La prochaine pandémie nous sera-t-elle fatale ?

La prochaine pandémie nous sera-t-elle fatale ?

Comme pour la plupart des grandes tragédies du monde, on explique généralement l’arrivée des principales maladies sur Terre par la mythologie. La curieuse Pandore, envoyée par Zeus sur notre belle planète comme un cadeau empoisonné des dieux olympiens, en ouvrant la boîte éponyme, aurait ainsi, au moins de manière fictive, libéré avec elle les maux les plus terribles qui y étaient sordidement renfermés. Qu’on y accorde du crédit ou non, dans tous les cas, la maladie a toujours été indissociable du genre humain. Parmi toutes les populations du monde, au cours de toutes les périodes de l’histoire, la maladie a fait l’objet d’une lutte parfois quotidienne, souvent dramatique. Comment, en effet, combattre une source de danger invisible à l’œil nu, tenant davantage du paranormal que du réel ? Certes, les progrès de la médecine ont permis de jeter les bases d’une prévision plus optimiste pour l’avenir, tendant à dépeindre de plus en plus la maladie comme une menace propre à des temps anciens, immémoriaux et à des sociétés profondément archaïques. Et pourtant, alors même que certaines pathologies demeurent encore incurables, une menace plus grave semble peser sur la survie humaine. Ces maladies ne sont pas individualisées et individualisables, elles sont capables de se propager, d’infecter des êtres humains par centaines et qui sait, si elles le peuvent pour quelques centaines de personnes, pourquoi ne le seraient-elles pas pour quelques milliers, quelques millions voire quelques milliards ?

La maladie fait peur, angoisse, mais la pandémie – l’extension géographique d’une épidémie – constitue un des grands cauchemars de la pensée humaine. Et quoi de plus logique, lorsqu’on sait qu’une maladie, extrêmement virulente, est capable de se propager sans un minimum de précautions hygiéniques ou de mesures d’isolement. L’homme du XXIème siècle regarde avec un léger sourire, un mépris et une indifférence condamnable les grandes pandémies qui ont jalonné les siècles précédents, médisant sur les solutions adoptées pour contrer ces divers cataclysmes génétiques. Mais notre siècle n’est pas celui de la curabilité automatique, celui des solutions forcément pertinentes, et à la différence de ces siècles antérieurs, notre démographie planétaire paraît être l’épicentre de notre propre faiblesse. Notre interdépendance économique et notre mondialisation effrénée, mettant en mouvement des ressources et des hommes en quantité considérable à l’échelle internationale, traversant à une vitesse foudroyante les frontières, plus que jamais poreuses, risque de représenter la source de notre propre annihilation. D’ailleurs, les cas épidémiques récents ne viennent pas infirmer cette inquiétante perspective. Le SRAS a causé à lui seul 132 morts dans le monde selon les statistiques et pas moins de 5 300 personnes contaminées et Ebola peut atteindre un taux de létalité de 90% des personnes infectées. Du reste, que penser du coronavirus chinois ? Surnommé pour le moment 2019-nCoV, il a déjà tué 470 Chinois et contaminé près de 24 000 personnes à travers le monde (chiffres officiels au mercredi 5 février 2020), suscitant des angoisses fondées, suffisantes pour nous demander si nous sommes bien prêts à faire face à une pandémie globale.

Une brève radiographie historique des pandémies et de leurs conséquences : état des lieux

L’Histoire regorge de cas de pandémies qui se sont révélés désastreux pour l’évolution de l’humanité. Du choléra, qui a sévi à sept reprises dans des proportions effroyables, jusqu’à la peste noire ayant causé l’extinction de 30 millions d’individus – soit de 30 à 50% de la population européenne au XIVème siècle – en passant par la variole et le VIH, les pandémies ont connu une ampleur indescriptible. Mais ce qui est le plus à craindre, c’est que la plupart de ces pathologies ne doivent pas être considérées comme éradiquées ; bien au contraire, certaines d’entre elles reviennent, parfois même avec une mutation qui renforce leur létalité. C’est ce qui a caractérisé la grippe espagnole de 1918-1919, dont la sévérité était due à un renforcement de la grippe saisonnière H1. Dans la majorité des cas, la mise en quarantaine a été la mesure phare instaurée pour lutter contre la transmission de la maladie à tel point que l’on considère généralement la lèpre comme l’une des situations les plus liées à ce mode de défense. En outre, certaines maladies, potentiellement guérissables, développent des résistances multiformes et persistent malgré leur ancienneté. C’est le cas de la tuberculose, une des 10 premières causes de mortalité dans le monde, qui touchait encore en 2018 jusqu’à 10 millions de personnes et en tuait 1,5 million.

Alors que faire ? Evidemment, si vaccinations, traitements et précautions sont de rigueur pour des maladies notoires, sommes-nous capables de gérer une nouvelle épidémie inconnue et extrêmement violente en même temps qu’extrêmement contagieuse ? Hélas pour nous, nombreux sont les éléments qui poussent au pessimisme. Ainsi, depuis les moyens employés pour contrer Ebola en 2014, les investissements engagés pour lutter contre une maladie n’ont cessé de baisser pour atteindre désormais leur niveau le plus bas, c’est-à-dire une diminution de 50% des budgets alloués à la sécurité sanitaire. Les financements reculent aux Etats-Unis notamment, eux qui représentent pourtant le centre névralgique de la coopération internationale pour la lutte contre les pandémies mondiales. Or, cette dégradation survient à un moment où la potentialité d’apparitions de maladies zoonotiques est au plus haut. Ebola vient effectivement de se déclarer de nouveau en Afrique, cette fois-ci en République Démocratique du Congo et la Chine semble constituer un nid à pathologies entre le nouveau coronavirus et le renouvellement des épidémies de H7N9. Sachant que la Chine dispose de son propre Centre de détection et de préservation des maladies, ce qui n’a pas empêché le virus de s’étendre et de s’exporter, à quoi devons-nous nous attendre lorsque 30 000 individus traversent quotidiennement le Pacifique et que le surpeuplement guette ? La crainte est fondée, surtout lorsque de nombreuses études estiment que les outils de santé publique de base perçus comme indispensables pour affronter une pandémie sont à 90% insuffisamment développés afin de répondre à la prochaine grande maladie infectieuse.

Ebola et le coronavirus chinois, des cas isolés ou des exemples concluants et annonciateurs ?

Xi Jinping, l’actuel président chinois, a affiché une fermeté claire face au 2019-nCoV, déclarant lors d’une rencontre avec le directeur général de l’OMS à Pékin : « L’épidémie est un démon. Nous ne permettrons pas au démon de rester caché. » Aujourd’hui, malgré les performances et les avancées de la science, il est impossible de déterminer toutes les maladies. Néanmoins, leur quantification reste possible et certaines estimations évalueraient le nombre de virus capables de contaminer des mammifères à plus de 320 000. Malheureusement, comme toute recherche scientifique, leur détermination coûterait 6 milliards de dollars. A la place, les incertitudes pleuvent. Quelle sera la prochaine pandémie, son ampleur, ses dommages ? Nous n’en savons rien. Sa prédiction relève encore de l’irréaliste bien que la piste du virus transmis par un animal reste la plus vraisemblable, elle qui est à l’origine des deux dernières pandémies globales. En un siècle, un peu plus de 330 maladies infectieuses se sont déclarées parmi lesquelles 60% étaient induites de pathogènes zoonotiques. Trois facteurs doivent en fait être réunis pour favoriser un développement infectieux : une population dense, une biodiversité pléthorique et un changement d’emploi des terres. La Chine, au même titre que l’Afrique de l’Ouest, constitue une zone géographique particulièrement exposée à ce mélange mortel. L’épidémie de SRAS, qui est apparue à Hong-Kong en 2002, dans un des territoires les plus densément peuplés du monde – 6 350 habitants au km2 en 2000 – a posé les bases d’un modèle qui risque de se reproduire à l’avenir. Le surpeuplement et le réchauffement climatique rendront ainsi de nouvelles populations aptes à contracter des maladies, par souci d’accroissement de la promiscuité et des animaux vivants dans des zones géographiques chaudes comme les moustiques.

La pandémie, notre apocalypse ?

Une des rares satisfactions vis-à-vis de la menace pandémique concerne sans aucun doute le taux de couverture vaccinale. La plupart des pays ont en effet établi des stocks de vaccins conséquents afin de mener une lutte sans merci contre les principales maladies. Même dans les régions les plus reculées, le taux de couverture s’est accru, constituant une réelle prouesse et une belle promesse pour l’avenir de l’humanité. Mais les résultats probants obtenus face aux dernières maladies et les rêves d’une nette amélioration sont venus se briser face à la dure réalité économique. Stephen Hawking n’avait-il pas lui-même accordé un de ses chapitres aux pandémies globales dans ses théories sur l’extinction de l’humanité ? Et comment ne pas lui donner raison lorsque le spectre de l’insécurité sanitaire plane ? Le monde n’est pas prêt pour combattre sa prochaine pandémie. Les exemples de virus génétiquement modifiés viennent accentuer chaque jour davantage cette conclusion funeste quand ce n’est pas l’ombre d’une guerre biologique mondiale.

Raphaël DELAGNES

Au Liban, entre protestations politiques, crise économique et fracture sociale : l’étau se resserre

Depuis l’éclatement de la guerre civile en 1975 qui avait traumatisé le pays jusqu’en 1990, exception faite de la guerre israélo- libanaise de 2006, le pays du cèdre n’avait plus connu de crise aussi flagrante que celle qui semble endolorir le pays aujourd’hui. Jusque-là perçu, et ce de manière plus ou moins judicieuse, comme le seul havre de paix dans une région du monde accablée par les conflits et les luttes religieuses, le Liban ne semble plus désormais constituer une exception en termes de niveau de vie et de sécurité au Moyen- Orient. De « Suisse du Moyen-Orient », le Liban paraît s’être mué en « Grèce du Moyen- Orient ». En dépit de la stabilité de son système politique, assurée par un confessionnalisme d’Etat, et de sa prospérité économique, bâtie sur un empire diasporique et une classe entrepreneuriale notoire, le Liban ne connaît plus qu’une progressive dégénérescence de ses forces vives. Le pays est même à l’arrêt, presque paralysé alors que l’endettement public explose. Or, avec une dette qui vient de culminer à plus de 150% du P.I.B. et un déficit qui avoisine les 11% – faisant du Liban l’un des pays les plus endettés du monde -, le pays se positionne désormais aux portes de l’effondrement financier. Aussi, bien que les prévisions initiales du F.M.I. aient pu être optimistes pour l’année 2018, visant de 1,5 à 2,2% de croissance du P.I.B., ce dernier n’a plus dépassé les 0,2% depuis deux ans. Et surtout, le peuple libanais ne se reconnaît plus dans ses élites.

La rupture du lien entre représentants politiques et société civile semble être consommée, symbolisée à plus d’un titre par l’éviction du premier ministre Saïd Hariri 13 jours après le début des manifestations. A tous les niveaux donc, le Liban est dans l’impasse. Et pourtant, la résolution de cette polycrise serait sans aucun doute le meilleur moyen d’installer un véritable Etat laïc dans le pays. Du reste, si la communauté internationale avait déjà anticipé le probable déclenchement d’une telle situation par le passé, inquiétude personnifiée par la tenue de la conférence du Cèdre à Paris en 2018, on peut sans aucun doute lui reprocher son inactivité depuis. Or, sans structure supranationale pour pallier le problème comme l’U.E. vis-à- vis de la Grèce, autant dire que le Liban s’apprête à entrer dans une phase ô combien dramatique pour un pays d’à peine plus de 6 millions d’habitants et près de quatre fois moins riche que la péninsule grecque.

Aux fondements du ras-le-bol libanais 

Si Jean-Paul Sartre avait déploré la dépolitisation de la jeunesse française avant les événements de mai 1968, côté libanais, précisons que le début des manifestations ce 17 octobre a d’abord été l’apanage de la jeunesse. Aux fondements des protestations du peuple libanais se trouve donc l’annonce par le gouvernement d’une taxe sur les appels WhatsApp. Or, au Liban, où les coûts relatifs aux télécommunications sont déjà parmi les plus chers de la région, cette application est fortement utilisée par la population. Autant dire qu’à l’annonce d’une taxation des appels à hauteur de 20 centimes de dollars – soit 18 centimes d’euros ou 300 livres libanaises -, la société, en grande partie jeune, s’est précipitée dans la rue pour réclamer la « chute du régime » au son de l’hymne national. Devant l’ampleur des manifestations, à Beyrouth certes mais dans plusieurs autres localités régionales aussi, le gouvernement s’est hâté de rendre la loi caduque, sans succès pour retarder ou diminuer le mécontentement social, déjà exprimé par des blocages routiers et des brulements de pneus.

Du cynisme d’Etat vers une néo-crise grecque ? La colère sociale ne se limite toutefois pas aux affaires sociales. C’est aussi le résultat d’années de détérioration économique. Effectivement, le Liban connaît depuis l’amorce de la guerre civile syrienne en 2011 une véritable aggravation de sa santé économique. Sa balance des paiements courants est ainsi la pire du monde après celle du Mozambique. La pénurie de dollars est également d’actualité et les angoisses de dévaluation guettent. De plus, au même titre que la plupart des pays du monde, viennent s’ajouter à ce marasme total, l’accroissement du déséquilibre des services publics et l’augmentation des inégalités. On estime ainsi qu’au Liban les 1% plus riches détiendraient 40% des richesses du pays. Mais plus que tout, les Libanais ne supportent plus l’état de corruption dans lequel ils vivent. Placé au 42ème rang des pays les plus corrompus du monde selon l’ONG Transparency International, l’Etat libanais n’est plus en mesure d’assurer à chacun les besoins vitaux auxquels ses ressortissants aspirent, ne serait- ce que l’eau ou l’électricité. Ainsi, si la lutte contre la corruption devrait constituer un cheval de bataille pour l’administration libanaise, à contrecourant de toute logique, l’Etat libanais s’est plutôt décidé à proposer une loi visant l’amnistie pour les individus passibles de crimes de corruption. Un comble à bien des égards pour la population libanaise qui s’est dit scandalisée, réunie sur tout le territoire dans un gigantesque élan de mobilisation. De tous les coins du Liban, les manifestants se sont insurgés allant jusqu’à créer une chaîne humaine sur près de 170 kilomètres de long, un exemple unique d’unité nationale.

De manière générale, chez le peuple libanais, c’est un dégraissement entier de la classe politique qui est exigé, elle qui n’a plus été renouvelée depuis l’épisode tragique de la fin du dernier siècle. De fait, au-delà de l’assombrissement économique, c’est avant tout l’indignation politique qui est à l’œuvre au Liban. Dans un pays multiconfessionnel, où chacun des postes-clé de l’Etat a été attribué par la Constitution à un individu de religion différente – le poste de Premier Ministre étant exclusivement réservé à un sunnite, celui de Président de l’Assemblée dévolu obligatoirement à un chiite et celui de Président accordé expressément à un chrétien maronite -, cette immobilisation avait d’ailleurs permis la persistance des dynasties à de telles positions régaliennes. Pour le peuple libanais, c’est le dégagisme intégral qui est réclamé. Les slogans à ce sujet se multiplient, de l’explicite « Tous, ça veut dire tous » au plus acerbe « Nous avons commencé avec Hariri et nous allons continuer avec Aoun et Berri » (NDLR : Aoun (Michel), actuel Président de l’Etat libanais depuis octobre 2016 et Berri (Nabih), à la fois Président du Parlement libanais depuis 1992 et leader du mouvement Amal). Il va sans dire que la mort d’un manifestant et le suicide de cinq personnes pour des motifs de précarité économique sont venus exacerber la rancœur du peuple vis-à-vis de la classe dirigeante, de plus en plus esseulée.

La fragilisation ou le renouveau ? 

Alors que la démission d’Hariri a été vécue comme un premier pas vers l’établissement d’un nouveau régime plus transparent et plus représentatif pour les Libanais, la communauté internationale a elle émis à l’encontre de l’éviction du Premier ministre davantage de réserves. Les Etats-Unis comme la France se sont dit alarmés par la situation à venir dans l’ancien mandat de l’Hexagone, prétextant que l’évincement de la classe politique actuelle n’aurait que pour conséquence une recrudescence de l’état d’urgence et recommandant un remplacement rapide des magistratures principales afin que le pays ne connaisse pas une déstabilisation encore plus grande. Le Hezbollah s’est, lui aussi, inséré dans les débats. Membre de la coalition gouvernementale formée par Hariri, il s’est dit ulcéré par les attaques verbales lancées à l’encontre de ce primus inter pares. Et là se situe sans aucun doute le nœud du problème. Le sommet hiérarchique de l’Etat reste soutenu de près par les mouvements chiites pro-iranien comme le Hezbollah et Amal qui freinent toute réforme dans le pays. Reste à savoir si, à défaut de soutien autre que moral de la part des puissances étrangères, la société civile va se montrer suffisamment solide pour tenir tête à ces groupements qui organisent la corruption et le clientélisme au plus haut niveau de l’Etat. Espérons en tout cas que le Liban parvienne à surmonter cette épreuve au plus vite et sans recourir à la violence, écueils qui caractérisent encore à ce jour son voisin le plus proche (la Syrie). Enfin, certains semblent profiter de la déstabilisation qui règne actuellement sur les bords de l’ancien mandat français comme l’ex-PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn désormais en fuite. Le Liban, en somme, à force de se faire le creuset des différentes tensions géopolitiques, qu’elles soient nationales ou internationales, risque de boire le calice jusqu’à la lie.

Raphaël DELAGNES 

 

Pour M. Trump, un accord « historique » entre les Etats-Unis et la Chine. Mais qu’en dit l’histoire ?

Pour M. Trump, un accord « historique » entre les Etats-Unis et la Chine. Mais qu’en dit l’histoire ?

Le 14 février dernier, soit 30 jours après sa signature, le premier traité visant à mettre fin à la guerre commerciale sino-américaine lancée par l’administration Trump en 2018, accord dit de phase 1, est entré en vigueur. Depuis deux ans en effet, les relations sino-américaines n’ont cessé de se distendre, à tel point que les deux nations se sont opposées ouvertement à de multiples reprises par des mesures de répression et de contingentement sur les produits vendus et exportés par le concurrent. L’argument principal de la politique protectionniste mise en place par Donald Trump a été celui de faire diminuer l’exorbitant déficit commercial que les Etats-Unis entretenaient et entretiennent encore à l’égard de la Chine puisque celle-ci représente près de 17% de la dette souveraine des Etats-Unis. Deuxième créancier du pays derrière la Réserve Fédérale Américaine, la Chine constitue effectivement une menace réelle à l’hégémonie et aux ambitions américaines dans le monde. On estime d’ailleurs son déficit en termes d’échanges commerciaux à 375 milliards de dollars ce qui mine drastiquement la compétitivité américaine. Aussi, Donald Trump n’a donc pas caché sa satisfaction à l’annonce de la ratification de cet accord, le qualifiant à la fois d’« historique » et d’« incroyable ».

En revanche, côté chinois, les médias sont restés plus mesurés, eux qui sont d’habitude fortement enclins à l’exagération, reléguant au mieux l’accord au rang d’« important ». Il est vrai que la Chine est actuellement prise entre plusieurs feux (montée du mouvement démocratique à Hong-Kong, élection d’un candidat réfractaire à la RPC à Taïwan et surtout lutte contre l’épidémie et la contagion du coronavirus) et doit lutter sur plusieurs fronts simultanément, ce qui fragilise sa position géopolitique d’autant qu’à défaut d’apparaître comme la perdante de l’accord, il faut admettre que depuis le début des hostilités, la Chine subit davantage de pressions qu’elle n’en exerce. Du reste, cette opposition, qui en arrive ainsi à un tournant majeur de son déroulement, n’a pourtant rien de bien surprenant lorsqu’on la projette dans une perspective historique.

La guerre commerciale sino-américaine, explications et radiographie

Les Etats-Unis, puissance dominante par excellence depuis 1990, semblent avoir perdu il y a quelques années maintenant leur rôle de gendarme du monde mais surtout leur image de parangon du libéralisme, que le pays symbolisait à juste titre depuis l’implosion de son dernier grand rival historique : l’U.R.S.S. Effectivement, l’apparition sur le devant de la scène internationale de nouvelles puissances corrobore l’idée d’un monde devenu multipolaire ou plus justement polycentrique auquel se rattachent précisément diverses crises polycentriques entres autres micro-affrontements ou conflits de basse intensité. Or, certaines puissances viennent désormais contredire la domination sans conteste qu’exerçaient les Etats-Unis depuis le début des années 1990. Ces puissances, dites révisionnistes, s’attaquent progressivement au leadership américain. Pour les Etats-Unis, ces rogues states – Corée du Nord, Iran et donc Chine – tels qu’ils furent définis sous le mandat de Bush fils, sont autant de menaces qu’il s’agit de contrer. La Chine, donc, depuis l’effort de modernisation et de mondialisation amorcée par Deng Xiaoping dans les années 1980, est devenue un modèle d’économie sociale de marché et tente, grâce à la formidable sous-évaluation du yuan et par conséquent à la force de ses exportations, de s’imposer comme le nouveau chantre du libéralisme.

Première puissance exportatrice mondiale depuis 2009 et première puissance économique du monde tout court depuis 2014, la Chine s’est donc présentée comme le principal adversaire du « Make America great again » de Donald Trump. Pour le milliardaire américain, qui s’est mis en tête que tous les maux de l’Amérique étaient dus aux puissances étrangères, Canada et Mexique billets en tête, ce qui a conduit irrémédiablement à la révision de l’ancien ALENA, la Chine demeure l’ennemi n°1. Paul Ricœur, qui parle de mémoire empêchée, mémoire manipulée et mémoire abusée dans son œuvre La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, a ici quelque chose d’intéressant à nous apporter, car Trump semble nouer avec sa base électorale une relation de manipulation jouant de l’histoire pour légitimer ses actions sur le plan commercial. Et les théories de François Hartog et Jacques Revel permettent de mettre en relief l’idée d’une manipulation du passé. Donald Trump se place comme le nouveau défenseur de la « destinée manifeste » des Etats-Unis. De fait, la Chine, il est vrai, a une balance commerciale extrêmement excédentaire vis-à-vis des Etats-Unis, ce que l’ancien présentateur TV perçoit comme de la concurrence déloyale.

En réalité, le point sensible de la relation sino-américaine est simple bien que plus subtil. La Chine, en effet, met en pratique une économie excessivement désavantageuse pour ses partenaires qu’elle tire de son passé communiste. En fait, l’Empire du milieu pratique le dumping à outrance, c’est-à-dire une tarification des prix plus faible à l’étranger que sur son propre territoire et pose des conditions à l’entrée d’entreprises étrangères sur son marché intérieur attractif d’un milliard de consommateurs potentiels comme le legs de la technologie associée. C’est ce chantage que les Etats-Unis ont cherché désespérément à dénoncer auprès de l’OMC mais ne voyant pas de solution en sortir, ont décidé de contraindre la Chine selon d’autres dispositions unilatérales. Celles-ci ont été la hausse des droits de douanes sur de nombreux produits chinois (25% sur l’acier ; 10% sur l’aluminium), ce que la Chine n’a pas tardé à faire en retour également sur certains produits américains allant même jusqu’à arrêter temporairement ses importations agricoles venues de l’Oncle Sam.

Une Chine en pleine ascension qui vient contester la suprématie américaine : assistons-nous à une nouvelle guerre froide ?

Il faut voir dans cette guerre commerciale, une nouvelle guerre froide, cette fois-ci surtout de nature économique avec ses hauts et ses bas, ses phases de tensions et ses phases de réconciliation. Cette guerre commerciale apparaît donc au regard de l’histoire contemporaine – l’histoire agissant donc comme un miroir comparatif – comme un support où l’on voit que le capitalisme libre-échangiste tel que le concevait Francis Fukuyama n’est plus immuable et que s’il a triomphé d’un autre modèle d’économie, cela n’empêche pas d’autres acteurs de pouvoir maintenant en revendiquer la représentation parfois plus que les Etats-Unis eux-mêmes. Et ce conflit est même de nature technologique. Effectivement, la Chine cherche à se moderniser continûment dans la perspective de son plan d’innovation : le MIC25 (à comprendre comme « Made in China 2025 »). C’est d’ailleurs l’axe principal de sa politique de façon à se placer comme le leader des prochains secteurs-clés de l’économie. On peut voir par-là, un retour de la « course aux armements » et de la course aux technologies qui avait caractérisé la guerre froide américano-soviétique. En l’occurrence, si du point de vue militaire, la Chine ne peut pas encore rivaliser avec les Etats-Unis, elle est toutefois en mesure de le faire sur le plan des cyberattaques.

Cet accord ne semble ainsi apparaître que comme un remake des périodes de cohabitation qui avaient plusieurs fois marqué le conflit entre les Etats-Unis et l’U.R.S.S. Pour aller plus loin dans l’analyse historiographique, ce conflit paraît réactualiser les vieux contentieux internationaux qui avaient animé les sociétés des années 1930 durant lesquelles les Etats avaient exacerbé le protectionnisme et s’étaient tournés vers davantage d’autarcie. A travers cette guerre commerciale, Trump espère en effet relancer le commerce de proximité, stimuler la compétitivité américaine et relocaliser. The Guardian émettait lui-même un avertissement sur la portée et l’avancement de cette guerre commerciale : « Il va de soi que nous n’avons pas connu de semaines aussi décisives pour le commerce mondial depuis les années 1930. » A l’image de ce qui s’était produit ces années-là, le commerce international pâtit de cette guerre commerciale et connaît un profond ralentissement. Chacun opère un repli sur soi, ce qui n’arrange rien au niveau des marchés financiers déstabilisés à chaque annonce du président américain ou de dévaluation chinoise. Cette relation est plus généralement une illustration parfaite de ce que Graham Allison appelait le « piège de Thucydide », c’est-à-dire l’émergence d’une puissance venue contester l’hégémonie d’une puissance déjà établie.

De néo-guerre froide à néo-crise de surproduction ?

Cet accord, bien qu’il ne constitue qu’une sorte de trêve temporaire entre les deux nations, semble donc faire un pied de nez à l’histoire. Face aux ébranlements passés des marchés financiers qui s’étaient produit le fameux mardi noir d’octobre 1929 et le 9 août 2007, cet apaisement relatif permet d’entrevoir une issue positive pour le monde. Les concessions faites par le régime chinois sont donc une belle promesse face à la possible menace de l’implosion des marchés et l’explosion de la bulle spéculative. Ce qui est intéressant, c’est que Trump utilise des arguments historiques pour mener son entreprise. Il utilise l’histoire à son avantage afin de raconter une histoire, de poursuivre l’histoire, son histoire. L’histoire est ici instrumentalisée. Robert Schiller, prix Nobel d’Economie en 2013, soutient cette thèse. Le terme de guerre est prononcé pour attirer l’attention publique et en faire un acteur de premier plan, en l’occurrence le défenseur des intérêts américains. Il n’est donc pas surprenant que le 45ème président des Etats-Unis ait vécu cet accord comme une victoire. Les mots sont donc aussi importants que les faits. L’histoire devient une arme au service de son support électoral.

En outre, la guerre commerciale sino-américaine n’est pas nouvelle, un cas unique dans l’histoire. Cette querelle commerciale n’est qu’une nouvelle dispute pour les Etats-Unis qui ont déjà eu droit à un tel affrontement avec le Japon et la RFA dans les années 1970 et qui avaient abouti à des RVE (Restrictions Volontaires d’Exportation) sur des produits aussi différents que l’électroménager ou l’automobile. Trump s’appuie donc sur des méthodes qui ont fait leur preuve puisque son prédécesseur Ronald Reagan n’avait pas hésité à taxer certains produits électroniques nippons à hauteur de 100%. Cependant, l’histoire permet aussi de faire des comparaisons passé/présent. Ainsi, nous pouvons remarquer que la guerre commerciale qui anime aujourd’hui le monde n’est pas entièrement la même que celle des années 1980 ou des années 1930 qui s’étaient soldées par les conséquences désastreuses du tarif Hawley-Smoot. Effectivement, le monde est désormais interconnecté et interdépendant. Pour concevoir un produit, les importations sont devenues cruciales car la chaîne de production est mondialisée. A l’heure actuelle, ce n’est plus de 20% mais de 40 à 60% de composants étrangers importés dont sont formés les produits semi-finis. L’affrontement commercial est donc bien une tare pour tous les acteurs libéraux du monde.

Et le coronavirus dans tout ça ?

La question est pertinente d’autant que la réponse pourrait en surprendre plus d’un. Non contents de se trouver dans une situation équivalente qui semblerait jouer en faveur de l’apaisement, Chine et Etats-Unis continuent au contraire de se livrer bataille à distance dans un jeu de dupes à grande échelle. Alors que jadis les crises pandémiques (SRAS, Ebola) avaient participé à l’essor d’un mouvement de solidarité entre les Etats-nations, les deux pays jouent désormais la carte de l’isolement. S’il est vrai que la distanciation entre les deux États a permis aux Etats-Unis de retarder la crise – baisse du nombre d’entrées de ressortissants chinois sur le territoire américain en raison de la guerre commerciale –, nul doute qu’aujourd’hui les Etats-Unis, nouveaux cluster principal de l’épidémie, ont renforcé leur haine par rapport à l’« oppresseur » chinois. Et là n’est pas le seul motif qui attise les foudres de M. Trump, furieux par ailleurs que la Chine puisse prétendre que le coronavirus ait été implanté dans la province du Wuhan par l’armée américaine. Les théories complotistes à ce sujet continuent d’émailler la toile, elles qui voient dans cette crise un nouveau moyen de coercition inventé par l’Occident afin de nuire à l’affirmation chinoise. Dans tous les cas, manipulation ou pas, les dispositions lancées par les deux États ont été claires : éviction des journalistes issus du pays adverse. Ces mesures qui traduisent une absence totale de dialogue entre les deux États combinées à la plus grave récession jamais connue depuis 1945, soyez-en sûrs, pèseront lourd dans la balance mondiale.

En bref …

En somme, l’histoire peut avoir de quoi s’insurger quant aux déclarations de M. Trump. Evidemment que le côté inédit de l’accord est à souligner mais cela en fait-il un accord « historique » ? Tout au plus l’histoire nous permet-elle d’apporter un éclairage évident sur la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis pour en contester la nouveauté. Donald Trump a employé l’histoire à ses propres fins politiques et s’en est accommodé de manière à en tirer parti au niveau électoral. Enfin, comme nous regardons le passé avec les yeux du présent, tel qu’ont pu le dire en leur temps Hegel et Croce, cet accord nous permet de revoir en conséquence notre appréciation des guerres commerciales du passé lesquelles auraient donc pu connaître aussi des phases de désescalade comme nous en vivons certaines aujourd’hui.

Raphaël DELAGNES

1,2,3 Viva l’Algerie

1,2,3 Viva l’Algerie

Cet Etat puissant est à la fois le plus grand pays d’Afrique, du monde arabe mais aussi du bassin méditerranéen. Il est le troisième fournisseur de l’Union Européenne en gaz naturel et recèle dans son sous-sol d’immenses gisements de phosphate, de zinc, de fer ou encore d’or.
Il a cependant connu des coups durs dans son passé. Après 132 ans d’une présence coloniale française tenace et meurtrière qui a pris fin officiellement le 5 juillet 1962, s’en est suivi la « décennie noire » où ce beau pays s’est déchiré, provoquant selon
les estimations jusqu’à 200 000 morts.

Mais qu’est-ce que la décennie noire ?
La décennie 1980 est considérée comme un sujet tabou en Algérie. Cette « décennie du terrorisme » qui a opposé le gouvernement algérien et plusieurs groupes islamistes, aura fait près de 150 000 morts. Elle s’achève en 2002 avec la victoire des forces du gouvernement.
Les conséquences de ce conflit sont multiples : on observe un désengagement de la part de l’Etat algérien, un appauvrissement de la population et un développement de la corruption. Pour beaucoup de responsables militaires actuels, l’effondrement du système politique est le résultat de cette « décennie noire ». Les tensions politiques qui ont caractérisé́ la fin de la décennie 1980 et le début des années 1990 semblent refoulées hors du champ politique. En fait, la reconfiguration de ce dernier, depuis l’accession d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence en 1998-1999, laisse apparaitre une nouvelle grille de lecture de la scène politique algérienne.

Vers un printemps algérien ?
La mobilisation de millions d’algériens à travers le territoire national a commencé le 22 février 2019, quelques jours après que Bouteflika a annoncé son intention de convoiter un cinquième mandat. Ce mouvement de contestation ne s’est jamais produit
depuis l’indépendance de 1962. En effet, il y a huit ans se déroulait le printemps tunisien mais les algériens sont
formels, ils ne veulent ni larmes ni sang.
Depuis, la jeunesse algérienne se mobilise contre la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat. En effet, des milliers d’Algériens ont pris possession des rues pour crier leur soif de rupture, de changement et de renouveau. Ce jour-là est né le « Hirak » qui signifie « mouvement » en arabe, représentant donc le mouvement de contestation populaire.
Certains, parmi cette jeunesse, sont nés et ont grandi sous le parapluie de Bouteflika, et maintenant ils lui demandent de céder sa place. Traumatisée par les violences de la décennie noire qui ont bordé son enfance, elle veut aujourd’hui démontrer sa maturité politique en réinvestissant l’espace public, et ceci, depuis presque un an. Le peuple réclame l’indépendance de l’Algérie et a besoin de nouveaux visages représentatifs de ce grand pays. Il ne veut plus que les responsables décident à sa place. Sofiane, issu d’une famille aisée, compare même le système politique algérien de « fossile » et se demande pourquoi la transition démocratique a été possible en Éthiopie ou encore au Kenya, et pas en Algérie.

Réactions mitigées
C’est finalement le 11 mars 2019 que le président Bouteflika annonce à la nation qu’il n’avait pas l’intention de se présenter à un mandat supplémentaire en raison de sa santé préoccupante. En s’engageant dans ce texte « à remettre les charges et les prérogatives de président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu », M. Bouteflika laisse entendre qu’il restera chef de l’Etat après expiration de son mandat, le 28 avril 2019. Il provoque des réactions mitigées de la part des Algériens. Abdelkader Bensalah a donc été président par intérim d’un point de vue constitutionnel depuis le 9 avril 2019.

Présidentielle en Algérie
Dans toutes les grandes villes du pays, on peut entendre le slogan « Seul candidat, le peuple » ces dernières semaines. Aujourd’hui, le peuple ne veut pas qu’on lui impose des candidats mais il veut pouvoir choisir par lui-même. Cette rage s’exprime par l’abstention record du 12 décembre 2019, que l’on peut très certainement qualifier de record car les journalistes estiment le taux de participation à seulement 39,93%. Les algériens rejettent l’élection avec ces 5 candidats proposés à la présidentielle car pour beaucoup, ces candidats sont d’anciens représentants du régime de Bouteflika. De plus, leur âge est remis en question puisqu’ils ne semblent pas représenter le mouvement du « Hirak », la vitrine de la jeunesse algérienne. Par conséquent, suite à la victoire du nouveau président Abdelmadjid Tebboune, un ancien ministre du président Bouteflika avec 58,13% des voix, certains évoquent une mascarade électorale. Le mouvement « Hirak » n’accepte clairement pas cette victoire et la nation continuera à sortir jusqu’à la concrétisation de ses revendications.

Haïda Boukerma

Chili : la colère gronde, un référendum pour la calmer : est- ce réellement suffisant ?

Depuis le début du mois d’octobre, le Chili traverse une grave crise sociale qui
plombe toute l’économie d’un pays. Pourtant, ce pays se confond avec les pays développés
par son espérance de vie supérieure à 80 ans, son PIB avoisinant les 300 milliards de dollars
en 2018. Alors pourquoi ce pays traverse une grave crise et comment il peut s’en relever ?

¿Qué pasa en Chile ?

L’élément supposé déclencheur de ce mouvement social est la hausse de 3% des prix
du ticket de métro dans la capitale Santiago de Chile. Cependant, cette mesure n’est pas
l’élément déclencheur de ce mouvement mais c’est plutôt « la goutte d’eau qui fait
déborder le vase ». En effet, la nouvelle revendication des manifestants est une fin des
inégalités qui persistent au Chili et dans toute l’Amérique latine. La phrase de Ricardo Lagos
résume parfaitement ce problème :
« L’Amérique n’est pas le continent le plus pauvre mais peut-être bien le plus injuste. »
Dans le cas du Chili, les inégalités persistent car 1/3 des revenus chiliens est détenu par 1%
de la population 2 dont le président actuel Sébastien Piñera. Ce chiffre ternit la réputation
d’un Chili ambitieux qui a réduit son taux de pauvreté (8% de la population aujourd’hui). Il
est notamment possible d’évoquer le peuple indigène les Mapuche composés de 1million de
personnes qui vivent au Sud du Pays. Ce peuple a été le premier à s’installer sur les terres du
Chili actuel souffre aujourd’hui d’un manque de considération du gouvernement qui les
considère comme des terroristes à cause de leur réponse violentes face aux grandes
entreprises textiles et minières qui ont volé leurs terres. De ce fait, la crise sociale n’est pas
simplement liée à l’augmentation des prix des tickets de métro dans la capitale, c’est
l’explosion des inégalités qui a provoqué la colère des chiliens.
Une constitution obsolète est la source de ce conflit

L’obsolescence de la Constitution chilienne est aussi une cause de ce mouvement social. En effet elle est accusée par la société de favoriser les inégalités et de les développer.
Elle date de la dictature initiée par le général Pinochet (1973-1990) et depuis elle n’a pas été
modifiée. L’ex-présidente Michelle Bachelet (2006-2010 et 2014-2018) a pensé à le faire
mais sans jamais y parvenir. Les détracteurs du président actuel dénoncent également
l’ultralibéralisation du pays où la santé, l’éducation et le système des retraites relèvent
désormais quasiment du secteur privé.

Ce mouvement n’est pas sans conséquences
Depuis le début de ce mouvement, on déplore 22 décès et plus de 2000 blessés selon
les chiffres officiels livrés par le gouvernement. Le point d’orgue de ce mouvement est la
journée du 25 octobre où plus de 1 million de chiliens ont défilé dans les rues de Santiago. La
première conséquence de cette crise est une paralysie du pays. De plus l’économie du pays
est au ralenti alors que la croissance du pays ne cessait d’être positive (1,5% en 2017 selon la
Banque Mondiale). Enfin, le Chili a dû renoncer à l’organisation de la COP 25 (Conference of
Parties) qui devait avoir lieu le 2 décembre.

Que va faire le président chilien pour atténuer la colère ?

Pour résoudre ce conflit social, le président actuel avait au départ envoyé l’armée
dans les rues afin de rétablir l’ordre et avait déclaré l’état d’urgence, une première depuis la
fin de la dictature. Or, dans une allocution télévisée accordée le 17 novembre le président
Piñera fait un « mea-culpa » en dénonçant les exactions policières depuis le début des
manifestations. Les manifestants ont même condamné les policiers de violer les Droits de
l’homme ce qui a poussé l’ONU a détaché une mission sur place. Depuis, l’armée n’est plus
dans la rue. De plus, le président a promis un référendum en avril 2020 pour un éventuel
changement de constitution. Enfin des mesures plus économiques seront mises en place
pour calmer les manifestants comme un gel des tarifs d’électricité, un remaniement du
gouvernement ,…
La crise sociale montre un « ras-le-bol » général de la situation économique et
politique du pays : la population veut du changement. Les inégalités sont au cœur de cette
crise et ce mouvement pourrait se généraliser à l’ensemble de l’Amérique latine où de
profondes disparités divisent les populations. Pour résoudre cette crise, il faudrait un
profond changement des Institutions en revanche même si le président Piñera est ouvert
aux négociations et propose des réformes, les opposants doutent de sa volonté de réformer
le système qui date de la Dictature et qui en a fait sa fortune estimée à plus de 2 milliards
d’euros.

BERNARDINI GUILLAUME

Bolsonaro : une victoire spatialement inouïe

Jair Bolsonaro remporte les élections présidentielles du 28 octobre 2018 avec 55,10% des voix.

C’est au terme d’une campagne électorale tendue que le candidat du Parti social-libéral (PSL) Jair Bolsonaro remporte les élections présidentielles du 28 octobre 2018 avec 55,10% des voix (Source : Le Nouvel Obs). Se proclamant conservateur et candidat de la droite forte, il a fondé sa stratégie de communication sur les thèmes de la corruption et de l’insécurité, particularité qui lui garantirait le titre de « Trump des tropiques ». Cependant, sa victoire électorale manifeste une répartition spatiale d’un tout autre ordre.

Un discours portant sur des thématiques nationales

A défaut d’évoquer des problématiques d’ordre international comme son homonyme de l’hémisphère Nord, Jair Bolsonaro a concentré sa parole quasi-exclusivement sur des sujets intérieurs au Brésil. Dés lors, il a fait de la lutte contre l’insécurité le fer de lance de sa campagne, cela dans le pays au plus fort taux d’homicide de l’OCDE : 29,53 homicides volontaires pour 100000 habitants en 2016 (Source : Banque Mondiale). Bolsonaro a de surcroît surfé sur les scandales de corruption autour des gouvernements travaillistes précédents afin de discréditer son adversaire principal, Fernando Haddad, successeur de Lula. Enfin, le candidat du PSL a su jouer de sa proximité avec l’armée sur les questions de la sécurité aux frontières, notamment face aux réfugiés du régime vénézuélien. Jair Bolsonaro est ainsi parvenu à se positionner sur plusieurs de fronts grâce à un discours fort face aux problèmes nationaux, lui permettant de développer une influence multi spatiale lors de la campagne.

Contrairement à Trump, une géographie électorale plus disparate

Il a réussi au contraire à séduire des zones rurales et urbaines, comme en témoignent ses scores au second tour. Source: LeMonde.

C’est surement grâce à des paroles fortes sur ces sujets que Jair Bolsonaro a conquis une grande diversité de territoire. Alors que Trump était caractérisé, entre autre, d’être le candidat du vieux Sud et du Midwest, Bolsonaro ne suit pas ce schéma qui pourrait parfaitement se reproduire au Brésil.

Il a réussi au contraire à séduire des zones rurales et urbaines, comme en témoignent ses scores au second tour. Il s’octroie par exemple une proportion d’électeurs d’environ 65% dans l’Etat de Sao Paulo, le plus riche du pays et ouvert aux échanges internationaux, tout en surperformant aussi dans le Mato Grosso avec un score similaire dans un Etat front pionnier qui vit principalement de l’agriculture (Source : Le Monde). Bolsonaro remet donc en cause le clivage ville/campagne qui sert souvent, à tort, de justification à la montée de figures autoritaires aux yeux des principaux médias occidentaux.En revanche, il illustre un découpage ethnique croissant du Brésil : la population blanche l’a massivement soutenu, en plus d’obtenir les voix de la diaspora brésilienne avec un score de 58,68% dés le premier tour auprès des expatriés ! (Source : Le Temps). Jair Bolsonaro réalise la prouesse d’incarner une rupture avec les mandats du PT et un renouveau, une promesse d’avenir pour la jeunesse notamment, mais qui nous incite à considérer davantage la question ethnique au Brésil.

Paul Lamelet