Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

L’alcool est une substance psychoactive qui agit sur le cerveau et le corps. Il peut provoquer des sensations de détente, d’euphorie ou de désinhibition, mais aussi des troubles de la coordination, de l’équilibre, de la vision, de la mémoire ou du jugement. À forte dose, il peut entraîner une ivresse, voire un coma éthylique, qui peut être fatal.

En France, il constitue une préoccupation majeure, causant un pourcentage significatif de décès chaque année. Le vin en France, c’est toute une économie, avec près de 800 000 emplois, 15 milliards d’euros d’exportations par an.  Mais le vin reste un taboue. En effet Claire Touzard, dans son livre Sans alcool, 2021, disait « en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. La sobriété est corrosive, elle est le grain de sable qui vient enrayer un déni bien huilé »

Quels sont les dangers de l’alcool ?

L’alcool est un produit psychoactif qui modifie la conscience et les perceptions, et de ce fait le ressenti et les comportements. Les effets immédiats dépendent surtout de l’alcoolémie, c’est-à-dire du taux d’alcool dans le sang. Une consommation faible peut entraîner une sensation de détente, d’euphorie, voire d’excitation, mais aussi une diminution des réflexes, une réduction du champ visuel et une désinhibition. Une consommation plus forte peut provoquer une ivresse, avec une mauvaise coordination des mouvements, une élocution troublée, une diminution de la vigilance, une perte de contrôle de soi, voire une perte de connaissance.

L’alcool est également responsable de nombreux risques à court et à long terme, qui réduisent l’espérance de vie de plusieurs années. Il s’agit ainsi de la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabac. En 2015, l’alcool a été responsable de 7 % des décès chez les Français de plus de 15 ans, soit 41 080 décès. Les causes des décès ont été : des cancers (39 % des cas), des maladies cardiovasculaires (24 %), des maladies digestives (16,5 %), des accidents ou suicides (13 %) et d’autres problèmes de santé (7,5 %).

La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement d’une soixantaine de maladies. Parmi les maladies liées à l’alcool, on peut citer :

– Les cancers : l’alcool est un facteur de risque avéré pour plusieurs types de cancers, notamment ceux de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, du foie, du sein et du côlon-rectum. L’alcool augmente le risque de cancer en favorisant la formation de substances toxiques dans l’organisme, en altérant la réparation de l’ADN, en perturbant le métabolisme des hormones et en affaiblissant le système immunitaire.

– Les maladies cardiovasculaires : l’alcool peut avoir des effets bénéfiques sur le cœur et les vaisseaux sanguins à faible dose, en diminuant le risque de thrombose et en augmentant le taux de bon cholestérol. Mais ces effets sont contrebalancés par les effets néfastes d’une consommation excessive, qui augmente le risque d’hypertension, d’arythmie, de cardiomyopathie, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral.

– Les maladies du foie et du tube digestif : l’alcool est le principal responsable des maladies du foie, comme la stéatose hépatique (accumulation de graisse dans le foie), l’hépatite alcoolique (inflammation du foie) et la cirrhose (fibrose irréversible du foie). L’alcool peut aussi provoquer des maladies du tube digestif, comme la gastrite (inflammation de l’estomac), l’ulcère gastroduodénal, la pancréatite (inflammation du pancréas) et la colite (inflammation du côlon).

– Les maladies neurologiques et psychiatriques : l’alcool affecte le fonctionnement du cerveau et peut entraîner des troubles cognitifs, comme des pertes de mémoire, des difficultés d’attention, de raisonnement et de jugement, voire une démence alcoolique. L’alcool peut aussi causer des troubles psychiatriques, comme la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, les troubles du sommeil, les hallucinations et les psychoses.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’alcool est responsable de plus de 3 millions de décès par an dans le monde, soit 5,3 % de la mortalité globale.

L’alcool entraîne également des conséquences sociales et économiques importantes. Il est impliqué dans de nombreux accidents de la route, de la vie courante ou du travail, ainsi que dans des actes de violence, d’agression ou de délinquance. Il peut affecter la qualité de vie, les relations familiales, professionnelles ou amicales, et entraîner une dépendance, une détresse psychologique ou une exclusion sociale. L’alcool provoque une augmentation des risques de suicide, d’accidents de la circulation, de violences physiques ou sexuelle. Plusieurs études ont montré que l’alcool favorise les comportements violents. Le Monde du 23 février 2023, titrait « Violence conjugales : ‘’ L’alcool est présent dans plus d’un féminicide sur deux’’ ». Des données du ministère de l’Intérieur montraient, en 2018, qu’un tiers des auteurs d’homicide conjugal avait consommé de l’alcool au moment des faits.

En 2023, selon les données de Santé publique France, 41 000 personnes sont décédées en France à cause de l’alcool, soit 7 % de la mortalité totale. Les hommes sont plus touchés que les femmes, avec 30 000 décès contre 11 000. Les tranches d’âge les plus concernées sont les 55-64 ans et les 65-74 ans, avec respectivement 10 000 et 9 000 décès. Les principales causes de mortalité liées à l’alcool sont les cancers (15 000 décès), les maladies cardiovasculaires (9 000 décès) et les maladies digestives (7 000 décès). L’alcool est également à l’origine de 4 000 décès par accident, 2 000 décès par suicide et 1 000 décès par homicide.

De plus, selon Santé Publique France, 22% des Français déclarent avoir une consommation à risque qui dépasse les plafonds recommandés, c’est-à-dire pas plus de 2 verres par jour et 10 verres par semaine.

Enfin, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives révélait que l’alcool coûtait à la société 102 milliards d’euros par an et qu’elle coûtait aussi très cher aux finances publiques. En 2019, la taxation sur l’alcool rapportait 4 milliards d’euros à l’État alors que les coûts de traitement pour les maladies liées à sa consommation s’élevaient à 7,8 milliards. Pourtant, la France reste l’un des pays où l’on boit le plus avec près de 43 million de consommateurs à des niveaux très différents.

Or, ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’existe pas de consommation d’alcool sans risque. Comme l’a montré une analyse parue dans The Lancet, en 2018. Après une enquête menée entre 1990 et 2016 sur 28 millions de personnes, la conclusion est : l’alcool est dangereux même à faible dose.  « L’idée d’une dose d’alcool ‘’inoffensive’’ ou même bénéfique serait un mythe » titrait Science et Avenir le 24 août 2018. Les risques existent dès le premier verre.  « Non, une consommation modérée d’alcool n’a pas d’effet protecteur pour la santé » selon France info le 12 Mai 2019.

Quelle est l’évolution de la mentalité et de la réglementation de l’alcool  ?

La consommation d’alcool a toujours été encadrée par des règles sociales, culturelles ou religieuses, qui varient selon les époques et les lieux. Certaines religions, comme l’islam, le bouddhisme ou le mormonisme, interdisent ou limitent fortement la consommation d’alcool, considérée comme un péché ou une entrave à la spiritualité. D’autres religions, comme le judaïsme, le christianisme ou l’hindouisme, tolèrent ou encouragent la consommation d’alcool, dans le cadre de rituels, de fêtes ou de traditions. Certaines cultures, comme la culture méditerranéenne ou la culture française, valorisent la consommation modérée d’alcool, associée à la gastronomie, au partage ou à l’art de vivre. D’autres cultures, comme la culture anglo-saxonne ou la culture nordique, pratiquent davantage la consommation excessive d’alcool, lors de soirées, de week-ends ou de vacances. Marguerite Duras disait, d’ailleurs, en 1984 « vous savez Dieu n’existe pas, il est remplacé par l’alcool, il y a plus de problème si vous voulez »

La consommation d’alcool a également fait l’objet de réglementations juridiques, qui visent à protéger la santé publique, la sécurité routière ou l’ordre public. Ces réglementations concernent notamment l’âge légal d’achat ou de consommation d’alcool, le taux d’alcool autorisé au volant, la taxation ou la publicité des boissons alcoolisées, ou encore les horaires ou les lieux de vente ou de consommation d’alcool. Ces réglementations varient selon les pays, selon le degré de tolérance ou de répression vis-à-vis de l’alcool. Par exemple, en France, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,5 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est encadrée par la loi Evin de 1991. Au Royaume-Uni, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, mais il est possible de consommer de l’alcool à partir de 5 ans sous la responsabilité d’un adulte, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est plus libre. Aux États-Unis, l’âge légal d’achat d’alcool est de 21 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est soumise à l’autorégulation des professionnels.

Pourtant, en France, cela n’a pas été aisé de règlementer l’alcool et notamment le vin. En effet, en France, boire est « norme sociale » bien ancrée qui commence tout petit quand les parent « trempe les lèvre » des bébés. Le Monde en 1954, titrait, « Le Français est l’homme au monde qui consomme le plus d’alcool ».  Cette première place est due à l’importance de la consommation de vin dans le pays jusqu’en 1950. La boisson était tellement banalisée que le vin, mais aussi le cidre, était servi comme boisson dans les cantines scolaires comme l’explique Stéphane Le Bras spécialiste d’histoire contemporaine sur Public Sénat « à cette époque, c’est une pratique commune de voir des enfants consommer du vin. Les parents ont l’habitude de donner une fiole de vin coupée avec de l’eau à leurs enfants lorsqu’ils se rendent à l’école. »

Il faudra attendre 1956 pour que l’État interdise la consommation de l’alcool dans les cantines, mais seulement pour les enfants de moins de 14 ans. Ce n’est qu’en 1981 que la consommation d’alcool sera aussi interdite dans les lycées. On entre alors dans une période de sensibilisation avec des slogans comme « Boire ou conduire, il faut choisir ». Simon Veil disait en 1977, « je crois qu’il faut toujours commencer une campagne et que l’alcoolisme au volant est certainement un des aspects qui sera le mieux compris par les Français parce qu’il voit les conséquences de façon très frappante et je pense que pour qu’il y ait une campagne qui réussit dans un pays il faut que les gens comprennent et adhèrent ». Mais même si la consommation d’alcool a beaucoup diminué par rapport à 1960, elle reste très importante en France. A l’époque, chaque habitant consommait 26 l d’alcool par an en moyenne. Une consommation divisée par 2,5 puisque sur la période 2018-2021. Nous en sommes à 10,5 l d’alcool par an et par habitant aujourd’hui. Cela est surtout due à la diminution de la consommation de vin, mais aussi à une prise de conscience et à l’évolution de la loi sur le sujet. Pourtant, la France continue de faire partie des pays les plus consommateurs d’alcool au monde. Elle figure à la 9e place des 38 pays membres de l’OCDE et à la 11e place des 27 pays de l’Union européenne. En 2021, la France était le 2e pays où l’on consommait le plus de vin derrière les États-Unis, qui ont une population 5 fois plus importante. Selon la dernière étude de santé publique France, publiée en juin 2023 et basée sur les données de 2021, la proportion d’adultes dépassant les limites d’alcool recommandées est en baisse mais ils sont encore 22% à boire plus de 2 verres par jour, et même 30% chez les hommes.

L’Alcool accentue les inégalités ?

L’alcool est un fait d’homme. En effet, les consommations à risque sont davantage le fait des hommes. Cela représente 31% chez les hommes et 14% chez les femmes. L’alcool étant aussi beaucoup lié à une forme de virilité, dans l’imaginaire collectif. Dans les Tonton flinguer, nous pouvions entendre « c’est plutôt une boisson d’homme. » quand il parlait d’un bon Bordeau.

Cependant l’écart entre homme et femme s’est réduit au fil des années. Les femmes consomment plus souvent et en plus grande quantité qu’autrefois et leur mode de consommation n’est pas le même. Les femmes le dissimulent plus quand elles boivent. « J’ai commencé à boire quand j’étais jeune parce que je me suis mariée jeune et après j’en ai pris l’habitude. Je buvais en famille comme tout le monde, peut-être, puis je m’en suis servi comme stimulant. C’est devenu une catastrophe, mais pensez qu’il y a 600 mille françaises qui boivent. Et en somme, on ne sait pas parce qu’une française, elle boit, elle se cache. Elle a honte alors, elle boit chez elle. C’est très dur à déceler une femme qui boit. » selon une interview de 1973.

« Quand on est une femme, la vie est très violente et l’alcool permet à beaucoup de femme de transcender ça, de surpasser ça. C’est une façon de tenir face à la pression, face à la violence que l’on vit. Sauf que le problème c’est un mauvais médicament et que au final, ça finit par dégrader qui on est. » selon Claire Touzard dans une interview de Simone Media du 13 janvier 2021.

De plus l’alcool a des effets plus néfastes chez les femmes provoquant plus rapidement des problèmes de santé graves, en raison de leur métabolisme. Concrètement, les femmes réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l’alcool. « Les femmes ont, par exemple, 6 fois plus de risques de développer une cirrhose du foie. » selon Samia Hurst-Majnp, médecin en Bioéthique.

Qu’est-ce que le Dry January ?

Le Dry January, ou Janvier Sobre en français, est un défi qui consiste à ne pas boire une goutte d’alcool pendant le mois de janvier, afin de mettre son corps (et son foie) au repos et de profiter des bienfaits d’une abstinence. Ce défi, imaginé en 2013 par l’association britannique Alcohol Change UK, est vite devenu viral sur les réseaux sociaux et a fait l’objet de milliers de partages. En France, il a été lancé en 2019 à l’initiative de l’association France Janvier Sobre, présidée par Laurence Cottet, une ancienne alcoolique qui a médiatisé son combat contre la maladie.

Le Dry January propose de faire une pause dans sa consommation d’alcool pendant un mois, afin de changer son rapport à l’alcool et de prendre conscience de ses effets sur la santé, le moral, le sommeil, le poids, le budget, etc. Il ne s’agit pas d’un sevrage pour les personnes dépendantes, qui doivent être accompagnées par des professionnels, mais d’une expérience volontaire et collective, qui peut être l’occasion de se fixer de nouveaux objectifs pour l’année à venir.

En France, c’est la 5ème édition de ce mouvement avec potentiellement un tiers des Français qui ont arrêté de boire ce janvier. Lors d’une interview de trottoir de 28’ du 10 janvier 2024, les passant affirmer que « c’est une détoxe importante » car « après les fêtes, on sort tous fatigué ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie ont appelé le ministère de la Santé et le gouvernement à soutenir le mois sans alcool, à mettre en œuvre une véritable politique de prévention et à réaffirmer leur engagement. Ils ont déclaré : « soutenir l’opération de mobilisation sociale connue en France sous le nom de ‘’défi de janvier’’ nous semble être une opportunité de choix ».

Quels sont les bienfaits du Dry January ?

Face à ces dangers, le Dry January offre l’opportunité de faire une pause avec l’alcool et de bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Selon une étude menée par l’Université de Sussex en 2019 sur près de 3 000 participants au Dry January, 71 % ont expliqué avoir mieux dormi, 58 % avoir perdu du poids, 57 % avoir une meilleure concentration et 54 % une plus belle peau. De plus, 88 % ont déclaré avoir économisé de l’argent, 80 % avoir retrouvé le contrôle de leur consommation d’alcool, 76 % avoir pris conscience des situations où ils buvaient par habitude et 71 % avoir réalisé qu’ils n’avaient pas besoin d’alcool pour s’amuser.

En janvier 2023, Michael Naassil, président de la société française d’alcoologie, expliquait dans Le monde « l’enjeu est de déclencher une prise de conscience sur le niveau de consommation. Ce n’est pas moralisateur, ni hygiéniste. Plusieurs études anglaises ont montré un effet sur la fréquence de consommation. L’une d’elles mesurait que 7 personnes sur 10 consommaient moins d’alcool 6 mois après ce défi. Le message positif de la possibilité d’améliorer la santé par la réduction de la consommation, voire l’abstinence devrait être défendue par les décideurs politiques […] pour réduire le lourd fardeau sanitaire et sociétal de l’alcool. »

Quelle sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Dry January ?

Le Dry January n’est pas une initiative officielle du gouvernement français, contrairement à d’autres nations telles que le Royaume-Uni, l’Irlande, la Finlande ou l’Australie, où il bénéficie du soutien des autorités sanitaires. En France, cette initiative a été lancée par des associations, des médias et des personnalités, sans le soutien direct du ministère de la Santé. Certains observateurs ont critiqué l’influence des lobbys de l’alcool, suggérant qu’ils auraient dissuadé le gouvernement de soutenir le Dry January par peur d’entraver l’industrie viticole et les traditions culturelles françaises. Un article daté du 4 janvier 2024 indique que « la plupart des ministres ne participent pas à l’initiative », certains considérant qu’il s’agit d’un sujet éloigné des préoccupations françaises ou même d’une question relevant de la sphère privée.

D’autant plus que, le poids des lobbys présent à l’assemblée depuis 1919 est très important. En 1973, de nombreuses personnes affirmaient « oui le vins, ce n’est vraiment pas de l’alcool. C’est une nourriture, si on veut. » ou encore, « le vin ce n’est pas de l’alcool, ça fait du bien le bien », « vous savez en France on a tellement d’occasion de boire, que ça soit pour une naissance, pour un enterrement, ou quoi que ce soit. Vous allez chez les gens faire du travail, bon, la première chose qu’on vous dit, vous voulez boire un coup ».

Le travail des lobbies à payer puisque c’est une idée bien ancrée, encore aujourd’hui, que le vin est un alcool à part, qui ne fait pas autant de dégâts.

C’est ce que répétait en 2019 le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, « bah non, je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres. L’addiction à l’alcool est dramatique et notamment dans la jeunesse. Mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit alcoolisé aux bouches du Rhône, au Bordeaux.  Jamais. ». Pourtant le vin est bien un alcool comme les autres et c’est ce que disent tous les addictologues. L’alcool qu’il contient a les mêmes effets sur le corps que celui présent dans la bière ou les alcools forts. Aucune étude n’a été en mesure de démontrer de différence entre les conséquences de la consommation de vin et de bière. Le Monde du 16 janvier 2019, titrait « Le vin est ‘’un alcool comme un autre’’, n’en déplaise au ministre de l’agriculture »

Guillaume Davido, addictologue, interrogé le 2 janvier 2024 sur BFM TV racontait, « par exemple ça c’est justement une idée reçue, des patients disent, ne vous inquiétez pas, je ne consomme pas d’alcool fort, donc j’ai pas de problème. Mais en vérité à partir du moment où vous consommez énormément de vin rouge, si vous consommez un verre standard de vin rouge, cela vaut un verre standard de whisky. Vous avez exactement les mêmes risques ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie disait « La confiance envers le gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue contre l’alcoolisme est sérieusement altérée. La restauration de cette confiance ne peut passer que par des gestes forts, tant sur le plan du contenu que de la portée symbolique ».  Face à cela, le 16 décembre, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, s’est exprimé sur France Inter en critiquant la pression constante : « Je suis comme mon collègue Rousseau, […] c’est bizarre comme on dit à chaque fois, quand on est comme ça, on dit on est dans le lobby. […] Il me semble qu’on n’a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur une trajectoire. Je ne veux pas faire [le Dry January] parce que, mais j’essaie de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de consommer avec modération. La mesure est la modération, plutôt que l’interdiction ». Pour l’addictologue Amine Benyamina, la proximité avec les lobbys de l’alcool est ici flagrante.

En 2019, Santé Publique France avait prévu une campagne intitulée « mois sans alcool » pour janvier 2020, avec le soutien du ministère de la Santé. Un budget avait été alloué et les préparatifs étaient déjà avancés. Cependant, cette initiative avait suscité des inquiétudes au sein de l’association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait demandé au gouvernement d’y renoncer en raison des difficultés économiques du secteur. Dans une lettre datée du 7 novembre 2019, ils écrivaient : « Moi sans alcool – Les Français ne doivent pas passer le mois de janvier à Sec ! ». Une enquête de France Télévisions avait ensuite révélé que c’était Emmanuel Macron lui-même qui avait annulé la campagne à la suite d’une conversation avec le président du syndicat général des vignerons de la Champagne, Maxime Toubar. La campagne a été remplacée par la promotion d’un « janvier sobre », un mois où l’on peut boire mais avec modération. Dans leurs correspondances, ils soulignent : « La filière viticole promeut depuis des années un message de modération, d’éducation à l’art de vivre à la française et à la culture du vin ». Dans l’émission Envoyé Spécial du 11 novembre 2024, Agnès Buzyn a déclaré : « A cette époque-là, je pense que les arbitrages ont été vraiment en faveur de l’agriculture, de la viticulture, des vignerons et parce que c’est aussi un critère qui fait d’exportation, c’est une image de la culture française. Donc on m’a reproché de ne pas respecter la culture française, d’avoir un discours moralisateur ».

Cette situation s’est répétée au printemps 2023, lorsque le ministère de la Santé a rejeté deux campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. L’une d’elles était prévue pour être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby. Les slogans de ces campagnes étaient « ne laissez pas l’alcool vous mettre KO » et « quand on boit des coups, notre santé prend des coups ». Sous la pression des lobbys, le ministère a plutôt décidé de cibler les jeunes avec une campagne de prévention intitulée « c’est la base », proposant des messages tels que « faire attention à ses amis s’ils boivent trop », « boire aussi de l’eau en soirée » et « ne pas oublier de manger ». Cette décision a été critiquée par Myriam Savy, directrice du plaidoyer au sein de l’association Addiction France : « Les campagnes de prévention ciblant les jeunes ou les femmes enceintes ne dérangent car elles sont spécifiques. Cependant, les deux campagnes initiales visaient la population générale, qui consomme de manière régulière de l’alcool. On leur disait que l’alcool présente un risque pour la santé, qu’il est un facteur de risque de cancer. Et cela, l’industrie de l’alcool ne l’aime pas ». En remplacement de ces deux campagnes, Santé Publique France avait proposé de rediffuser une ancienne campagne de 2019, « 2 verres par jour et pas tous les jours », mais l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’y était opposé.

En septembre 2023, lors de ces révélations, Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addiction France, a dénoncé « le lobby de l’alcool qui a infiltré tout l’appareil d’État » et « influence les décisions et s’arroge un droit de veto sur les campagnes ». Il a ajouté : « On peut faire une campagne d’information libre sur l’alcool en France. La mission de Santé Publique France est de faire de la prévention, pas de la communication gouvernementale. Ce n’est pas de relayer la parole d’Emmanuel Macron, c’est de défendre la santé. Ce n’est pas ce qui se passe ».

En conclusion, le Dry January offre une opportunité précieuse de réévaluer notre relation avec l’alcool et de prendre conscience des dangers qu’il peut présenter pour notre santé physique et mentale. En adoptant une habitude de vie sans excès, nous pouvons non seulement améliorer notre bien-être général, mais aussi réduire les risques de maladies chroniques, de dépendance et d’accidents liés à la consommation d’alcool. Il est crucial de reconnaître l’importance d’une consommation responsable et de rechercher des alternatives saines pour faire face au stress et aux pressions sociales. En cultivant des habitudes de vie équilibrées et en mettant l’accent sur la santé et le bien-être, nous pouvons non seulement vivre plus longtemps, mais aussi profiter pleinement de chaque aspect de notre existence.

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

Comment expliquer la colère des agriculteurs

Comment expliquer la colère des agriculteurs

Un peu partout en Europe, notamment en France, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Pologne ou encore en Allemagne, les agriculteurs se mobilisent pour protester contre des conditions de travail et financières trop difficile et contre un manque de reconnaissance.

Depuis quelques jours, les agriculteurs français bloquent certaines autoroutes et périphéries pour faire entendre leur colère face à une situation qui ne change pas depuis de nombreuses années Des autoroutes comme la A64, près de Toulouse, en Occitanie qui sont devenues en quelque sorte des QG des agriculteurs durant ces manifestations. D’autres agriculteurs et notamment des producteurs de lait manifestent devant les locaux des industriels comme Lactalis, dénonçant un prix d’achat du litre de lait bien trop faibles.

Une protestation avant tout européenne !

Comme dit précédemment, la colère des agriculteurs n’est pas seulement française, elle est avant tout européenne. La semaine dernière encore, Berlin était également bloquée par les agriculteurs et éleveurs allemands qui protestaient contre la fin progressive d’une aide fiscale sur le gazole à usage agricole et sur les véhicules agricoles.

Parallèlement, en Roumanie, les agriculteurs se sont également mobilisés contre un coût du carburant trop élevé, des normes environnementales trop strictes.

Et depuis quelques mois, il s’agit aussi des agriculteurs et transporteurs polonais qui bloquent les routes, notamment celles qui sont frontalières à l’Ukraine pour contester contre les importations de céréales ukrainiennes qui fragilisent les agriculteurs polonais qui ont contestés contre les aides de l’UE facilitant les importations ukrainiennes (suppression des droits de douane en mai 2022 pour un an), qui ont fait baissés le prix des matières agricoles.

Alors qu’aux Pays-Bas, la colère quant-à-elle était due à la volonté de l’ancien gouvernement de réduire les surfaces exploitables et interdire l’azote pour les usages agricoles à des fins environnementales.

Les raisons pouvant expliquer cette colère des agriculteurs français

Certes, les agriculteurs européens se mobilisent pour des raisons plus ou moins divergentes mais le cœur du problème reste le même. Nombreux sont ceux à se plaindre d’une surrèglementation européenne imposant beaucoup de normes et de restrictions les rendant non compétitif par rapport aux pays non membres de l’Union européenne qui sont bien souvent non contraints par de tels règlements mais aussi par les nombreuses importations de produits étrangers que l’on produit pourtant en France au détriment des agriculteurs français. Ils contestent également la libre circulation des marchandises et produits agricoles au sein de l’UE. Enfin… le problème n’est pas tant le marché unique mais l’absence d’uniformité normative tant sur la législation applicable, que sur le droit du travail ou les prix.

De plus, les agriculteurs demandent que les aides de l’État soient versées en temps et en heure ainsi que la fin de la hausse du gazole non routier (GNR). Mais les contestations des agriculteurs qui font la une de l’actualité depuis le début du mois de janvier 2024 ne vient pas de commencer, elle ne fait que prendre de l’ampleur car cette contestation a débuté en automne 2023 avec de nombreux panneaux de certaines villes retournés dans de nombreuses communes françaises.

Les difficultés financières sont flagrantes dans le milieu agricole avec notamment un taux de pauvreté des ménages agricoles proche des 20% alors qu’il est considéré comme proche des 9% pour l’ensemble de la population française.

Le gouvernement français veut agir

Les membres gouvernementaux se rappellent de la crise des gilets jaunes et veulent éviter qu’une nouvelle crise sociale apparaisse. D’autant que les agriculteurs bénéficient d’une belle popularité selon les sondages qui affirment que 85% des Français interrogés soutiennent cette mobilisation et estiment que les agriculteurs jouent un rôle central dans l’accès à l’alimentation.

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, a annoncé vouloir repoussé le projet de loi sur l’agriculture. Ce projet de loi doit notamment répondre au manque d’agriculteurs en créant un Bachelor agro (Bac +3) mais aussi en créant un service qui permettrait un meilleur accompagnement des agriculteurs voulant s’installer à leur compte. Sachant que dans les 10 prochaines années, un tiers des agriculteurs devrait partir à la retraite, soit 166 000 exploitants sur les 500 000 actuellement installés, d’autant que les jeunes agriculteurs n’ont bien souvent pas les moyens financiers pour investir et s’installer et que le remboursement des emprunts serait trop élevé par rapport à la rentabilité aujourd’hui d’une exploitation agricole. Alessandra Kirsch, docteure en économie agricole affirme que les jeunes agriculteurs voulant s’installer doivent investir plusieurs milliers d’euros voire millions d’euros entre les véhicules, les équipements agricoles, les bâtiments, les terrains… La France aurait perdu 21% de ses exploitations agricoles en 2010 et 2020 soit 100 000 exploitations.

Vendredi 26 janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal s’est rendu en Haute-Garonne pour faire de premières mesures : réduction des délais administratifs et juridiques pour mettre en œuvre des projets agricoles, fin des acharnements juridiques, moins de normes et d’aberrations règlementaires, mieux protéger les agriculteurs par un meilleur respect de la loi EGAlim, qui a pour objectif de protéger les revenus des exploitants agricoles, remboursement à 90% des frais de vétérinaire conte 80% jusqu’à présent, 50 millions d’euros supplémentaires pour la filière bio, fin de la hausse du gazole non routier, aides dues remboursées plus rapidement… Malgré ces annonces, les agriculteurs sont globalement mitigés tout en soulignant des avancées. La capitale reste toutefois sous la menace d’un blocage prochain par les agriculteurs qui dénoncent toujours une concurrence déloyale vis-à-vis des autres agriculteurs de l’UE. Le gouvernement devrait annoncer la semaine prochaine de nouvelles mesures.

Par Maxence HRYWNIACK

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

Faim de Changement : comment nourrir une planète affamée ?

En 2022, « 783 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation » dans le monde, selon le rapport annuel de la FAO. Cette situation dramatique est le résultat d’un système alimentaire mondial profondément inégalitaire et insoutenable, qui met en péril la santé, l’environnement et la paix.

Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les défis à relever pour nourrir le monde sans dévorer la planète ? Quelles sont les solutions envisageables pour garantir le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous ?

Comment le monde aborde-t-il les défis de la sous-alimentation alors que la faim persiste à l’échelle mondiale ?

Le système alimentaire mondial actuel est le fruit d’une longue histoire, marquée par des révolutions agricoles, des échanges commerciaux, des innovations technologiques, des politiques publiques, des mouvements sociaux et des crises diverses. Il se caractérise par une grande diversité, mais aussi par de fortes inégalités, tant au niveau de la production, de la distribution, que de la consommation des aliments.

D’un côté, on assiste à une intensification et à une industrialisation de l’agriculture, qui reposent sur l’utilisation massive d’intrants chimiques, de machines et d’OGM. En effet, selon Atlas des pesticides de 2022, la consommation mondiale de pesticides a augmenté de 80 % depuis 1990. Cette agriculture vise à augmenter les rendements et à réduire les coûts de production, mais elle a aussi des impacts néfastes sur l’environnement, et la santé des agriculteurs et des consommateurs. Par exemple, the Guardian parle de pesticide responsable « d’environ 11 000 décès humains et de l’empoisonnement de 385 millions de personnes chaque année ». Elle favorise également la concentration des terres, des marchés et des profits entre les mains de quelques acteurs puissants, au détriment des petits paysans.

De l’autre côté, on observe une expansion et une diversification de la demande alimentaire, liées à la croissance démographique, à l’augmentation des revenus et aux changements des modes de vie et des habitudes alimentaires. Cette demande se traduit par une plus grande consommation de produits animaux et de produits importés. Par exemple, selon le point, « la consommation mondiale de viande a été multipliée par près de cinq au cours des soixante dernières années ». Cette alimentation répond à des besoins de praticité, de variété, de plaisir, mais elle engendre aussi des problèmes de surpoids, d’obésité, de gaspillage et de dépendance. En effet, selon l’OMS, le cas d’obésité a « triplé entre 1975 et 2016 », englobant, en 2016, 13% de la population mondiale.

Quels défis notre système alimentaire doit-il surmonter pour garantir une alimentation suffisante et équitable ?

Aux vues de cette situation, notre système alimentaire doit faire face à plusieurs défis majeurs, qui mettent en jeu sa capacité à assurer la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des populations, ainsi que sa durabilité écologique, économique et sociale.

Le premier défi est celui de la faim, qui touche encore 258 millions de personnes dans 58 pays, selon le rapport mondial sur les crises alimentaires. La faim est le résultat de la pauvreté, de la discrimination et de l’exclusion, qui empêchent les personnes d’accéder à des aliments suffisants, sains et nutritifs. En France, en 2022, par exemple, la demande d’aide alimentaire a triplé en 10 ans, avec 2,4 millions aujourd’hui. De plus, la Fédération française des banques alimentaires expliquait que « Depuis 2008, les différentes crises […] se sont traduites par cette marée lente du recours à l’aide alimentaire qui n’a jamais reflué ». La faim entraîne des conséquences dramatiques sur la santé, le développement et la dignité des personnes qui en souffrent.

Le deuxième défi est celui de la malnutrition, qui affecte plus de 2 milliards de personnes dans le monde, selon l’OMS. La malnutrition recouvre à la fois la sous-nutrition, qui se manifeste par un déficit en calories, et la sur-nutrition, qui se traduit par un excès de calories. La malnutrition est liée à la qualité et à la diversité de l’alimentation. La malnutrition a des effets néfastes sur la croissance, le développement cognitif, la résistance aux infections, la productivité et le bien-être des individus.

Le troisième défi est celui du changement climatique, qui menace la sécurité et la durabilité de notre système alimentaire, mais qui est aussi en partie causé par celui-ci. En effet, le secteur agricole est responsable d’environ « un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre » selon l’ONU. Le changement climatique a des impacts négatifs sur la biodiversité et les rendements agricoles, la qualité. Il accroît aussi les risques environnementaux qui affectent la production et l’accès à la nourriture.

Le quatrième défi est celui du manque de résilience du système alimentaire. L’agriculture s’autodétruit alors que « 99% de nos aliments viennent du sol » selon George Monbiot dans son livre Nourrir le Monde. Nous avons un système alimentaire qui devient fragile, car il est dominé par quelques entreprises qui prônent une diversité végétale réduite. Dès lors, George Monbiot affirme que « Notre façon de nous nourrir engendre des difficultés de vie sur terre ».

Le cinquième défi reste le désintéressement de l’agriculture pour l’alimentation. Des États, à l’instar du Brésil, mettent en place une politique agricole afin de valoriser le biocarburant. Ces biocarburants font sortir de l’alimentation de grandes quantités de produit alimentaire comme le maïs, le sucre et le soja.

Comment pouvons-nous transformer notre système alimentaire pour le rendre plus résilient et équitable ?

Pour faire face à ces défis, il est nécessaire de transformer radicalement notre système alimentaire, en le rendant plus juste, plus résilient et plus respectueux de la nature et des êtres humains.

La première piste est celle de l’agroécologie, qui consiste à appliquer les principes de l’écologie à l’agriculture, en favorisant la diversité des cultures, la rotation des sols et l’utilisation des savoirs locaux. L’agroécologie permet de produire des aliments sains et nutritifs, tout en préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Elle contribue aussi à renforcer la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à définir leur propre politique agricole et alimentaire, en fonction de leurs besoins, de leurs cultures et de leurs valeurs.

La deuxième piste est celle de l’alimentation durable, qui vise à adopter des modes de consommation et de distribution des aliments qui respectent la santé et l’environnement. L’alimentation durable implique de réduire la consommation de produits animaux, et de privilégier les produits végétaux et les produits locaux. Elle suppose aussi de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui représente environ « un tiers de la production mondiale de nourriture ». Elle nécessite enfin de soutenir les circuits courts, les marchés locaux, les coopératives et les associations qui favorisent la proximité, la solidarité, la transparence et la démocratie alimentaire.

La troisième piste est celle de la Sécurité sociale de l’alimentation, qui consiste à reconnaître le droit à une alimentation suffisante, saine et durable comme un droit fondamental, et à le garantir par des politiques publiques adaptées. En effet, pour Bénédicte Bonzi, dans La France qui a faim, il faut créer une « sécurité sociale de l’alimentation », qui garantirait « le droit à une alimentation suffisante, saine et durable pour tous », en s’appuyant sur les principes de la démocratie alimentaire. Pour elle, se nourrir correctement est un « droit fondamental », qui « ne doit pas dépendre de la charité, du marché ou de l’État », mais qui doit être « co-construit » par les citoyens, les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.

La faim persistante à l’échelle mondiale, les défis structurels de notre système alimentaire, et les solutions possibles sont autant de sujets cruciaux qui exigent une réflexion et une action immédiate. Face à cette complexité, la France, en tant qu’acteur majeur dans la production alimentaire mondiale, doit jouer un rôle proactif dans la recherche de solutions durables. En repensant nos habitudes alimentaires et en promouvant une agriculture respectueuse de l’environnement, nous pouvons aspirer à un avenir auquel personne ne souffre de la faim, et où l’alimentation est un droit indispensable pour tous.

Comment pouvons-nous collectivement contribuer à la transformation de notre système alimentaire pour un avenir plus juste et nourrissant ?

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

Le culte médiatique

Le culte médiatique

Le culte médiatique  

 

 

« La faute n’est donc pas au public, qui demande des sottises, mais à ceux qui ne savent pas lui servir autre chose. »

                                                          -Miguel de Cervantès

              Le 31 juillet 2022 un post twitter secoua les internautes, ceux-ci, alors complètement abasourdis par le niveau de résolution supérieur que nous offrent les technologies inarrêtables d’aujourd’hui sont ébahis face au spectacle sans précèdent d’une image détaillée de l’étoile du centaure, plus proche astre du soleil. La publication du scientifique français Etienne Klein a connu un grand succès au point d’attiser la curiosité des journaux qui se pressèrent de s’en emparer , conscient de l’impact de cette photo inédite sur les médias. Que fut la stupéfaction générale lorsque cette présumée photographie d’étoile se révéla être une tranche de chorizo, qui mit grandement en épreuve la crédulité des internautes.

Nos médias sont aujourd’hui jonchées de futilités qui pourtant font fureur et battent les records de célébrité et de visibilité. Une réussite aussi extrême dans le monde numérique repose sur le désintérêt général des sujets confus, de la quête de sérénité et de l’insatiable rêverie des utilisateurs. Ainsi, il est bien plus simple de refléter son idéal utopique sur les personnages cultes médiatiques, plutôt que de dépérir dans la réalité pessimiste. Les réseaux sociaux sont désormais un espace pratique envahi par les cultes et l’idolâtrie désolante, parfois dangereuse.

Le culte médiatique est un phénomène social qui se manifeste sous plusieurs formes. Il peut s’agir d’une admiration excessive pour une personnalité publique, d’une obsession pour un événement médiatisé ou d’une adhésion aveugle à une idéologie médiatique. Dans tous les cas, ce culte se caractérise par une influence prépondérante des médias sur notre manière de penser et de percevoir le monde.

Ce phénomène se voit renforcé par sa lucrativité, les médias de masse reprennent les critiques et les évènements phares des entreprises et organismes pour se focaliser dessus, générant un désastre : la vénération de la célébrité et du scandale. Le statut public et le succès de ces divinités du buzz sont dès lors une raison suffisante pour justifier le culte qui se crée autour d’une cause frivole.

Les cultes représentent le pain du cinéma, de la musique, de la politique et de la télévision. La roue de la culture médiatique se nourrit essentiellement de l’adoration de ses utilisateurs pour une image tordue et détournée d’une vie maquillée, et de concepts chimériques. Il peut conduire à une glorification excessive de la célébrité et à une valorisation de la superficialité au détriment des valeurs plus importantes telles que l’éducation, le travail acharné et l’empathie. En outre, il peut conduire à une polarisation de la société, en créant des divisions entre les gens qui adorent une certaine personnalité et ceux qui la critiquent.

Toutes ces folies entraînent des conséquences néfastes sur notre manière de penser et de percevoir le monde. En privilégiant l’émotionnel et le spectaculaire au détriment de l’information vérifiée et sourcée, les médias contribuent à biaiser notre perception de la réalité. Cette distorsion finira par mettre au péril notre comportement et notre engagement civique (si ce n’est déjà le cas !)

Le culte médiatique peut également conduire à une survalorisation de la célébrité et de la notoriété, au détriment de l’expertise et de la compétence. Cette tendance peut être particulièrement préjudiciable dans le domaine politique, où la notoriété peut prendre le pas sur la compétence et la capacité à gouverner.

Reptiliens, extraterrestres, Chorizos et autre fantasmes démesurés, enfin, le culte médiatique peut contribuer à la diffusion de fausses informations et de théories du complot. En privilégiant le sensationnalisme et en négligeant l’information vérifiée, les médias peuvent encourager la propagation de rumeurs infondées et de fausses nouvelles.

Une ancienne ministre affirme que la politique est remplie de zombies, des personnes qui misent « tout dans l’apparence le look, les médias, les communications ». « Mais ils n’ont aucune idée forte, ils n’ont rien à dire. »

Certains peuvent reprocher à nos dirigeants de briser les règles traditionnelles, et blesser l’éthique conventionnelle, sacrifiant ainsi cette image sacrée, qui se doit de rester immaculée et intouchable pour « s’abaisser au niveau » d’influenceurs qui sachent positivement augmenter leur visibilité auprès de la jeunesse crédule notamment. D’autre pensent qu’un monde où le président viendrait à envier la communauté de deux youtubeurs entre des milliards d’autres est encore loin d’arriver.

Le culte médiatique peut contribuer à renforcer la légitimité et l’autorité des personnalités publiques, cela reste indéniable. Les médias peuvent présenter les célébrités et les personnalités politiques comme des leaders charismatiques et compétents, ce qui peut renforcer leur crédibilité et leur pouvoir d’influence. Mais il ne faut négliger qu’au final le culte médiatique peut également entraîner des conséquences négatives pour les personnalités elles-mêmes. Les personnes qui sont au centre de l’attention médiatique peuvent se sentir isolées et exploitées, et leur vie privée peut être complètement exposée. Les médias de masse peuvent également pousser les personnalités à prendre des risques pour maintenir leur statut, ce qui peut entraîner des comportements imprudents et potentiellement dangereux.

Finalement, pour contrer le culte médiatique privilégions l’information vérifiée et sourcée. Sources crédibles et vérification des faits limitent la diffusion des théories du complot. Développons un regard critique sur les médias, soyons conscients de leur impact sur nos pensées. Un regard objectif et nuancé sur l’actualité nous permettra de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Valorisons l’expertise et la compétence, plutôt que la célébrité et la notoriété. Informons-nous sur les réalisations et les compétences, Pour évaluer la capacité à gouverner, diriger ou influencer. Ensemble, prenons le temps de nous informer, et cultivons un regard éclairé. Pour faire face au culte médiatique, et défendre la vérité et la sagesse.

Pour les curieux :

·        « The Cult of Celebrity: What Our Fascination with the Stars Reveals About Us » par Cooper Lawrence (livre)

·        « The Sociological Imagination » par C. Wright Mills (livre)

·        « The Dark Side of Media and Celebrity Culture » par Karen Sternheimer (article)

·        « Cultivating Cultural Competence: Contexts and Strategies for Working with Diverse Populations » par Kenneth Cushner et al. (livre)

·        « The Effects of Social Media on News Consumption » par Pew Research Center (étude)

·        « Media, Culture and Society: An Introduction » par Paul Hodkinson et al. (livre)

Par Sara KADIRI

Il était une fois… l’individualisme

Il était une fois… l’individualisme

L’individualisme est une tendance de plus en plus courante dans notre société moderne. Nous sommes de plus en plus enclins à mettre l’accent sur notre propre réussite et notre propre bonheur, sans se soucier de la façon dont cela peut affecter les autres. L’individualisme est souvent considéré comme une qualité positive, car il encourage l’indépendance et l’autonomie. Ce n’est pas tout à fait faux, mais il est important de se demander s’il peut devenir trop extrême et causer des problèmes pour la société dans son ensemble.

 

Quelles en sont les causes ?

 

Les médias, la musique, les films et les réseaux sociaux nous encouragent à nous concentrer sur nous-mêmes et à faire ce qui nous rend heureux. Nous sommes en permanence incités à nous démarquer de la foule, à être différents et à être fiers de notre individualité. Un exemple concret se trouve dans les rayons de nos librairies : la multiplication des livres de développement personnel. « Eat, Pray, Love » d’Elizabeth Gilbert raconte l’histoire de l’auteur qui quitte sa vie monotone pour voyager dans différents pays afin de trouver le bonheur et la sérénité personnelle. Bien que le livre soit inspirant pour certains, il

encourage également l’idée que la solution à nos problèmes personnels réside dans l’individualisme et la recherche de soi plutôt que dans la coopération et l’empathie envers les autres. En ce qui concerne les réseaux sociaux, les plateformes comme Instagram, TikTok et YouTube sont souvent utilisées pour mettre en valeur les réalisations individuelles et les styles de vie, plutôt que de mettre l’accent sur la coopération et le travail d’équipe. Les « influenceurs » sur ces plateformes encouragent souvent une mentalité d’auto-promotion et d’individualisme extrême. Certes, ce sont des généralités mais cela démontre tout de même un phénomène de société.

La deuxième cause de l’individualisme grandissant est la pression économique. La mondialisation et l’économie de marché ont créé une pression sur les individus pour qu’ils se concentrent sur leur propre réussite. Nous sommes ainsi de plus en plus encouragés à travailler dur, à réussir et à obtenir de l’argent, plutôt que de s’occuper des besoins de notre communauté. S’ajoute à cela une culture de consommation qui nous pousse à acheter toujours plus de biens et de services pour affirmer notre statut social. Nous ne travaillons plus seulement pour subvenir à nos besoins mais pour prouver aux autres que l’on est mieux dotés qu’eux.

La troisième cause est l’évolution des normes sociales qui ont énormément changé au fil des ans. Nous souhaitons maintenant de plus en plus vivre notre vie comme nous l’entendons plutôt que de se conformer à des normes sociales strictes. Nous sommes plus susceptibles de poursuivre des relations et des carrières qui correspondent à nos propres intérêts, plutôt que de suivre les attentes de notre famille et de notre communauté. L’un des exemples les plus frappants est l’acceptation croissante de la diversité en matière de sexe, de genre et d’orientation sexuelle. Les personnes LGBTQ+ ont historiquement été victimes de discrimination et de marginalisation en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Cependant, au cours des dernières décennies, les normes sociales ont évolué pour devenir plus inclusives et acceptantes envers ces groupes. Les individus sont désormais plus nombreux à vivre leur vie selon leur identité de genre ou leur orientation sexuelle, plutôt que de se conformer aux normes sociales strictes en matière de masculinité et de féminité.

 

Quelles en sont les conséquences ?

 

La première conséquence est l’isolement social. Les gens sont de plus en plus isolés les uns des autres car ils se concentrent sur leurs propres intérêts plutôt que de se soucier les uns des autres. Cela peut entraîner des conséquences néfastes sur notre santé mentale (dépression, anxiété, stress) et physique (hypertension artérielle, AVC, système immunitaire affaibli) mais aussi sur notre mémoire et notre cognition. De plus, les personnes isolées peuvent rencontrer des difficultés à s’adapter aux changements de vie, tels que la perte d’un être cher ou un changement de carrière. La crise sanitaire liée au Covid-19 a largement contribué à intensifier ce phénomène inquiétant pour l’avenir de notre société.

La deuxième conséquence est l’augmentation de la concurrence et de la rivalité. Nous sommes sans arrêt poussés à être meilleurs que les autres, à réussir plus que les autres et à obtenir plus que les autres. Cela peut créer un environnement où les gens se battent les uns contre les autres, plutôt que de travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs et donc avoir un impact sur la société dans son ensemble. Cette compétition constante peut également créer des inégalités sociales, où les individus les plus riches et les plus influents ont un avantage sur les autres.

La troisième conséquence est la perte de valeurs collectives. Ce sont celles qui visent à promouvoir le bien-être de la communauté dans son ensemble, plutôt que les intérêts individuels. Ces valeurs incluent la solidarité, la compassion et l’altruisme, qui sont des éléments clés pour maintenir une société saine et équilibrée. Dans leur grande majorité et malgré une minorité de collectifs actifs, les individus se désintéressent ainsi des problèmes sociaux et des inégalités qui affectent la communauté dans son ensemble, préférant se concentrer sur leurs propres préoccupations

 

Quelles sont les solutions ?

 

Dans un premier temps, il est important de reconnaître que nous vivons dans une société interconnectée où les actions d’une personne peuvent entraîner des répercussions néfastes pour les autres. Une fois cette prise de conscience faite, il devient plus clair et évident qu’il est vital de recommencer à encourager la coopération plutôt que la concurrence. Les gens doivent réapprendre à se soucier les uns des autres et à travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs.

Toutes ces valeurs devraient être inculquées dès le plus jeune âge via l’éducation et la sensibilisation. Ainsi, l’éducation morale et civique devrait être remise au goût du jour et occuper une place centrale dans l’enseignement.

L’idée d’un service civique obligatoire envisagée par le gouvernement s’inscrit dans cette lignée et mériterait d’être discutée.

Enfin, il est important de rappeler que l’individualisme n’est pas nécessairement une mauvaise chose en soi. Il peut encourager l’indépendance, l’innovation et la créativité. Il faut juste trouver un équilibre entre l’individualisme et les valeurs collectives pour assurer une société saine et fonctionnelle.

Par Marie PONTALIER

Quand les femmes prennent les armes

Quand les femmes prennent les armes

« L’homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie. » Voilà ce que fait dire Nietzsche à Zarathoustra. Depuis la nuit des temps, les hommes expriment leur courage, leur vertu et leur virilité sur le champ de bataille, en mourant dignement pour défendre les siens. Nous pouvons aisément citer des hommes ayant brillé par leur génie militaire : Alexandre le Grand, Jules César, Napoléon, Charles de Gaulle… Pourtant, quand il s’agit de citer des femmes ayant brillé par leurs prouesses militaires, c’est un peu plus compliqué. En effet, bien que les femmes aient brillé dans divers domaines (artistique, littéraire, scientifique), les exploits des hommes sur le front ombragent ceux de leurs homologues féminines dans des conflits. C’est pourquoi, je me propose humblement de mettre à l’honneur trois femmes. N’en déplaise à Nietzsche, les femmes ne sont pas uniquement destinées au « délassement du guerrier ».

Laskarina Bouboulina, l’héroïne grecque

Née le 11 mai 1771 à Constantinople, Laskarina se marie une première fois à 17 ans. Veuve en 1797, elle se remarie en 1801 avec D. Bouboulis, un homme fortuné. Ce dernier prend part à la guerre russo-turque (1806-1812) mais meurt lors d’un assaut de pirates. Elle hérite alors d’une somme. Elle aurait pu alors couler des jours heureux dans l’insouciance, à élever ses six enfants. Elle décide pourtant de rejoindre la révolution grecque afin de libérer le pays du joug ottoman. Elle finance la construction de quatre navires dont l’Agamemnon, un imposant navire de guerre achevé en 1820. Elle organise également ses troupes et leur procure matériel et armement. Le 13 mars 1821, douze jours avant le début officiel de la guerre d’indépendance, elle hisse le premier drapeau révolutionnaire sur son mât. Le 3 avril, elle joint ses forces à une flotte coalisée de 300 navires. Bien qu’elle ait alors déjà plus de 50 ans, elle participe aux batailles. Voilà ce que l’historien Ioannis Filimon relate à son propos : « À côté d’elle, les indécis devenaient forts, et les courageux se retiraient devant elle. Inspirés par la bravoure de Bouboulina, les troupes sous son commandement libèrent plusieurs villes et à prennent la forteresse solidement fortifiée de Palamidi à Nauplie, ville qui sera temporairement la capitale de la Grèce. Bouboulina est tuée le 22 mai 1825, lors d’une vendetta familiale. Ses efforts n’ont pas été vains car la Grèce obtient son indépendance 5 ans plus tard. A titre posthume, le titre honorifique d’amiral de la marine russe ainsi que le grade de contre-amiral de la marine de guerre hellénique lui son décernés pour son génie militaire.

Maria Oktiabrskaïa et la petite amie combattante

Pendant la Seconde Guerre mondiale, environ 800 000 femmes ont servi dans l’Armée rouge. Certaines étaient reléguées aux fonctions d’appui en seconde ligne, d’autres se retrouvaient au cœur de l’action. Maria Oktiabrskaïa faisait partie de ce deuxième groupe. Née en 1905 dans une famille modeste de la Crimée, elle se marie en 1925 avec un officier soviétique. Elle s’intéresse alors à la vie militaire : elle reçoit une formation d’infirmière, apprend à utiliser des armes et à des véhicules. Sa vie bascule en août 1941 : son mari meurt au champ d’honneur à Kiev lors de l’invasion de la Wehrmacht. Les communications étant assez irrégulières à cette époque, elle apprend la triste nouvelle deux mois après. Elle n’a dès lors qu’une obsession : venger son mari. Elle vend tous ses biens afin d’acheter un char T-34 pour 50 000 roubles. Ce n’est pas inhabituel pour l’époque, mais Maria fait ce don à deux conditions : elle veut baptiser et conduire son char. Elle formule cette demande à Staline en personne, qui accepte. Chose rare pour l’époque, Maria bénéficie d’un entraînement complet pendant cinq mois, alors que la plupart des tankistes étaient envoyés directement au front. Elle devient ainsi pilote et mécanicienne. Son char, baptisée « la petite amie combattante » a été envoyé à Smolensk pour anéantir la résistance allemande. Lors de l’assaut, le char est endommagé et contrevenant aux ordres de ses supérieurs, Maria sort du char et le répare sous le feu ennemi. Cet exploit force l’admiration de ses camarades masculins et lui vaut l’obtention du grade de sergent. Un mois plus tard, à Vitebsk, l’épisode se répète : elle parvient à réparer son char endommagé sous le feu ennemi. Pas mal, non ? Mais l’offensive de Leningrad-Novgorod marque la fin de sa (brillante !) carrière. Maria et son équipage balaient alors les tranchées et détruisent des positions allemandes. Mais son T-34 est touchée pour la troisième fois. Ses chenilles ont un problème et Maria sort alors du char pour les réparer. Cette fois-ci, elle est touchée. Elle perd connaissance et reste dans le coma pendant deux mois. Elle succombe à ses blessures le 15 mars 1944. Néanmoins, son T-34 lui survit : dans le chaos de la bataille, Maria avait réussi à réparer ses chenilles. Qui a dit que la guerre et la mécanique n’étaient qu’une affaire d’hommes ?

Mariam al-Mansouri, la terreur des djihadistes

Nous sommes en septembre 2014. Mariam al-Mansouri alors âgée de 35 ans est pilote de l’armée de l’air des Émirats arabes unis. Elle participe aux premières frappes aériennes menées en Syrie par la coalition internationale contre l’organisation de l’État islamique (EI). Les autorités du pays ne démentent ni ne confirment sa participation aux raids anti-EI du 23 septembre. Une source émiratie indique néanmoins que Mariam al-Mansouri a « non seulement piloté un avion, mais a commandé une escadrille » lors de ces opérations. Coup dur pour les djihadistes : selon les croyances répandues au sein de l’EI, le fait d’être tué par une femme leur fermerait les portes du paradis où – rappelons-le – 72 vierges les attendent. (Certains affirment que l’EI n’accorde que peu d’importance au sexe de leur ennemi.) Quoiqu’il en soit, Mariam représente tout ce que l’EI abhorre. En effet, la pilote émiratie est intervenue plusieurs fois à la télévision pour plaider en faveur de ses compatriotes de sexe féminin à servir leur pays, y compris dans l’armée. Des propos qui n’ont pas manqué de susciter la haine des sympathisants de l’EI. Voici le portrait de trois femmes qui, à leur manière et à leur échelle, ont marqué l’Histoire. Les femmes sont-elles peu nombreuses dans l’armée ? Peut-être. Sont-elles valorisées ? Pas assez. Mais nul doute : quand elles prennent les armes, elles savent se montrer à la hauteur !     Lien de la photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Valkyrie#/media/Fichier:Valkyrie_(Peter_Nicolai_Arbo)_-_Nationalmuseum_-_18255.tif Par J.P Castorix