François Hollande, Ballon d’Or Atlantiste 2016

François Hollande, Ballon d’Or Atlantiste 2016

François Hollande, homme de paix ou homme de main ?

François Hollande vient de recevoir un prix de la part de la Fondation Appeal of Conscience pour son « leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et à la sécurité mondiale*« .
Nombre de nos lecteurs ont été surpris, médusés, amusés par ce titre d’homme d’Etat de l’année. De prime abord, comment leur donner tort ? Le bilan du Président de la République – au delà de sa politique intérieure – paraît bien peu contribuer à ce que cette fondation appelle la « paix » ou encore la « stabilité et la sécurité mondiale« *.
A l’heure où il est établi que ce dernier quinquennat a aggravé – c’est un exploit – les erreurs déjà commises lors de l’exercice précédent, les citoyens français désapprouvent largement la politique étrangère française hollandaise*.
Comment expliquer alors cet abîme entre le ressentiment* des français à l’endroit des décisions* de politique étrangère* du Président Hollande et la remise de cette récompense, louant cette politique ? 
Deux outils vont nous permettre de replacer cette récompense dans une cohérence et une logique implacable. D’une part, nous allons nous intéresser à la sémantique pour déterminer les signifiés des mots qui ici semblent contradictoires avec les actes géopolitiques de l’élu. D’autre part, en pratiquant une herméneutique élémentaire des textes fondateurs de l’OTAN, expression de la vision géopolitique des puissants aux Etats-Unis. Nous allons découvrir qu’il y a une congruence -concept Kepelien subtil- totale entre Appeal of Conscience et les apôtres de l’Alliance de l’Atlantique Nord.
Il serait une erreur de considérer que cette récompense est une erreur d’appréciation ou un geste hasardeux de la part de cette Fondation. Elle est parfaitement légitime à donner des brevets de « paix » à la sauce OTAN, de par sa structure et ses orientations.
Si nous pouvons exclure l’idée, objectivement, que François Hollande défende la paix et la sécurité internationale, il reste maintenant à déterminer à quelle paix et à quelle sécurité pensent ceux qui ont gratifié notre Président.
Il faut tenir compte du fait que François Hollande a pleinement rempli sa mission de chef de guerre vassalisé par :
– Sa capacité à effacer la tradition diplomatique et de politique étrangère de la France, qui empêcherait par définition la participation de la France à la démolition d’Etats souverains non alignés*.
– Sa capacité à se donner en serviteur volontaire aux intérêts et ambitions hégémoniques éloignés des intérêts français*.
– Sa capacité à se comporter vis à vis des autres Nations en fonction de l’agenda de Washington*.  
Sous ce prisme, cette récompense prend tout son sens. Nous allons tout de même en venir au fond des sujets susvisés.
Qu’est ce que la Fondation Appeal of Conscience ? 
Cette fondation a été créée par le rabbin Arthur Schneier en 1965. Survivant de la Shoah, il a reçu la « Presidential Citizens Medal » des mains de Bill Clinton pour « service rendu comme représentant international » ainsi que pour sa lutte « contre la haine et l’intolérance ». Il préside la commission américaine pour la conservation de l’Héritage de l’Amérique à l’ONU*.
Nous avons malgré tout décidé de décortiquer la structure et les actions de cette Fondation, nous y avons trouver des éléments susceptible de déterminer sa nature et ses buts poursuivis.
En ce qui concerne la « paix »:Il nous paraît peu défendable de présenter cette fondation comme oeuvrant pour la paix dans le monde. Il serait plus exact de la présenter comme une organisation défendant une certaine conception de la paix – non universelle – dans une région du monde très limitée et bien définie. En effet, la Fondation est présente dans une trentaine de pays, mais aucun pays du monde « arabo-musulman » n’y figure* mis à part le Maroc et la Turquie. Le premier a été nommé en 2004 par George W.Bush « Allié majeur Hors-OTAN » et la seconde est membre à part entière de l’OTAN.
Si le dialogue inter religieux et la paix sont les maîtres mots de la Fondation, comment se fait-il qu’il y ait une telle homogénéité dans son champ d’action. En somme, il n’y a aucun Etat défendant une autre idée de la paix. C’est à dire aucun Etat opposé à la publicité de la démocratie de marché, à l’idéologie du progrès, au capitalisme financier sauvage.
De plus la quasi totalité des Etats (90%)* dans lesquels la Fondation est active ont des relations privilégiées avec le gouvernement des Etats-Unis et entretiennent des relations souvent très étroites avec l’OTAN.
Les opposants au mondialisme et à son catéchisme capitaliste n’ont donc pas droit de cité sur cette carte du monde tronquée de ses « pustules ». Ils ne participent pas du monde « libre » qui doit demeurer en « paix ».
Il est également très intéressant de constater que la Fondation est active dans les zones stratégiques qui intéressent particulièrement les stratèges américains. Dans les Balkans, dans toutes les anciens territoires de l’Union Soviétique*, en Amérique Centrale. En somme, un fabuleux relais d’influence pour le monde libre dans celui qui est aux frontières et qui doit encore « progresser ».
Afin de démontrer cette proximité -douteuse- entre la Fondation et les intérêts géopolitiques de l’oligarchie américaine (est-il permis de la mentionner au même titre que son alter ego russe?) nous avons étudié les parcours et les fonctions des membres ou proches de la Fondation :
A notre connaissance, ces individus ne sont pas réputés ni pour être des chantres de la révolution bolivarienne, ni pour leur défense acharnée des espèces en voie de disparation dans le désert togolais.
John Negroponte :Diplomate américain, néoconservateur, chantre de l’invasion de l’Irak, nommé par G.W.Bush  ambassadeur en Irak après la chute de Hussein, Directeur du Renseignement national en 2005, Secrétaire d’Etat adjoint en 2007. Mis en cause pour des activités criminelles pendant son mandat d’ambassadeur au Honduras antérieurement*.
Peter G Peterson :Ancien PDG de Lehman Brothers, ancien directeur du Council of Foreign Relations, Think tank néoconservateur très puissant et proche du Département d’Etat. Milliardaire le plus influent de la politique américaine.
Henry Kissinger :Responsable de la politique étrangère américaine pendant la guerre du Vietnam. Mis en cause pour crimes de guerre, participant à l’opération meurtrière Condor. Intervenant à  la commission trilatérale et au Groupe Bilderberg.
Rupert Murdoch :Milliardaire influent. Invité d’honneur pour le dernier anniversaire de la Fondation, propriétaire des médias néoconservateurs aux Etats-Unis, a fondé un journal avec le fondateur du PNAC (projet militaire hégémonique américain pour le 21ème).
Rozanne L.Ridgway :Ancienne sous-secrétaire d’Etat aux affaires européennes, membre du Council of Foreign Relations, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
Jacob Frenkel :Ancien gouverneur de la Banque d’Israël, membre de la commission trilatérale et du Peter G Peterson Institute for International Economics.
Mario Monti :Ancien commissaire européen, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
-Stanley Fischer :Gouverneur de la Banque d’Israël
Laurence Summers et Paul O’neill :Anciens secrétaires du Trésor des Etats Unis. Membres du Groupe Bilderberg.
David Rockfeller :Fondateur de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
Jean-Claude Trichet :Ancien Président de la BCE
Force est de constater que ces personnes ont un parcours et des fonctions très homogènes appartenant tous aux mêmes cercles d’influences qui regroupent les puissances économiques, financières et politiques de première importance sur la scène internationale.
Quel bilan en politique étrangère pour mériter ce prix ?
La négation de la tradition d’équilibre et d’indépendance de la politique étrangère de la France est manifeste
Richelieu théorisa brillamment la Raison d’Etat, l’Etat-nation et la souveraineté de celui-ci, entre 1624 et 1642. Talleyrand fut certainement le plus grand diplomate de l’Histoire de France, acteur magnifique du Congrès de Vienne, il consacra sa vie à maintenir la France au centre de l’échiquier politique européen, traversant les époques et les régimes. Ces hommes sont de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire diplomatique de la France. Ils ont fondé l’identité géniale de sa politique étrangère, ce pour quoi elle est respectée à travers l’histoire par toutes les Nations: Son indépendance, sa finesse, toutes les nuances que sa langue permet de rendre. Attachée aux droits fondamentaux des peuples et des Nations, elle disposera jusqu’à récemment d’une place et d’une voix singulière au sein du concert des Nations.
Charles de Gaulle fut le dernier grand représentant de cette tradition. Il avait compris la dialectique du plan Marshall et son aboutissement : le règne du modèle économique et culturel américain en Europe. Il avait anticipé que l’Union Européenne et l’OTAN seraient les formes modernes de la soumission de la France aux intérêts des Etats-Unis américains. Sa compréhension des forces profondes de l’Histoire lui avait déjà intimé l’idée que la France était menacée par les oubliettes de l’Histoire contemporaine.
Qu’ont compris Nicolas Sarkozy et François Hollande de leur époque?
Qu’ont à voir les choix de politique étrangère avec l’identité et les intérêts de politique étrangère de la France ?
La soumission de la France est intégrale, sur tous les dossiers : la Syrie, l’Arabie Saoudite et le Qatar,la Russie,Israël,l’Iran.Où est passée la politique arabe de la France, son équilibre et sa capacité à incarner une singularité dans les relations internationales ?
Cette tradition s’est effacée au profit d’une organisation dont la distribution du chaos et l’entretien de la terreur sont les deux moyens d’action. L’OTAN.
Cette négation s’est faite au profit de l’OTAN
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy vint assassiner une partie de l’Histoire de France, au profit de la bannière étoilée. Le président Sarkozy avait acté le retour -marqueur de son atlantisme forcené – de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, le 4 avril 2009*.
François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste avait signé une motion de censure, qui visait à « éclairer les français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le PR et son gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays »*
Or, le 4 janvier 2016, en tant que Président de la République, il apportait son soutien à un projet de loi visant à « autoriser l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Que faut-il comprendre ? La France souhaite accueillir des forces armées étrangères sur son territoire en permanence.*
Si l’on devait mesurer précisément, pendant le quinquennat Hollande, l’alignement stratégique de la France sur Washington et son acolyte israélien, nous dirions qu’il est de 8 sur l’échelle d’un philosophe, cinéaste, journaliste, acteur, va-t-en guerre de nationalité française, par ailleurs certainement abonné à Phosphore.
Contrairement aux idées reçues, il est fortement contestable de qualifier l’OTAN d’organisme défensif. Il est vrai qu’en vertu de l’article 5 de la Charte de l’OTAN, il est établi qu’il existe une sécurité collective, qui présente d’ailleurs de nombreux risques. Mais, avant tout, l’OTAN est la machine de guerre américaine qui sert des ambitions hégémoniques incontestables, en violant systématiquement le Droit International et la souveraineté des Nations*, en s’érigeant comme « Gendarme du monde » au mépris des décisions rendues par les Nations-Unies. Les guerres de conquête dans lesquelles la France est entraînée sont sont contraires à tous les engagements juridiques et philosophiques de la France, et contraire enfin à ses intérêts stratégiques*.
Hollande, un très bon élève atlantiste qui méritait une récompense pour bons et loyaux services
L’atlantisme de François Hollande et son soutien au gouvernement israélien ne date pas du dernier Chabbat. Frédéric Encel, spécialiste des relations internationales plutôt acquis à la cause du gouvernement israélien, le rappelait en ces termes : « Du temps où il était premier secrétaire du Parti Socialiste, Hollande a toujours été le chef social-démocrate le plus favorable à Israël. » et « Il existe chez le Président Hollande et les poids lourds du gouvernement une tendance qui a toujours considéré la sécurité d’Israël comme prioritaire »*
Néanmoins, le degré de cette orientation est une première historique. Il est évident que la France a rompu avec toute exigence vis à vis de l’Etat hébreu sur les questions de colonisation, de réponse militaire.
Sur la question de la relation avec la Russie, la position extrêmement rigide du gouvernement français a surpassé les attentes de Washington en la matière. Sur la question iranienne, l’attitude de Laurent Fabius fut exemplaire aux yeux de Tel-Aviv*. Paris a eu également le grand « mérite » de soigner ses relations avec les pétromonarchies du Golf, alliées historiques des Etats-Unis, au détriment d’un dialogue avec les Etats et les peuples ayant une histoire en commun avec la France: Syrie, Liban, territoires palestiniens.
Aussi, François Hollande s’est lancé à corps perdu dans la bataille en Syrie. Il était même sur le point d’attaquer le gouvernement syrien par des bombardements au profit des groupes terroristes qui constituent l’immense majorité de ce que l’on appelle l’ « opposition ».
Aux naïfs qui prétendraient qu’une adhésion à l’OTAN n’est pas en contradiction avec une politique étrangère indépendante et équilibrée nous présenterons l‘article 8 du traité de l’OTAN* :
« Chacune des parties assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le traité« 
Comparons maintenant la déclaration de Varsovie du 9 juillet 2016* et les déclarations de la Fondation. La première émane de l’OTAN, traite de la sûreté transatlantique :
« Nous sommes solidaires, et nous agissons ensemble, pour assurer la défense de notre territoire et de nos populations, ainsi que de nos valeurs communes. Unies par notre lien transatlantique immuable, et par notre attachement à la démocratie, aux libertés individuelles, aux droits de l’homme et à l’état de droit, l’OTAN continuera d’œuvrer en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité des territoires de l’Alliance »*.
Voici un extrait du préambule de la Charte fondatrice de l’OTAN : « Déterminés à sauvegarder la liberté de leur peuple, leur héritage en commun et leur civilisation fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles, (…), Soucieux de favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et la préservation de la paix et de la stabilité« 
Vous souvenez-vous de la formule de la Fondation pour récompenser François Hollande ?
« Pour son leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et la sécurité mondiale« 
N’y a t-il pas une grande proximité dans les éléments de langage?
En définitive, Hollande aura œuvrer pour la sauvegarde des valeurs atlantistes de « démocratie » et de « liberté » et à la sécurité et la stabilité des territoires de l’Alliance.En ce qui concerne les peuples et les nations qui ne composent pas ce territoire, les problématiques sont différentes.
Rappelez-vous que le 13 mai 2015, à la réunion d’Istanbul, les dirigeants de l’OTAN chantaient « We are the world », un humanisme révolutionnaire tout relatif*.
Quant aux peuples et aux Nations qui ne se reconnaissent pas dans cette philosophie politique, pourquoi ne pas créer une Fondation Appeal of Conscience for the Rest of the World, qui récompenserait Hugo Chavez – à titre posthume – ou Vladimir Poutine pour sa contribution à la naissance d’un monde multipolaire ?
La remise du prix serait-elle retweetée comme pour François Hollande par l’ambassade des Etats-Unis en France* ? Rien n’est moins sûr.
Bien souvent, ces organisations (ONG, Fondations) jouent le rôle d’éclaireur en faveur de la machine de guerre américaine*. Souvenons-nous de l’invention du « devoir d’ingérence » puis du « droit d’ingérence » sur l’autel du Droit Humanitaire*. Souvenons-nous également du rôle que jouent ces organisations dans la déstabilisation d’Etats souverains opposés au système mondialiste et capitaliste, qui, pour citer Jacques Chirac, ne « s’exporte pas dans un camion blindé ».
PS : Suite à une étude attentive des pays dans lesquelles la Fondation oeuvre, nous pensions trouver – compte tenu de son intérêt pour le dialogue inter religieux, la paix et les conflits ethniques – l’Etat d’Israël, berceau des religions monothéistes et foyer de tensions qui justifient régulièrement la mobilisation vaine des Nations-Unis. En vain. Nous avons tenté de joindre la Fondation pour comprendre cette absence, la Fondation n’a pas donné suite à nos demandes.
Think Tank Averroès
Point sémantique
 
Oligarchie : Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombre d’individus ou de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée.
Mondialisme: Attitude qui consiste à considérer tous les peuples comme dépendants les uns des autres ou constituant une seule communauté humaine. Idéologie qui prône la disparition des Etats-nations comme cadre d’administration politique et de référence identitaire au profit d’un Etat mondial. Le choix de sa capitale fait l’objet de rudes débats.

Il est temps de partir, vieux camarade

Thoughts of the past

Instinctivement, on a beau penser que le Royaume-Uni a toujours fait partie de l’Europe, en pratique, les choses sont bien différentes. Remettons-nous dans le bain : le Royaume-Uni intègre la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973 après un référendum approuvé par 67% des britanniques. Déjà à cette époque, certains sont farouchement attachés à leur indépendance – on pense tout particulièrement à la branche la plus à gauche du Labour Party. Michael Foot, leader du parti à l’époque, soutient la sortie du RU dans le manifeste de 1983. Ils avaient d’ailleurs prévu une sortie immédiate de la CEE dès que le Labour Party reprendrait le pouvoir.                    « Même si la géographie et l’histoire ont inscrit l’Angleterre en Europe, la CEE n’a pas été conçue pour nous et notre intégration ».
Un peu plus de cinq ans après, ce ne sont plus les travaillistes qui remettent en question la place du RU dans la CEE mais les conservateurs. On pense tout de suite au « I want my money back » de Margaret Thatcher, le fameux coup de gueule poussé par la première ministre considérant à l’époque que la contribution britannique était largement supérieure à ce qu’elle recevait, notamment en ce qui concernait la PAC. Le fameux rabais britannique est accepté en 1984 équivalant aux deux tiers de l’excédent versé à l’Union par rapport à ce que le Royaume-Uni perçoit. Huit ans après, elle réaffirme de nouveau son opposition à une Europe fédérale en refusant la monnaie unique et obtient une clause d’exemption : le « opt-out ».
Les années 2000 ne marquent malheureusement pas l’apaisement des tensions et des désaccords entre l’Union Européenne et les britanniques : Tony Blair propose de soumettre à référendum la future constitution de l’UE en 2004 mais se ravise peu après, en 2008 le centriste Nick Clegg demande un référendum sur l’appartenance à l’UE, UKIP (UK Independance Party) – ou la branche populiste du Parti des conservateurs – demande eux aussi un référendum. David Cameron, actuel Premier ministre, pris dans les jeux de pouvoir de la politique britannique, teinte son discours d’un certain euroscepticisme et en va même jusqu’à proposer une date pour un référendum sur le maintien du RU dans l’UE : 2017.

Would a Brexit break Britain?

La situation actuelle
 
Après un Conseil européen consacré à cette question en février, David Cameron a annoncé que le référendum aura lieu le 23 juin 2016. Le 15 novembre 2015, le gouvernement britannique a présenté ces conditions :
1. Limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’UE
2. L’Euro n’est plus considéré comme la monnaie unique de l’UE
3. Une plus grande libre-circulation des capitaux  et une règlementation européenne amoindrie
4. Volonté de revoir les traités concernant la supranationalité de l’UE
« Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l’intérieur d’une Union européenne réformée » David Cameron
Quel modus operandi après un éventuel Brexit ?
Il est possible d’après l’article 50 du traité de l’UE (TUE) qu’un Etat membre sorte de l’Union – il doit notifier son intention au Conseil Européen. Une fois la chose faite, les deux parties négocient les modalités de retrait, modalités qui se doivent d’être approuvées par le Parlement européen.
L’UE perdrait l’une de ses trois grandes puissances, une des plus importantes places financières au monde et le premier partenaire diplomatique des Etats-Unis. Néanmoins, les conséquences pourraient être bien plus lourdes pour le RU. En effet, l’Angleterre serait amenée à remettre en cause ses relations avec l’Ecosse, indépendantiste et europhile puisqu’un second référendum sur la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en cas de « Brexit ». De plus, cette éventualité affecterait également sa politique extérieure, pas seulement pour ce qui est des relations avec l’UE mais aussi celles avec tous les autres pays. Enfin, d’un point de vue purement économique, le « Brexit » coûterait 100 milliards de livres à l’économie britannique ainsi que détruirait près d’un million d’emploi selon une étude réalisée par PwC et commandée par la CBI, principale organisation patronale du pays.

Il est temps de partir, vieux camarade

L’Histoire montre que les relations entre l’UE et le Royaume-Uni n’ont jamais été au beau fixe. Le Royaume-Uni n’a eu de cesse de remettre en question sont appartenance à l’Union. « La Grande-Bretagne elle-même est une île flottante qui, selon les inflexions de sa politique, se rapproche ou s’éloigne de l’Europe. » d’après Alfred FABRE-LUCE.
On peut alors se demander si l’Union, aussi faible soit-elle aujourd’hui, a besoin d’un tel maillon. Le Royaume-Uni veut une Union à la carte, et menace de la quitter à chaque réforme. Voulons-nous réellement les britanniques dans nos rangs ? Le veulent-ils au moins ? Ne menacent-il pas de vouloir nous quitter juste pour obtenir quelques bonus par-ci par-là ?
« Les hommes disent toujours qu’ils vont partir à l’aube, mais ils le font rarement » Jim Harrison
Lorsque l’on voit qu’au final le Royaume-Uni a plus à perdre dans cette histoire que l’Union, il est difficile de pouvoir défendre ses multiples tentatives de retrait, et d’autant plus difficile d’accepter qu’il y reste. L’Union s’est créée avant tout pour garantir la paix mais aussi la prospérité de l’Europe. L’idée était, comme le disait Churchill, de créer les « Etats-Unis Europe », des pays unis, voulant avancer dans la même direction. Si aujourd’hui le Royaume-Uni veut changer de voie, grand bien lui en fasse.
Courbettes et mansuétude : Comment Facebook veut outrepasser le protectionnisme économique chinois ?

Courbettes et mansuétude : Comment Facebook veut outrepasser le protectionnisme économique chinois ?

 « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat » : c’est au pragmatisme de l’un des pères fondateurs du développement économique de l’Empire du Milieu, Dèng Xi?opíng, que les entreprises occidentales devraient se référer lorsque leurs volontés les poussent à s’introduire sur le marché chinois. Via des stratégies protectionnistes reposant sur des montages juridico-financiers saupoudrés d’une bonne dose de contrôle politique, la Chine a instauré des barrières visant à soutenir ses propres multinationales au détriment des géants occidentaux. Cependant, la doxa aurait tort de considérer la Chine comme un pays fermé ou plutôt renfermé. Au contraire, la République Populaire de Chine reste ouverte… sous ses conditions.
Rien de mieux pour illustrer ces propos que d’évoquer Facebook qui depuis 2009 souffre d’une interdiction de ses activités en Chine continentale, ce qui profite largement à son concurrent chinois « WeChat » (ou « W?ixìn) détenu par l’entreprise Tencent. La suspension de 5années contre le réseau social comptant plus d’un milliard d’utilisateurs n’a rien d’étonnant. En effet, celui-ci est jugé non-conforme aux réglementations en vigueur par les autorités car il ne permet pas un contrôle de la diffusion des informations. Facebook fut officiellement sanctionné aux côtés de Google et Youtube à la suite des violences ethniques qui ont eu lieu à Ürümqi, la capitale du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, durant l’été 2009 où plus de 150 personnes furent tuées sans compter le millier de blessés. Cependant, on retiendra surtout que Facebook, au cours de sa période de forte expansion autour de 2010 aurait pu venir s’accaparer un marché laissé quasiment à l’abandon par les entreprises chinoises (WeChat ayant vu le jour en 2011 par exemple).

 

Après 5 ans de purgatoire, Mark Zuckerberg et ses équipes comptent bien revenir en force sur ce marché de 632 millions d’internautes. C’est pourquoi Facebook intensifie ses efforts envers le pouvoir à coup de courbettes et de gestes habiles. Dès mai 2014, le réseau social a ouvert un bureau en plein cœur du centre des affaires de Pékin dans le but de montrer sa volonté de coopérer et sa docilité. D’ailleurs, l’activité développée dans les locaux de la capitale chinoise bien que lucrative, ne se résume qu’à la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs chinois voulant acquérir plus de visibilité à travers le globe. Plus récemment en octobre, nous avons pu voir Mark Zuckerberg se prêtant au jeu des questions/réponses, en mandarin s’il vous plait pendant plus d’une trentaine de minutes lors d’une conférence donnée à la meilleure université chinoise, celle de Tsinghua où le jeune directeur possède un siège au Conseil d’Administration. L’idée de séduire la future élite du pays n’est pas neutre, elle est même plutôt astucieuse sur le long terme. De plus, ni le directeur de Facebook ni ses équipes n’ont pris la liberté de se plaindre de la situation de leur réseau social dans le pays ; au contraire le Vice-Président du développement de Facebook Vaughan Smith s’est même dit « satisfait » de la situation.
Néanmoins la plus remarquable des courbettes est signée Mark Zuckerberg lors de la visite dans les locaux californiens de Facebook de l’un des grands dignitaires du parti communiste chinois, L? We?, le chien de garde choisi par Xí Jìnpíng pour veiller sur le système de censure Internet le plus développé au monde. En effet, le président du géant du web s’est volontiers fait photographier aux côtés de son invité (voir photo) avec le recueil « La gouvernance de la Chine » posé nonchalamment sur son bureau : un pavé de 515 pages comprenant l’ensemble des discours, citations, interventions du président chinois. Les joues enflammées de Lu Wei ne trompent pas ; Facebook est prêt à faire de nombreuses concessions pour se faire accepter et passer au travers des barrières érigées par Beijing. Plus encore, Mark Zuckerberg est allé jusqu’à acheter ce livre à ses collaborateurs pour qu’ils puissent comprendre « le socialisme aux caractéristiques chinoises » : un prosélytisme apprécié. Ces courbettes ne font que justifier et légitimer la censure orchestrée par Xí Jìnpíng. Ce comportement représente l’acceptation d’un Facebook prêt à se plier aux normes chinoises tout en clamant être le défenseur de liberté d’expression en Occident : la schizophrénie affichée par la firme américaine n’étonne cependant plus après les révélations des liens entre les services secrets américains et cette dernière.
Cependant, est-ce vraiment suffisant pour amadouer l’Etat-parti ? En septembre, L? We? a déclaré que Facebook « ne pourrait pas » gagner l’accès au marché chinois dans un avenir proche. De plus, ce dernier a renchéri par une attaque subtile et indirecte lors du « World Economic Forum » à Tianjin : « Si vous essayez d’effriter les intérêts de la Chine […] nous ne vous autoriserons pas à exister ! ». Plus récemment, ce même ministre de la censure, responsable de la supervision de l’internet en Chine, a affirmé « Je n’ai pas dit que Facebook ne pourrait pas entrer en Chine mais je n’ai pas dit qu’il pourrait ». Des paroles ambiguës, peu encourageantes mais qui ont pour mérite de ne pas fermer la porte à l’entrée de Facebook en Chine. Toutefois, quelques facteurs encourageants comme la fantastique réussite de Linkedin au sein de l’Empire du Milieu, acceptant ouvertement la censure et le filtrage sur son réseau, laissent Facebook rêveur.
Néanmoins, même si un jour ses courbettes bien que chronophages permettaient à Facebook de décrocher le fameux sésame lui permettant de s’attaquer au marché chinois, le site de Mark Zuckerberg pourrait-il véritablement rivaliser face à un rival de la taille de WeChat, si bien installé dans le paysage et fort de ses 400 millions d’utilisateurs en Chine ? De plus, en cas d’introduction du réseau social Facebook, le pouvoir chinois pourrait-il malgré des restrictions fortes vraiment contrôler un univers si permissif et si vaste ? Des interrogations persistent quant à l’avenir de Facebook en Chine, bien malin sera celui qui pourra prédire l’avenir de ce duo.
Finalement, un phénomène récent pourrait bien venir bousculer l’ordre établi. Malgré le blocage du réseau social, celui-ci reste tout de même accessible via des réseaux privés virtuels en Chine. L’attrait d’un nombre croissant de jeunes chinois sympathisants à Facebook permet au réseau d’infiltrer ce marché petit à petit… jouant sur l’effet boule de neige propre aux réseaux sociaux, on en vient à se demander si le gouvernement de Xí Jìnpíng serait en mesure d’endiguer une telle tendance.
Jordane Decas
Le Bon, la Brute et l’Iran

Le Bon, la Brute et l’Iran

Vers un accord Téhéran-Washington ?

 

« La question des relations Iran/Etats-Unis est devenue particulièrement complexe et une décision à ce sujet très délicate à prendre pour chacune des parties. Mais il faut être réaliste : un jour ou l’autre, ces relations devront être rétablies. Notre habilité, je dirais notre art, sera de choisir le meilleur moment » Hassan Rohani, 2004.

 

     A la suite des attentats du 11 septembre 2001, Georges Bush avait qualifié la guerre contre le terrorisme de « croisade », ce qui ressemble vaguement à la formulation d’une guerre de la Croix contre le Croissant,  à l’idée d’une guerre de civilisation judéo-chrétienne contre l’islam. Cette guerre contre le terrorisme a pris la forme d’une « guerre sainte ». Dès 2002, les américains se voyaient distribuer des autocollants proclamant « Dieu bénisse l’Amérique », il était évident que Dieu était du côté des Américains dans leur politique étrangère, ils devenaient l’ « Empire du bien » combattant l’ « Axe du mal » d’après leurs propres éléments de langage. Autre fait à prendre en considération, la dernière décennie fut marquée par la fin d’un monde unipolaire et l’émergence de puissances capables de contrer l’impérialisme américain, dont les figures de proue sont la Russie qui n’a de cesse d’être présentée comme la résurrection sanguinaire et péremptoire d’une Union soviétique défunte et l’Iran dont le qualificatif d’ « État voyou » semble faire oublier efficacement la quintessence d’une civilisation perse millénaire.

 

     L’idée d’un rapprochement entre un membre de l’ « Axe du mal » et le « Grand Satan » semble chimérique. En effet, la révolution Iranienne de 1979 semble avoir signé l’arrêt de mort des relations internationales de l’Iran avec le monde occidental en tant qu’elle s’est fait le chantre d’une idéologie politico-religieuse anti-occidentale qui se veut communicative et tournée vers l’ensemble du monde chiite, notamment ses composantes les plus violentes (Hezbollah libanais, Front islamique de libération de Bahreïn). Cette déclaration de guerre à l’idéologie occidentale et à l’impérialisme américain a engendré l’isolement de l’Iran sur la scène internationale. Les conséquences de cet isolement sont tangibles sur l’économie iranienne et les conditions de vie d’une population asphyxiée par les sanctions et embargos que subit l’Iran. Les dirigeants iraniens ont bien intégré qu’il leur fallait redorer le blason de la république islamique pour sortir de cette impasse, d’autant plus que son potentiel énergétique et démographique est certain. La volonté iranienne de ne pas perdre la face devant l’opposant idéologique est également un facteur important dans la présente démarche, que l’on retrouve dans la rareté des concessions iraniennes sur le dossier nucléaire.
    L’histoire des relations entre les États-Unis et l’Iran a montré la versatilité de celles-ci. Il fut un temps où l’Iran était considéré par les américains comme un garant de la stabilité au Moyen-Orient et un formidable garde-fou contre l’Union Soviétique, c’était le temps du Shah. Durant cette période antérieure à la Révolution, l’Iran a bénéficié d’un soutien américain en termes militaire et technologique très soutenu dans le cadre de la stratégie TWINS PILLARS. Fait incroyable mais véridique, les recherches nucléaires de l’Iran qui devaient lui coûter sa réputation quelques années plus tard, ont commencé en 1953 via la livraison par les Etats-Unis d’un réacteur nucléaire.
    L’élection d’Hassan Rohani le 14 juin 2013 semble corroborer l’hypothèse d’une volonté de normalisation des relations de l’Iran au sein de la communauté internationale et particulièrement avec les Etats-Unis. Le scheik diplomate est un interlocuteur fréquentable aux yeux des occidentaux, il avait su nouer une relation de confiance avec les chancelleries occidentales alors qu’il était négociateur en chef du dossier nucléaire iranien entre 2O03 et 2005, faisant même des concessions sur lesquelles il avait été contraint de revenir, blâmé qu’il avait été par les durs du régime fidèles au Guide. C’est aussi la marge de manœuvre de Rohani qu’il faut considérer. S’il est vrai que le Guide Ali Khamenei est une figure emblématique dont le pouvoir est effectif, il n’est pas le seul décisionnaire, notamment dans les décisions liées à la politique étrangère, la constitution de la république islamique est plus complexe, il doit composer avec plusieurs organes et fait office d’arbitre, même s’il a pour lui un parlement largement acquis à la cause des conservateurs. Rohani peut donc réellement infléchir la dynamique de rejet de l’occident que veulent insuffler les gardiens de la Révolution.
    De fait, les États-Unis ont échoué à détruire le conservatisme iranien, ils ont commis de lourdes erreurs géostratégiques. Ils ont fait tomber deux régimes antagonistes à l’Iran, à savoir les Talibans afghans et le régime de Saddam Hussein, qui fournissaient tous deux une résistance à l’hégémonie Iranienne dans la région. Les américains auraient voulu compter sur les chiites irakiens (humiliés sous Hussein) pour créer un état démocratique vertueux en Irak et propager cette dynamique chez les chiites Iraniens pour faire tomber le régime autoritaire de la République islamique. Une stratégie vaine qui a donné les résultats inverses à ceux attendus dans la mesure où le nationalisme iranien s’est nourri de ces tentatives de destruction pour se renforcer.
    Or, si l’Iran parvenait au seuil nucléaire, l’arc chiite serait considérablement renforcé et ses intérêts protégés par la dissuasion nucléaire. De plus, une vision binaire réductrice mais intéressante suggère que les alliés de la Russie (premier contre-pouvoir face aux américains) se trouvent notamment à Téhéran. Un deal des Etats-Unis avec l’Iran serait un énorme coup porté aux velléités géopolitiques de la Russie. Aussi, la mise sur le marché du gaz et du pétrole iranien permettrait une baisse des prix des matières premières qui viendrait sanctionner l’Arabie Saoudite, dont la question de la responsabilité dans les attentats du 11 septembre est pour le moins soulevée par les Etats-Unis.
    Les américains ont un désir de respectabilité fort au sein de la communauté internationale et la place centrale de l’Iran dans le Moyen-Orient en général et le monde chiite en particulier intéresse grandement les Etats-Unis. N’oublions pas que la relation fusionnelle au satellite Israël s’est fragilisée, ce satellite intrinsèquement anti-iranien qui n’a eu de cesse de bloquer toute possibilité de dialogue entre les américains et les iraniens. Qui plus est, l’administration Obama est moins soumise à l’influence du lobby pro-israélien que les républicains. Il s’agit aussi de dire que l’administration Obama n’a jamais pensé être moins présente que dans le passé au Moyen-Orient, il a été simplement décidé d’œuvrer dans une plus grande discrétion (utilisation des technologies de pointes comme le drone) et en apportant une plus grande attention à la communication avec les régimes orientaux, fussent-ils dictatoriaux. La priorité de la politique étrangère américaine depuis l’élection d’Obama est de pallier à ce déficit d’image auprès des gouvernements et des populations orientales. L’instauration d’un dialogue avec les salafistes et les Iraniens va dans ce sens, il en est de même pour la prise de distance face aux agissements israéliens qui sont révélateurs d’un sentiment de faiblesse, peut être lié au sentiment de solitude que le gouvernement israélien ressent et l’évolution de ses relations avec des États qui lui sont historiquement hostiles est de ce fait intéressante. Le bombardement des positions de Daesh en Irak par l’Iran est de nature à montrer qu’un deal est envisagé par les iraniens : L’Iran doit aller au deal avec à ses côtés un Irak stable, puisque ce dernier est satellisé par la République islamique et que les ressources conjointent de l’Iran et de l’Irak pèsent lourd dans la négociation.
Ces différents facteurs permettent de penser qu’une réhabilitation de l’Iran au sein de la communauté internationale est possible, souhaitable pour les américains et vitale pour l’Iran dont l’économie serait revigorée
    Dans un contexte de négociations à 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), il y a fort à parier que personne ne veuille d’un accord. La Russie s’y opposera parce qu’elle y perdrait un allié régional majeur, les européens sont très virulents à l’égard de Téhéran (particulièrement la France) et il est très probable qu’un accord s’il est trouvé, verra le jour sous une forme bilatérale, entre les Etats-Unis et l’Iran, un accord qui heurterait principalement la Russie et Israël. En définitive, le « Bon » aurait la peau de la « Brute » en pactisant avec le « Truand » et   ils  empocheraient tous deux les bénéfices de cet accord inattendu.
 Think Tank Averroès

 

Les printemps arabes, un révélateur de la dissymétrie Occident-Orient.

 

Le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid (Tunisie), Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant, s’immole par le feu. C’est l’élément déclencheur de l’ensemble des phénomènes de révoltes dans la région que l’on nomme non par hasard « Moyen-Orient ». L’angle d’attaque sensationnel voire fantasmagorique des médias occidentaux face à ces évènements est potentiellement le catalyseur de nos idées reçues et préjugés sur cette région. De ce fait, Il parait légitime et opportun de se demander ce que disent ces évènements de la nature de la relation entre l’Occident et l’Orient.

Il convient de rappeler que le terme globalisant Moyen-Orient est utilisé par les occidentaux pour désigner un théâtre d’opérations stratégiques dans une zone géographique dont la délimitation par des critères ethniques, religieux et politiques est malaisée. Cette vision stratégique est entérinée par les accords Sykes-Picot en 1916 : la France et la Grande-Bretagne qui constituent les deux plus grandes puissances coloniales de ce temps se partagent les terres du feu empire Ottoman. Les frontières naissant de cet accord ne correspondront à aucunes réalités cohérentes en termes sociaux, ethniques, politiques. Ce découpage arbitraire ne sera pas le meilleur vecteur du bien-être des populations le subissant mais en termes de défense des intérêts stratégiques occidentaux, il est indubitablement efficient. L’efficacité de la soumission d’un régime politique étant inversement proportionnelle au nombre d’individus ayant effectivement le pouvoir, la promotion factice de la démocratie par la voie médiatique pouvait bien remplacer la défense de l’intérêt des peuples par un biais diplomatique dans les instances compétentes en la matière. C’est en cela que l’Occident propose un double discours : les régimes autoritaires n’ont pas reçu d’admonestation occidentale concernant leurs dérives liberticides en politique intérieure dans la mesure où ils ont permis la défense des intérêts géostratégiques qui ont poussé les occidentaux à pactiser avec eux. C’est indéniable pour l’Arabie Saoudite (via le pacte de Quincy), pour la Libye et la Tunisie, parce qu’ils servaient de rempart contre le terrorisme au sud de la méditerranée et ont été renforcés post 11 septembre, enfin pour l’Egypte en tant qu’elle était un rempart historique contre l’URSS puis garante de la sécurité du canal de Suez.

La projection de fantasmes liés à cet « ailleurs en mouvement » a gâté l’analyse scientifique des évènements. Il est aisé de constater que le facteur économique, essentiel vecteur de ces révoltes, a été oblitéré par l’immense majorité des médias européens. Et pour cause, il lui a été substitué un vecteur que l’ethnocentrisme nous enjoint à prêter aux révoltés : un désir soudain et inespéré de démocratie, un combat pour le pluralisme politique, le droit des femmes et des minorités. L’Histoire apprend à ceux qui daignent s’y intéresser que les révolutions s’inscrivent d’abord dans un contexte de crise économique et non idéologique. La situation économique d’un grand nombre de pays qui composent la région est désastreux au moment où éclatent les premières manifestations, notamment le chômage des jeunes, c’est ce qui justifie en premier lieu le profil sociologique des « meneurs » des révoltes. Les résultats des élections démocratiques qui porteront les islamistes au pouvoir en Tunisie (Ennahda) et en Egypte (Les frères musulmans) L’idéologie vient ensuite en ce que le  phénomène d’acculturation touche aussi ces jeunes, plus sensibles aux marqueurs sociaux que représente une paire de chaussures floquées d’une virgule qu’aux marqueurs religieux qui les séparent du monde occidental. En somme, les populations occidentales ont voulu croire que leur système de valeurs avait été enfin adoubé par des populations ayant désormais bien du retard sur le fameux printemps des peuples européen de 1848, dont les idées progressistes furent d’ailleurs anéanties dans l’année même de leur émergence.

La caractérisation même des évènements révèle un ethnocentrisme irréfutable. Le terme de « révolution » a été employé très tôt au détriment de « révolte ». Or, une révolution suppose une transformation profonde des institutions, de la société voire des valeurs fondamentales d’une civilisation, ce processus n’étant objectivement pas de mise. La révolte, quant à elle, implique un mouvement collectif de rébellion contre une autorité établie, un gouvernement, un ordre social, des institutions, ce qui est on ne peut plus proche de la réalité.  L’essentialisation si hâtive de ces évènements démontre un besoin profond de l’Occident de projeter un modèle, un système de valeurs sur cette partie du monde, sans tenir compte de la réalité objective de « l’autre » qui doit devenir le miroir réconfortant d’une morale inquisitrice.

Il est en fait question de l’impérialisme européen relatif à la représentation du monde : la projection de Mercator datant de 1569 propose une carte du monde qui ne respecte pas les dimensions des territoires (l’Afrique qui représente un quart des terres immergées du globe s’y trouve moins étendue que les Etats-Unis, la taille de l’Amérique du Sud et du Moyen-Orient étant aussi minorées au profit des grandes puissances de l’Hémisphère Nord). Cette représentation de l’espace est le premier substrat des conquêtes coloniales et des rapports de force engagés avec des territoires minorés. La projection de Peters, plus récente et respectant la dimension des territoires, promue par Willy Brandt dans le cadre de l’ouverture géopolitique de l’Allemagne à l’Afrique en 1973, n’est pas celle qui prévaut à la maison blanche, au palais de l’Elysée et au siège de l’ONU mais aussi dans les écoles. Doit-on pour autant estimer que le rapport de l’Occident à l’Orient est essentiellement guidé par une vision stratégique ? Yves Lacoste ne disait pas autre chose en affirmant « La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre ».

Projection de Mercator
Projection de Peters