Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

Dry January : un défi pour réduire sa consommation d’alcool

L’alcool est une substance psychoactive qui agit sur le cerveau et le corps. Il peut provoquer des sensations de détente, d’euphorie ou de désinhibition, mais aussi des troubles de la coordination, de l’équilibre, de la vision, de la mémoire ou du jugement. À forte dose, il peut entraîner une ivresse, voire un coma éthylique, qui peut être fatal.

En France, il constitue une préoccupation majeure, causant un pourcentage significatif de décès chaque année. Le vin en France, c’est toute une économie, avec près de 800 000 emplois, 15 milliards d’euros d’exportations par an.  Mais le vin reste un taboue. En effet Claire Touzard, dans son livre Sans alcool, 2021, disait « en France, tout le monde boit. Et personne ne veut en parler. La sobriété est corrosive, elle est le grain de sable qui vient enrayer un déni bien huilé »

Quels sont les dangers de l’alcool ?

L’alcool est un produit psychoactif qui modifie la conscience et les perceptions, et de ce fait le ressenti et les comportements. Les effets immédiats dépendent surtout de l’alcoolémie, c’est-à-dire du taux d’alcool dans le sang. Une consommation faible peut entraîner une sensation de détente, d’euphorie, voire d’excitation, mais aussi une diminution des réflexes, une réduction du champ visuel et une désinhibition. Une consommation plus forte peut provoquer une ivresse, avec une mauvaise coordination des mouvements, une élocution troublée, une diminution de la vigilance, une perte de contrôle de soi, voire une perte de connaissance.

L’alcool est également responsable de nombreux risques à court et à long terme, qui réduisent l’espérance de vie de plusieurs années. Il s’agit ainsi de la deuxième cause de mortalité évitable en France, après le tabac. En 2015, l’alcool a été responsable de 7 % des décès chez les Français de plus de 15 ans, soit 41 080 décès. Les causes des décès ont été : des cancers (39 % des cas), des maladies cardiovasculaires (24 %), des maladies digestives (16,5 %), des accidents ou suicides (13 %) et d’autres problèmes de santé (7,5 %).

La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement d’une soixantaine de maladies. Parmi les maladies liées à l’alcool, on peut citer :

– Les cancers : l’alcool est un facteur de risque avéré pour plusieurs types de cancers, notamment ceux de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, du foie, du sein et du côlon-rectum. L’alcool augmente le risque de cancer en favorisant la formation de substances toxiques dans l’organisme, en altérant la réparation de l’ADN, en perturbant le métabolisme des hormones et en affaiblissant le système immunitaire.

– Les maladies cardiovasculaires : l’alcool peut avoir des effets bénéfiques sur le cœur et les vaisseaux sanguins à faible dose, en diminuant le risque de thrombose et en augmentant le taux de bon cholestérol. Mais ces effets sont contrebalancés par les effets néfastes d’une consommation excessive, qui augmente le risque d’hypertension, d’arythmie, de cardiomyopathie, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral.

– Les maladies du foie et du tube digestif : l’alcool est le principal responsable des maladies du foie, comme la stéatose hépatique (accumulation de graisse dans le foie), l’hépatite alcoolique (inflammation du foie) et la cirrhose (fibrose irréversible du foie). L’alcool peut aussi provoquer des maladies du tube digestif, comme la gastrite (inflammation de l’estomac), l’ulcère gastroduodénal, la pancréatite (inflammation du pancréas) et la colite (inflammation du côlon).

– Les maladies neurologiques et psychiatriques : l’alcool affecte le fonctionnement du cerveau et peut entraîner des troubles cognitifs, comme des pertes de mémoire, des difficultés d’attention, de raisonnement et de jugement, voire une démence alcoolique. L’alcool peut aussi causer des troubles psychiatriques, comme la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, les troubles du sommeil, les hallucinations et les psychoses.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’alcool est responsable de plus de 3 millions de décès par an dans le monde, soit 5,3 % de la mortalité globale.

L’alcool entraîne également des conséquences sociales et économiques importantes. Il est impliqué dans de nombreux accidents de la route, de la vie courante ou du travail, ainsi que dans des actes de violence, d’agression ou de délinquance. Il peut affecter la qualité de vie, les relations familiales, professionnelles ou amicales, et entraîner une dépendance, une détresse psychologique ou une exclusion sociale. L’alcool provoque une augmentation des risques de suicide, d’accidents de la circulation, de violences physiques ou sexuelle. Plusieurs études ont montré que l’alcool favorise les comportements violents. Le Monde du 23 février 2023, titrait « Violence conjugales : ‘’ L’alcool est présent dans plus d’un féminicide sur deux’’ ». Des données du ministère de l’Intérieur montraient, en 2018, qu’un tiers des auteurs d’homicide conjugal avait consommé de l’alcool au moment des faits.

En 2023, selon les données de Santé publique France, 41 000 personnes sont décédées en France à cause de l’alcool, soit 7 % de la mortalité totale. Les hommes sont plus touchés que les femmes, avec 30 000 décès contre 11 000. Les tranches d’âge les plus concernées sont les 55-64 ans et les 65-74 ans, avec respectivement 10 000 et 9 000 décès. Les principales causes de mortalité liées à l’alcool sont les cancers (15 000 décès), les maladies cardiovasculaires (9 000 décès) et les maladies digestives (7 000 décès). L’alcool est également à l’origine de 4 000 décès par accident, 2 000 décès par suicide et 1 000 décès par homicide.

De plus, selon Santé Publique France, 22% des Français déclarent avoir une consommation à risque qui dépasse les plafonds recommandés, c’est-à-dire pas plus de 2 verres par jour et 10 verres par semaine.

Enfin, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives révélait que l’alcool coûtait à la société 102 milliards d’euros par an et qu’elle coûtait aussi très cher aux finances publiques. En 2019, la taxation sur l’alcool rapportait 4 milliards d’euros à l’État alors que les coûts de traitement pour les maladies liées à sa consommation s’élevaient à 7,8 milliards. Pourtant, la France reste l’un des pays où l’on boit le plus avec près de 43 million de consommateurs à des niveaux très différents.

Or, ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’existe pas de consommation d’alcool sans risque. Comme l’a montré une analyse parue dans The Lancet, en 2018. Après une enquête menée entre 1990 et 2016 sur 28 millions de personnes, la conclusion est : l’alcool est dangereux même à faible dose.  « L’idée d’une dose d’alcool ‘’inoffensive’’ ou même bénéfique serait un mythe » titrait Science et Avenir le 24 août 2018. Les risques existent dès le premier verre.  « Non, une consommation modérée d’alcool n’a pas d’effet protecteur pour la santé » selon France info le 12 Mai 2019.

Quelle est l’évolution de la mentalité et de la réglementation de l’alcool  ?

La consommation d’alcool a toujours été encadrée par des règles sociales, culturelles ou religieuses, qui varient selon les époques et les lieux. Certaines religions, comme l’islam, le bouddhisme ou le mormonisme, interdisent ou limitent fortement la consommation d’alcool, considérée comme un péché ou une entrave à la spiritualité. D’autres religions, comme le judaïsme, le christianisme ou l’hindouisme, tolèrent ou encouragent la consommation d’alcool, dans le cadre de rituels, de fêtes ou de traditions. Certaines cultures, comme la culture méditerranéenne ou la culture française, valorisent la consommation modérée d’alcool, associée à la gastronomie, au partage ou à l’art de vivre. D’autres cultures, comme la culture anglo-saxonne ou la culture nordique, pratiquent davantage la consommation excessive d’alcool, lors de soirées, de week-ends ou de vacances. Marguerite Duras disait, d’ailleurs, en 1984 « vous savez Dieu n’existe pas, il est remplacé par l’alcool, il y a plus de problème si vous voulez »

La consommation d’alcool a également fait l’objet de réglementations juridiques, qui visent à protéger la santé publique, la sécurité routière ou l’ordre public. Ces réglementations concernent notamment l’âge légal d’achat ou de consommation d’alcool, le taux d’alcool autorisé au volant, la taxation ou la publicité des boissons alcoolisées, ou encore les horaires ou les lieux de vente ou de consommation d’alcool. Ces réglementations varient selon les pays, selon le degré de tolérance ou de répression vis-à-vis de l’alcool. Par exemple, en France, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,5 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est encadrée par la loi Evin de 1991. Au Royaume-Uni, l’âge légal d’achat d’alcool est de 18 ans, mais il est possible de consommer de l’alcool à partir de 5 ans sous la responsabilité d’un adulte, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est plus libre. Aux États-Unis, l’âge légal d’achat d’alcool est de 21 ans, le taux d’alcool autorisé au volant est de 0,8 g/l de sang, et la publicité pour l’alcool est soumise à l’autorégulation des professionnels.

Pourtant, en France, cela n’a pas été aisé de règlementer l’alcool et notamment le vin. En effet, en France, boire est « norme sociale » bien ancrée qui commence tout petit quand les parent « trempe les lèvre » des bébés. Le Monde en 1954, titrait, « Le Français est l’homme au monde qui consomme le plus d’alcool ».  Cette première place est due à l’importance de la consommation de vin dans le pays jusqu’en 1950. La boisson était tellement banalisée que le vin, mais aussi le cidre, était servi comme boisson dans les cantines scolaires comme l’explique Stéphane Le Bras spécialiste d’histoire contemporaine sur Public Sénat « à cette époque, c’est une pratique commune de voir des enfants consommer du vin. Les parents ont l’habitude de donner une fiole de vin coupée avec de l’eau à leurs enfants lorsqu’ils se rendent à l’école. »

Il faudra attendre 1956 pour que l’État interdise la consommation de l’alcool dans les cantines, mais seulement pour les enfants de moins de 14 ans. Ce n’est qu’en 1981 que la consommation d’alcool sera aussi interdite dans les lycées. On entre alors dans une période de sensibilisation avec des slogans comme « Boire ou conduire, il faut choisir ». Simon Veil disait en 1977, « je crois qu’il faut toujours commencer une campagne et que l’alcoolisme au volant est certainement un des aspects qui sera le mieux compris par les Français parce qu’il voit les conséquences de façon très frappante et je pense que pour qu’il y ait une campagne qui réussit dans un pays il faut que les gens comprennent et adhèrent ». Mais même si la consommation d’alcool a beaucoup diminué par rapport à 1960, elle reste très importante en France. A l’époque, chaque habitant consommait 26 l d’alcool par an en moyenne. Une consommation divisée par 2,5 puisque sur la période 2018-2021. Nous en sommes à 10,5 l d’alcool par an et par habitant aujourd’hui. Cela est surtout due à la diminution de la consommation de vin, mais aussi à une prise de conscience et à l’évolution de la loi sur le sujet. Pourtant, la France continue de faire partie des pays les plus consommateurs d’alcool au monde. Elle figure à la 9e place des 38 pays membres de l’OCDE et à la 11e place des 27 pays de l’Union européenne. En 2021, la France était le 2e pays où l’on consommait le plus de vin derrière les États-Unis, qui ont une population 5 fois plus importante. Selon la dernière étude de santé publique France, publiée en juin 2023 et basée sur les données de 2021, la proportion d’adultes dépassant les limites d’alcool recommandées est en baisse mais ils sont encore 22% à boire plus de 2 verres par jour, et même 30% chez les hommes.

L’Alcool accentue les inégalités ?

L’alcool est un fait d’homme. En effet, les consommations à risque sont davantage le fait des hommes. Cela représente 31% chez les hommes et 14% chez les femmes. L’alcool étant aussi beaucoup lié à une forme de virilité, dans l’imaginaire collectif. Dans les Tonton flinguer, nous pouvions entendre « c’est plutôt une boisson d’homme. » quand il parlait d’un bon Bordeau.

Cependant l’écart entre homme et femme s’est réduit au fil des années. Les femmes consomment plus souvent et en plus grande quantité qu’autrefois et leur mode de consommation n’est pas le même. Les femmes le dissimulent plus quand elles boivent. « J’ai commencé à boire quand j’étais jeune parce que je me suis mariée jeune et après j’en ai pris l’habitude. Je buvais en famille comme tout le monde, peut-être, puis je m’en suis servi comme stimulant. C’est devenu une catastrophe, mais pensez qu’il y a 600 mille françaises qui boivent. Et en somme, on ne sait pas parce qu’une française, elle boit, elle se cache. Elle a honte alors, elle boit chez elle. C’est très dur à déceler une femme qui boit. » selon une interview de 1973.

« Quand on est une femme, la vie est très violente et l’alcool permet à beaucoup de femme de transcender ça, de surpasser ça. C’est une façon de tenir face à la pression, face à la violence que l’on vit. Sauf que le problème c’est un mauvais médicament et que au final, ça finit par dégrader qui on est. » selon Claire Touzard dans une interview de Simone Media du 13 janvier 2021.

De plus l’alcool a des effets plus néfastes chez les femmes provoquant plus rapidement des problèmes de santé graves, en raison de leur métabolisme. Concrètement, les femmes réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l’alcool. « Les femmes ont, par exemple, 6 fois plus de risques de développer une cirrhose du foie. » selon Samia Hurst-Majnp, médecin en Bioéthique.

Qu’est-ce que le Dry January ?

Le Dry January, ou Janvier Sobre en français, est un défi qui consiste à ne pas boire une goutte d’alcool pendant le mois de janvier, afin de mettre son corps (et son foie) au repos et de profiter des bienfaits d’une abstinence. Ce défi, imaginé en 2013 par l’association britannique Alcohol Change UK, est vite devenu viral sur les réseaux sociaux et a fait l’objet de milliers de partages. En France, il a été lancé en 2019 à l’initiative de l’association France Janvier Sobre, présidée par Laurence Cottet, une ancienne alcoolique qui a médiatisé son combat contre la maladie.

Le Dry January propose de faire une pause dans sa consommation d’alcool pendant un mois, afin de changer son rapport à l’alcool et de prendre conscience de ses effets sur la santé, le moral, le sommeil, le poids, le budget, etc. Il ne s’agit pas d’un sevrage pour les personnes dépendantes, qui doivent être accompagnées par des professionnels, mais d’une expérience volontaire et collective, qui peut être l’occasion de se fixer de nouveaux objectifs pour l’année à venir.

En France, c’est la 5ème édition de ce mouvement avec potentiellement un tiers des Français qui ont arrêté de boire ce janvier. Lors d’une interview de trottoir de 28’ du 10 janvier 2024, les passant affirmer que « c’est une détoxe importante » car « après les fêtes, on sort tous fatigué ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie ont appelé le ministère de la Santé et le gouvernement à soutenir le mois sans alcool, à mettre en œuvre une véritable politique de prévention et à réaffirmer leur engagement. Ils ont déclaré : « soutenir l’opération de mobilisation sociale connue en France sous le nom de ‘’défi de janvier’’ nous semble être une opportunité de choix ».

Quels sont les bienfaits du Dry January ?

Face à ces dangers, le Dry January offre l’opportunité de faire une pause avec l’alcool et de bénéficier de ses effets positifs sur la santé. Selon une étude menée par l’Université de Sussex en 2019 sur près de 3 000 participants au Dry January, 71 % ont expliqué avoir mieux dormi, 58 % avoir perdu du poids, 57 % avoir une meilleure concentration et 54 % une plus belle peau. De plus, 88 % ont déclaré avoir économisé de l’argent, 80 % avoir retrouvé le contrôle de leur consommation d’alcool, 76 % avoir pris conscience des situations où ils buvaient par habitude et 71 % avoir réalisé qu’ils n’avaient pas besoin d’alcool pour s’amuser.

En janvier 2023, Michael Naassil, président de la société française d’alcoologie, expliquait dans Le monde « l’enjeu est de déclencher une prise de conscience sur le niveau de consommation. Ce n’est pas moralisateur, ni hygiéniste. Plusieurs études anglaises ont montré un effet sur la fréquence de consommation. L’une d’elles mesurait que 7 personnes sur 10 consommaient moins d’alcool 6 mois après ce défi. Le message positif de la possibilité d’améliorer la santé par la réduction de la consommation, voire l’abstinence devrait être défendue par les décideurs politiques […] pour réduire le lourd fardeau sanitaire et sociétal de l’alcool. »

Quelle sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Dry January ?

Le Dry January n’est pas une initiative officielle du gouvernement français, contrairement à d’autres nations telles que le Royaume-Uni, l’Irlande, la Finlande ou l’Australie, où il bénéficie du soutien des autorités sanitaires. En France, cette initiative a été lancée par des associations, des médias et des personnalités, sans le soutien direct du ministère de la Santé. Certains observateurs ont critiqué l’influence des lobbys de l’alcool, suggérant qu’ils auraient dissuadé le gouvernement de soutenir le Dry January par peur d’entraver l’industrie viticole et les traditions culturelles françaises. Un article daté du 4 janvier 2024 indique que « la plupart des ministres ne participent pas à l’initiative », certains considérant qu’il s’agit d’un sujet éloigné des préoccupations françaises ou même d’une question relevant de la sphère privée.

D’autant plus que, le poids des lobbys présent à l’assemblée depuis 1919 est très important. En 1973, de nombreuses personnes affirmaient « oui le vins, ce n’est vraiment pas de l’alcool. C’est une nourriture, si on veut. » ou encore, « le vin ce n’est pas de l’alcool, ça fait du bien le bien », « vous savez en France on a tellement d’occasion de boire, que ça soit pour une naissance, pour un enterrement, ou quoi que ce soit. Vous allez chez les gens faire du travail, bon, la première chose qu’on vous dit, vous voulez boire un coup ».

Le travail des lobbies à payer puisque c’est une idée bien ancrée, encore aujourd’hui, que le vin est un alcool à part, qui ne fait pas autant de dégâts.

C’est ce que répétait en 2019 le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, « bah non, je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres. L’addiction à l’alcool est dramatique et notamment dans la jeunesse. Mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit alcoolisé aux bouches du Rhône, au Bordeaux.  Jamais. ». Pourtant le vin est bien un alcool comme les autres et c’est ce que disent tous les addictologues. L’alcool qu’il contient a les mêmes effets sur le corps que celui présent dans la bière ou les alcools forts. Aucune étude n’a été en mesure de démontrer de différence entre les conséquences de la consommation de vin et de bière. Le Monde du 16 janvier 2019, titrait « Le vin est ‘’un alcool comme un autre’’, n’en déplaise au ministre de l’agriculture »

Guillaume Davido, addictologue, interrogé le 2 janvier 2024 sur BFM TV racontait, « par exemple ça c’est justement une idée reçue, des patients disent, ne vous inquiétez pas, je ne consomme pas d’alcool fort, donc j’ai pas de problème. Mais en vérité à partir du moment où vous consommez énormément de vin rouge, si vous consommez un verre standard de vin rouge, cela vaut un verre standard de whisky. Vous avez exactement les mêmes risques ».

Le 12 décembre 2023, 48 spécialistes en addictologie disait « La confiance envers le gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue contre l’alcoolisme est sérieusement altérée. La restauration de cette confiance ne peut passer que par des gestes forts, tant sur le plan du contenu que de la portée symbolique ».  Face à cela, le 16 décembre, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, s’est exprimé sur France Inter en critiquant la pression constante : « Je suis comme mon collègue Rousseau, […] c’est bizarre comme on dit à chaque fois, quand on est comme ça, on dit on est dans le lobby. […] Il me semble qu’on n’a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur une trajectoire. Je ne veux pas faire [le Dry January] parce que, mais j’essaie de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de consommer avec modération. La mesure est la modération, plutôt que l’interdiction ». Pour l’addictologue Amine Benyamina, la proximité avec les lobbys de l’alcool est ici flagrante.

En 2019, Santé Publique France avait prévu une campagne intitulée « mois sans alcool » pour janvier 2020, avec le soutien du ministère de la Santé. Un budget avait été alloué et les préparatifs étaient déjà avancés. Cependant, cette initiative avait suscité des inquiétudes au sein de l’association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait demandé au gouvernement d’y renoncer en raison des difficultés économiques du secteur. Dans une lettre datée du 7 novembre 2019, ils écrivaient : « Moi sans alcool – Les Français ne doivent pas passer le mois de janvier à Sec ! ». Une enquête de France Télévisions avait ensuite révélé que c’était Emmanuel Macron lui-même qui avait annulé la campagne à la suite d’une conversation avec le président du syndicat général des vignerons de la Champagne, Maxime Toubar. La campagne a été remplacée par la promotion d’un « janvier sobre », un mois où l’on peut boire mais avec modération. Dans leurs correspondances, ils soulignent : « La filière viticole promeut depuis des années un message de modération, d’éducation à l’art de vivre à la française et à la culture du vin ». Dans l’émission Envoyé Spécial du 11 novembre 2024, Agnès Buzyn a déclaré : « A cette époque-là, je pense que les arbitrages ont été vraiment en faveur de l’agriculture, de la viticulture, des vignerons et parce que c’est aussi un critère qui fait d’exportation, c’est une image de la culture française. Donc on m’a reproché de ne pas respecter la culture française, d’avoir un discours moralisateur ».

Cette situation s’est répétée au printemps 2023, lorsque le ministère de la Santé a rejeté deux campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. L’une d’elles était prévue pour être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby. Les slogans de ces campagnes étaient « ne laissez pas l’alcool vous mettre KO » et « quand on boit des coups, notre santé prend des coups ». Sous la pression des lobbys, le ministère a plutôt décidé de cibler les jeunes avec une campagne de prévention intitulée « c’est la base », proposant des messages tels que « faire attention à ses amis s’ils boivent trop », « boire aussi de l’eau en soirée » et « ne pas oublier de manger ». Cette décision a été critiquée par Myriam Savy, directrice du plaidoyer au sein de l’association Addiction France : « Les campagnes de prévention ciblant les jeunes ou les femmes enceintes ne dérangent car elles sont spécifiques. Cependant, les deux campagnes initiales visaient la population générale, qui consomme de manière régulière de l’alcool. On leur disait que l’alcool présente un risque pour la santé, qu’il est un facteur de risque de cancer. Et cela, l’industrie de l’alcool ne l’aime pas ». En remplacement de ces deux campagnes, Santé Publique France avait proposé de rediffuser une ancienne campagne de 2019, « 2 verres par jour et pas tous les jours », mais l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’y était opposé.

En septembre 2023, lors de ces révélations, Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addiction France, a dénoncé « le lobby de l’alcool qui a infiltré tout l’appareil d’État » et « influence les décisions et s’arroge un droit de veto sur les campagnes ». Il a ajouté : « On peut faire une campagne d’information libre sur l’alcool en France. La mission de Santé Publique France est de faire de la prévention, pas de la communication gouvernementale. Ce n’est pas de relayer la parole d’Emmanuel Macron, c’est de défendre la santé. Ce n’est pas ce qui se passe ».

En conclusion, le Dry January offre une opportunité précieuse de réévaluer notre relation avec l’alcool et de prendre conscience des dangers qu’il peut présenter pour notre santé physique et mentale. En adoptant une habitude de vie sans excès, nous pouvons non seulement améliorer notre bien-être général, mais aussi réduire les risques de maladies chroniques, de dépendance et d’accidents liés à la consommation d’alcool. Il est crucial de reconnaître l’importance d’une consommation responsable et de rechercher des alternatives saines pour faire face au stress et aux pressions sociales. En cultivant des habitudes de vie équilibrées et en mettant l’accent sur la santé et le bien-être, nous pouvons non seulement vivre plus longtemps, mais aussi profiter pleinement de chaque aspect de notre existence.

Par Matthis THOMAS–ZBINDEN

Pourquoi la fonte des glaciers himalayens menace-t-elle l’accès à l’eau de millions de personnes ?

Pourquoi la fonte des glaciers himalayens menace-t-elle l’accès à l’eau de millions de personnes ?

En juin 2023, une nouvelle étude publiée par le Centre international pour le développement intégré des montagnes (ICIMOD) estime que le rythme de fonte des glaciers himalayens entre 2011 et 2020 a été 65 % plus rapide que pour la décennie précédente. Le centre alarme aussi quant à la sécurité hydrique de millions de personnes.

L’Himalaya et ses glaciers constituent une région-source fondamentale pour l’approvisionnement en eau de 240 millions d’habitants dans les régions montagneuses et 1,65 milliards d’autres personnes dans les vallées en contrebas, indique l’ICIMOD. Les glaciers himalayens alimentent en effet les plus importants bassins fluviaux du monde, dont le Gange, l’Indus, le Fleuve Jaune, le Mékong et l’Irrawaddy. C’est donc une ressource stratégique pour les 8 pays régionaux de l’Hindu Kush Himalaya membres de l’ICIMOD que sont l’Afghanistan, le Bangladesh, le Bhoutan, la Chine, l’Inde, Myanmar, le Népal et le Pakistan.

La fonte rapide des glaciers en raison du réchauffement climatique aura donc des conséquences écologiques et économiques dévastatrices qui se révèlent déjà préoccupantes. Sur le court terme en effet, la fonte des glaciers entraîne une augmentation du volume d’eau descendant des sommets. Ainsi, en février 2021 à la suite d’une crue, des dizaines de milliers de foyers de New Delhi ont été privés d’eau courante. Cette crue a fait suite à la rupture d’un glacier himalayen. Elle a endommagé un complexe hydroélectrique et détruit routes et ponts.

Selon l’étude de l’ICIMOD, ces conséquences ne feront que s’aggraver dans les années à venir puisque celle-ci estime une disparition des glaciers himalayens jusqu’à 80 % de leur volume d’ici la fin du siècle en suivant les trajectoires d’émissions actuelles. « Cela souligne la nécessité d’une action climatique urgente », déclare Philippus Wester, chercheur et principal auteur de cette étude.

Par Cassandre LETORTU

Pourquoi les gens intelligents croient-ils à des conneries ?

Pourquoi les gens intelligents croient-ils à des conneries ?

On a tous rencontré quelqu’un d’intelligent, quelqu’un avec un diplôme d’ingénieur, avec même un doctorat, des entrepreneurs, des philosophes ou de grands romanciers ; bref, des gens brillants qui, pourtant, croient à des choses stupides. Cela peut être l’astrologie, l’homéopathie, l’étude des anges, le communisme, le chamanisme, les fantômes ou les produits bio. Pourquoi des gens qui semblent plus intelligents que nous croient-ils à des choses qui sont très clairement absurdes ?

Face à ce paradoxe, on peut proposer trois réponses possibles. La première, c’est d’en conclure que, contrairement à ce que suggèrent leurs diplômes et publications, ces gens sont tout simplement très bêtes. C’est une réponse simple, mais aussi illogique. En suivant ce raisonnement, toute personne avec une croyance ridicule serait stupide. Sir Isaac Newton, possiblement le plus grand physicien de l’histoire, l’inventeur du calcul, de la loi de la gravitation universelle, de la mécanique classique, aurait donc été un abruti. Il croyait à une pseudoscience que l’on appelle la numérologie. Cette croyance défend que des additions sur certains chiffres arbitraires associés à une personne – comme sa date de naissance – sont un moyen de prédire son avenir. Il me semble prudent de dire que Sir Isaac Newton avait un esprit au-dessus de la moyenne. Donc,  d’après cet exemple de la vie réelle, toute personne croyant à des choses stupides ne peut pas être stupide.

La deuxième réponse possible est que, en réalité, leurs croyances ne sont pas du tout absurdes. En vérité, les raisons pour lesquelles ils croient à ces choses ridicules seraient tellement sophistiquées que nos petits esprits n’arriveraient jamais à les comprendre. Il faudrait donc les croire par argument d’autorité. Mais il y a aussi un problème avec cette conclusion. Tous les scientifiques, les philosophes et les gens que l’on considère généralement intelligents ne sont pas d’accord sur beaucoup de sujets. Il y a beaucoup de biologistes athées, mais il y en a aussi qui sont croyants. Il y a certains médecins qui croient à l’homéopathie, mais il y en a aussi qui assurent que ce n’est qu’une arnaque. Tous les gens brillants ne peuvent pas avoir raison.

Il nous reste la troisième et plus malheureuse conclusion. Elle est malheureuse parce qu’elle rend la tâche de choisir ses croyances beaucoup plus compliquée. En réalité, toute personne, malgré son intelligence, pourrait avoir tort. Ce qui est pire, une personne capable de mener des raisonnements sophistiqués peut plus facilement trouver les contorsions intellectuelles nécessaires pour justifier les idées les plus folles. Hitler n’était pas con, Staline non plus. Vous connaissez sûrement des gens avec une capacité de débat aussi élevée qu’ils pourraient convaincre n’importe qui que la Terre est plate et que la Lune n’existe pas.

Cela dit, ce n’est pas un secret que les gens peuvent se tromper. Mais arrêtez-vous un moment ici et réfléchissez deux minutes. Quelles sont les conséquences du fait que toute personne – peu importe que ce soit Albert Einstein ou Isaac Newton – puisse être convaincue d’une idée fausse ? Bien évidemment, Newton ne savait pas qu’il avait tort. Où en restons-nous, simples mortels, face à eux ? Si ces géants ont pu embrasser des idées si absurdes et les défendre comme nous défendons la liberté, croyez-moi, vous et moi, nous pouvons faire pareil. Et nous ne nous en rendons pas compte. Je suis prêt à parier que vous et moi, nous avons en ce moment une bonne quantité d’idées fausses, contradictoires et dangereuses dans nos esprits. Le vrai problème, c’est la tâche de repérer les mauvaises idées.

Faut-il donc abandonner toutes nos idées reçues ? Faut-il tout simplement arrêter de chercher la vérité et tomber dans le nihilisme ? Bien sûr que non. Je vous propose une autre alternative, souvent énoncée mais peu appliquée. Que ceci soit un rappel du principe de la liberté d’expression. En ce temps où des groupes politiques cherchent à nous diviser, soyons prêts à changer d’avis. Privilégions les débats aux conférences. Écoutons souvent des idées contraires à ce que nous croyons, même – et surtout si – elles nous paraissent offensantes. La prochaine fois que quelqu’un nous parle d’un point de vue stupide ou offensant, écoutons-le et posons-lui des questions. Que vous soyez un prix Nobel, le chef d’une entreprise ou un simple étudiant, vous pouvez, vous aussi, changer d’opinion. Aucune idée n’est sacrée (sauf celle-ci, bien évidemment).

Alejandro A O

Dialogue de chefs.

2 ans et demi. C’est le temps qu’aura duré le « nouveau monde » de Macron. Même si beaucoup le voyait déjà mort, la crise du coronavirus lui porte un coup mortel et confirme la réalité de ce qu’est la Macronie. Retour sur ces années au pouvoir sous forme d’un dialogue fictif entre Macron, Charles De Gaulle, Napoléon et Jeanne d’Arc.

Avril 2020, Emmanuel Macron sort d’une énième réunion ministérielle sur la crise du Covid-19. Il traverse les couloirs de l’Elysée et soudain dans le salon des Portraits il tombe sur trois personnages en costume, facilement reconnaissables : Charles De Gaulle, Napoléon Bonaparte et Jeanne d’Arc. La surprise est grande, mais le temps semble comme suspendu et d’ailleurs s’installe une atmosphère particulière. Le président n’a pas l’air si étonné de leur présence, s’en suit un dialogue entre ces protagonistes. En voici quelques précieux passages.

« Je suis très troublé de vous retrouver ici chez moi au cœur de la République, commença le président.

– Comment cela chez vous ? rétorqua Napoléon. Ce palais fut construit la République n’existait même pas !

– Sans compter que j’y ai passé bien plus d’années que vous n’y resterez, ajouta le général sur un ton mi-amusé mi-bienveillant.

– A vrai dire, je suis étonné de vous rencontrer, vous êtes des modèles, je me compare souvent à vous et vous êtes moins impressionnants en face que dans l’imaginaire, ajouta le président comme pour se défaire du poids de l’histoire et de ses propres fantasmes les plus fous.

– Mais Emmanuel, vous comparer à nous ? commença Jeanne. Nous avons tous sauvé la France d’un destin tragique, nous nous sommes battus pour elle au risque de mourir, nous avons toujours eu pour idéal cette France que nous mettions au-dessus de tout sauf de Dieu. Et voilà que vous, petit président de la Ve République vous vous comparez à nous ? Qu’avez-vous accompli ? railla-t-elle.

– Vous avez mis cette France dans la rue, à genoux, à feu. Et la voilà dans une nouvelle crise où nous voyons bien que la France a perdu de sa splendeur, vous n’êtes même plus capable de gérer convenablement ce pays alors que vous avez un ennemi invisible ! renchérit Napoléon. Moi j’ai combattu sabre au clair, dans le sang et la poudre pour relever ce pays, moi j’ai consacré ma vie pour elle quitte à y mourir. Moi je l’ai défendu seul face à l’Europe cette Nation pour lui permettre de réussir sa Révolution. Et vous ? vous osez vous comparer à nous ? Tout simplement parce que vous habitez un beau palais doré et que vous êtes escorté par la garde républicaine ? Même cela n’est pas de vous ! ajouta Napoléon plein de fougue.

– Je vous trouve très dur, répondit Macron, sachez que j’ai à cœur d’accomplir la tâche qui m’est donnée. Parfois tout ne réussit pas et je suis ouvert à la critique, je l’entends et je vous comprends comme je comprends d’ailleurs les Français. Mais il faut faire des réformes, parfois, elles paraissent difficiles mais elles finiront par ramener l’unité républicaine que nous chérissons tous, d’ailleurs… il fut soudainement coupé par De Gaulle.

– Oh bon Dieu Emmanuel, épargnez-nous vos éléments de langage. Aux journalistes, mais pas à nous ! dit-il agacé. Même les Français ne supportent plus ce jeu de petites phrases, de lyrisme dans les discours et d’inaction derrière !

– Vous commencez à m’agacer ! lança Macron. Et vous ? L’Algérie, les grands discours télévisés, ce sont également des éléments de langage !

– Mais mon cher Emmanuel, la différence entre vous et moi, c’est que j’étais capable de discours mémorables suivis d’actions. Je ne faisais pas du charabia pour combler un vide qui servait à cacher une chienlit ! Et vous Emmanuel, vous seriez prêt à mettre votre mandat aux mains des Français ? Même à 13% de popularité votre génération reste au pouvoir ! Voilà ce que vous avez fait de ma Ve République, une espèce de bureaucratie de privilégiés qui n’a même plus de lien avec le peuple !

– J’ai compris, j’ai compris, lança-t-il visiblement blessé. Vous ne me croyez pas à la hauteur, vous critiquez de votre position d’observateur, c’est simple, mais moi je suis aux commandes et j’hérite de ce que l’on m’a laissé. Allez-vous plaindre de Sarkozy et d’Hollande.

– Emmanuel, vous allez aussi nous faire ce coup de lâche ? questionna Jeanne. Remettre la faute à un autre pour se donner bonne conscience et mieux assumer une mauvaise gestion ? C’est bien là encore plus tordu que la perfide Albion… Et pourtant je l’ai connue de près.

– Et moi donc, ajouta Napoléon, une pointe de nostalgie dans la voix.

A ce moment, Macron rumine, il marche vers la fenêtre, puis vient s’asseoir. Pourquoi le fustigent-ils qu’a-t-il fait de si mauvais ? Il a quand même réussi à devenir dirigeant de la France, n’est pas suffisant ?

– Moi je l’ai fait, j’assume la charge du pouvoir sur mes épaules.

– Vous voyez Emmanuel, il y a une différence qui marque nos époques. Nous, nous voyions le pouvoir comme un point de départ, un moyen d’arriver à notre fin qui était la grandeur de la France, commença Charles De Gaulle. Vous vous voyez le pouvoir comme une fin. Comment voulez-vous travailler pour la France dans ces conditions ?

– Mais je travaille pour la France, il y a plus de réformes que sous le précédent quinquennat.

– Vous ne saisissez donc pas ? demanda Jeanne d’Arc. Le nombre n’a jamais été gage de qualité. Nous aussi avions réformé, mais c’était spectaculaire dans le sens où cela a apporté de grands changements pour le pays. Ce furent des réformes utiles. Vous, vous réformez en défendant les intérêts de certains et en méprisant le reste du peuple. On ne sert jamais la France en méprisant le peuple ! La France, c’est un ensemble, un tout.

– Vous voyez bien ! Vous venez d’énoncer que vous étiez des réformateurs. Vous êtes la preuve que le progressisme a du bon.

– Vous confondez tout monsieur le président, rétorqua immédiatement Napoléon. Vous confondez progressisme et progrès, vous confondez Nation et démocratie, vous confondez social et socialisme, vous confondez peuple et foule… et le plus grave, vous confondez France et République ! Nous n’étions pas des progressistes monsieur, nous étions des serviteurs de la France pour sa gloire, son Histoire et son prestige. Nous avons fait des réformes, mené des actions ou des batailles parce qu’il était nécessaire de le faire pour sauver la France ! En soi, nous sommes des conservateurs dans le sens où nous voulions faire traverser la France dans l’Histoire et pouvoir transmettre la totalité de ses valeurs aux générations à venir. Et vous ? Qu’avez-vous fait pour elle ? Vous vous dîtes progressiste, vous avez écrit « révolution », vous annoncez sur tous les toits que le nouveau monde est arrivé, et en fait vous avez simplement déconstruit la France, toujours un peu plus, chaque jour un peu plus !

– Vous brisez tout, l’Histoire, la Nation, la culture. Je suis à peine étudiée, voire jamais, renchérit Jeanne d’Arc, et qu’en est-il de Napoléon ? Vous apprenez à le détester à l’école ! Le monde entier est subjugué par la grandeur de ce personnage, un seul pays y est hostile, c’est la France… et je ne parle pas de Charles De Gaulle. Où sont les traces de ses faits d’arme dans les manuels, de sa grandeur, de son énergie et de son caractère si exceptionnel ? Tout ce que vous apprenez aux Français c’est l’Algérie, l’Algérie et l’Algérie ! D’ailleurs vous ne leur apprenez que la misère, la guerre, les erreurs. Vous vous rendre les Français honteux de leur héritage, honteux de leur Histoire pour mieux déconstruire cette Nation.

– Mais vous vous méprenez sur la France, continua Charles De Gaulle. Même brisée, même humiliée, pillée ou détruite, la France renaît toujours. Il y aura un jour où elle pensera toutes les blessures que vous lui avez infligé, un jour où un homme ou une femme surgira pour la sauver. Mais cette personne ce n’est pas vous. Votre seule réussite est d’avoir fait de la France un pays qui a besoin d’aide humanitaire chinoise pour gérer une crise… Un pays qui possède l’arme nucléaire, par la politique que j’ai mené d’ailleurs, mais qui est incapable de produire des masques, ou des tests… Voyez-vous cher ami, j’avais des pensées sombres en voyant la France dans les années 1940 et 1950. Je peux maintenant vous assurer qu’elle n’a jamais été autant à la portée des vautours.

– Vous m’êtes pénibles ! répondit Macron en haussant le ton. A vous entendre tout est simple ! Il n’existe pas de formule magique, vous avez réussi sur des coups de chance, si c’est si simple, donnez-moi la raison !

– Vous ne comprenez pas, dit Napoléon. Le problème c’est que vous méprisez la France, vous détestez son peuple et vous enterrez son Histoire. Soyez responsable, aimez la France plus que votre femme, aimez votre peuple plus que vos enfants et protégez votre Histoire plus que votre or, et je vous assure que vous ferez des merveilles pour celle-ci ! Voyez-vous, la France n’est pas une chose sur laquelle on fait tout et n’importe quoi. La France est fragile et précieuse, mais il faut la manier fermement, diriger la France c’est comme boire dans un verre en cristal avec un gant de fer.

– La France n’est pas une idéologie, on ne la sert pas pour ses intérêts ou pour mettre en avant des petites philosophies de bas étage, continua Jeanne. La France est sacrée, or ce que des hommes ont mis mille ans à construire, vous êtes capable de le défaire en quelques mois. Vous voulez même à tout prix entrer dans l’histoire et faisant fi des traditions vous êtes capable de remettre debout en 4 ans ce qui a été fait en 107 années. Votre haute vision de vous-même vous compare à Jésus ?

– Très bien j’ai compris ! J’ai compris ! Laissez-moi ! Laissez-moi ! Je vous préfère encore dans les livres, laissez-moi tranquille ! hurla-t-il. »

A cet instant, il se réveilla, assis dans un fauteuil du salon des Portraits. Combien de temps avait-il dormi ? Il lui semblait que des heures s’étaient écoulées, et pourtant d’après sa montre il n’y avait qu’une minute qui séparait la sortie du conseil de cet instant précis. Il se releva, retourna au travail, l’air un peu perturbé. Puis il se ressaisit, secoua la tête comme pour écarter un tourment. Il avait du travail, une réforme des retraites à conduire, des pays à faire intégrer à l’Union Européenne et des masques à commander à la Chine.

A. B.

Cher journal

Vendredi 27 mars, 

Onzième jour de confinement

Cher journal, 

Je pense qu’il est difficile de mettre des mots sur ce que nous vivons. Comment définir ce mélange permanent de sentiments, d’émotions et de sensations. Mes journées sont longues, similaires, peu intéressantes. Les activités se font rares et lorsque l’occasion se présente, l’envie s’enfuie.

Je n’ai pas envie aujourd’hui de te livrer mes meilleurs conseils pour lutter contre l’ennui. Je préfère tout simplement te parler, à cœur ouvert, de sujets dont on ne parle pas beaucoup ensemble. Me confier à toi dans cette période de solitude et d’isolement. Juste une conversation entre toi et moi, cher journal. 

Il y a un thème qui m’est cher et dont j’aimerais discuter avec toi. J’ai envie de te partager ma vision de la confiance en soi et du regard des autres. Toi comme moi, nous savons l’influence qu’ont les réseaux sociaux sur nous. Enfin leur poids. Une charge qui pèse constamment sur nos épaules, qui nous rabaisse et cela avec délicatesse et subtilité. Même leur pire vice est si parfait. Je nomme Instagram, lieu du culte de la perfection. J’ai vu naitre Instagram (sans doute comme toi), et j’ai grandi aveuglée par l’illusion de ce que, dans mon idéal à moi, j’appelle la « perfection ». Ce n’est que récemment que nous avons pu assister à une vague de prises de conscience sur les failles d’Instagram. Retouches, angles, filtres, sourires, respirations coupées … Un mensonge si bien construit et embelli qu’on en oublie sa nature. 

J’ai conscience de ne rien t’apprendre de nouveau. Mais as-tu déjà pensé à tout l’impact que cela a pu avoir sur ton rapport à toi-même ? Prends quelques instants et réfléchis-y. 

Concernant ma propre expérience, sans doute liée à ma naïveté, j’ai souvent été obnubilée et émerveillée par tout ce contenu. Est-ce de ma faute ? Est-ce ma naïveté qui s’est encore jouée de moi ou bien l’essence même d’Instagram ? Aujourd’hui, il reste encore difficile pour moi de blâmer l’un ou l’autre. Peu importe, je suis chanceuse d’avoir acquis le recul nécessaire me permettant d’admettre avoir été envoûtée et charmée par ce réseau. 

Avoir confiance en moi a toujours été compliqué, et cela bien avant l’émergence des réseaux sociaux. Instagram n’a fait que pointer au grand jour un manque de confiance mal enfoui et avec lequel j’ai appris à vivre. Je n’ai pas eu le choix. C’était malgré moi. Comment faire face, à l’âge de 15 ans, à ce culte de la perfection ? Un âge si crucial et déterminant dans la construction de soi. Quoi de plus nocif et dévastateur ? 

Discuter de ce sujet avec toi aujourd’hui me permet de t’apporter une vision tout autre du confinement. Saisis-le comme une véritable opportunité. Je m’explique. Le manque de confiance en soi est très souvent lié au regard des autres. Ce regard moqueur, dévalorisant, neutre, aimant … peu importe sa nature, un regard extérieur est toujours perçu comme une attaque personnelle. Il est difficile de recevoir un compliment craignant de son honnêteté et il est d’autant plus inconcevable de l’accepter. Le regard est fatal dans une quête de confiance en soi. Si furtif mais si poignant, si léger mais si intense, si naturel mais si destructeur. 

Victime de ces regards dans ton quotidien, saisis cette situation comme un véritable atout durant ce long et fastidieux processus de confiance en soi. Saisis l’opportunité de rompre avec ton quotidien qui t’oppresse, te juge et te brise petit à petit. Profite de cet isolement pour te retrouver avec toi seul, apprendre à t’aimer et à vivre en harmonie avec qui tu es réellement. Tu n’y arriveras sans doute toujours pas une fois l’isolement terminé, mais tu peux commencer, faire le premier pas sur ce chemin où les embuches y seront nombreuses. Ne cache plus qui tu es, profite de cette vague de body positive et self love qui circulent sur les réseaux sociaux pour en faire une force lors de cette aventure vers une relation aimante et saine avec toi-même. 

Promets-moi d’essayer. 

Je ne souhaite pas signer ces quelques mots. Je souhaite que quiconque puisse s’identifier à ma pensée ; la pensée d’une confinée.

Merci pour ce moment de partage, cher journal.