Critique interactive n°4: the place beyond the pines

Critique interactive n°4: the place beyond the pines

« Un Drive à moto ou un vrai film d’auteur ? »

Retour en 2013. Sur le papier The place beyond the pines avait tout d’une pépite avec son casting de rêve : Ryan Gosling, Eva Mendes, Bradley Cooper, Dane DeHaan pour ne citer qu’eux et son réalisateur et co-scénariste :  Derek Cianfrance dont le talent avait été souligné par la critique à la sortie de Blue Valentine (2010). Pourtant il est loin d’avoir fait l’unanimité. Beaucoup lui reprochent une pirouette scénaristique osée que nous évoquerons par la suite et certaines « longueurs ». Pour ma part ce film m’a plu comme vous allez très vite le comprendre.  J’ai apprécié l’incroyable finesse du scénario, et la manière dont le réalisateur parvient à toucher nos  cordes sensibles en évoquant deux grands thèmes : le déterminisme et le rapport père/fils tout au long de ce drame, en lenteur. Place à présent à une analyse qui me permettra d’évoquer les ressorts émotionnels du film et ses coups de génie. 
Je précise que pour ce film, il était difficile de faire une critique sans spoilers donc si vous ne voulez rien savoir de l’intrigue avant d’avoir vu le film, je vous conseille de passer directement à mon 3.  
 
NB : pour faire référence aux personnages du film j’utiliserai le nom des acteurs. Si je dis « le fils de Ryan Gosling » comprenez donc  » le fils du personnage qu’il incarne dans le film » 🙂 

1) Un choix étonnant :

Le réalisateur adopte une approche pour le moins surprenante qui a l’inconvénient, ou le mérite, question de perspective,  de désarçonner  « les puristes ». En effet, il n’y a pas vraiment de personnage principal dans cette œuvre : Ryan Gosling au centre du récit les 50 premières minutes disparaît brutalement, tandis que Bradley Cooper prend le relais immédiatement sans qu’il nous ait été présenté au préalable, avant que le fils de Ryan Gosling ne monopolise la présence à l’écran jusqu’à la fin du film. Ce procédé scénaristique que l’on peut nommer « dilution de la fonction sujet» a notamment été employé dans le film Cloud Atlas (2013) où plusieurs personnages principaux se succèdent dans différents récits sans liens apparents entre eux ou encore dans Psychose (1960). Avec un tel choix on fait forcément des déçus parmi les membres du fan club de l’acteur de Drive qui voient leur coqueluche disparaître « trop vite »mais aussi on risque de perdre   les spectateurs habitués aux schémas traditionnels d’un récit unique, linéaire avec des héros bien définis. On peut être étonné de la facilité avec laquelle le réalisateur élimine un personnage clef de son récit (même si George R.R Martin nous a tous habitué à ce genre de  disparitions prématurées dans Game of Thrones). Pourtant il faut comprendre ici  la volonté du réalisateur : il  ne souhaite pas seulement  raconter un fait divers (un policier tuant un criminel lors d’une course poursuite), mais il souhaite surtout  nous placer en situation d’observateurs d’existences qui peuvent s’apparenter de près ou de loin aux nôtres. Dans une telle posture, le réalisateur nous invite à analyser les comportements des protagonistes et à questionner nos propres comportements. En nous empêchant de nous attacher à un personnage unique, il nous permet de mobiliser pleinement notre attention sur ce qui compte pour lui : la psychologie des personnages et l’émotion. 
2) Nos pères, nous pères :
Les personnages exposés semblent, à première vue, diamétralement opposés, on a : le criminel multi-récidiviste, le policier-justicier se lançant en politique, le fils du policier qui a grandi dans l’opulence et le fils du criminel qui a grandi dans une famille modeste recomposée. Pourtant le jeu de la mise en scène et la construction du récit nous font percevoir des similitudes dans leurs attitudes et ressorts psychologiques. Très vite on se départ de nos schèmes moraux (gentil vs méchant) : le criminel n’est pas si condamnable que cela, le policier-héros n’est pas si irréprochable  finalement. Mais surtout on prend conscience d’une « notion clef » ici : il semble qu’une forme de déterminisme commune régisse les vies des protagonistes. Chaque individu sur lequel le réalisateur s’attarde semble avoir une existence profondément influencée par son père. Explications :
– Il est sous-entendu que Ryan Gosling n’a pas eu de père pour s’occuper de lui. Ce déficit affectif l’a conduit à devenir instable psychologiquement (il est violent, et bien avant qu’il commette des braquages dans le film, on sent qu’il a déjà un lourd passif judiciaire).   Surtout, quand il apprend par Eva Mendes (son ex-copine), qu’elle  a eu un enfant de lui, il développe une véritable obsession pour son fils qu’il veut gâter par tous les moyens. C’est à ce moment-là qu’il se lance dans le banditisme et que va débuter la tragédie.
– Bradley Cooper quant à lui a grandi dans un milieu aisé et entretient une relation très proche avec son père : avocat renommé. Implicitement on sent qu’il admire son père et qu’il agit  pour le rendre fier. Son père va grandement influencer sa vie à deux reprises : la première fois lorsqu’il conseille à Bradley de parler des problèmes de corruption de la police au « procureur » et la deuxième fois lorsqu’il l’encourage vivement à s’engager en politique.
– On passe maintenant à la deuxième génération. Le fils de Bradley n’est pas aussi fringuant que son père et scolairement il semble à la traîne. Il est l’archétype de l’ado   « fils de » qui sombre dans la drogue, s’exprime le plus mal possible comme pour mieux se « détacher » de son milieu familial. Pourquoi s’est-il retrouvé dans cette situation ? Il souffre certainement de la comparaison avec son père : « le héros que tout le monde admire ». Dans certaines scènes brillamment exposées, on constate qu’il se passe quelque chose quand il regarde son père dans les yeux. Le fils est animé d’une envie de se rebeller contre son père mais aussi d’une certaine forme de rancœur bien visible. D’où vient ce sentiment et comment est-il visible? Voici mon interprétation : après avoir tué Ryan, Bradley qui s’en voulait terriblement ne parvenait plus à regarder son nourrisson dans les yeux car il savait qu’il venait de rendre un enfant orphelin de son père dans une autre famille. Une quinzaine d’années plus tard, on assiste sous nos yeux de spectateurs à ce premier échange de regard des deux protagonistes (du moins dans le film) dans une scène au bord d’une piscine, la tension est alors palpable dans les yeux du jeunes homme. On ne peut savoir comment Bradley a élevé son fils du berceau jusqu’à l’adolescence mais on peut penser qu’il n’a jamais vraiment réussi à s’occuper de lui entre son sentiment de culpabilité et le début de sa carrière politique. Encore une fois, le réalisateur nous montre que c’est le « père » qui a durablement impacté l’existence de son fils.
– Enfin, on passe au fils de Ryan. Il va de soi qu’il est perturbé puisqu’il a perdu très tôt son père biologique dont il n’a aucun souvenir (sauf que sans le savoir son père lui a laissé, à jamais le goût de la crème glacée). Sa mère lui a décrit son père comme une personne nuisible, indigne d’intérêt morte dans des conditions que cette dernière a inventé de toute pièce (ne souhaitant pas faire remonter le traumatisme à la surface). Il sombre aussi dans la drogue. Même si son beau-père ne cesse de lui répéter qu’il est son véritable père car c’est lui qui l’a élevé, son père biologique a laissé une empreinte indélébile dans l’esprit du jeune homme.  Toute sa jeune existence consiste à retrouver sa trace. « Qui était-il ? »  « Qu’aimait-il ? » Le film s’achève d’ailleurs sur une scène très émouvante, où il achète une moto ayant appris que son père était motard.
Le message à visée sociologique de Derek Cianfrance est là : nous sommes tous très fortement influencés par les actes de nos pères. En ce sens nous ne sommes pas pleinement les maîtres de nos destins et une certaine forme de déterminisme s’opère. Que nos pères soient présents ou absents on agit par rapport à eux : dans un rapport d’opposition, de mimétisme ou sous une autre forme. Qu’on soit d’accord ou non avec cette thèse, elle a au moins le mérite de nous faire réfléchir, on se pose naturellement les questions d’ordre métaphysique : qui sommes-nous (par rapport à nos pères), où allons-nous (sommes-nous soumis à une forme de déterminisme) ? On s’interroge aussi sur le rôle déterminant que l’on a en tant que père, même en pensant faire le bien de nos enfants comme Ryan, on peut parfois commettre de lourdes erreurs. Et c’est là que le film peut susciter l’émotion car si on adhère  en partie à la thèse de Cianfrance, on est instantanément saisi de sympathie pour les personnes (au sens grec de syn : avec, et pathos= souffrir), on souffre avec eux, on les comprend car ils sont comme nous.
Quid du rôle des mères ? Elles semblent plus en retrait dans le film. On remarque dans les choix de casting et de mise en scène que les femmes sont moins présentes à l’écran. Cianfrance a décidé de se focaliser sur le rapport père-fils. C’est d’abord un choix par défaut : on ne peut pas traiter tous les sujets à la fois dans un long-métrage. Mais selon moi,  il nous donne  tout de même un petit peu sa vision du rôle des mères. Dans le film, tous les pères pratiquement, commettent des erreurs et influencent leurs fils  par leurs actes tandis que les mères (Eva Mendes et Rose Byrne) élèvent véritablement les enfants, incarnant la raison et la stabilité du foyer dans plusieurs scènes. (Bien entendu, loin de moi l’idée que selon Cianfrance toutes les femmes sont des femmes au foyer qui réparent les pots cassés des pères, mais dans le film c’est pourtant le rôle qu’occupent les deux femmes au cœur de l’intrigue).

3) Une mise en scène naturaliste au service de la thèse :

Dans sa mise en scène le réalisateur semble poursuivre une démarche réaliste. Les histoires racontées n’ont ni début véritable, ni dénouement. On se retrouve donc face à un schéma semblable à nos propres existences qui, vous en conviendrez, ne suivent pas de schéma narratif. C’est comme si, à première vue, le réalisateur nous donnait à voir un documentaire, il prend les faits comme ils viennent. On en vient aussi à oublier la caméra grâce à différents procédés (des plans séquences qui épousent la démarche des personnages, des courses poursuites à moto filmées façon go pro). On entre d’ailleurs dans le film brutalement par un plan séquence suivant Ryan. Cette volonté d’être le plus réaliste possible m’a rappelé la manière dont Zola a traité en son temps la question du déterminisme et de l’hérédité au travers du cycle de romans naturalistes : les Rougon Macquart. Ce dernier voulait étudier l’influence du milieu sur l’homme et les tares héréditaires d’une famille sous le second empire. Influencé par le courant positiviste scientifique porté  par Auguste Comte, Zola tentait de faire de ces personnages des « objets d’expériences ». Son ambition : nous donner l’illusion que  sa plume décrivait les comportements de personnages réels qu’on aurait placé volontairement dans un milieu d’expérience. Pour mieux décrire le réel, Zola menait de véritables explorations  durant de longs mois comme un ethnologue et consignait minutieusement ces observations dans de petits carnets. L’écrivain, par cette démarche, nous dépeignait le destin et le combat du « bas peuple » pour accéder à la dignité sous le second empire.  Pour moi, le réalisateur opère de manière similaire dans son approche réaliste et nous dit  ainsi quelque chose de la société occidentale actuelle. Il traite selon moi plusieurs aspects intéressants :  le nihilisme ambiant de la société consumériste (en décrivant des personnes « paumées » à la recherche de sens à leur existence : dans un rôle de père, une carrière politique ou la drogue), et dans une moindre mesure la corruption du système judiciaire. 
Veuillez noter toutefois que  comme dans l’œuvre de Zola, il ne s’agit pas d’une démarche purement réaliste comme celle que peut adopter un ethnologue mais de ce qu’on nommera plutôt une approche naturaliste. Des éléments de mise en scène dépassent la pure description du réel et nous donnent comme « des indices » sur la tournure que va prendre le récit ou sur l’humeur des personnages. Le romancier et l’écrivain transfigurent ainsi le réel pour lui donner une épaisseur et pour plonger le lecteur/spectateur dans une certaine atmosphère faisant passer d’autres messages plus implicites. Ici c’est surtout la lumière qui va jouer ce rôle (il y a notamment un très beau clair/obscur sur le visage de Ryan Gosling lors de la scène inaugurale qui montre l’ambivalence du personnage). 
Bref je vous conseille vivement de voir ou de revoir The place beyond the pines qui est un vrai « film d’auteur » qui m’a donné matière à réflexion et m’a ému (ce que je recherche dans une oeuvre).
Pour finir je vous propose une petite anecdote. Je me suis demandé pourquoi le film s’appelait « The place beyond the pines ». J’ai d’abord pensé  que c’était pour faire référence aux multiples scènes qui se passent à la lisière d’une forêt de pins : la rencontre entre Ryan et son complice de cambriolage, les deux scènes où Bradley échappe de peu à la mort, et la scène finale. Mais le titre fait en réalité référence au nom de la ville de l’Etat de New-York où a été tourné le film : « Schenectady » qui signifie « beyond the pines plains » en mohak (iroquois). 
Cette fois c’est vraiment la fin! J’espère que cette critique vous a plu, n’hésitez pas me donner vos impressions en commentaires. Je serais ravi de discuter/débattre de vos interprétations du film (même si elles n’ont rien à voir avec les miennes) et de ma manière de traiter le sujet.
La bise cinématographique.
Sébastien Magne
Critique interactive n°3: 007 Spectre

Critique interactive n°3: 007 Spectre

 

Parce que je veux continuer d’aller au cinéma, non pas car il s’agit d’un acte de résistance face aux horreurs récentes (comme disent certains faire « comme avant » et aller en terrasse ne suffit pas) mais parce que j’aime le cinéma tout comme j’aime me battre, j’aime me beurrer la biscotte, j’aime quand on m’enduit d’huile, j’aime les panoramas, j’aime le bruit blanc de l’eau, enfin bref vous avez compris j’espère!

 

 

Nouvelle critique, nouveau format pour ceux qui auraient été traumatisés par la longueur de ma critique sur Interstellar ou Gonegirl.
J’essaye cette fois d’adopter une forme plus ludique, tout en tentant de répondre aux détracteurs qui voient dans le nouveau « 007 Spectre » l’épuisement d’une collaboration pourtant initialement fructueuse (financièrement et artistiquement) entre Sam Mendès (réalisateur) et Daniel Craig avec comme point de départ le succès: Skyfall.
J’élude le pitch cette fois et je précise au passage qu’il n’y a pas de spoilers majeurs dans cette critique.

 

1) « un film longuet et ennuyeux » 

 
Je devrais mettre des guillemets et préciser que cette phrase émane d’une personne qui n’aime probablement pas les films d’action (et c’est son droit). Selon moi, difficile de s’ennuyer dans ce 24ème opus de James Bond, tout le monde y trouve son compte : le grand public, les fans de la première heure de James Bond et la critique.
Imaginons un instant la conversation qu’ont peut être tenue Sam Mendès et les producteurs  de la Metro Goldwyn Mayer afin de définir le cahier des charges de Spectre :
  • Les producteurs : « Ok Sam, tu es un génie, la critique a encensé Skyfall, et tu nous as pondu le James Bond le plus rentable de tous les temps avec plus d’un milliard de recettes. On ne va pas se plaindre. Notre dernier benchmark  indique que ton film a conquis la critique par sa noirceur inédite dans un James Bond (7,8/10 sur IMDB) mais il révèle aussi qu’une partie du public a émis quelques réserves. Je te lis les derniers consumer insights : 1) on en a marre des blockbusters aux tonalités tragiques avec un anti-héro tourmenté par son passé, et ayant un lourd passif familial 2) je ne reconnais plus le charme, le glamour  et l’humour des James Bond d’antan dans ces nouvelles productions.
 
  • Sam Mendès : « ok les gars, je ne sais pas ce que c’est un consumer insight mais donnez-moi 350 millions de dollars. Avec ça je vous fais une pépite qui ravira tout le monde et paiera l’essence de vos yachts cette année ».
 
Et la lumière fut : on est époustouflés dès la scène d’ouverture. Véritable tour de force technique et spectacle grandiose. Tour de force technique car il s’agit d’un long plan séquence (plan couvrant toute une séquence sans coupure ni montage apparent) ayant mobilisé des moyens financiers immenses et plus de 1500 figurants. C’est une  technique décidément à la mode puisque la maîtrise de celle-ci avait mis en lumière le génie d’Alejandro Gonzalez Inarritu  récompensé de l’oscar du meilleur réalisateur pour son film Birdman en 2014. Moins souvent mentionné c’est aussi le merveilleux  travail d’Emmanuel Lubezki (aussi présent sur le tournage de Gravity) avec sa steadicam qui avait permis de tourner Birdman en un seul plan séquence, prouesse rarement (ou jamais) vue dans la profession (et là vous comprenez que j’avais aussi préparé une critique pour Birdman mais que je ne l’ai jamais achevée…).
Mais revenons à notre brave Écossais : dans cette scène d’ouverture magistrale se déroulant en pleine fête des morts à Mexico on suit Bond à la poursuite d’un terroriste italien. Le héro est  filmé de dos à la manière d’un jeu vidéo à la première personne. Cette scène d’ouverture donne le ton : ballet mortuaire, course poursuite, combat à mains nues dans un hélicoptère, le rythme est là. Elle  montre les envies nouvelles de Mendès et de Craig pour Spectre : innover une nouvelle fois dans la mise en scène tout en effectuant un certain « retour aux sources » qui ravira les puristes. Avec comme inspiration la mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock, Mendès a voulu faire de Spectre un film d’action à l’ancienne : immersif et réaliste. Pour cela, exit le numérique (là aussi c’est tendance, cf Star Wars 7), on retourne au cinéma old-school avec un film tourné en 35 mm. On retrouve également  des scènes de courses poursuites en voitures grandioses et  sans trucages (si’il y a une chose à ne pas manquer c’est la scène de course poursuite à Rome entre la Jaguar et l’Aston Martin DB 10 de Bond).
Aussi, on retrouve certains ingrédients cultes de la série qui semblaient avoir disparus dans les précédents volets et qui réapparaissent dans ce film. Notamment une petite pointe d’humour à l’anglaise : quand James Bond atterrit dans un canapé après une chute de 20 mètres suite à une explosion,  et réajuste  sereinement ses boutons de manchette. L’humour n’est pas absent et plus encore on trouve cette fois une certaine dérision très plaisante à entendre. Par exemple : on se souvient du fameux « qu’est ce que j’en ai à foutre » adressé au Barman qui demande à Bond dans Casino Royale s’il préfère son cocktail au shaker ou à la cuillère, et bien dans Spectre on retrouve également un face à face assez hilarant avec un Barman qui propose cette fois à Craig un cocktail bio sans alcool (je vous laisse deviner la réaction du personnage). Ainsi cette séquence montre comment le James Bond tourmenté « version Craig »  qui enchaîne les vodka-martini se retrouve dans une situation à la limite du grotesque dans un bar « bio sans alcool ». Les codes qui donnaient une « tonalité grave et sombre » à la série des James Bond des années 2000 sont donc tournés en dérision.
Enfin, Sam Mendès a déclaré : « 007 SPECTRE évoque en effet les classiques de la franchise à travers les véhicules, le ton, l’éclairage et même la coupe du costume de 007, mais je tenais également à renouer avec le glamour des destinations lointaines et exotiques des premiers James Bond, et le pousser à l’extrême. »
Et bien c’est chose faite des cimes enneigées autrichiennes au Maroc, on voyage dans ce film d’action immersif qui sait être dramatique dans la lignée de la saga de Daniel Craig mais aussi drôle et divertissant quand il le faut. Bref on ne s’ennuie pas.

2) « Daniel Craig est rouillé »

Certes Daniel Craig prend quelques rides et perd des cheveux, en revanche son allure, son énergie et ses yeux, ne dépérissent  pas avec l’âge et les breuvages qu’ils consomment parfois comme 007.

Craig déclarait d’ailleurs dans le GQ de Novembre 2015 « le seul vrai point commun que j’ai avec Bond c’est l’alcool. Le pub c’est bien mieux que les réseaux sociaux pour se faire des amis ».
A 49 ans Pierce Brosnan dans  Meurs un autre jour  passait pour un vieux croulant. En effet ce « vieux beau » trop entretenu n’était plus crédible en homme d’action.  Craig, à 47 ans dans cet opus, reste tout à fait convaincant avec l’âge. Sa crédibilité en  James Bond il ne la tient pas d’un  teint hâlé et  d’une coupe à l’anglaise comme Pierce Brosnan mais  plutôt il la doit à son allure.
En effet l’allure de Bond est plus que jamais mise en avant dans cet opus. Il est souvent filmé avec des plans à la première personne décortiquant sa démarche (son roulement d’épaule, son menton relevé plein de fierté et ses pas assurés) et des scènes qui ressemblent parfois à des défilés de mode en plein air. On notera au passage que jamais un Bond n’aura autant changé de tenue : choix de mise en scène pour mettre en valeur l’acteur ou stratégie marketing pour financer ce projet pharaonique, nous allons analyser cela à présent justement.

3) « Spectre est un spot publicitaire géant »

Oui, il est indéniable que James Bond suscite toutes les convoitises auprès des marques. Avant c’était surtout des marques de luxe (Aston Martin, les montres de luxe comme Rolex et Omega) qui se battaient pour apparaître à l’écran.  Mais à présent ce sont toutes les marques qui tentent de se faire une place sur celui-ci : Heineken,  la vodka Belvédère, la Fiat 500. Et même des pays comme le Mexique se prêtent au jeu. Le gouvernement mexicain se serait même assuré qu’une bonne image de son pays soit donnée en demandant une modification à la dernière minute du  scénario de Spectre en échange de la coquette somme de 14 millions d’euros selon le site Tax Analyst(information révélée à la suite d’une fuite).
La pratique des placements de produits (et de pays) n’est bien sûr pas inédite dans les James Bond, ni dans les autres productions d’ailleurs (on se souvient du succès des lunettes de « Men in Black »dans les années 90 ). Mais pour Spectre on doit être proche des records avec 21 placements de produits bien visibles, peut être un peu trop visibles me direz vous…

On comprend bien l’intérêt  pour les producteurs qui ont pu financer les 350 millions d’euros alloués à Spectre grâce à ses partenariats juteux (pour vous donner une idée Heineken avait déboursé  45 millions d’euros pour que James se mette à la bière dans Skyfall). Néanmoins cela doit poser bien des contraintes à ceux qui « font le film » puisqu’ils doivent veiller à mettre en valeur chaque produit proportionnellement à l’investissement consenti.

Peut-on pour autant limiter Spectre à un spot publicitaire géant ? Certains diront que  les marques viennent piquer la vedette aux acteurs par moment, en effet la montre Omega de Bond joue un rôle crucial dans le film et apparaît peut être plus à l’écran que Miss Moneypenny ! On notera aussi le côté totalement assumé et décomplexé de ces placements : Q (le fameux inventeur des gadgets de James Bond)  en vient même à présenter la nouvelle Omega comme le ferait un horloger en insistant bien sur sa marque.

Mais dans le film d’autres marques et produits sont plutôt au service de la beauté et du spectacle. En effet quel plaisir pour le spectateur d’admirer les performances de l’Aston Martin DB 10 dérapant au bord du Tibre et de découvrir à chaque changement de décor une nouvelle pièce de la magnifique collection des costumes Tom Ford.
Ainsi les placements de produits ne viennent pas totalement dénaturer Spectre pour le transformer en spot publicitaire dépourvu de sens et d’émotions. Au contraire les placements de produits se mettent au service du spectacle et servent d’une certaine manière le réalisateur qui compose avec des accessoires déjà beaux et spectaculaires par essence.

4) « Un script vu et déjà vu »

Oui, comme mentionné précédemment, on commence à être lassés des histoires de famille, des fantômes du passé, des anti-héros torturés en quête de rédemption. Mais laissons au moins le mérite à ce « 007 Spectre » de soulever une problématique intéressante : la question de la surveillance face aux libertés individuelles et ses dérives possibles. Mendès tente ainsi une nouvelle fois de s’en tenir à un principe qu’il évoque dans un entretien pour le journal Telerama « Il doit y avoir une façon de combiner le divertissement et la présence, discrète mais perceptible, d’un discours, un point de vue articulé sur le monde dans lequel nous vivons. ».

D’aucuns ont regretté le choix de la facilité effectué par l’équipe de Spectre pour le casting :Christoph Waltz dans la peau du méchant (comme dans Inglourious Basterds  ) et Monica Bellucci dans le rôle de la veuve d’un mafieu Italien. Personnellement ça ne me pose aucun problème. Dans la mesure où ils savent si bien jouer ces rôles pourquoi se passer d’eux ?

5) « une Monica Bellucci flétrie »

Que nenni (oui j’ai osé placer cette expression)! Elle fait une apparition plutôt brève dans le film, ce qui est regrettable car il  ne lui faut pas plus de deux répliques dans un décor de rêve (villa romaine somptueuse) pour rayonner tout en tissant un brouillard mystérieux autour de sa personnalité. Elle joue très bien le rôle de « la James Bond girl classique » qui feint d’être inaccessible avant de s’offrir à Bond. Sam Mendès  se permet même une nouvelle fois de jouer avec les codes traditionnels de la série avec ce personnage.  Notamment, on est à la limite de la caricature machiste lorsqu’après un baiser et le fameux « mon nom est Bond, James Bond » puis une ellipse, on  retrouve Monica en porte-jarretelles sur le lit sur un plan large d’une chambre somptueuse durant laquelle on ne manquera pas bien sûr d’admirer la décoration…
Elle est tout en contraste avec la bien nommée Léa Seydoux, (Madeleine Swann dans Spectre) elle aussi magnifique mais d’une autre manière.  Madeleine incarne la James Bond girl nouvelle génération dans la  lignée de Vesper Lynd jouée par la non moins somptueuse Eva Green dans Casino Royal. Fière, indépendante en apparence, son charme réside dans ce regard qui nous défie en même temps qu’il dégage une certaine fragilité. Sans attache, aventurière et pleine de ressource elle forme la paire parfaite avec Bond et donne une note de fraîcheur indéniable à la saga avec sa beauté si singulière et son jeu des plus naturels (en d’autres mots, elle ne sur-joue pas).
Voilà je vous ai exposé 5 critiques majeures du film entendues dans mon entourage auxquelles j’ai tenté de répondre (vous pouvez m’exposer les vôtres sous la même forme ou répondre aussi à ma vision du film).  J’insiste encore : que vous ayez aimé ou non le film et ma critique n’hésitez pas à commenter, je serais ravi d’en discuter avec vous !
C’est tout pour moi, à bientôt pour la prochaine critique ciné !

Sébastien Magne

[VU PAR] Paris, vue par une ex-Toulousaine

[VU PAR] Paris, vue par une ex-Toulousaine

Paumé à Paris
Guide Du Toulousain
Pour retrouver son chemin

Toulouse et Paris ne semblent fonctionner ni sur la même pendule, ni à la même heure (à la bonne heure, me direz-vous ? … Non, ça c’est Marseille, les gars) ! Et pour un Toulousain, le Parisien paraît incompréhensible –et inversement. Tandis que le Parisien est un râleur invétéré, le Toulousain fait figure de bon pote. Quand le Parisien semble tout le temps pressé, le Toulousain s’accorde un « quart d’heure » pour décompresser.
Oui, c’est vrai … Toulouse / Paris, c’est plus de 8 heures de train, plus de 6 heures de voiture, et plusieurs heures de décalage en terme de mode de vie. Et pourtant…  Toulousain tu resteras, mais Toulousain, tu t’adapteras, aussi.
Alors d’abord, et parce que j’adore sortir les grands gros clichés, voici en images pourquoi un Toulousain perd son chemin à Paris…

 

 

 

 

 

 

Oui oui oui … tandis que Paris rime avec Pressé – Compressé (dans le métro) – je dirai même plus Con Pressé – Toulouse chante et respire le Retard – Flemmard – Fêtard – Soiffard.
Quand les Toulousains s’agglutinent dans les bars place saint Pierre pour s’aligner les pintes de bière en matant le match de rugby, les Parisiens guillerets s’assoient bien gentiment en terrasse pour siroter des cocktails ou des verres de blanc, rosé, ou rouge et jeter, de temps à autre, un œil vers la TV qui rediffuse le PSG.
Paumé à Paris ?
Voici mes bonnes adresses
Tu ne retrouves pas la bière cheap et le traditionnel “collé-serré” du foyer ?
Retiens bien cette adresse, Au Taquet !
« Et bien quoi, au taquet ? Balance le doss, je suis au taquet oui … »
Au TAQUET te dis-je, 19, rue Bleue, Paris 9. C’est le bar cheap de Paris, à 2 euros le demi, 2.50 euros la bière et 4 euros le cocktail en Happy Hour (HH pour les intimes). Et les HH, c’est all night long dans ce bar où tu ne vois plus le bar avec son habituelle surabondance de petits parisiens fauchés.
Si tu te demandes comme moi « Mais où est passée la nature ? Où se sont cachés les arbres ? »
Je te répondrais : « ne désespère pas ». Il y a aussi des coins de verdure à Paris j’ai nommé « les parcs ». Si tu aimes le Luxembourg, alors passe ton chemin, je ne peux vraiment rien pour toi : tu es citadin. En revanche, si la nature dans ce qu’elle a de sauvage et d’indompté te plait … alors suis-moi jusque le Parc des Buttes Chaumont, mon parc préféré à Paris. Il a ce petit côté « wild » que je ne saurais trouver ailleurs, ni dans les structures futuristes et les grandes pelouses de La Villette, ni dans les parcelles végétales du Jardin des Fleurs, ni dans les allées feuillues des Tuileries. Les Buttes Chaumont, c’est l’association de la colline, de la falaise et du ruisseau. Mais aussi du joggeur, de la famille et du promeneur du dimanche. Là-bas tu pourras te ressourcer, prendre un grand bol d’air et de silence avant de replonger dans les affres de l’agitation, du bruit et de la pollution.
Le rugby te manque terriblement ?
Il n’y a malheureusement pas de solutions. Sauf si tu es une fille, et que par « rugby » tu entends davantage « rugbymen », autre synonyme de « beau mec musclé, de quoi me rincer l’œil ». Auquel cas je te conseille vivement de prendre abonnement chez NEONESS. Neoness, c’est une salle de fitness et de musculation avec les tarifs les plus bas sur Paris (si si …) et une accessibilité défiant toutes les autres salles.
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Neoness c’est, enfin, des beaux mecs (et de très jolis filles aussi), jeunes, dynamiques, qui viennent se défouler en soirée avec une dure journée de travail. Moi, je dis ça … je dis rien !
Si tu te souviens avec mélancolie du Canal de Brienne et du Canal du Midi
Alors je te conseille vivement, très vivement, une de mes balades favorites : remonter le canal Saint-Martin jusque Canal de l’Ourcq et La Villette. Il y a certes beaucoup moins d’arbres qu’à Toulouse, mais c’est tout de même une balade reposante … à fleur de flots. Le canal est un lieu familial en journée, et festif le soir. Les jeunes viennent prendre l’apéro ou boire binouzes ou vinasses à bas prix entre deux œuvres de street art.  Pétanque et jeux, pédalo le printemps, Paris Plage en été.
Nostalgique du petit déjeuner Cosy entre Amies ?
Paris a mis le « brunch » au goût du jour. Le samedi et le dimanche matin, de nombreux Parisiens sortent pour aller déjeuner dehors, sous le soleil matinal d’un week end automnal. Et en matière de brunch, à Paris, tout se fait.
S’il y a une adresse à retenir, je dirais « rue des Martyrs ». Cette rue qui monte jusque Montmartre et descends jusque Notre-Dame-de-Lorette, est une concentration de petits cafés et restaurants, salons de thé … et un quartier très animé le dimanche pour « bruncher ». Quelques exemples :
  •           Le Café Marlette
Pour la meilleure copine, ou le petit copain, original et « healthy », fait maison
  •      Le Pain Quotidien
Pour la famille, pour bien manger, beaucoup, bon, et traditionnel (atmosphère chaleureuse avec les meubles en bois).
  •      Le KB coffee
Pour les hipsters ou les Parisiens un peu classe mais un peu melon. Un peu cher aussi.

  • Le Rose Bakery
Pour les addicts des desserts anglo-saxons ou les apprentis du BIO
Tu as laissé ton chat à Toulouse, et nos amis les animaux te manquent ?
Tu pourras te réconforter avec le Café des Chats.  Le Café des chats, c’est un restaurant avec dedans une quinzaine de chats adoptés pour le plus grand plaisir des clients. Ils sont ici chez eux, et investissent les chaises, les dessous de table, le piano et les fauteuils en cuir. Ils viennent jouer avec les clients et cherchent parfois la caresse, mais la plupart du temps, ils passent avec indifférence, sauf quand arrive ton assiette. Deux établissements sur Paris, à Bastille et dans le Marais. Un service très sympathique. C’est un peu cher (mais correct pour Paris, compter environ 15 euros / plat) et les plats ne sont pas fous (encore une fois, correct) pour y manger un repas. En revanche, leurs desserts –leur chocolat et leur cheese cake en particulier- valent le détour !
Si tu veux retrouver la quiétude des bords de Garonne
Gros spot sur la Seine et ses lumières brouillées se reflétant sur les bleus et bruns des flots. Sur Quai d’Orléans, au bord de l’eau et face à Notre-Dame, les cygnes viennent rendre visite et les flots lèchent la rive dans un flux et reflux mimant le chant de l’océan. Dans ce clair-obscur improvisé, la Seine murmure et parfois, éclaire les visages à coup de vedettes et de croisières touristiques.
« Partager
Un cigare et un ciel
Habiter
Un fragment de trottoir
Murmurer
Nos silences et nos peines
Aux pavés
Fumer tous nos déboires »
Si tu désespères de ne pas manger copieusement
Je te recommande chez Gladines, boulevard Saint Germain, Paris 5 (ou d’autres sur Paris). Chez Gladines, c’est un peu la cuisine du sud-ouest (cuisine Basque pour être plus exacte) qui se fait la malle ici à Paris. Outre les prix qui sont très corrects, les plats sont goûteux et copieux. Entre 8 et 10 euros pour une grosse (ENORME) salade pour les petits joueurs. Compter 14 à 16 euros environ pour des plats de viandes, accompagnés de leur pommes dorés ils sont vraiment tasty. Le tout dans une ambiance sixties in the USA, avec les murs rétro tapissés de visuels de Marylin.
Si tu ne sais plus où faire tourner ta roue
Si comme moi tu as adopté le vélo, et que tu désespères de pédaler dans Paris : et bien sache que tu n’es pas seul ! Faire du vélo tout en étant en sécurité relève du quasi miracle dans la capitale. Le meilleur moyen de limiter le danger est de connaitre le terrain, car il existe bien des zones agréables pour une balade tranquille à vélo (mais il faut les connaitre). Le boulevard de Rochechouart jusqu’à Pigalle est très sympathique : séparés des piétons du terre-plein central, et des voitures, les vélos ont leur voie tout le long du boulevard, et de quoi se rincer l’œil puisqu’ils peuvent passer par de grandes salles de concert et spectacles : Moulin Rouge, La Boule Noire, Le Chat Noir, La Cigale, Le Trianon.  Il y a aussi la balade du Canal de l’Ourcq jusqu’à La Villette et bien au-delà encore, hors des murs de Paris. Enfin, les quais sont une valeur sûre, mais il faut connaitre les pistes cyclables qui ne sont pas toujours immédiatement visibles.
Si tu ne retrouves pas ton dessert toulousain préféré, le Banoffee
Adopte les alternatives : le cheese cake, ou le macaron se trouvent bien plus aisément dans la capitale ! Je te conseille le cheese cake (j’en ai testé beaucoup) de chez Supernature si tu l’aimes léger, de chez French American Bakery si tu l’aimes traditionnel, de chez Rachel’s si tu cherches des saveurs originales.
Côté macaron, je suis une inconditionnelle de l’ISPAHAN (Rose-Framboise-Litchi) de chez Pierre Hermé. Tandis que La Durée fait des saveurs classiques (chocolat, fraise, vanille, pistache… oui, mais encore ?), Pierre Hermé innove avec ses Menthe-Fraise ou Fruit de la passion – Orange – Cheese cream.
Mais si tu insistes vraiment … voici la seule et unique adresse où j’ai pu dégoter un Banoffee Cake : Biocoop DADA rue du Paradis. EN l’occurrence, cette rue porte bien son nom. Ce magasin Bio est une petite perle à lui tout seul, avec une sélection de produits super bons et bios (un peu cher) et très diversifiés, des pains originaux (céréales, seigle, son, aux fruits et noix), et surtout, des pâtisseries comme on n’en trouve pas ailleurs (gâteau pavot citron, gâteau au potiron…) dont le fameux Banoffee.
Si tu aimes faire ton marché et te gaver de produits frais

 

Tu peux dans ce cas venir faire ton marché dans le 10e arrondissement, rue du Faubourg Saint-Denis juste derrière la porte Saint-Denis. Cette rue concentre à elle seule les enseignes citadines classiques : Carrefour City, Monoprix, Franprix – mais aussi du low cost avec Lidl – et enfin et surtout du primeur où acheter mille et une sorte de fruits et légumes frais différents – du boucher, du poissonnier, du fromager, de l’épicerie fine avec Julhès qui est mon petit coup de cœur (vins et spiritueux, sauces, thés, épices, confitures, sirops …). Si tu as soif de produits étranges et du monde, il y a beaucoup de petits magasins tenus par des indiens, tu peux donc découvrir de nouveaux produits et goûter aux saveurs venues d’ailleurs (de toute façon dans ma rue, tu voyages rien qu’au visuel … on ne se croirait pas à Paris, ça change des Champs Elysées !).

Introspection et rap français

Introspection et rap français

« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemples et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. Moi seul ». L’incipit-marquant- des « Confessions » réaffirme la valeur intellectuelle de la conscience de soi, et, dans une volonté de transparence de soi à soi, Rousseau fait de l’observation de ses états de conscience le matériau privilégié de l’expression du « moi ». De fait, l’introspection, véritable tradition littéraire française qu’inaugure Montaigne en réintroduisant le « moi » comme sujet d’étude premier et non plus comme champ d’analyse philosophique (le « moi » romantique contre le cogito cartésien), trouve de bien curieuses-du moins à première vue- occurrences dans le rap français.

          S’inscrivant dans un absolu de recherche de la sagesse, l’introspection fait en effet de nombreux émules dans cette mouvance culturelle et musicale que se veut le rap français. Dès 1995, Akhenaton et son « Métèque et mat » semble être partagé entre fougue (« Bad boys de Marseille« ) et spleen (« Au fin fond d’une contrée« , ou chacune de ses rimes semble le meurtrir). Fougue qui laisse place à la contemplation sur le sombre et déprimé « Sol invictus« , que clôture amèrement « Mon texte le savon« (« évacuer le fiel par la plume, je n’ai que ça dans le sang »). Probablement moins « bankable » que la trap musique, le rap introspectif se veut souvent sobre, réfléchi et angoissé. Shurik’n, avec sa « Lettre« , nous livre un plaidoyer musical en faveur du respect des valeurs viriles (honneur, respect, droiture) tout en rappelant l’importance de la transmission, donc du rapport père-fils.
Dès lors, le rap introspectif gagne en sincérité et en force émotive ce qu’il perd en fougue et en éclat. Face à la nuit, loin de son équipée épique et barbare avec Booba sur « Pucc fiction« , il ne reste que la langueur et la mélancolie à Oxmo, et, « Mourir 1000 fois« , véritable tissu d’assertions et de métaphores venant souligner le dénuement du black Jacques Brel face à la mort : « j’ai peur de la mort, je le sais, je l’ai vu épeler mon nom appeler des amis, jamais je les ai revus ». La morgue originelle du rappeur se dilue alors dans un flot/(w) de rimes et d’images. C’est pourquoi Oxmo ,dans « J’ai mal au mic« , fait, par métonymie, de la plume du MC son cœur. Or, elle se montre ici grinçante, désabusée, de sorte que seule la mélodie semble pouvoir triompher du spleen : « carabine à air déprimée cherche tempe [..] »La musique est ma porte d’échappement chaque note m’apporte un rythme cardiaque suffit que le beat reparte pour que mon mic batte ». Refusant toute hypocrisie (« Hypocritès », celui qui avance masqué..), Oxmo nous livre avec « l’enfant seul » un chant du cygne sur l’enfance et ses meurtrissures, sous forme d’hommages aux éternels petits garçons malmenés par la vie. Véritable miroir dans lequel chacun peut sonder le fond de son âme, « L’enfant seul » est la quintessence de ce que le rap introspectif a pu offrir de mieux : solitude, mélancolie, rimes acérées et poésie. Jugez plutôt : « Maitrise lancinante sentiments en ciment sinon dans 6 ans on me retrouve ciseaux dans le crâne dans le sang gisant ».
Même Booba, plus habitué à se dresser en fossoyeur du rap français (« Repose en paix« ) qu’a s’épandre sur le pathétique de la vie, nous livre avec son superbe « Ma définition » un testament musical aux accents tant mélancoliques que conquérants (« La folie, le sang, la mélancolie, du rap, du fil rouge des risques et du son : ma définition »). Regard amer sur l’enfance, habituelles fanfaronnades, misanthropie latente transcendée par l’instrumentale de « Mistral gagnant » (Renaud est l’une des principales inspirations de Booba) font de même de « Pitbull » la lettre d’adieu du MC au rap français.
Souvent déroutante et vertigineuse, l’introspection dans le rap français tranche assez radicalement avec l’imagerie -souvent fantasmée- associée à la culture hip-hop.Et si, par delà sa morgue, son inconscience et ses fulgurances, tout grand rappeur était sur le point de sombrer dans l’abîme du spleen ? Preuve en est ce coup d’éclat dans la discographie de Doc Gynéco qu’est « L’homme qui ne valait pas dix centimes« . Le doc, plus célèbre pour son amour du football , des substances illicites et des téléfilms programmés la nuit sur la TNT que pour sa propension à faire pleurer la plume, nous livre un chant du cygne poignant, entre dégoût -légitime- vis-à-vis de l’industrie du disque et son mépris du talent naïf, conscience de la précarité de son statut d’artiste (« Pourquoi subir tel un cireur de chaussures pour m’en sortir je me fais conteur de mésaventures ») et lucidité sur la bassesse de son époque.
Le rap introspectif se met en effet souvent au service de la critique sociale. Déjà John Fante, (dans son fabuleux « Demande à la poussière« ), Burroughs, ont fait de l’introspection le moyen d’expression de l’errance des crèves-la-faim, des marginaux face à la « nouvelle société » d’après-guerre et ses mirages. Si Bukowski a l’ambition dès ses « Contes de la folie ordinaire » de répondre au malaise dans la civilisation par la véhémence de son écriture, alors la prose accusatrice et vivante d’un Akhenaton (« On était tous des anges à l’école, le diable est apparu en cherchant du taf quand on a serré la pogne à Eole » « Mon texte le savon part 2« ) s’inscrit dans cette digne tradition. Engagement que revendique Kery James, qui a fait de la défense des humbles (Au prix de nombreuses polémiques, dont celle fort récente sur sa phrase « Y’a pas que les arabes et les noirs ce sont tous les pauvres qu’ils méprisent » l’identité constituante de sa musique. Le MC d’Orly, adepte du rap introspectif et des morceaux fleuves (Lettre à mon public, le combat continue, Post scriptum, banlieusards…), s’érige ainsi en poète vindicatif mais désabusé : »Nos textes sont des toiles que dévoilent nos mal-êtres des destins sans étoiles »,« A l’ombre du show business »

Le rap introspectif prend souvent des accents céliniens, en ce qu’il ne connait pas le principe de non-contradiction : en effet, il nous donne à voir deux voix puissamment contradictoires. Si le quotidien du rappeur semble le ramener inexorablement à un constat d’abjection, qui prend forme (musicale) en cette voix du ressentiment, voix à laquelle il oppose périodiquement à celle de la compassion (déjà Céline pressentait « qu’on a honte[..] d’avoir jugé l’humanité plus basse qu’elle n’est vraiment au fond », « Voyage au bout de la nuit« ). Cette duplicité s’observe à merveille sur « Pousse au milieu des cactus ma rancœur » ou un Akhenaton rancunier et vengeur vient, sur un sample de « Le bon, la brute et le truand« , nous livrer ses sentiments ambivalents : »Enfanté dans l’amour, mes sentiments sont confus confluent dans le lit de mes rêves d’une pièce exiguë ma salive est empoisonné mes larmes sont de la cigüe ». Force est de constater qu’il y a souvent assez de haine pour refaire un monde dans certains textes de rap. Toutefois, si Rohff semble plus prompt à cultiver l’image du rappeur survolant le rap game (« Rap game« , « la grande classe« …) que celle de l’aède, du poète tisseur de mythes sociaux, Housni a su nous délivrer quelques tracks -dont le glaçant et poignant « Regretté« – ou l’angoisse de la mort prend le pas sur la fascination pour la violence et l’argent facile. Le MC, habitué des fanfaronnades sur BPM (« J’suis venu au monde en mode numéro un », « En mode« ) et des punchlines mordantes, se découvre et redevient un simple mortel devant l’évidence de la mort, invité sinistre lui ayant retiré tant de proches (dont le rappeur du collectif Mafia K’1 fry Las montana).

Incertain, hasardeux, souvent revanchard et aigri, le rap introspectif peut s’apparenter à une certaine poétique de la chanson grise (doit bien y avoir une cité qui s’appelle Verlaine en Ile-de-France…), à une complainte mélodique (ou mélodieuse) , dont le but premier n’est pas tant de dénoncer ou de divertir, mais bien de dire l’échec, l’incertitude et le désarroi, trouvant ainsi un public élargi. Afin de clôturer cet article sur une note guillerette, je vous laisse avec Fuzati, MC versaillais ayant une tendance somme toute fâcheuse à faire l’apologie du malthusianisme, et dont le titre même de son album phare (« La fin de l’espèce« )  évoque le refus biologique de procréer, album ou sa haine nauséeuse fait rage sur les productions léchées de Detect.

Crimson Peak : avis de fantôme sur un manoir anglais

           Guillermo Del Torro. Cinéaste mexicain dont l’univers fantastique aura été mis au service de nombreuses productions dont il n’a pas été lui-même le réalisateur (Le Hobbit) mais dont on pourrait deviner l’influence. Nombreux sont ceux qui se souviennent encore de « l’Orphelinat », film d’horreur ayant dissuadé plusieurs personnes de sortir de leur lit en pleine nuit pour n’importe quel raison.
              L’arrivée de cette affiche évocatrice aurait pu laisser penser qu’un nouveau pas sur le chemin de l’épouvante va être fait. Les amateurs du genre vont être décontenancés. En bien ou en mal. Et ce pour plusieurs raisons.
            Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un film d’horreur. On aurait pu vous laisser penser que les fantômes, ces êtres aux silhouettes et à la démarche si reconnaissable sont le clou du spectacle et les gardiens des clés de l’horreur que contient ce film. S’il s’avère qu’ils ont un autre rôle à jouer, force est de constater aussi qu’ils ne sont pas les plus à craindre dans ce manoir anglais où tout va se jouer…
Amateur de grands frissons, passez votre chemin ! Les scènes de peur et d’effroi ne deviennent que trop évidentes et attendues et vos yeux aguerris auront vu bien pire. Ce n’est pas que le talent de M. Del Torro s’est fané, cela est sans doute dû au fait que le but de ce film n’est vraiment pas de nous faire peur.
         Non décidément, ce n’est pas la peur qui domine ce récit très ancré dans la tradition du Romantisme noir et des récits gothiques d’une Angleterre à l’avant-garde de la Révolution industrielle. En réalité nous sommes bien au contraire fascinés par les personnages que nous voyons évoluer sous nos yeux. Il faut dire que le trio de tête brille par la façon dont ils se sont imprégnés de leur personnage. Qu’il s’agisse de Tom Hiddlerton ou de Jessica Chastain, ces deux sombres figures ont un physique taillé pour leur rôles ; un hommage devra être rendu à tous ceux qui les ont transformés en des personnages tout droit sorti de romans de Julien Green ou des films d’Hitchcock. Jessica Chastain, visage de damnée, regard sinistre ; cela restera en vous bien après votre sortie de salle. Il ne faudrait pas oublier Mia Wasikowska dont le rôle est loin de la cantonner à la pauvre blonde sans défense ballotée dans l’intrigue comme une enfant sans caractère dans un train fantôme. Il sera pour une fois plutôt évident de s’identifier à un personnage principal de film d’horreur.
          Fourmillant d’idées sorti d’un cerveau un peu dérangé tout de même (de l’argile rouge, une vision singulière des papillons…Entre autre !) ce film frappe surtout par son immense qualité esthétique. Des fantômes au manoir en passant par les costumes et l’environnement alentour, tout est fait pour que ce film devienne un cas d’école pour les jeunes réalisateurs, et au vu de nombreux plans de caméras, pour les peintres et les photographes.

 

      Allez le voir pour vivre une expérience visuelle avant tout mais certainement pas pour l’originalité du thème ou la peur qu’il puisse créer. Les amateurs du scénario d’« Inception » en prendront pour leurs frais, les surprises ne sont pas au rendez-vous. Mais vous garderez cette image d’un vieux manoir hanté par les ombres du passé, consumé par la neige au-dessus et l’argile pourpre d’en-dessous. Vous serez témoin d’un domaine taché irrémédiablement par un crime odieux que vous auriez pu vous épargner de vivre si vous réfléchissiez davantage aux avertissements que des êtres chers vous ont laissés… « Beware of Crimson Peak !»
Jessica Chastain, comme vous ne l’avez jamais imaginé
Antoine Lezat

14 Juillet, Charlie hebdo: un feu d’artifice à forte coloration politique

   Un 14 Juillet pas comme les autres

   Le 11 Janvier 2015, la France a été secouée par  une grande tragédie avec les attentats de Charlie Hebdo. S’en est suivi un mouvement d’unité nationale sans précédent qui a redonné de l’espoir à un pays qu’on a tenté d’apeurer, de diviser en  faisant croire à ses citoyens que le multiculturalisme et les valeurs de la République française comme la liberté n’étaient pas ou plus compatibles.  Le 11 Juillet 2015, Manuel Valls tweetait: « 6 mois après le 11 janvier, toujours Charlie » comme pour rappeler aux Français que personne ne devait oublier ce qui avait poussé les gens à descendre dans les rues comme le firent d’autres le 14 Juillet 1789.
   J’ai été très ému par ce feu d’artifice du 14 juillet cette année qui selon moi portait un message bien plus fort que les années précédentes alors que nous sommes plongés en pleine période de doutes, de peurs et de manque de confiance en l’avenir de notre pays.  Et je vais ici tenter de vous expliquer quels ont été les principaux messages que j’ai perçu dans cette démonstration pyrotechnique et musicale:
  Déjà charmé par une belle soirée musicale en compagnie de l’Orchestre National de France  , j’ai été également séduit par un feu d’artifice magnifique tiré depuis la tour Eiffel au dessus et vers la ville des Lumières!  Ce show nous le devons  au Groupe F, le plus grand artificier du monde, qui a notamment réalisé les spectacles de la Clôture de la Coupe du Monde 1998. Tiens donc, la coupe du monde,  cela prend un sens tout particulier ici, n’était-ce pas suite à la victoire des bleus qui étaient alors « nos bleus » que nous avions tous ensemble, citoyens et classe politique, célébré le multiculturalisme, la force de notre nation métissée qui avait battu le Brésil, grande nation d’un métissage « heureux » où le mélange des cultures a fait naitre une puissance créatrice qui se retrouve dans son football, ses musiques et danses!  On peut donc saluer ici le choix de solliciter à nouveau ces artistes dans cette période où l’altérité est en danger.

J’ai perçu plusieurs tableaux, il ne s’agira pas là de décortiquer un feu d’artifices mais de vous en montrer le message politique:

  Dans une première partie, la tour Eiffel était illuminée avec des couleurs nobles, le doré prédominait, les lumières donnaient à celle-ci un aspect majestueux. Des feux jaillissaient dans toutes les directions, sur un air de Vivaldi. Là je vis la France des Lumières, la France majestueuse, qui rayonnait dans le monde entier comme ces feux qui semblaient se diriger dans toutes les directions et se déverser vers tous les points cardinaux.
  Puis il y eut une transition: tout à coup, les lumières s’assombrirent et la douce voix d’Adèle retentit au dessus des toits de Paris. « Skyfall », titre suffisamment évocateur pour nous rappeler que la France cette année a vécu des heures sombres  mais que nous pouvons et nous devons encore lutter ensemble contre le terrorisme, contre les stigmatisateurs, les déclinistes qui divisent, apeurent et ne croient plus en la tolérance, l’altérité, l’ouverture d’esprit qui firent la grandeur de la France. « Let the sky fall, When it crumbles, We will stand tall, Face it all together  »  (Laisse le ciel tomber, quand il s’effondre, on est encore grand, ensemble on fait face à tout), le message est clair et beau à la fois. Une musique grand public qui délivre un message universel, quoi de mieux comme transition. Mais comment lutter alors face à ce ciel qui s’effondre, face à cette France sur le déclin comme la décrivent certains?

C’est la deuxième partie du feu d’artifice qui veut nous montrer des sources d’espoir:

  Via un jeu de lumière projeté sur la tour Eiffel, je vis des personnages qui traversaient de gauche à droite la tour, puis une fois arrivés à l’extrémité  droite de celle-ci, toquaient comme s’ils voulaient passer une porte. C’est donc ici la France comme terre d’accueil qui était figurée.
   Là changement de décor, on se retrouva alors plongés dans une ambiance « multiculturelle », d’abord des musiques aux sonorités africaines, asiatiques, orientales, puis  des rythmes antillais endiablés qui via un jeu de lumière amusant faisait remuer « le popotin » de Mme la Tour Eiffel! Ce tour du monde musical se clôtura par une samba brésilienne. Peut être était-ce là un rappel de notre belle victoire face au Brésil en 1998, ou cela évoquait-il ce vers quoi notre pays devait tendre: la célébration du métissage qui est un modèle au Brésil.
   Comme pour appuyer encore ce message, le final fut accompagné d’une Marseillaise revisitée avec une instrumentation originale aux empreintes africaines, asiatiques, orientales comme pour montrer que la Marseillaise demeurait un symbole inaliénable de notre nation mais aussi que chacun pouvait la chanter à sa manière (du moment qu’on la chante tout va bien)!
  Et alors suite à « cette scène », la tour Eiffel s’illumine à nouveau, la France est forte, elle brille de milles feux, des feux qui forment des cercles, des brins semblables à ceux de l’ADN comme pour mieux figurer l’unité. C’est l’happy ending, une musique épique retentit, une musique Hollywoodienne, la bande originale d’ET composée par John Williams, quel meilleur symbole pour célébrer ensemble l’altérité et  l’amour de l’autre au delà des différences.
 Sébastien Magne