par thinktank | 24 septembre 2016 | Géopolitique, TBS Press, Think Tank Averroes
François Hollande, homme de paix ou homme de main ?
François Hollande vient de recevoir un prix de la part de la Fondation Appeal of Conscience pour son « leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et à la sécurité mondiale
*« .
Nombre de nos lecteurs ont été surpris, médusés, amusés par ce titre d’homme d’Etat de l’année. De prime abord, comment leur donner tort ? Le bilan du Président de la République – au delà de sa politique intérieure – paraît bien peu contribuer à ce que cette fondation appelle la «
paix » ou encore la «
stabilité et la sécurité mondiale«
*.
A l’heure où il est établi que ce dernier quinquennat a aggravé – c’est un exploit – les erreurs déjà commises lors de l’exercice précédent, les citoyens français désapprouvent largement la politique étrangère française hollandaise
*.
Comment expliquer alors cet abîme entre le ressentiment* des français à l’endroit des décisions* de politique étrangère* du Président Hollande et la remise de cette récompense, louant cette politique ?
Deux outils vont nous permettre de replacer cette récompense dans une cohérence et une logique implacable. D’une part, nous allons nous intéresser à la sémantique pour déterminer les signifiés des mots qui ici semblent contradictoires avec les actes géopolitiques de l’élu. D’autre part, en pratiquant une herméneutique élémentaire des textes fondateurs de l’OTAN, expression de la vision géopolitique des puissants aux Etats-Unis. Nous allons découvrir qu’il y a une congruence -concept Kepelien subtil- totale entre Appeal of Conscience et les apôtres de l’Alliance de l’Atlantique Nord.
Il serait une erreur de considérer que cette récompense est une erreur d’appréciation ou un geste hasardeux de la part de cette Fondation. Elle est parfaitement légitime à donner des brevets de « paix » à la sauce OTAN, de par sa structure et ses orientations.
Si nous pouvons exclure l’idée, objectivement, que François Hollande défende la paix et la sécurité internationale, il reste maintenant à déterminer à quelle paix et à quelle sécurité pensent ceux qui ont gratifié notre Président.
Il faut tenir compte du fait que François Hollande a pleinement rempli sa mission de chef de guerre vassalisé par :
– Sa capacité à
effacer la tradition diplomatique et de politique étrangère de la France, qui empêcherait par définition la participation de la France à la démolition d’Etats souverains non alignés
*.
– Sa capacité à se donner en
serviteur volontaire aux intérêts et ambitions hégémoniques éloignés des intérêts français
*.
– Sa capacité à se comporter vis à vis des autres Nations en
fonction de l’agenda de Washington*.
Sous ce prisme, cette
récompense prend tout son sens. Nous allons tout de même en venir au fond des sujets susvisés.
Qu’est ce que la Fondation Appeal of Conscience ?
Cette fondation a été créée par le rabbin Arthur Schneier en 1965. Survivant de la Shoah, il a reçu la « Presidential Citizens Medal » des mains de Bill Clinton pour « service rendu comme représentant international » ainsi que pour sa lutte « contre la haine et l’intolérance ». Il préside la commission américaine pour la conservation de l’Héritage de l’Amérique à l’ONU
*.
Nous avons malgré tout décidé de décortiquer la structure et les actions de cette Fondation, nous y avons trouver des éléments susceptible de déterminer sa nature et ses buts poursuivis.
En ce qui concerne la « paix »:Il nous paraît peu défendable de présenter cette fondation comme oeuvrant pour la paix dans le monde. Il serait plus exact de la présenter comme une organisation défendant une certaine conception de la paix – non universelle – dans une région du monde très limitée et bien définie. En effet, la Fondation est présente dans une trentaine de pays, mais
aucun pays du monde « arabo-musulman » n’y figure
* mis à part le Maroc et la Turquie. Le premier a été nommé en 2004 par George W.Bush « Allié majeur Hors-OTAN » et la seconde est membre à part entière de l’OTAN.
Si le dialogue inter religieux et la paix sont les maîtres mots de la Fondation, comment se fait-il qu’il y ait une telle
homogénéité dans son champ d’action. En somme, il n’y a aucun Etat défendant une autre idée de la paix. C’est à dire aucun Etat opposé à la publicité de la démocratie de marché, à l’idéologie du progrès, au capitalisme financier sauvage.
De plus la quasi totalité des Etats (90%)
* dans lesquels la Fondation est active ont des
relations privilégiées avec le gouvernement des Etats-Unis et entretiennent des relations souvent très étroites avec l’OTAN.
Les opposants au mondialisme et à son catéchisme capitaliste n’ont donc pas droit de cité sur cette carte du monde tronquée de ses « pustules ». Ils ne participent pas du monde « libre » qui doit demeurer en « paix ».
Il est également très intéressant de constater que la Fondation est active dans les zones stratégiques qui intéressent particulièrement les stratèges américains. Dans les Balkans, dans toutes les anciens territoires de l’Union Soviétique
*, en Amérique Centrale. En somme, un fabuleux relais d’influence pour le monde libre dans celui qui est aux frontières et qui doit encore « progresser ».
Afin de démontrer cette
proximité -douteuse- entre la Fondation et les intérêts géopolitiques de l’oligarchie américaine (est-il permis de la mentionner au même titre que son alter ego russe?) nous avons étudié les parcours et les fonctions des membres ou proches de la Fondation :
A notre connaissance, ces individus ne sont pas réputés ni pour être des chantres de la révolution bolivarienne, ni pour leur défense acharnée des espèces en voie de disparation dans le désert togolais.
–
John Negroponte :Diplomate américain, néoconservateur, chantre de l’invasion de l’Irak, nommé par G.W.Bush ambassadeur en Irak après la chute de Hussein, Directeur du Renseignement national en 2005, Secrétaire d’Etat adjoint en 2007. Mis en cause pour des activités criminelles pendant son mandat d’ambassadeur au Honduras antérieurement
*.
–Peter G Peterson :Ancien PDG de Lehman Brothers, ancien directeur du Council of Foreign Relations, Think tank néoconservateur très puissant et proche du Département d’Etat. Milliardaire le plus influent de la politique américaine.
–Henry Kissinger :Responsable de la politique étrangère américaine pendant la guerre du Vietnam. Mis en cause pour crimes de guerre, participant à l’opération meurtrière Condor. Intervenant à la commission trilatérale et au Groupe Bilderberg.
–Rupert Murdoch :Milliardaire influent. Invité d’honneur pour le dernier anniversaire de la Fondation, propriétaire des médias néoconservateurs aux Etats-Unis, a fondé un journal avec le fondateur du PNAC (projet militaire hégémonique américain pour le 21ème).
–Rozanne L.Ridgway :Ancienne sous-secrétaire d’Etat aux affaires européennes, membre du Council of Foreign Relations, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
–Jacob Frenkel :Ancien gouverneur de la Banque d’Israël, membre de la commission trilatérale et du Peter G Peterson Institute for International Economics.
–Mario Monti :Ancien commissaire européen, membre de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
-Stanley Fischer :Gouverneur de la Banque d’Israël
–Laurence Summers et Paul O’neill :Anciens secrétaires du Trésor des Etats Unis. Membres du Groupe Bilderberg.
–David Rockfeller :Fondateur de la commission trilatérale et du Groupe Bilderberg.
–Jean-Claude Trichet :Ancien Président de la BCE
Force est de constater que ces personnes ont un parcours et des fonctions très homogènes appartenant tous aux mêmes cercles d’influences qui regroupent les puissances économiques, financières et politiques de première importance sur la scène internationale.
Quel bilan en politique étrangère pour mériter ce prix ?
La négation de la tradition d’équilibre et d’indépendance de la politique étrangère de la France est manifeste
Richelieu théorisa brillamment la Raison d’Etat, l’Etat-nation et la souveraineté de celui-ci, entre 1624 et 1642. Talleyrand fut certainement le plus grand diplomate de l’Histoire de France, acteur magnifique du Congrès de Vienne, il consacra sa vie à maintenir la France au centre de l’échiquier politique européen, traversant les époques et les régimes. Ces hommes sont de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire diplomatique de la France. Ils ont fondé l’identité géniale de sa politique étrangère, ce pour quoi elle est respectée à travers l’histoire par toutes les Nations: Son indépendance, sa finesse, toutes les nuances que sa langue permet de rendre. Attachée aux droits fondamentaux des peuples et des Nations, elle disposera jusqu’à récemment d’une place et d’une voix singulière au sein du concert des Nations.
Charles de Gaulle fut le dernier grand représentant de cette tradition. Il avait compris la dialectique du plan Marshall et son aboutissement : le règne du modèle économique et culturel américain en Europe. Il avait anticipé que l’Union Européenne et l’OTAN seraient les formes modernes de la soumission de la France aux intérêts des Etats-Unis américains. Sa compréhension des forces profondes de l’Histoire lui avait déjà intimé l’idée que la France était menacée par les oubliettes de l’Histoire contemporaine.
Qu’ont compris Nicolas Sarkozy et François Hollande de leur époque?
Qu’ont à voir les choix de politique étrangère avec l’identité et les intérêts de politique étrangère de la France ?
La soumission de la France est intégrale, sur tous les dossiers : la Syrie, l’Arabie Saoudite et le Qatar,la Russie,Israël,l’Iran.Où est passée la politique arabe de la France, son équilibre et sa capacité à incarner une singularité dans les relations internationales ?
Cette tradition s’est effacée au profit d’une organisation dont la distribution du chaos et l’entretien de la terreur sont les deux moyens d’action. L’OTAN.
Cette négation s’est faite au profit de l’OTAN
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy vint assassiner une partie de l’Histoire de France, au profit de la bannière étoilée. Le président Sarkozy avait acté le retour -marqueur de son atlantisme forcené – de la
France dans le commandement intégré de l’OTAN, le 4 avril 2009
*.
François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste avait signé une motion de censure, qui visait à « éclairer les français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le PR et son gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays »
*
Or, le 4 janvier 2016, en tant que Président de la République, il apportait son soutien à un projet de loi visant à « autoriser l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Que faut-il comprendre ?
La France souhaite accueillir des forces armées étrangères sur son territoire en permanence.*
Si l’on devait mesurer précisément, pendant le quinquennat Hollande, l’alignement stratégique de la France sur Washington et son acolyte israélien, nous dirions qu’il est de 8 sur l’échelle d’un philosophe, cinéaste, journaliste, acteur, va-t-en guerre de nationalité française, par ailleurs certainement abonné à Phosphore.
Contrairement aux idées reçues,
il est fortement contestable de qualifier l’OTAN d’organisme défensif. Il est vrai qu’en vertu de l’article 5 de la Charte de l’OTAN, il est établi qu’il existe une sécurité collective, qui présente d’ailleurs de nombreux risques. Mais, avant tout, l’OTAN est la machine de guerre américaine qui sert des ambitions hégémoniques incontestables, en violant systématiquement le Droit International et la souveraineté des Nations
*, en s’érigeant comme « Gendarme du monde » au mépris des décisions rendues par les Nations-Unies. Les guerres de conquête dans lesquelles la France est entraînée sont sont contraires à tous les engagements juridiques et philosophiques de la France, et contraire enfin à ses intérêts stratégiques
*.
Hollande, un très bon élève atlantiste qui méritait une récompense pour bons et loyaux services
L’atlantisme de François Hollande et son soutien au gouvernement israélien ne date pas du dernier Chabbat. Frédéric Encel, spécialiste des relations internationales plutôt acquis à la cause du gouvernement israélien, le rappelait en ces termes : « Du temps où il était premier secrétaire du Parti Socialiste, Hollande a toujours été le chef social-démocrate le plus favorable à Israël. » et « Il existe chez le Président Hollande et les poids lourds du gouvernement une tendance qui a toujours considéré la sécurité d’Israël comme prioritaire »
*
Néanmoins, le degré de cette orientation est une première historique. Il est évident que la France a rompu avec toute exigence vis à vis de l’Etat hébreu sur les questions de colonisation, de réponse militaire.
Sur la
question de la relation avec la Russie, la position extrêmement rigide du gouvernement français a surpassé les attentes de Washington en la matière. Sur la question iranienne, l’attitude de Laurent Fabius fut exemplaire aux yeux de Tel-Aviv
*. Paris a eu également le grand « mérite » de soigner ses relations avec les pétromonarchies du Golf, alliées historiques des Etats-Unis, au détriment d’un dialogue avec les Etats et les peuples ayant une histoire en commun avec la France: Syrie, Liban, territoires palestiniens.
Aussi, François Hollande s’est lancé à corps perdu dans la bataille en Syrie. Il était même sur le point d’attaquer le gouvernement syrien par des bombardements au profit des groupes terroristes qui constituent l’immense majorité de ce que l’on appelle l’ « opposition ».
Aux naïfs qui prétendraient qu’une adhésion à l’OTAN n’est pas en contradiction avec une politique étrangère indépendante et équilibrée nous présenterons l
‘article 8 du traité de l’OTAN* :
« Chacune des parties assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le traité«
Comparons maintenant la déclaration de Varsovie du 9 juillet 2016
* et les déclarations de la Fondation. La première émane de l’OTAN, traite de la sûreté transatlantique :
« Nous sommes solidaires, et nous agissons ensemble, pour assurer la défense de notre territoire et de nos populations, ainsi que de nos valeurs communes. Unies par notre lien transatlantique immuable, et par notre attachement à la
démocratie, aux
libertés individuelles, aux droits de l’homme et à l’état de droit, l’OTAN continuera d’œuvrer en faveur de la
paix, de la
sécurité et de la stabilité des territoires de l’Alliance »
*.
Voici un extrait du préambule de la Charte fondatrice de l’OTAN : « Déterminés à sauvegarder la liberté de leur peuple, leur héritage en commun et leur civilisation fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles, (…), Soucieux de favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective et la préservation de la paix et de la stabilité«
Vous souvenez-vous de la formule de la Fondation pour récompenser François Hollande ?
« Pour son leadership dans la sauvegarde de la démocratie et de la liberté dans un moment d’attaques terroristes et pour sa contribution à la stabilité et la sécurité mondiale«
N’y a t-il pas une grande proximité dans les éléments de langage?
En définitive, Hollande aura œuvrer pour la sauvegarde des valeurs atlantistes de « démocratie » et de « liberté » et à la sécurité et la stabilité des territoires de l’Alliance.En ce qui concerne les peuples et les nations qui ne composent pas ce territoire, les problématiques sont différentes.
Rappelez-vous que le 13 mai 2015, à la réunion d’Istanbul, les
dirigeants de l’OTAN chantaient
« We are the world », un humanisme révolutionnaire tout relatif
*.
Quant aux peuples et aux Nations qui ne se reconnaissent pas dans cette philosophie politique, pourquoi ne pas créer une Fondation Appeal of Conscience for the Rest of the World, qui récompenserait Hugo Chavez – à titre posthume – ou Vladimir Poutine pour sa contribution à la naissance d’un monde multipolaire ?
La remise du prix serait-elle retweetée comme pour François Hollande par l’ambassade des Etats-Unis en France
* ? Rien n’est moins sûr.
Bien souvent, ces organisations (ONG, Fondations) jouent le rôle d’
éclaireur en faveur de la machine de guerre américaine*. Souvenons-nous de l’invention du « devoir d’ingérence » puis du « droit d’ingérence » sur l’autel du Droit Humanitaire
*. Souvenons-nous également du rôle que jouent ces organisations dans la déstabilisation d’Etats souverains opposés au système mondialiste et capitaliste, qui, pour citer Jacques Chirac, ne « s’exporte pas dans un camion blindé ».
PS : Suite à une étude attentive des pays dans lesquelles la Fondation oeuvre, nous pensions trouver – compte tenu de son intérêt pour le dialogue inter religieux, la paix et les conflits ethniques – l’Etat d’Israël, berceau des religions monothéistes et foyer de tensions qui justifient régulièrement la mobilisation vaine des Nations-Unis. En vain. Nous avons tenté de joindre la Fondation pour comprendre cette absence, la Fondation n’a pas donné suite à nos demandes.
Think Tank Averroès
Point sémantique
Oligarchie : Système politique dans lequel le pouvoir appartient à un petit nombre d’individus ou de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée.
Mondialisme: Attitude qui consiste à considérer tous les peuples comme dépendants les uns des autres ou constituant une seule communauté humaine. Idéologie qui prône la disparition des Etats-nations comme cadre d’administration politique et de référence identitaire au profit d’un Etat mondial. Le choix de sa capitale fait l’objet de rudes débats.
par Mehdi BROCHET | 20 septembre 2016 | Géopolitique, Think Tank Averroes
Retour en force du bellicisme messianique étasunien ?
Temps de lecture : 13 min
Celle qui a voté en faveur de toutes les interventions américaines : bombardements de la Bosnie (1995), du Kosovo (1999), invasion de l’Afghanistan (2001), de l’Irak (2003) et de la Libye (2011), qui militait pour une intervention en Syrie et menaçait d’anéantir l’Iran*, serait le parangon de la paix dans le monde.
Compte tenu de l’afflux intarissable de poncifs relatifs aux élections étasuniennes, il convient de rappeler certains éléments factuels fondamentaux qui ne sauraient être mis en valeur dans le traitement médiatique actuel. Traitement médiatique qui offre une vision manichéenne des candidats en faveur de la candidate démocrate, en adossant systématiquement des éléments de langage de type « novlangue » aux déclarations du candidat républicain
(1). Cette présentation ne permet pas une approche sérieuse et profonde des enjeux internationaux inhérents à la présidentielle étasunienne.
Rappelons que les néoconservateurs sont les architectes du Choc des Civilisations
(2), que leur stratégie comprend un interventionnisme forcené, la volonté de combattre toute puissance en mesure de limiter la puissance hégémonique étasunienne, on se souviendra de leur rôle déterminant sous l’administration Bush, de la doctrine de la guerre préventive contre les « Etats voyous » et des conséquences désastreuses de la doctrine de l »Instabilité constructive » consistant à organiser le chaos au Moyen-Orient
(3).
La présentation manichéenne du profil des deux candidats est révélatrice d’un traitement médiatique très en faveur de la candidate Clinton et de la collusion entre le monde politique, économique et médiatique étasuniens.
Après un mandat où son influence a été revue à la baisse en raison des vues divergentes du président Obama en matière de relations internationales
(4), la sphère néoconservatrice est en passe de retrouver son pré-carré historique, la politique étrangère étasunienne. La condition de recouvrement de cette prédominance est l’élection d’Hillary Clinton, et nous verrons dans quelle mesure les mêmes bellicistes redoutent plus que tout une élection de Donald Trump.
Pour la première fois dans l’Histoire post-seconde guerre mondiale, un candidat démocrate propose une politique étrangère plus interventionniste que son concurrent républicain
(5).
Dans un contexte de fortes tensions dans les relations internationales, la grille de lecture des élections américaines doit intégrer en premier lieu les ambitions géopolitiques et le programme de politique étrangère dans lesquels s’inscrivent les candidats démocrates et républicains.
Deux facteurs sont décisifs dans la bonne compréhension des enjeux géopolitiques de l’élection étasunienne : nous assistons d’une part à l’émergence de puissances (Russie, Chine) qui sont en mesure de pérenniser un monde multipolaire et constatons d’autre part que la machine de guerre américaine et sa capacité à déployer des forces armées demeurent inégalées.
Cette élection décidera de la posture géopolitique et diplomatique étasunienne, elle pourrait être orientée vers le dialogue diplomatique et la continuation des processus multilatéraux qui sont à même de garantir la paix et la sécurité internationales, elle pourrait aussi être hégémonique et s’orienter vers le conflit ouvert avec des puissances – parfois nucléaires – dont les conséquences seraient absolument catastrophiques.
Anatomie des velléités d’Hillary Clinton en politique étrangère
Lors de la convention démocrate du 18 juillet qui octroiera à Hillary Clinton l’investiture pour l’élection présidentielle américaine, l’allocution du général John R.Allen
(6) – soutien d’Hillary Clinton et émissaire spécial du président américain pour la coalition contre l’Etat islamique – semble synthétiser la vision de la candidate Clinton en termes de politique étrangère :
« Nous avons foi dans sa vision d’une Amérique (…) luttant contre les forces de la haine, du chaos et des ténèbres »
« Nous résisterons et nous nous dresserons contre la tyrannie et nous vaincrons le mal »
« Nous renforcerons l’OTAN et protégerons nos Alliés en Asie du Sud Est »
« Pour ceux qui agissent contre la paix, contre la civilisation de l’ordre mondial, nous vous combattrons »
« A nos ennemis, je dis : Nous vous combattrons comme seule l’Amérique sait le faire, vous connaitrez la peur. Et à l’EI et aux autres, nous vous vaincrons ».
Michael Morell, ancien directeur de la CIA et soutien de Clinton a déclaré à la télévision qu’il était nécessaire de « se débarrasser » des Iraniens et des Russes engagés en Syrie au côté de Bachar-el-Assad.
(*)
Cette rhétorique d’obédience impérialiste convoque systématiquement le champ lexical martial. Cela correspond très exactement à l’idéologie néoconservatrice notamment mise en œuvre sous l’administration Bush. Cette vision est impropre au multilatéralisme et on notera les menaces à peine voilées aux puissances en mesure d’assurer un équilibre des forces dans un monde progressant vers la multipolarité (Russie, Chine, Iran).
Ce discours est totalement corroboré par les récentes prises de position d’Hillary Clinton en termes de politique étrangère. Le militarisme et l’interventionnisme sont indéniablement consubstantiels aux dernières déclarations de la candidate démocrate
(7) :
”We must maintain the best-trained, best equipped, and strongest military the world has ever known”
Ces propos ne sont pas minoritaires dans les éléments de langage d’Hillary Clinton, ils constituent concrètement la trame de sa conception de l’ « ordre mondial ».
Ils sont appuyés par de plus récentes déclarations
(8) :
« Les Etats-Unis sont le dernier et le meilleur espoir de la Terre »
« Nous sommes la nation indispensable du monde (…) nous sommes un pays exceptionnel (…) les peuples du monde nous regardent et nous suivent (…) l’Amérique doit montrer le chemin ».
« La Chine et la Russie n’ont rien »
S’opère ici un glissement sémantique et conceptuel décisif. En effet, à l’interventionnisme se joint le messianisme politique dans la mesure où les Etats-Unis sont présentés par Hillary Clinton comme « la cité sur la colline » dont la mission de police internationale découlerait d’une volonté divine.
Cette conception des relations internationales affichée par la candidate Clinton confine au fondamentalisme. Il y a prétention à faire dériver les principes politiques de principes religieux qui mèneront à la négation des normes civiles et séculières. Les normes juridiques positivement ratifiées comme celles du Droit international, garant le plus sérieux de la sécurité collective et de la paix à l’échelle internationales, sont délégitimées sur l’autel d’une vision binaire du monde.
La célébration de l’ « American exceptionnalism »
(9) a des précédents historiques dans le discours des présidents américains les plus interventionnistes. La lecture biblique de la politique étrangère et de la défense du territoire national américain comme « une cité sur la colline » ne sont pas de nature à faire éclore des bases normatives communes et dignes de réguler les tensions internationales.
Le ralliement pragmatique des chantres de la guerre à Clinton ?
Il est un contresens grave que de présenter le ralliement – ou la discréditation de Trump – de nombreux cadres du parti républicain comme une preuve de modération. Ce ralliement n’est pas la résultante de propos « racistes » ou « outranciers » – dont nous ne nions pas qu’ils aient pu être formulés – mais bien d’un calcul très simple des néoconservateurs
(10).
Les néoconservateurs républicains ont abandonné le navire Trump pour défendre leur pré-carré – malmené par Obama – sur la politique étrangère. Plusieurs dizaines d’entre eux ont mis en cause Trump dans une lettre ouverte
(11) (publiée dans le New York Times le 8 août) signifiant qu’ils ne le soutiendraient pas en raison de son « incompétence et son ignorance » et qu’il puisse être « le président le plus dangereux de l’histoire américaine ». Ces républicains ont tous occupé des fonctions très élevées dans le domaine de la sécurité nationale notamment sous l’administration Bush.
Il est très frappant de constater que tous les griefs établis à l’encontre de Trump se rapportent à sa conception de la politique étrangère étasunienne :
“He has little understanding of America’s national interests, its complex diplomatic challenges,its indispensable alliances, and the democratic values on which US foreign policy must be based”.
“He persistently compliments our adversaries and threatens our allies and friends”
Pour vous en convaincre, voici une liste non exhaustive de ces adorables républicains « modérés » qui se sont ostensiblement opposés à Donald Trump :
Paul Wolfowitz, architecte de l’intervention américaine en Irak.
Robert Kagan, fondateur du PNAC, plaidant pour un monde unipolaire basé sur l’extension sans limite de la puissance militaire américaine et pour l’élimination des régimes « ennemis » ;
Richard Lee Armitage, Assistant du secrétaire d’Etat sous l’administration Bush ;
John Negroponte, ancien conseiller à la sécurité nationale de George W. Bush ;
Eric Edelman, ancien conseiller à la sécurité nationale du vice-président Dick Cheney ;
Michael Chertoff, ancien secrétaire à la sécurité nationale sous l’administration Bush ;
Michael Hayden, ancien directeur de la CIA sous George W. Bush.
À notre connaissance, un certain nombre de ces individus ne se sont distingués ces dernières années ni par une philanthropie à toute épreuve, ni leur pratique du bouddhisme et de l’antimilitarisme forcené.
L’isolationnisme de Trump, alternative cauchemardesque aux yeux des apôtres de la guerre
Bien qu’il soit délicat de décrire très précisément quelle serait la politique étrangère du candidat républicain, il existe dans son discours des invariables qui permettent d’affirmer que Donald Trump s’inscrit dans une tradition de politique étrangère dite « isolationniste »
(12) qui consiste à s’opposer fermement au chimérique « droit d’ingérence » et à renoncer à un rôle de leader hégémonique du monde. Cette vision est corroborée par la formule « America First »
(13) du candidat républicain. Donald Trump entend donc revoir largement à la baisse les ambitions hégémoniques étasuniennes et se concentrer sur le territoire national américain.Cette doctrine condamnerait les velléités belliqueuses de toutes les structures de la machine de guerre américaine, il lui deviendrait impossible d’imposer un modèle de société par la force et la supériorité militaire, voilà une révolution géopolitique en puissance.
Aussi, le candidat républicain a remis en question l’existence et la légitimité de l’OTAN
(14), à tout le moins il envisage une réduction de la contribution étasunienne à l’OTAN et une réduction drastique de la présence militaire en Asie. Cette remise en cause de l’outil militaire de la domination américaine dans le monde est hautement inquiétante pour les néoconservateurs interventionnistes
(15).
De plus, les déclarations plutôt élogieuses du candidat républicain à l’égard du président russe Vladimir Poutine
(16) ont été reçues plus que froidement par les partisans du monde unilatéral que sont les soutiens militaristes d’Hillary Clinton
(17). Ces derniers sont visiblement effrayés par la perspective d’un monde multipolaire, plus sûr garant du respect des principes du droit international et par extension de la paix et de la sécurité internationales.
Nous vous laissons maintenant juger de la « paix » promue par la candidate Clinton, qui s’inscrit dans une conception des relations internationales que ne renierait pas George W. Bush. Impropre à accompagner l’émergence d’un monde multipolaire et à créer un équilibre des forces annihilant tout projet hégémonique, d’où qu’il vienne, la vision géopolitique Clintonienne confine au Choc des Civilisations, concept imaginé par les prophètes du néoconservatisme étasunien et qu’elle a déjà largement orchestré de par son mandat au Département d’État.
Face à ce projet belliqueux, force est de constater que la vision géopolitique de Trump – il n’est pas question ici de politique intérieure – est très clairement empreinte de modération, de la volonté de dialogue avec les autres grandes puissances de ce monde. Il s’agit là d’un programme susceptible, et ce n’est pas rien, de nous épargner un conflit majeur, qui mobiliserait des forces nucléaires.
Mehdi Brochet du Think Tank Averroès
par Mehdi BROCHET | 18 septembre 2016 | Géopolitique, TBS Press, Think Tank Averroes

Acteur géopolitique toujours plus influent au proche et Moyen-Orient, forte de sa stratégie d’expansion régionale (le projet de grande Turquie), apparaissant comme un allié géostratégique indispensable et dont le modèle politique pourrait s’imposer dans le monde Arabe, la Turquie semble pourtant avoir nombre de garanties à fournir, notamment au vu de la somme des éléments qui pourraient l’associer aux attentats de Paris et Bruxelles.
Afin de couper court à toute accusation -hâtive et stérile- de complotisme forcené ou autres délires, commençons par un bref mais nécessaire et salvateur rappel chronologique des faits. Peu après le début des printemps arabes (mars 2011), Juppé et Erdogan concluent un accord secret définissant les conditions de participation de la Turquie à l’intervention qui se trame sur le sol syrien, ainsi qu’a celle visant à destituer le Guide libyen, conditions que sont : la France s’engage d’une part à soutenir la candidature turque à l’Union européenne et d’autre part à « régler la question kurde » (ce qui revient de facto à soutenir une politique de purification ethnique) ainsi qu’a « préserver l’intégrité du territoire turc » (soit, du point de vue d’Erdogan, la débarrasser de ces éléments exogènes), donc à terme créer un Kurdistan au nord de la Syrie et en Irak (selon les plans dévoilés deux ans plus tard par Robin Wright dans le New York Times, document signé par Alain Juppé et son homologue turc Ahmet Davutoglu) et exclure le PKK de la Turquie.
Le 31 octobre 2014, se déroule à l’Elysée une rencontre tripartite entre Hollande, Erdogan et les kurdes de Syrie. A l’issue des négociations, Salih Muslim, président du YPG (branche armée du parti de l’union démocratique kurde syrien),trahissant par la même occasion Ocalan, le chef du PKK, accepte de devenir le président du Kurdistan syrien qui devait être crée après le renversement d’el-Assad.
Afin de mieux cerner les enjeux géostratégiques de cette alliance, nous nous efforcerons d’évoquer ici les éléments les plus troublants de la question syrienne.Intéressons nous ainsi à cette force armée décisive dans le conflit qui déchire la Syrie depuis 2011 qu’est l’armée syrienne libre. Fin 2011, elle est composé de 8000 à 15000 hommes -majoritairement des civils- selon les diverses estimations. Selon la version officielle, leurs armes seraient (du moins jusqu’à l’aide logistique étrangère reçue vraisemblablement depuis début 2012) achetées directement aux soldats de l’armée régulière, ou encore aux milices pro-régimes.
Fait étrange, Fahd Al-Masri (porte-parole de l’armée syrienne libre à Paris) déclare en juillet 2012 que l’ASL dispose seulement d’armes moyennes et légères, alors qu’au même moment les rebelles marchent sur Alep, avec un effectif -toujours d’après Al-Masri- de 100 000 hommes, face à une armée forte de 210 000 hommes et de 280 000 réservistes, possédant une division blindée de réserve à Alep, ainsi que trois brigades de missiles (équipées de missiles balistiques à courte portée Scud, SS-21 Scarab et Frog-7) dans la même localité!
Par ailleurs, force est de constater qu’on assiste à une véritable collusion d’intérêts entre Israël et la Turquie. Le ministre des affaires étrangères français, L.Fabius, déclarant alors que le « Front Al-Nostra fait du bon boulot en Syrie » (il se trouve, triste hasard, que le front Al-Nostra est la branche syrienne d’Al-Qaida). L.Fabius dont le soutien pour un autre état ayant lui aussi une stratégie d’expansion territoriale au proche-orient (soit le projet du Eretz Israël) est avéré, de sorte qu’on assiste en Syrie à une collusion des intérêts israéliens et turques (le Likoud bénéficiant de la chute de deux états souverains et influents au proche-orient contrecarrant son projet géopolitique, et la Turquie se voyant offrir une occasion de créer un territoire kurde), au détriment de la France, qui aurait mieux fait de renforcer ses liens privilégiés et historiques avec la Syrie…
Le problème étant que les occidentaux et les alliés stratégiques des rebelles syriens sont très surpris de la victoire kurde à Kobané le 26 janvier 2015, et que, face à la menace -sponsorisée- Daesh, les kurdes deviennent un allié militaire indispensable, les USA et la France ayant refusé à l’été 2014 le déploiement de leurs troupes sur le sol syrien,optant pour une aide logistique. D’autant plus que Bachar leur a accordé la nationalité syrienne au début du conflit, et les occidentaux tendent désormais à traiter avec le YPG (mais toujours pas avec le PKK).
Le 8 Février 2015, on assiste à un véritable retournement du jeu d’alliance français : François Hollande reçoit la co-présidente des kurdes de Syrie, elle fidèle au PKK turque, en l’absence de Salih Muslim, ce qui provoque l’ire d’Erdogan. Le 20 Juillet 2015, un attentat est perpétré à Suruc contre une manifestation pro-kurde. la Turquie déclare alors la guerre à Daesh et aux kurdes, actant ainsi la fin du cessez-le-feu datant de 2013, provoquant leur exode massif vers l’Europe.L’UE subventionne la poursuite de la guerre, et à titre d’aide humanitaire pour l’accueil des réfugiés, la Turquie reçoit trois milliards d’euros le 29 septembre 2015.
Néanmoins, l’intervention russe en Syrie fin septembre bouleverse la donne et l’équilibre des forces dans la région, d’autant plus que dans le même temps, S.Muslim lance une opération de kurdisation forcée du nord de la Syrie, provoquant ainsi de vives tensions avec la population syrienne. L’administration Erdogan -exaspérée de l’attentisme et des revirements français et furieux des conséquences de l’intervention russe- aurait donc pu aisément orchestrer ou encourager les séries d’attaques terroristes sur le continent européen (dont les attentats de Paris le 13 Novembre 2015) par le biais de ses services spéciaux, qu’on sait très liés voire maîtres des agissements de l’EI. La France, terrorisée et contrainte par la force, adopte la résolution 2249 le 20 novembre, avec l’appui du conseil de sécurité, afin de justifier la conquête du nord de la Syrie pour y créer le Kurdistan voulu par Erdogan.
Toutefois -nous rappelant étrangement la théorie du condominium et son application concrète lors de la crise de Suez en 56,- les USA et la Russie pressent de modifier la résolution, et la France et le RU ne pourront intervenir en Syrie sans y être invité par Bachar.
La résolution 2249
Afin de mieux saisir la nature cruciale de cette résolution, intéressons nous à son contenu objectif ainsi qu’a son historique. La résolution fut votée le vendredi 20 novembre 2015, et est restée sous embargo jusqu’au lundi 23. Elle résulte originellement d’un premier projet de résolution russe présenté le 30 septembre, proposant une coopération internationale afin de lutter au sol contre les forces armées de l’EI. Le projet fut refusé par le Royaume-Uni, refus appuyé par la France et les USA. La France propose alors un nouveau projet de résolution, et la Russie, dans un absolu de conciliation et de multilatéralisme, vote le projet (ce qui se révélera être une erreur lourde de conséquences).
Bien qu’elle ne se réfère pas directement au chapitre 7 de la charte de l’Onu, la résolution 2249 mentionne une menace mondiale à la paix et à la sécurité internationale-ce qui est très précisément le sujet du chapitre 7 de la charte de l’ONU- et incite à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour « éradiquer les sanctuaires de l’EIIL ». En dépit de la violation de la souveraineté de la Syrie, car les opérations militaires sous l’égide américaine menées depuis 15 mois en Syrie l’ont été sans l’accord de Bachar -elle est donc illégale-, et n’en déplaise aux ayatollah du choc des civilisations le droit d’ingérence n’est pas un recours légal du point de vue du droit international- elle n’opère aucune distinction entre l’intervention russe (à la demande de la Syrie) et l’intervention états-unienne.
Mais, plus grave encore, la résolution 2249 suspend la souveraineté de l’Irak et de la Syrie, puisqu’elle ne mentionne pas leur gouvernement respectif ni la nécessité de les associer à ce que l’on entreprendra sur leurs territoires nationaux ! L’état islamique en Irak et au Levant devient donc un acteur reconnu aux yeux de la communauté internationale, et cela de l’aveu de l’ONU elle-même !
Alors que la Russie voulait tout d’abord faire la guerre à la Turquie du fait de la recrudescence des tensions, (l’attentat contre le vol Metrojet 9268 dans le Sinaï, les accusations de Poutine au sommet du G20 à Antalya, les sanctions russes, la publication de photographies aériennes montrant le pétrole de Daesh transitant par la Turquie dans des camions-citernes..), elle va finalement soutenir le PKK contre le gouvernement turque. S.Lavrov (le ministre des affaires étrangères russe) négocie même avec les USA un éventuel renversement d’Erdogan, et le 14 Mars, Poutine annonce le retrait des bombardiers russes en Syrie. Toutefois, Russie et États-Unis commencent à livrer des armes au PKK, contrecarrant ainsi les plans turques.
De plus, la majorité des membres de l’UE sont exaspérés par la stérilité de la politique étrangère français, et la Belgique reçoit même des dignitaires du PKK. Durant le sommet UE-Turquie le 18 mars, Erdogan prononce un discours télévisé en mémoire des victimes de l’attentat à Ankara quelques jours plus tôt, ou il se montre ouvertement menaçant envers les états de l’UE qui ne s’alignerait pas sur la politique turque au proche-orient. Le 22 mars, Bruxelles connait à son tour des attentats faisant 34 morts et plus de 250 blessés… Malheureuse coïncidence…
Voici la retranscription de l’intervention télévisée d’Erdogan:
« Il n’y a aucune raison que la bombe qui a explosé à Ankara, n’explose pas à Bruxelles ou dans une autre ville européenne (…) Là, je lance un appel aux États qui leur ouvrent les bras qui, directement ou indirectement, soutiennent les organisations terroristes. Vous nourrissez un serpent dans votre lit. Et ce serpent que vous nourrissez peut à tout moment vous mordre. Peut-être que regarder des bombes qui explosent en Turquie sur vos écrans de télévision ne signifie rien pour vous ; mais quand les bombes commenceront à exploser dans vos villes, vous comprendrez certainement ce que nous ressentons. Mais alors, il sera trop tard »
Think Tank Averroès
par Admin TBS DSI | 29 mars 2016 | Géopolitique, Politique, TBS Press
Thoughts of the past
Instinctivement, on a beau penser que le Royaume-Uni a toujours fait partie de l’Europe, en pratique, les choses sont bien différentes. Remettons-nous dans le bain : le Royaume-Uni intègre la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973 après un référendum approuvé par 67% des britanniques. Déjà à cette époque, certains sont farouchement attachés à leur indépendance – on pense tout particulièrement à la branche la plus à gauche du Labour Party. Michael Foot, leader du parti à l’époque, soutient la sortie du RU dans le manifeste de 1983. Ils avaient d’ailleurs prévu une sortie immédiate de la CEE dès que le Labour Party reprendrait le pouvoir. « Même si la géographie et l’histoire ont inscrit l’Angleterre en Europe, la CEE n’a pas été conçue pour nous et notre intégration ».
Un peu plus de cinq ans après, ce ne sont plus les travaillistes qui remettent en question la place du RU dans la CEE mais les conservateurs. On pense tout de suite au « I want my money back » de Margaret Thatcher, le fameux coup de gueule poussé par la première ministre considérant à l’époque que la contribution britannique était largement supérieure à ce qu’elle recevait, notamment en ce qui concernait la PAC. Le fameux rabais britannique est accepté en 1984 équivalant aux deux tiers de l’excédent versé à l’Union par rapport à ce que le Royaume-Uni perçoit. Huit ans après, elle réaffirme de nouveau son opposition à une Europe fédérale en refusant la monnaie unique et obtient une clause d’exemption : le « opt-out ».
Les années 2000 ne marquent malheureusement pas l’apaisement des tensions et des désaccords entre l’Union Européenne et les britanniques : Tony Blair propose de soumettre à référendum la future constitution de l’UE en 2004 mais se ravise peu après, en 2008 le centriste Nick Clegg demande un référendum sur l’appartenance à l’UE, UKIP (UK Independance Party) – ou la branche populiste du Parti des conservateurs – demande eux aussi un référendum. David Cameron, actuel Premier ministre, pris dans les jeux de pouvoir de la politique britannique, teinte son discours d’un certain euroscepticisme et en va même jusqu’à proposer une date pour un référendum sur le maintien du RU dans l’UE : 2017.
Would a Brexit break Britain?
La situation actuelle
Après un Conseil européen consacré à cette question en février, David Cameron a annoncé que le référendum aura lieu le 23 juin 2016. Le 15 novembre 2015, le gouvernement britannique a présenté ces conditions :
1. Limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’UE
2. L’Euro n’est plus considéré comme la monnaie unique de l’UE
3. Une plus grande libre-circulation des capitaux et une règlementation européenne amoindrie
4. Volonté de revoir les traités concernant la supranationalité de l’UE
« Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l’intérieur d’une Union européenne réformée » David Cameron
Quel modus operandi après un éventuel Brexit ?
Il est possible d’après l’article 50 du traité de l’UE (TUE) qu’un Etat membre sorte de l’Union – il doit notifier son intention au Conseil Européen. Une fois la chose faite, les deux parties négocient les modalités de retrait, modalités qui se doivent d’être approuvées par le Parlement européen.
L’UE perdrait l’une de ses trois grandes puissances, une des plus importantes places financières au monde et le premier partenaire diplomatique des Etats-Unis. Néanmoins, les conséquences pourraient être bien plus lourdes pour le RU. En effet, l’Angleterre serait amenée à remettre en cause ses relations avec l’Ecosse, indépendantiste et europhile puisqu’un second référendum sur la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en cas de « Brexit ». De plus, cette éventualité affecterait également sa politique extérieure, pas seulement pour ce qui est des relations avec l’UE mais aussi celles avec tous les autres pays. Enfin, d’un point de vue purement économique, le « Brexit » coûterait 100 milliards de livres à l’économie britannique ainsi que détruirait près d’un million d’emploi selon une étude réalisée par PwC et commandée par la CBI, principale organisation patronale du pays.
Il est temps de partir, vieux camarade
L’Histoire montre que les relations entre l’UE et le Royaume-Uni n’ont jamais été au beau fixe. Le Royaume-Uni n’a eu de cesse de remettre en question sont appartenance à l’Union. « La Grande-Bretagne elle-même est une île flottante qui, selon les inflexions de sa politique, se rapproche ou s’éloigne de l’Europe. » d’après Alfred FABRE-LUCE.
On peut alors se demander si l’Union, aussi faible soit-elle aujourd’hui, a besoin d’un tel maillon. Le Royaume-Uni veut une Union à la carte, et menace de la quitter à chaque réforme. Voulons-nous réellement les britanniques dans nos rangs ? Le veulent-ils au moins ? Ne menacent-il pas de vouloir nous quitter juste pour obtenir quelques bonus par-ci par-là ?
« Les hommes disent toujours qu’ils vont partir à l’aube, mais ils le font rarement » Jim Harrison
Lorsque l’on voit qu’au final le Royaume-Uni a plus à perdre dans cette histoire que l’Union, il est difficile de pouvoir défendre ses multiples tentatives de retrait, et d’autant plus difficile d’accepter qu’il y reste. L’Union s’est créée avant tout pour garantir la paix mais aussi la prospérité de l’Europe. L’idée était, comme le disait Churchill, de créer les « Etats-Unis Europe », des pays unis, voulant avancer dans la même direction. Si aujourd’hui le Royaume-Uni veut changer de voie, grand bien lui en fasse.
par Admin TBS DSI | 17 janvier 2015 | Économie, Géopolitique, TBS Press
« Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat » : c’est au pragmatisme de l’un des pères fondateurs du développement économique de l’Empire du Milieu, Dèng Xi?opíng, que les entreprises occidentales devraient se référer lorsque leurs volontés les poussent à s’introduire sur le marché chinois. Via des stratégies protectionnistes reposant sur des montages juridico-financiers saupoudrés d’une bonne dose de contrôle politique, la Chine a instauré des barrières visant à soutenir ses propres multinationales au détriment des géants occidentaux. Cependant, la doxa aurait tort de considérer la Chine comme un pays fermé ou plutôt renfermé. Au contraire, la République Populaire de Chine reste ouverte… sous ses conditions.
Rien de mieux pour illustrer ces propos que d’évoquer Facebook qui depuis 2009 souffre d’une interdiction de ses activités en Chine continentale, ce qui profite largement à son concurrent chinois « WeChat » (ou « W?ixìn) détenu par l’entreprise Tencent. La suspension de 5années contre le réseau social comptant plus d’un milliard d’utilisateurs n’a rien d’étonnant. En effet, celui-ci est jugé non-conforme aux réglementations en vigueur par les autorités car il ne permet pas un contrôle de la diffusion des informations. Facebook fut officiellement sanctionné aux côtés de Google et Youtube à la suite des violences ethniques qui ont eu lieu à Ürümqi, la capitale du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, durant l’été 2009 où plus de 150 personnes furent tuées sans compter le millier de blessés. Cependant, on retiendra surtout que Facebook, au cours de sa période de forte expansion autour de 2010 aurait pu venir s’accaparer un marché laissé quasiment à l’abandon par les entreprises chinoises (WeChat ayant vu le jour en 2011 par exemple).
Après 5 ans de purgatoire, Mark Zuckerberg et ses équipes comptent bien revenir en force sur ce marché de 632 millions d’internautes. C’est pourquoi Facebook intensifie ses efforts envers le pouvoir à coup de courbettes et de gestes habiles. Dès mai 2014, le réseau social a ouvert un bureau en plein cœur du centre des affaires de Pékin dans le but de montrer sa volonté de coopérer et sa docilité. D’ailleurs, l’activité développée dans les locaux de la capitale chinoise bien que lucrative, ne se résume qu’à la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs chinois voulant acquérir plus de visibilité à travers le globe. Plus récemment en octobre, nous avons pu voir Mark Zuckerberg se prêtant au jeu des questions/réponses, en mandarin s’il vous plait pendant plus d’une trentaine de minutes lors d’une conférence donnée à la meilleure université chinoise, celle de Tsinghua où le jeune directeur possède un siège au Conseil d’Administration. L’idée de séduire la future élite du pays n’est pas neutre, elle est même plutôt astucieuse sur le long terme. De plus, ni le directeur de Facebook ni ses équipes n’ont pris la liberté de se plaindre de la situation de leur réseau social dans le pays ; au contraire le Vice-Président du développement de Facebook Vaughan Smith s’est même dit « satisfait » de la situation.

Néanmoins la plus remarquable des courbettes est signée Mark Zuckerberg lors de la visite dans les locaux californiens de Facebook de l’un des grands dignitaires du parti communiste chinois, L? We?, le chien de garde choisi par Xí Jìnpíng pour veiller sur le système de censure Internet le plus développé au monde. En effet, le président du géant du web s’est volontiers fait photographier aux côtés de son invité (voir photo) avec le recueil « La gouvernance de la Chine » posé nonchalamment sur son bureau : un pavé de 515 pages comprenant l’ensemble des discours, citations, interventions du président chinois. Les joues enflammées de Lu Wei ne trompent pas ; Facebook est prêt à faire de nombreuses concessions pour se faire accepter et passer au travers des barrières érigées par Beijing. Plus encore, Mark Zuckerberg est allé jusqu’à acheter ce livre à ses collaborateurs pour qu’ils puissent comprendre « le socialisme aux caractéristiques chinoises » : un prosélytisme apprécié. Ces courbettes ne font que justifier et légitimer la censure orchestrée par Xí Jìnpíng. Ce comportement représente l’acceptation d’un Facebook prêt à se plier aux normes chinoises tout en clamant être le défenseur de liberté d’expression en Occident : la schizophrénie affichée par la firme américaine n’étonne cependant plus après les révélations des liens entre les services secrets américains et cette dernière.
Cependant, est-ce vraiment suffisant pour amadouer l’Etat-parti ? En septembre, L? We? a déclaré que Facebook « ne pourrait pas » gagner l’accès au marché chinois dans un avenir proche. De plus, ce dernier a renchéri par une attaque subtile et indirecte lors du « World Economic Forum » à Tianjin : « Si vous essayez d’effriter les intérêts de la Chine […] nous ne vous autoriserons pas à exister ! ». Plus récemment, ce même ministre de la censure, responsable de la supervision de l’internet en Chine, a affirmé « Je n’ai pas dit que Facebook ne pourrait pas entrer en Chine mais je n’ai pas dit qu’il pourrait ». Des paroles ambiguës, peu encourageantes mais qui ont pour mérite de ne pas fermer la porte à l’entrée de Facebook en Chine. Toutefois, quelques facteurs encourageants comme la fantastique réussite de Linkedin au sein de l’Empire du Milieu, acceptant ouvertement la censure et le filtrage sur son réseau, laissent Facebook rêveur.
Néanmoins, même si un jour ses courbettes bien que chronophages permettaient à Facebook de décrocher le fameux sésame lui permettant de s’attaquer au marché chinois, le site de Mark Zuckerberg pourrait-il véritablement rivaliser face à un rival de la taille de WeChat, si bien installé dans le paysage et fort de ses 400 millions d’utilisateurs en Chine ? De plus, en cas d’introduction du réseau social Facebook, le pouvoir chinois pourrait-il malgré des restrictions fortes vraiment contrôler un univers si permissif et si vaste ? Des interrogations persistent quant à l’avenir de Facebook en Chine, bien malin sera celui qui pourra prédire l’avenir de ce duo.
Finalement, un phénomène récent pourrait bien venir bousculer l’ordre établi. Malgré le blocage du réseau social, celui-ci reste tout de même accessible via des réseaux privés virtuels en Chine. L’attrait d’un nombre croissant de jeunes chinois sympathisants à Facebook permet au réseau d’infiltrer ce marché petit à petit… jouant sur l’effet boule de neige propre aux réseaux sociaux, on en vient à se demander si le gouvernement de Xí Jìnpíng serait en mesure d’endiguer une telle tendance.
Jordane Decas
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