmes… à l’exception de tous les autres. Nombre des défauts imputés aux régimes démocratiques sont en fait dus aux modes de scrutin. Alors quels pistes pour améliorer le vote ?

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Donald Trump élu Président des Etats-Unis : Charlie téléphone maison.

Donald Trump élu Président des Etats-Unis : Charlie téléphone maison.

Si la candidate de Wall Street, de l’Establishment politique, économique, militaire et médiatique a été défaite, alors à qui appartient la victoire de Donald Trump ? Au peuple américain.

 

« Il est désormais temps de fermer les blessures de la division et de nous réunir en un seul peuple (…) il est temps pour nous de nous rassembler en un peuple uni » Donald Trump, première prise de parole après son élection.

Peuple : masse informe aux mains rêches et calleuses, aux faciès putrides et aux gueules béantes. Agrégat souffreteux dont aimeraient fort bien se débarrasser nos tenants du grand capital et leurs savants montages transnationaux. Gageons qu’au paradis Bukowski doit exulter, la choppe à la main et la cibiche au bec : Le capitaine est parti -comprenez Obama- et les marins se sont emparés du bateau. Prolétaires WASP errants, rebuts de la mondialisation,tous Average Joes ventripotents terrassés par une mondialisation dont ils ne veulent plus, réduits à n’être plus « qu’un pas grand chose » dans une Amérique aux allures de contes de la folie ordinaire.

Trump, l’homme que vous haïriez aimer. Grandiloquent, outrancier, incontrôlable -et c’est plutôt rassurant, dans une Amérique minée par l’influence toujours grandissante des néo-conservateurs-, son élection est un authentique crachat aux visages affadis des satyres de l’idéologie dominante, qui n’ont eu cesse de prêcher le mépris des humbles et des nécessiteux, tous petites gens, qui, il est de bon ton de le rappeler à ceux dont la conscience sociale se résume aux applications de rencontre, assure la production de richesse et de valeur.
Victoire qui sonne comme la revanche de ce brelan d’excommuniés, dont Michael Moore s’était fait fut un temps le porte-parole, avant de céder aux sirènes impériales (cf son retournement de veste aberrant et soutien de dernière minute à la candidate Clinton).

D’un candidat l’autre. Risible ballet médiatique et déclarations creuses qui sonnèrent comme autant d’épitaphes d’un establishment exsangue, ployant sous le poids de ses propres compromissions. Pourtant, mégères, succubes et autres sorcières avaient urné- a défaut d’ovuler, puisque ces féministes raffinées considèrent la maternité comme une aliénation !- correctement, appelant à boycotter Donald « la bête immonde » Trump. Analystes malingres et béotiens condamnèrent d’une même voix l’homme d’affaires, un philosophe ayant pignon sur rue dans nos vertes contrées -BHL, pour ne pas le nommer- se fendant même d’un édito dans « Le Point » (reste à savoir ou il peut se le mettre désormais…) expliquant que la victoire de Trump était impossible ! Ultime prophétie d’un ordre médiatique qui n’a plus rien à nous offrir d’autre que son agonie.

Ce jour d’élection restera comme celui ou l’écho des soliloques des pauvres et des déshérités parvinrent enfin à l’establishment. L’éternel retour du concret.

 

Des oligarques de Wall Street aux cœurs déchirés par une douleur démocratique aiguë, des directeurs de rédaction de grands journaux en position latérale de sécurité, des cadres supérieurs dont le mépris de classe s’étale au grand jour de ce sombre hiver, des responsables d’associations LGBT qui lancent dès à présent des études comparatives entre les régimes nord-coréens et américains, des architectes du Chaos permanent, au Pentagone, qui se cachent sous les tables pour verser quelques larmes de crocodile.
Comment pardonner la bêtise des classes moyennes américaines, paupérisées par la mondialisation et son catéchisme libre-échangiste, (usées par le chantage moral qu’elles subissent au quotidien dans les médias de masse)? Le dressage anthropologique, éducatif, médiatique n’a pas eu raison du purulent patriotisme, de l’enracinement malodorant, des valeurs traditionnelles de ces couches frappées de maladies infectieuses qui rappellent indubitablement les heures les plus sombres de notre Histoire convoquées par des petits-bourgeois pantouflards convaincus de leur haute vacuité intellectuelle et morale.
Définitivement les américains doivent manquer d’intelligence et d’éducation pour préférer le « sexisme » à la promesse d’un conflit militaire mondial avec la Russie, pour préférer un programme national à un programme mondialiste, pour préférer un monde multipolaire à un monde terrorisé par la machine de guerre américaine.
Forts de ce constat, nous pensons qu’il est urgent de remettre en ordre un certain nombre de faits totalement occultés par ceux qui, dès ce matin, se sont noyés dans une suffisance et un esprit analytique à tout le moins indigent, quand il n’était pas totalement absent. Nous nous étonnons du fait que la collusion totale et le consensus éhonté entre les milieux médiatiques, politiques et financiers américains-européens ne soulève aucune question sur la valeur réelle et la signification de cette présentation binaire des candidats. N’y a t-il pas déjà un problème démocratique à ce qu’une seule et même opinion soit relayée dans nos aimables médias propagandistes ? Que pourrait démontrer une analyse objective dépourvue de quolibets ressassés jusqu’à satiété ? Il ne doit donc pas exister un débat démocratique, il y a un unique format de pensée acceptable, sorti de celui-ci, les idées sont rances et sentent le souffre dans la bouche de ceux qui éructent et prêtent allégeance au Mal.
Commençons par ordonner nos priorités intelligemment dans notre appréhension de cette élection. En premier lieu, il s’agit de dire qu’il n’y aura évidemment pas, au plan intérieur, de catastrophe. Il est évident que si Donald Trump a eu des déclarations hautement provocatrices ou déraisonnables, il jouera la carte du rassemblement. Il n’a pas d’autre choix politique. Ses premières déclarations vont exactement dans ce sens. Il n’y aura pas de « déportation » de musulmans, de latinos et autres minorités chère aux distributeurs automatiques de morale. Il n’y aura pas de code de l’indigénat, d’apartheid ou de ségrégation raciale mais des modifications des lois relatives à l’immigration, certainement, et cela n’a rien à voir avec des mesures tyranniques ou xénophobes. S’il est évidemment impératif que chaque américain, qu’importe ses déterminismes, puisse trouver sa place dans la société américaine, il paraît évident qu’un nombre grandissant d’américains se sent appartenir à l’arrière garde – quand même, M. Valls – de la démocratie américaine, parce qu’il n’a pas d’élément différenciateur à commercer.
Aussi, il convient d’analyser la sociologie de l’électorat de Trump pour comprendre cette élection. Au risque de paraître triviaux, l’électeur « blanc hétérosexuel des classes moyennes » et qui incarne les valeurs traditionnels des Etats-Unis – virilité, morale puritaine, méfiance vis-à-vis du libéralisme irréfréné – trouve refuge dans la ligne d’un Donald Trump ne faisant que peu de cas de la tendance à la politique sociétale des nouveaux droits – homosexuels, féministes, progressistes – qui sont incarnés par Hillary Clinton et sa ligne libérale-libertaire.
Cette élection sanctionne donc un changement de paradigme majeur que notre lectorat semble percevoir, sans toutefois s’en féliciter, ce qui est son plus strict droit. Il n’a échappé à personne que les propositions de fond de Donald Trump ont été occultées par des polémiques souvent directement orchestrées par le camp adverse et des médias complices. Il n’a échappé à personne qu’il est effarant de constater l’abysse entre le peuple et ses aspirations  et les élites mondialisées et progressistes.
L’élection de Donald Trump sanctionne en somme le haut niveau de corruption des dirigeants politiques américains, leur distance vis-à-vis des attentes populaires, ainsi qu’une fracture définitive entre le peuple américain dans sa sociologie courtement majoritaire – enracinement, attachement à la Nation, aux traditions – et des élites hors-sol qui ont totalement abandonné ces sujets au profit de préoccupations sociétales – et non sociales – telles que l’Environnement, la représentation des minorités, le féminisme etc. Le catéchisme social-démocrate libéral-libertaire, sans-frontièriste, ne fonctionne plus, malgré des moyens de propagande inégalés. C’est un choix de civilisation qui était proposé au peuple américain. Il y a répondu en décidant d’en changer.
Reste à ajouter que Trump s’est inscrit cette campagne durant dans la tradition viriliste républicaine, stratégie de communication qu’avait déjà employé Bush Junior, opposant à l’Amérique New-Yorkaise féminisée et décadente le mythe du cow-boy conquérant et solitaire, ou tout signe de raffinement de la pensée ou du langage est vu comme autant de preuves d’un manque de gonades. Osons affirmer que voter pour Trump a été vu par l’Average Joe-le mâle blanc américain de la classe moyenne- comme une délivrance face à un féminisme castrateur et à une mondialisation qui l’a appauvri et relégué au simple rang de chomeûrs ou de travailleur servile du tertiaire. Retrouvant ainsi une virilité – bien réelle mais également de substitution-, le mâle blanc moyen a donc en toute logique plébiscité Trump, qui incarne -qu’on le veuille ou non- une certaine virilité tapageuse et décomplexée,droit à la fierté sans apparat que les idéologues du progressisme lui ont ôté.
En second lieu, il s’agit de rappeler à notre lectorat – français, par essence – qu’il est crucial, au delà de la politique intérieure des Etats-Unis, de s’intéresser aux répercussions qu’aura cette élection sur l’état du monde en général et sur l’Europe et la France en particulier.
Ces répercussions seront probablement majeures. C’est bien là qu’il y a lieu de saluer le programme de politique étrangère de Donald Trump et de mesurer son écart avec les folies guerrières de son ex-concurrente.
L’urgence géopolitique consiste actuellement à renouer un dialogue constructif avec la Russie, sous peine d’un conflit majeur et direct à venir,d’aucuns parlaient d’un risque de troisième guerre mondiale non négligeable. Le président Trump est l’homme de la situation en la matière, il a promis d’entretenir des relations apaisées voire cordiales avec son homologue russe. En tant que la France est dans l’OTAN, elle aurait probablement eu à assumer d’entrer en conflit avec la Russie si les lobbys de Wall Street et du complexe militaro-industriel avaient pu placer Hillary Clinton à la tête des Etats-unis.
Une escalade militaire dans ce conflit aurait pu mener à une guerre d’ordre nucléaire, cela était anticipé par tous les Etats-majors des chancelleries occidentales.
Si Trump parvient à résister aux pressions du Pentagone, des agences de Renseignement et des lobbys les plus belliqueux, nous sommes garantis de sortir de cette phase de confrontation avec la Russie, puissance qui participe de la renaissance d’un monde multipolaire et équilibré, susceptible de décourager toutes les actions hégémoniques unilatérales qui ont eu cours depuis la chute de l’URSS.
Il est désormais possible que les conflits impliquant les Etats-Unis et la Russie trouvent des sorties de crise honorables, notamment en Syrie et en Ukraine.
Nous traitions des soutiens inquiétants d’Hillary Clinton dans un article précédent, intitulé « Hillary Clinton, la va-t-en guerre des néoconservateurs ». Nous rappelons que tous les amoureux de la guerre, du sang des peuples et de la domination sans partage des Etats-Unis sur le monde soutiennent Hillary Clinton. Nous estimons ainsi qu’il est hautement immoral de se trouver dans le camp de ceux qui ont pensé ces guerres meurtrières en Afghanistan, en Irak et partout ailleurs où ces stratèges ont tenté de façonner le Choc des Civilisations.
Fort de sa doctrine isolationniste, il s’interdira toute intervention militaire arbitraire. La doctrine de sa concurrente était exactement contraire à cette aspiration.
Il est donc un grave contresens de dire que confier l’arsenal militaire américain à Donald Trump est le plus grand danger que court le monde. Hillary Clinton était incontestablement la candidate de la guerre et de l’impérialisme de la machine de guerre américaine.
Il y a donc fort à parier que l’OTAN en tant que force agressive soit contrainte dans ses actions illégitimes par une volonté d’apaisement des relations internationales chère à Donald Trump. Cette analyse doit être faite et sue, qu’importe le jugement que l’on porte sur l’homme.
Cette dimension géopolitique, qui concerne la paix et la sécurité internationale ne saurait être subalterne dans l’esprit de nos lecteurs. Cette dimension détermine avant tout jugement moral, notre position réaliste au sujet de cette élection.
Il y a très fort à parier que cette élection aura des répercussions positives dans les relations internationales, en nous éloignant d’un potentiel conflit planétaire qui nous était promis par les chantres de Clinton. Il est probable que les échéances électorales en Europe seront influencées par ce résultat. Les partis politiques qui ne s’inscrivent pas dans l’ordre euro-atlantiste peuvent se frotter les mains, après le Brexit, ils disposent maintenant de la preuve irréfutable qu’un peuple, fut-il celui de la première puissance mondiale, n’est pas systématiquement malléable aux désirs oligarchiques.
La magie de la propagande politico-médiatique en faveur de la battue du jour a été d’entériner les devises orwelliennes qui semblent avoir tant de prise sur nos sociétés moribondes : « La guerre c’est la paix ; la liberté c’est l’esclavage ; l’ignorance c’est la force ».

 Mehdi Brochet.

“En Marche” d’Emmanuel Macron, l’outil d’une ambition présidentielle?

“En Marche” d’Emmanuel Macron, l’outil d’une ambition présidentielle?

Mercredi 06 avril au soir, Emmanuel Macron a lancé un mouvement politique à ses initiales : « En Marche ». Depuis Amiens, sa ville natale, le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique a présenté son projet devant quelques 200 personnes, sans même inviter les journalistes. Surprenant, quand on sait que l’évènement a été largement repris depuis dans les médias, avec comme point d’orgue le passage du ministre au journal télévisé de France 2 ce dimanche. D’après l’intéressé, le mouvement compterait d’ores et déjà 13 000 membres à cette date, et enregistrerait un nouvel adhérent toutes les 30 secondes – soit près de 3000 nouveaux adhérents par jour.
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Conclusion du teaser faisant la promotion du mouvement

Un mouvement hors du clivage gauche/ droite ?

« C’est un mouvement politique qui ne sera pas à droite, qui ne sera pas à gauche » a affirmé le ministre, qui soutient vouloir « refonder par le bas, de manière authentique » le lien entre les Français et la politique. Ainsi, le mouvement est ouvert à tous, aux adhérents du Parti Socialiste comme aux adhérents des Républicains.
Le teaser du mouvement annonce vouloir remédier aux « blocages économiques qui font que l’ascenseur social est en panne ». En fait, le mouvement se veut être le prolongement de la vision politique d’Emmanuel Macron, résolument libérale, et ce à tout point de vue. C’est en effet à partir de la notion de liberté, « primat essentiel » selon lui, qu’il formalise ses idées politiques. L’idée de liberté se décline ainsi sur le plan économique sous la forme d’un libéralisme assumé, tout en s’accompagnant de politiques en faveur de l’égalité des chances. En ce sens, le mouvement réunit bien deux approches qui appartiennent l’une à la droite, l’autre à la gauche. On notera que cette approche rappelle à de nombreux égards la position adoptée par Justin Trudeau, l’actuel Premier ministre canadien.
Ainsi, s’il se dit bien « être de gauche, venir de la gauche », Emmanuel Macron entend se donner les moyens de travailler avec des gens de droite, de « rassembler les bonnes volontés de droite et de gauche, […] de créer une dynamique pour que les progressistes puissent se retrouver ». Les réactions à l’annonce de la création du mouvement sont à ce titre révélatrices, puisque François Hollande ou Najat Vallau-Belkacem ont salué le projet, quand Jean-Pierre Raffarin ou Pierre Gattaz faisaient de même.

 

La finalité du mouvement en question

Ce positionnement qui prétend s’affranchir d’une distinction nette entre droite et gauche – à l’heure où 45% des Français disent ne plus en tenir compte – ne prépare vraisemblablement pas un éventuel gouvernement de coalition. Rappelons que cette configuration de coalition n’a eu lieu qu’en de très rares occasions : en 1926 avec l’Union nationale de Poincaré, puis dans le cadre du Gouvernement provisoire du général de Gaulle (quand bien même « lors de moments de crise, ce type de coalition a bien fonctionné », ainsi que le rappelle Jean Garrigues, professeur d’Histoire à Sciences Po Paris).
Aussi, si la possibilité de formation d’un gouvernement de coalition semble tout à fait lointaine, à quelle échéance la création du mouvement a-t-elle l’intention de répondre ? A partir des nombreux commentaires portant sur ce sujet, deux hypothèses se dessinent. En premier lieu, on soupçonne bien sûr le mouvement d’être une rampe de lancement pour l’élection présidentielle de 2022. Emmanuel Macron n’ayant jusque-là jamais été élu, n’étant pas même adhérent du Parti Socialiste, l’initiative semble d’abord être le signe manifeste que le ministre s’assume désormais comme un homme politique à part entière, et non plus seulement comme un haut-fonctionnaire de renom.
D’autres voient dans ce mouvement une manière pour le ministre de jouer les rabatteurs pour François Hollande, en allant chercher des électeurs au centre tout en sachant que François Hollande tentera vraisemblablement de se positionner en point d’équilibre de la gauche. Emmanuel Macron s’en défend, sans avoir les moyens d’en faire la démonstration. Après analyse, on devine bien sûr que les deux hypothèses présentées ici ne sont pas exclusives l’une de l’autre, et que dans son intention l’initiative joue très certainement sur les deux tableaux.
Concernant la seule ambition présidentielle du ministre, celui-ci affirme ne pas en faire une question centrale, rebuté qu’il serait par l’ « efflorescence de candidats » qu’on constate en cette période de primaires. Difficile de lui donner tort sur ce point. Et de poursuivre : « Ça n’est pas une aventure solitaire. Je ne suis pas obsédé par la comédie humaine, où la vie des gens ne devient qu’un décor. […] Le plus important c’est d’essayer de faire œuvre utile pour le pays ». On ne demande qu’à y croire.
 Sylvain

Il est temps de partir, vieux camarade

Thoughts of the past

Instinctivement, on a beau penser que le Royaume-Uni a toujours fait partie de l’Europe, en pratique, les choses sont bien différentes. Remettons-nous dans le bain : le Royaume-Uni intègre la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973 après un référendum approuvé par 67% des britanniques. Déjà à cette époque, certains sont farouchement attachés à leur indépendance – on pense tout particulièrement à la branche la plus à gauche du Labour Party. Michael Foot, leader du parti à l’époque, soutient la sortie du RU dans le manifeste de 1983. Ils avaient d’ailleurs prévu une sortie immédiate de la CEE dès que le Labour Party reprendrait le pouvoir.                    « Même si la géographie et l’histoire ont inscrit l’Angleterre en Europe, la CEE n’a pas été conçue pour nous et notre intégration ».
Un peu plus de cinq ans après, ce ne sont plus les travaillistes qui remettent en question la place du RU dans la CEE mais les conservateurs. On pense tout de suite au « I want my money back » de Margaret Thatcher, le fameux coup de gueule poussé par la première ministre considérant à l’époque que la contribution britannique était largement supérieure à ce qu’elle recevait, notamment en ce qui concernait la PAC. Le fameux rabais britannique est accepté en 1984 équivalant aux deux tiers de l’excédent versé à l’Union par rapport à ce que le Royaume-Uni perçoit. Huit ans après, elle réaffirme de nouveau son opposition à une Europe fédérale en refusant la monnaie unique et obtient une clause d’exemption : le « opt-out ».
Les années 2000 ne marquent malheureusement pas l’apaisement des tensions et des désaccords entre l’Union Européenne et les britanniques : Tony Blair propose de soumettre à référendum la future constitution de l’UE en 2004 mais se ravise peu après, en 2008 le centriste Nick Clegg demande un référendum sur l’appartenance à l’UE, UKIP (UK Independance Party) – ou la branche populiste du Parti des conservateurs – demande eux aussi un référendum. David Cameron, actuel Premier ministre, pris dans les jeux de pouvoir de la politique britannique, teinte son discours d’un certain euroscepticisme et en va même jusqu’à proposer une date pour un référendum sur le maintien du RU dans l’UE : 2017.

Would a Brexit break Britain?

La situation actuelle
 
Après un Conseil européen consacré à cette question en février, David Cameron a annoncé que le référendum aura lieu le 23 juin 2016. Le 15 novembre 2015, le gouvernement britannique a présenté ces conditions :
1. Limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’UE
2. L’Euro n’est plus considéré comme la monnaie unique de l’UE
3. Une plus grande libre-circulation des capitaux  et une règlementation européenne amoindrie
4. Volonté de revoir les traités concernant la supranationalité de l’UE
« Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l’intérieur d’une Union européenne réformée » David Cameron
Quel modus operandi après un éventuel Brexit ?
Il est possible d’après l’article 50 du traité de l’UE (TUE) qu’un Etat membre sorte de l’Union – il doit notifier son intention au Conseil Européen. Une fois la chose faite, les deux parties négocient les modalités de retrait, modalités qui se doivent d’être approuvées par le Parlement européen.
L’UE perdrait l’une de ses trois grandes puissances, une des plus importantes places financières au monde et le premier partenaire diplomatique des Etats-Unis. Néanmoins, les conséquences pourraient être bien plus lourdes pour le RU. En effet, l’Angleterre serait amenée à remettre en cause ses relations avec l’Ecosse, indépendantiste et europhile puisqu’un second référendum sur la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en cas de « Brexit ». De plus, cette éventualité affecterait également sa politique extérieure, pas seulement pour ce qui est des relations avec l’UE mais aussi celles avec tous les autres pays. Enfin, d’un point de vue purement économique, le « Brexit » coûterait 100 milliards de livres à l’économie britannique ainsi que détruirait près d’un million d’emploi selon une étude réalisée par PwC et commandée par la CBI, principale organisation patronale du pays.

Il est temps de partir, vieux camarade

L’Histoire montre que les relations entre l’UE et le Royaume-Uni n’ont jamais été au beau fixe. Le Royaume-Uni n’a eu de cesse de remettre en question sont appartenance à l’Union. « La Grande-Bretagne elle-même est une île flottante qui, selon les inflexions de sa politique, se rapproche ou s’éloigne de l’Europe. » d’après Alfred FABRE-LUCE.
On peut alors se demander si l’Union, aussi faible soit-elle aujourd’hui, a besoin d’un tel maillon. Le Royaume-Uni veut une Union à la carte, et menace de la quitter à chaque réforme. Voulons-nous réellement les britanniques dans nos rangs ? Le veulent-ils au moins ? Ne menacent-il pas de vouloir nous quitter juste pour obtenir quelques bonus par-ci par-là ?
« Les hommes disent toujours qu’ils vont partir à l’aube, mais ils le font rarement » Jim Harrison
Lorsque l’on voit qu’au final le Royaume-Uni a plus à perdre dans cette histoire que l’Union, il est difficile de pouvoir défendre ses multiples tentatives de retrait, et d’autant plus difficile d’accepter qu’il y reste. L’Union s’est créée avant tout pour garantir la paix mais aussi la prospérité de l’Europe. L’idée était, comme le disait Churchill, de créer les « Etats-Unis Europe », des pays unis, voulant avancer dans la même direction. Si aujourd’hui le Royaume-Uni veut changer de voie, grand bien lui en fasse.
Emmanuel Macron, un philosophe en politique

Emmanuel Macron, un philosophe en politique

Devenu ministre de l’Economie à 36 ans, Emmanuel Macron est le plus jeune ministre de l’Economie que la France ait connue depuis Valéry Giscard d’Estaing (nommé Ministre de l’Economie et des Finances en 1962). Emmanuel Macron est sans aucun doute une figure montante de la gauche. C’est à ce titre qu’il a semblé être utile – ou tout du moins intéressant – de faire une courte synthèse à son propos. Il s’agit bien sûr d’abord de donner à voir qui il est, en examinant son parcours, avant de présenter quelles sont les grandes idées auxquelles il adhère.

Une trajectoire atypique

Né en 1977, Emmanuel Macron grandit à Amiens. Il est le fils de deux médecins, son père étant neurologiste au CHU d’Amiens, quand sa mère est médecin-conseil de la Sécurité sociale. Sa grand-mère, ancienne principale de collège, est une femme de gauche. Emmanuel Macron lui-même explique que c’est à son contact qu’il s’est imprégné des valeurs de la gauche. Sur le plan scolaire, c’est un bon élève, qui pratique par ailleurs le piano de manière assidue.
Rien de très étrange dans tout cela direz-vous. Sauf que voilà, à 16 ans, il tombe amoureux de sa professeur de français, Brigitte Trogneux. « Emmanuel Macron lui écrivait tout le temps des poèmes » rapporte ainsi un ancien camarade de classe. Inquiets, ses parents l’envoient à Paris, où il intègre le lycée Henri IV dès la terminale. Il y poursuit ses études en prépa B/L, avec un goût bien plus affirmé pour les matières littéraires que pour les mathématiques, car Emmanuel Macron est d’abord un littéraire. Peut-être aussi son goût pour les livres se confond-il en partie avec ce qu’il ressent toujours pour son ancienne professeur de français, dont le souvenir ne le quitte pas.
Il poursuit ensuite ses études en Philosophie à l’université de Nanterre, avant de devenir l’assistant de Paul Ricœur de 1999 à 2001. Emmanuel Macron aide alors le philosophe dans l’écriture d’un livre de réflexion sur l’Histoire : La mémoire, l’histoire, l’oubli. Dans le même temps, Emmanuel Macron est étudiant à Sciences Po Paris, où il prépare le concours de l’ENA, qu’il réussit en 2002. Il est intéressant de noter que l’ENA n’est devenu un objectif que tardivement, après ses études de philosophie. Là aussi il se distingue : lui-même le reconnaît, il ne s’y prédestinait pas.
Après l’ENA, il travaille quelques années à l’Inspection Générale des Finances, avant de travailler un an avec Jacques Attali, de 2007 à 2008, dans le cadre de la Commission pour la libération de la croissance française (plus connue sous le nom de Commission Attali). A cette occasion, il se spécialise dans les questions proprement économiques. Impressionné par sa capacité de travail et par son acuité – ainsi qu’il le dit lui-même – Jacques Attali fait alors rentrer Emmanuel Macron chez Rothschild comme banquier d’affaires.
C’est également en 2007 qu’Emmanuel Macron épouse son ancienne professeure de français, de vingt ans son aînée, déjà mère de trois enfants issus d’un premier mariage, et même grand-mère. A cette occasion, lui qui avait fait le choix de ne pas avoir d’enfants pour se consacrer à sa carrière devient de fait grand-père par alliance. La situation est singulière ; elle surprend toujours, choque parfois. Néanmoins, force est de constater que si ce choix de vie a certainement eu un lien avec le goût d’Emmanuel Macron pour la littérature, aujourd’hui la vie privée du ministre n’a aucune incidence sur son action politique.

Pour un libéralisme de gauche

Dans une interview accordée au Wall Street Journal, Emmanuel Macron confiait : « [Quand on est banquier], d’une certaine manière, on est comme une prostituée. Le boulot, c’est de séduire ». Alors, Emmanuel Macron, grand banquier ? Pas vraiment. Le passage par le privé fait d’une certaine manière partie de la formation de tout énarque ; on oublie par exemple que peu avant de faire passer la loi sur les 35 heures en tant que Ministre du Travail, Martine Aubry passe deux ans au sein du groupe industriel Pechiney (de 1989 à 1991) où elle assiste le PDG du groupe, qui devient ensuite le président du CNPF (l’ancien Medef). Imaginez un peu si Macron avait travaillé pour Pierre Gattaz avant de devenir ministre… Emmanuel Macron n’hésite d’ailleurs pas à dire combien son passage chez Rothschild lui est utile en tant que ministre de l’Economie – ce qu’on imagine sans peine.
Par ailleurs, Emmanuel Macron est un libéral convaincu ; ou plutôt, il aime raisonner comme ses maîtres à penser, que sont Elie Cohen et Philippe Aghion. Ces deux économistes défendent une approche libérale de l’économie, tout en soutenant être de gauche. Philippe Aghion, aujourd’hui professeur au Collège de France après avoir longtemps travaillé à Harvard, explique ainsi que selon lui tout repose sur l’innovation. Il parle à ce propos d’économie de la disruption, pour désigner cette nouvelle ère, ce nouveau paradigme. Pourtant, pour que l’innovation puisse prendre toute sa place, il s’agit selon lui non pas de taxer lourdement le capital pour ensuite réinvestir l’argent collecté comme le défend Thomas Piketty, mais de créer « une bonne législation qui encourage la concurrence » ; et c’est bien ce à quoi Emmanuel Macron s’est employé avec la loi dite « loi Macron », avec par exemple la libéralisation du secteur des autocars, faisant alors concurrence aux autres moyens de transport.
Naturellement, il est alors permis de s’interroger : comment être de gauche dans un cadre de pensée qui soit aussi résolument libéral ? Philippe Aghion, qualifié de « parrain de la Macronomie » par le Nouvel Observateur, donne à voir comment le Ministre de l’Economie concilie son adhésion au libéralisme avec les grands principes de la gauche auxquels il dit lui-même adhérer. Philippe Aghion explique :
« Il faut que chaque individu, à chaque stade de sa vie, puisse rebondir, que l’accès à la santé et à l’éducation ne soit jamais un problème. Il faut que la mobilité sociale réconcilie croissance et inégalités et pour cela il faut lutter contre les poches de pauvretés, éviter les phénomènes d’exclusion vers le haut comme vers le bas, réformer le marché du travail et faciliter la concurrence sur le marché des biens et des services. C’est cela, pour moi, être de gauche ». 
 On le comprend, il s’agit de libéraliser dans le sens d’une concurrence accrue, tout en protégeant les individus contre les risques liés à cette même concurrence, avec en toile de fond la lutte contre les inégalités par une politique permettant la mobilité sociale.
Philippe Aghion, économiste, professeur au Collège de France après avoir enseigné pendant 15 ans à Harvard
Ce cadre de pensée permet de mettre en perspective les récentes déclarations du ministre. Une semaine après les attentats du 13 novembre, il affirme ainsi que « la disparition de l’idéal de mobilité sociale » est le « terreau » sur lequel le djihadisme a pu se développer. « Nous sommes une société dont au cœur du pacte il y a l’égalité » défend-il alors. Cette réaction à chaud s’inscrit bien sûr dans le cadre évoqué précédemment ; d’ailleurs, Emmanuel Macron fait alors immédiatement le lien avec les enjeux économiques. Il parle ainsi de la nécessité de « changer cette société en l’ouvrant », c’est-à-dire de la nécessité selon lui de libéraliser l’économie tout en renforçant la mobilité sociale. Il poursuit : « Je pense que ce sont les fermetures dans notre économie, dans notre société, […] qui créent de l’inefficacité sur le plan économique ».
On le constate, Emmanuel Macron est un vrai libéral, quand bien même il déclare avoir des convictions fermement ancrées à gauche. En fait, il est convaincu d’utiliser les outils économiques les plus efficaces à sa disposition, pour ainsi faire œuvre de pragmatisme tout en agissant en conformité avec ses convictions. C’est le même esprit qui prévaut pour la loi qu’il prépare, dite « loi Macron 2 », portant sur les « Nouvelles opportunités économiques » (NOE). Résolument moderne, Emmanuel Macron déclare vouloir adapter l’économie française aux transformations qui la traversent, étant désormais acté que 47% des emplois sont menacés par la numérisation – en premier lieu les professions intermédiaires (ce sont par exemple les comptables, les secrétaires, le personnel médical).

Du philosophe au politique

Travailleur, pragmatique, d’accord. Mais qu’en est-il de son ambition personnelle, du destin présidentiel que Jacques Attali lui prédit depuis déjà plusieurs années ? Le ministre présente un détachement surprenant par rapport à cette question ; « comme si chez lui le philosophe n’avait pas encore tout à fait cédé la place au politique », note un journaliste. Ainsi, quand on lui demande s’il pense parfois à devenir un jour Président de la République, il répond, amusé :
« C’est fou cette question, vous avez dû la poser à tous les hommes politiques à mon avis. Moi, j’ai vu trop d’hommes politiques consumer leur vie, et leur présent, à penser à l’étape d’après, et du coup n’être jamais dans leur vie. J’ai vu trop de gens malheureux de cela, trop de gens passer à côté de leur vie pour cela, et sans doute trop de Français déçus de gens comme ça. »
A l’en croire, Emmanuel Macron serait suffisamment détaché de toute ambition présidentielle pour ne pas se laisser dévorer par elle. C’est à voir. Philosophe ou homme politique, peut-être faut-il choisir.
Sylvain