Le cinéma de guerre, vous connaissez ? Loin de se résumer au Soldat Ryan et autres blockbusters américains, ce genre est riche d’adaptations en tout genre jalonnant la longue et riche histoire du cinéma. Les TNA ont décidé de se focaliser en particulier sur les films traitant de la 1ère Guerre mondiale. Le mois de décembre 2016 a sonné le glas du centenaire de la bataille de Verdun, un hommage s’impose donc à nos poilus et à ces millions d’hommes sacrifiés à travers l’Europe et le monde dans un conflit d’une brutalité jusque alors inégalée. Laissez-vous guider dans ce classement des plus beaux films sur la Première Guerre Mondiale, la Grande Guerre narrée par le 7ème Art !
Ci-dessous une liste de films pour enrichir votre culture sur la guerre 14-18 :
Les Sentiers de la gloire (S.Kubrick), Joyeux Noël (C.Carion), Cheval de guerre (S.Spielberg), Capitaine Conan (B.Tavernier), À l’Ouest rien de nouveau (L.Milestone), La Vie et rien d’autre (B.Tavernier), Flyboys (T.Bill), Baron Rouge (N.Müllerschön)…
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1- Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet (2004) avec Audrey Tautou, Gaspard Ulliel
Film de guerre sur l’amour ou d’amour sur la guerre ? Toujours est-il que rarement une œuvre n’aura avec autant de sincérité décrit le traumatisme d’un conflit ravageur. Mené par un casting de haut vol, Jean Pierre Jeunet nous emmène tout droit dans les tranchées dans un univers qu’il décrit avec une esthétique qu’il maîtrise à la perfection. Ce film adapté d’un roman de Sébastien Japrisot narre l’histoire d’une jeune femme à la recherche de son amant qui aurait été condamné à mort par l’armée française pour s’être volontairement mutilé afin d’éviter de combattre. La jeune Mathilde part donc dans un périple à travers la France afin de faire la lumière sur les événements tragiques qui ont poussé à envoyer 5 soldats (dont Manech son amant) entre les tranchées françaises et allemandes afin de les punir d’avoir voulu vivre… Car bien que la plupart des gens cherchent à oublier cette triste histoire, Mathilde reste persuadée que quelque chose ne tourne pas rond : tous les condamnés sont-ils morts dans le no man’s land ? Pourquoi la plupart des témoins ne se manifestent ils pas ? Pourquoi certains gradés tentant d’étouffer l’affaire ? Que s’est-il passé entre ces tranchées exactement ce soir-là ? Guidez par un amour inébranlable, une flamme intérieure, la jeune Mathilde se lance dans un périple qui la confrontera à l’horreur de la guerre. Il n’est pas toujours bon de ressasser le passé et de terribles secrets sont enfouis dans la boue et les trous d’obus. Un long dimanche se profile, celui d’une rétrospection sur ce qui est à ce jour le conflit le plus ravageur que la France ait connu…
Anecdote : Pour les besoins du tournage, J-P Jeunet a recréé des lieux emblématiques de la capitale. Avec des procédés numériques sophistiqués, il a ainsi représenté la Place de l’Opéra, la Gare d’Orsay, les Halles de Paris, ou encore le Palais du Trocadéro comme ils étaient à l’époque.
2 Johny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo (1971) avec Timothy Bottoms, Katy Fields
Si vous pensez que votre vie est décidément triste et insupportable il convient de vous faire visionner ce chef d’œuvre de Dalton Trumbo. Johnny est un américain qui décide de s’engager dans la guerre 14-18, animé par la fougue et la témérité de son jeune âge. Envoyé sur le front français, il est gravement blessé par un obus perdant au passage l’usage de ses yeux, de sa langue et de ses oreilles. Il se retrouve donc propulsé dans un lit d’hôpital, amputé des bras et des jambes, autant dire qu’il n’a pas tiré un carré d’as… Tout le film suit le parcours de Johnny dans sa « convalescence » alternant entre plans en noir et blanc symbolisant le désarroi dans lequel il se situe et plans en couleur raccrochant le jeune homme à ses souvenirs de jeunesse. Johnny sait que sa vie est ruinée, il n’est plus qu’un morceau de viande, un ver au bout d’un hameçon, un pantin pour ses médecins dépassés par la gravité de ses blessures. Il ne vit qu’au travers des rêves qu’il fait et des souvenirs passés en compagnie de sa famille. Pourquoi s’être exilé si loin ? À quoi bon s’être engagé dans cette guerre ? Le malheureux n’a même plus ses yeux pour pleurer, isolé, incapable de raisonner, perdu dans l’espace-temps et le néant. Il cherchera donc à tout prix à communiquer avec cette infirmière qu’il ne peut voir afin qu’elle exauce son vœu le plus cher. Mais son désir d’en finir se heurte à la déontologie et l’éthique de quelques médecins et généraux. « Johnny s’en va-t-en guerre » est un récit chargé de sens, un appel à la paix, un hymne à la jeunesse d’où résonne l’écho de la chanson de Craonne : « Adieu la Vie, Adieu l’Amour, Adieu toutes les femmes. »
Anecdote : Ce film est adapté du roman éponyme écrit par… Dalton Trumbo. Ce sera la seule et unique fois que l’écrivain réalisera un film.
3 – La Grande Illusion de Jean Renoir (1937) avec Jean Gabin, Erich von Stroheim
Probablement un des premiers films sur la Grande Guerre mêlant un casting multiculturel et dont la résonance pacifiste s’applique aussi bien à la France qu’à nos voisins allemands. Vous suivrez dans cette œuvre l’histoire du Lieutenant Maréchal et de ses compagnons d’armes français faits prisonniers et envoyés dans des camps en Allemagne. Loin du tumulte de Verdun, ils tenteront de s’évader des différents établissements où ils sont internés avant d’être transférés dans une forteresse dirigée par un commandant allemand, qui se trouve être celui qui a abattu leur avion avant d’être fait prisonnier. Le film suit donc les péripéties de ces soldats qui inépuisés, cherchent à regagner la Suisse en traversant l’Allemagne. L’histoire fera jaillir des antagonismes, mais aussi des amitiés y compris entre le commandant allemand et un prisonnier français originaire d’une famille aristocrate. Et si « La Grande illusion » était l’acte fondateur de l’amitié franco-allemande ? Un film non pas sur l’horreur de la guerre, mais sur les relations qu’elle engendre, des relations tantôt hostiles, tantôt humaines. Un périple pour retrouver sa liberté, mais surtout s’éloigner de cette violence, ce désir de reconquête, cette Grande Illusion. Le destin de ces soldats Français n’est pas si différent de celui des Allemands, plaisante justice que cette rivière borne…
Anecdote : À la sortie du film en 1938, Jean Renoir déclarera : « Parce que je suis un pacifiste, j’ai réalisé La Grande Illusion. Pour moi, un vrai pacifiste, c’est un Français, un Américain, un Allemand authentique. »
4- La chambre des officiers de François Dupeyron (2001) avec Éric Caravaca, Sabine Azéma, André Dussolier
Là encore nous avons affaire à une adaptation de roman et pas des moindres. La chambre des officiers suit le parcours d’un jeune soldat français blessé très rapidement au début du conflit. Atrocement défiguré par les bombes, il est conduit dans un hôpital parisien réunissant les graves blessés au visage. Entouré d’hommes au faciès mutilé, il va devoir réapprendre à vivre, à parler, à manger, lui qui jamais plus ne sourira. Syndrome d’une jeunesse jadis rayonnante et condamné à vivre dans le regard horrifié des gens qui l’entourent, celui qui apparaît comme un monstre nous emmène dans cet hôpital où la chirurgie esthétique commence tout juste à expérimenter des opérations pour redonner un visage à ces hommes brûlés et disloqués. Dans un lieu où le seul miroir est le regard de l’autre, Adrien est devenu un Frankenstein des temps modernes, victime d’un conflit où les blessures évoluent en même temps que les armes. Mais comment aimer un homme à la chair déchirée et au sourire atrophié ? Ce film est un hommage à tous les mutilés de guerre, ces gens condamnés à vivre infirme et dont la seule consolation est de recevoir une médaille. La jeunesse est sacrifiée au nom du devoir dans cette chambre où se croisent ces jouets de la science, car qu’y à t-il de plus horrible que de ne plus être reconnu, pas même par sa propre famille ?
Anecdote : La Française des Jeux créée en 1933 sous le nom de Loterie nationale a vu le jour afin de venir en aide aux mutilés de la guerre 14-18.
5- Frantz de François Ozon (2016) avec Pierre Niney, Paula Beer
Vous avez dit absence de film ? Car si Frantz est une morne plaine, il n’en demeure pas moins une onde qui bout dans une urne trop pleine. Il serait cruel de juger cette œuvre de François Ozon sur l’absence d’action et le rythme volontairement lancinant imposé par le réalisateur. Jouant à la perfection avec la variation des couleurs, Ozon nous offre un film en deux parties à la symétrie parfaite. D’un côté c’est la France et de l’autre l’Allemagne, un pays délesté de plus d’un million de jeunes hommes, humilié par la défaite et le Diktat français. C’est alors que débarque dans un petit village allemand un jeune français venu se recueillir sur la tombe d’un soldat allemand : Frantz. La communauté s’interroge, les doutes émergent un à un. Un lourd secret pèse sur ce soldat français rongé par des tourments qui raviveront les souvenirs douloureux d’un conflit sauvage. Les parcours successifs des personnages à travers les villes et les villages laissent poindre des paysages ravagés, des cicatrices qui perdureront, un antagonisme ravageur annonçant l’émergence des mouvements nationalistes des années 20. Dans cette Europe post-apocalyptique il n’y a plus de joie, plus de bonheur, simplement l’impression d’un cycle interminable de douleur et de chagrin. Frantz mérite amplement sa place parmi les œuvres incontournables sur la Grande Guerre. Ozon réalise avec ce film une odyssée sur la recherche de vérité enrichie par des thématiques variées telles que la mémoire, la musique, mais aussi l’homosexualité.
Anecdote : François Ozon a déclaré avec Frantz vouloir faire un film sur le Mensonge, une œuvre contrastant avec notre époque qu’il juge obsédée par la vérité et la transparence.
Le Rêve, Édouard Detaille (1888)
Le pôle culture a décidé de sélectionner pour vous un tableau peint par Édouard Detaille, intitulé « Le Rêve ». Exposé au musée d’Orsay à Paris, celui-ci est tout à fait symptomatique de l’imaginaire français de la guerre et du désir de reconquête des territoires annexés par la Prusse en 1870. Plus de 10 ans après la débâcle le sentiment de revanche demeure fort dans l’opinion publique, tous rêvent de voir la République triompher du voisin allemand. C’est dans ce contexte particulier qu’Édouard Detaille réalise cette peinture patriotique, une période marquée par un élan de solidarité nationale que l’on retrouve dans la culture littéraire (avec le Tour de la France par deux enfants,) mais aussi dans la peinture (La Rue Saint-Denis de Monet).
Le Rêve représente donc un bataillon français bivouaquant au crépuscule dans la campagne française, tous les soldats sont endormis et transportés dans un songe profond. Au-dessus des képis et des fusils entrecroisés apparaissent dans les nuages les spectres d’un passé militaire glorieux, celui du soleil d’Austerlitz et de la Grande Armée, celui d’une France victorieuse et conquérante. Alors que le moral de l’armée est entamé par la défaite, le souvenir des victoires de Solferino et du Trocadéro vient redonner de la bravoure aux jeunes soldats, qui tels des enfants songent à devenir aussi immortels que leurs aînées. Le boulangisme de la fin des années 1880 cherche à insuffler un sentiment national de fierté qui indirectement atteindra son paroxysme à l’aube de la 1ère guerre mondiale. Tapis dans la campagne, ces hommes semblent captivés par leur rêverie et le soleil lointain apparaît comme un futur plein de promesses et annonciateur d’une revanche éclatante, un futur finalement plein de désillusions qui coûtera la vie à 1,45 million de Français…
Après t’avoir fait vibrer avec nos meilleurs recommandations sur le cinéma d’horreur, les TNA reviennent te proposer leur nouveau TOP 5 dédié aux films de Science Fiction. Tu pensais avoir fait le tour en regardant Star Wars ? Détrompe-toi, la SF est un genre aussi large que complexe et il est venu le temps pour toi d’explorer cet univers futuriste qui traverse les époques. Ci-dessous, une liste non exhaustive des films méritant d’être vus et qui hélas n’ont pas pu être retenus dans notre TOP 5.
Brazil (Terry Gilliam), Minority Report (Steven Spielberg), Solaris (Andreï Tarkovski), Stalker (Andreï Tarkovski), The Island (Michael Bay), Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol), Matrix (Andrew & Larry Wachowski), La planète des singes (Tim Burton), Origins (Mike Cahill),Le Transperceneige (Bong Joon-ho), Le Cinquième Élément (Luc Besson), Interstellar (Christopher Nolan), Le fils de l’homme (Alfonso Cuarón), Star wars (George Lucas), Her (Spike Jonze)
N’hésitez pas à donner vos suggestions en commentaires !
1 – 2001, l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick (1968) avec Keir Dullea, Gary Lockwood
Parce qu’un TOP 5 sans Kubrick, c’est comme un OB sans navettes retour, impossible de passer à côté de ce qui est à ce jour considéré comme le film de science fiction le plus sybillin jamais réalisé ! Séparé en 4 parties, ce film est un mélange incroyable de méditations sur l’humanité, l’évolution, la métaphysique mais aussi l’intelligence artificielle. Écrit dans un contexte de course à l’espace en pleine guerre froide, cette odyssée est celle de l’Homme face à l’infini qui s’offre à lui, si près et inatteignable. Dans une obscurité rythmée par Le Beau Danube Bleu, les vaisseaux flottent dans le néant, se mouvant aux rythmes des valses de Vienne. Si le réalisateur a toujours refusé de donner une version à la fin de son film c’est justement pour entretenir ce sentiment d’abandon qui hante le spectateur, l’impression que malgré les innombrables avancées scientifiques, notre rationalisme se heurte également à une finitude rendant impossible la compréhension de notre univers. Et si l’acceptation de notre échec à tout savoir était la condition d’accès à cette éternité symbolisée par le trajet quasi onirique et psychédélique réalisé par le cosmonaute à travers la galaxie ? Du premier singe, maniant l’os, au robot HAL, apogée de la science et de l’ingéniosité de l’Homme, l’Odyssée de l’espace vous transportera aux quatre coins de la Galaxie où se retrouve inlassablement ce monolithe que rien ni personne ne semble pouvoir expliquer : une preuve de vie extraterrestre pour certains, un signe manifeste de l’existence de Dieu pour d’autres, libre à vous d’interpréter ce chef d’œuvre dont l’écho résonne encore aujourd’hui avec des films comme Interstellar !
Anecdote : Grand méloman, Kubrick puise dans le répertoire classique afin de donner une âme à son film : Strauss Wagner, Katchaturian ou encore Ligeti ont composé des morceaux que l’on peut entendre dans l’Odyssée de l’espace. Mais plus étonnant encore, Kubrick aurait proposé à Pink Floyd de participer à la bande originale du film, proposition refusée par le groupe britannique qui déclare quelques années plus tard avoir regretté de pas accepter.
2- Blade Runner, Ridley Scott (1982) avec Harrisson Ford, Sean Young, Rutger Hauer
Ce film, considéré comme un epic fail à sa sortie, est maintenant cultissime et une inspiration constante pour la SF encore aujourd’hui. Cette adaptation du livre de Phllip K. Dick se situe dans un Los Angeles pluvieux et toxique, dont l’atmosphère rappelle les vieux films policiers américains. Les humains migrent vers d’autres planètes. Eldon Tyrell a créé une nouvelle race d’esclaves, des androïdes appelés les « réplicants », qui sont indifférenciables des humains. Un groupe d’androïdes dissidents, trop perfectionnés pour être laissés en vie, sont ainsi déclarés hors la loi et poursuivis par une brigade spéciale, les « Blade runner », bien qu’ils parviennent à venir à Los Angeles.
Deckart, le héros, un blade runner, est chargé de poursuivre et de « retirer » (de tuer, en gros) ces réplicants… devenant à son tour une épreuve personnelle plus profonde pour le héros.
Comme tout bon film culte de SF, les thématiques sont vastes et le symbolisme fort. Il pose des questions sur ce que c’est d’être humain : est-ce fait de chair ? Ou de sentiments ? de souvenirs ? Le héros se nomme d’ailleurs Deckart (Descartes ?). Le symbolisme du père créateur tout puissant dans sa forteresse, ici en forme de pyramide, n’est pas sans rappeler les mythes fondateurs des religions avec le rapport ambigu au père. Ce film, très riche, mérite plusieurs visionnages, à la fois pour ses messages, mais aussi pour sa mise en scène mythique.
Anecdote : Philip K.Dick, un des grands noms de la littérature SF, a vu nombre de ces livres adaptés au cinéma. Blade Runner mais aussi Total Recall, Minority Report, Planète hurlante, Confessions d’un barjo, Truman Show, etc.
3 – La Route, John Hillcoat (2006) avec Viggo Mortensen, Kodi Smit-McFee
Tiré du roman éponyme de Cormac McCarthy, ce film post-apocalyptique n’a rien a envié à Snowpiercer ou Madmax. Il met en scène un père et son fils traversant un pays ravagé par un mal dont on ignore la cause. Marchant en direction du sud avec un simple cadis, ils tentent de survivre dans ce tourbillon de poussière et de cendre où aucune espèce ne semble demeurer. La route est un voyage aussi long qu’incertain, où les instincts les plus primaires se manifestent. La terre est revenue à l’état de nature et chacun lutte dans ce monde hobbessien pour sa survie, par convoitise, et pour la gloire. Bouleversant de sensibilité, ce père poursuit inlassablement sa route, protégeant son fils de l’animalité régnant en chacun de nous. L’Homme est un loup pour l’Homme et la science-fiction est celle de la survie, de la violence, de la découverte d’une civilisation jadis rayonnante. Attachez votre ceinture, la route sera longue et animée dans ce film troublant à l’esthétique glaçante. Ce film est un hymne à l’espoir, celui de retrouver un jour un havre de paix. Le père et le fils poursuivent leur chemin, guidés par cette flamme intérieure, cette lumière céleste, ce sémaphore dans la tempête, ce fanal dans la nuit.
Anecdote : Le film est tiré du roman de Cormac McCarthy, véritable succès mondial, celui-ci s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires aux USA, recevant même le prix Pulitzer en 2007. Citons également le livre No Country for Old Men du même auteur adapté par les frères Cohen.
4- District 9, Neill Blomkamp (2009) avec Sharlto Copley, Vanessa Haywood
Un matin, un gigantesque vaisseau alien s’échoue au-dessus de Johannesburg, avec en son bord des aliens, nommés « crevettes », en difficulté et dans l’impossibilité de repartir. 20 ans plus tard, tous parqués dans le « District9 », les aliens sont pris en charge par le MNU (Multinational United, référence à l’ONU), une multinationale qui ne s’intéresse qu’à leur armement fonctionnant uniquement avec de l’ADN extraterrestre.
C’est dans ce contexte que nous suivons Wikus, un agent de terrain de la MNU, qui est chargé de l’évacuation (du génocide) du district 9, qui suite à un accident va se transformer en « crevette ». Devenant précieux pour la MNU, il va se réfugier dans le district 9, dernier endroit sûr pour lui, et va croiser le chemin d’un alien et de son fils, bien déterminés à quitter la Terre.
De nombreux thèmes sont évoqués dans ce film souvent dérangeant, avec un parallèle à peine voilé avec l’apartheid, où finalement, la xénophobie et la peur de la différence laissent peu de place à l’espoir quant à l’humanité. Dans le film, un étrange paradoxe né : Wikus devient plus humain à mesure qu’il se transforme en autre chose qu’un humain.
La critique porte aussi sur le capitalisme, qui cherche des profits partout (dans la sous-traitance des forces armées par exemples) et à n’importe quel prix (cf. la scène du labo, les vrais sauront). Ambivalent et pessimiste, avec une façon de filmer proche du documentaire, ce film est une vraie réussite.
Anecdote : Ce film a été produit par ni plus ni moins que Peter Jackson. D’ailleurs les créatures du film ont été développé par WETA Workshop, des artistes ayant travaillé sur la saga du Seigneur des anneaux.
5 – Ex_Machina, Alex Garland (2015) avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander, Oscar Isaac
“Ex_Machina” est un film dans la lignée de “Her” cherchant à exploiter le thème du robot humanoïde et de sa capacité à émettre des émotions. Car si la science réussi à reproduire le corps, l’âme demeure depuis longtemps une caractéristique propre à l’être humain. Ce film au silence pesant et plongé dans un isolement quasi claustrophobique, narre l’histoire de Caleb, un jeune ingénieur sélectionné par le créateur d’un groupe informatique, Nathan et inventeur d’un système IA appelé Ava. Il va devoir se soumettre à un test de Turing, face au robot féminin, afin d’essayer de prouver que même les machines ont une conscience. Petit à petit des éléments viennent troubler Caleb, Ava le met en garde contre Nathan. Ce dernier a une attitude de plus en plus équivoque, ponctuée par son addiction à l’alcool. Caleb en vient à éprouver des sentiments pour ce robot féminin enfermée dans l’immense propriété de son créateur et destinée à être reprogrammée à la fin du test. Plus qu’une simple considération sur le progrès technologique et ses dérivés, “Ex Machina” sonde l’irrationnelle de l’âme humaine heurté à la mégalomanie d’un inventeur. Le cœur a ses raisons que la raison ignore, Caleb en fait les frais dans cette fiction ayant reçu l’Oscar des meilleurs effets visuels, incarné par un Oscar Isaac époustouflant dans la peau du savant fou, et Alicia Vikander dont la beauté et la plastique se retrouvent subjuguées par une fluidité des mouvements rendant son personnage plus humain que nature.
Anecdote : Afin de concevoir son personnage de l’effrayant scientifique, Oscar Isaac s’est inspiré de deux figures différentes symbolisant le génie mathématique et artistique, à savoir le joueur d’échecs Bobby Fischer et le réalisateur Stanley Kubrick. Il a puisé dans ces deux personnes un caractère à la fois colérique (pour le premier) et lumineux (pour le second) couplé à une mégalomanie et un besoin de tout contrôler. Le port de la barbe et des lunettes n’est d’ailleurs pas sans rappeler le réalisateur de 2001, l’Odyssée de l’espace.
La Tour de Babel (Peter Brueghel l’Ancien)
La peinture elle aussi a inspiré les plus grandes œuvres de science fiction ! Le pôle culture vous a ainsi sélectionné le tableau intitulé “La Tour de Babel” peint par Pieter Brueghel l’Ancien en 1563. Cette fois-ci pas de martiens, ni de catastrophe nucléaire ou de vaisseaux spatiaux, mais cette peinture à l’huile emprunte un thème biblique dont la portée dépasse la simple représentation religieuse. Le mythe de la tour de Babel fait partie des récits fondateurs de la tradition judéo-chrétienne. Les hommes voulant se hisser à la hauteur de Dieu entament la construction d’une tour gigantesque censée atteindre les nuages. Mais le démiurge sème la discorde entre les langues afin que les hommes ne puissent plus se comprendre et soient donc condamnés à arrêter la construction.
Métaphore de l’orgueil démesuré de l’Homme, “La Tour de Babel” témoigne de l’ingéniosité de chacun et du dépassement effectué. En s’affranchissant des contraintes terrestres, l’homme pense pouvoir rivaliser avec des puissances métaphysiques grâce au rationalisme et aux innombrables découvertes mathématiques, scientifiques, techniques qu’il effectue. Son imagination et son génie ne semble se heurter à aucune limite. L’éclat et la blancheur de la roche composant la tour est pourtant le reflet de l’hybris. Il est des barrières que l’on ne peut franchir et si la science nous permet d’aller toujours plus haut et plus loin, l’univers infini gardera toujours cette aspect insondable. Comme un canon des plus sophistiqués constamment hors de portée de sa cible, le savoir est voué à une sempiternelle frustration merveilleusement transcrite par Bruehgel. Ce dernier mélange les symboles du commerce et de la richesse (les navires marchands, la ville bourgeoise, les sculpteurs) avec une bâtisse à l’architecture amputée. La Tour de Babel perce les nuages mais l’horizon restera désert et inexploré.
Le cinéma hollywoodien pour pouvoir sans cesse rentabiliser ses films au budget croissant a voulu mettre en avant sa recherche et ses avancées technologiques. Depuis une dizaine d’années la 3D a voulu percer dans le milieu avec en tête d’affiche Avatar de James Cameron. L’avancée technologique du cinéma rend beaucoup d’amateurs nostalgiques de la vieille époque où l’ordinateur n’intervenait pas dans le cinéma. En effet, Depuis cinq ans, le cinéma est passé à l’ère numérique, toutes les étapes de la production d’un film sont affectées. A l’inverse le fait de tourner de façon traditionnelle, en argentique, commence à devenir un argument commercial comme avec les 8 Salopards de Quentin Tarantino. Ainsi aujourd’hui nous allons parler de la révolution invisible du 7ème art, celle du passage de l’argentique au numérique.
Techniquement, comment on fait un film et quelle est la différence entre l’argentique et le numérique ?
D’abord il convient de rappeler qu’un film est une séquence d’images projetées à 24 images par seconde La différence entre les deux méthodes est soit durant la prise de vue, soit lors de la projection.
Pour commencer une caméra traditionnelle utilisant la technologie argentique dispose d’une pellicule qui défile à la verticale, au passage derrière l’objectif, ses composés chimiques (halogénure d’argent) réagissent à la lumière, pour obtenir ensuite une image traitable, il faut le plonger dans du révélateur, c’est le développement.
Ensuite les images sont montées puis traitées. Ensuite il faut tirer le film, c’est-à-dire à partir du film monté original faire des copies envoyées dans les cinémas. Le projecteur lui s’occupe de faire défiler le film mécaniquement devant une lampe. Il s’agit du fonctionnement théorique, en réalité, à l’heure des effets spéciaux et des techniques de montages sur PC, uniquement la prise de vue se fait avec un film qui est par la suite numérisé, monté sur ordinateur, les copies sont aujourd’hui aussi en numérique sur des disques durs.
Il existe beaucoup de type de pellicule, la plus courante et encore aujourd’hui beaucoup utilisée est la pellicule 35mm inventé par Edisson à la fin du XIXème siècle, elle offre une grande qualité et un cout bas (75€ la minute de tournage). Néanmoins, d’autres pellicules sont utilisées, la deuxième la plus utilisées est la pellicule iMax.
Schéma du film 35mm appelé le « format académique »
A l’inverse, une caméra numérique remplace la pellicule par un capteur photosensible muni de millions de photosites, les photosites sont par groupe de 4 pour former le pixel (1 photosite pour le rouge, un pour le bleu et deux pour le vert). Les pixels, eux vont former ensemble une image. La caméra prend alors 24 « photos numériques» par seconde.
Les fichiers sont alors enregistrés généralement directement sur des disques durs reliés à la caméra ou sur des cartes internes. Elles sont ensuite transférées sur ordinateur pour le montage. Le film, une fois fini, est distribué sous forme de disque durs (dits « DCP »). Comme pour le nombre de type de pellicule disponible, il y a plusieurs tailles de capteur (Attention, un capteur plus grand ne veut pas dire qu’il y a plus de pixels) le plus courant est le capteur Super35 de la même taille que l’image du film 35mm. Il existe aussi plusieurs définitions que peuvent enregistrer les caméras, elles vont du 2K (2048 x 1080 pixels) au 8k, la norme la plus courante au cinéma maintenant étant le 4K (4096 x 2160 pixels). La projection dans les cinémas ne se fait qu’en 2K généralement, le 4K est en cours d’installation.
ARRI, autrefois producteur de caméra argentique s’est mise sur la vague pour ne pas se faire distancer par les marques comme RED.
Pourquoi être passé au cinéma numérique ?
Le travail numérique au cinéma remonte aux années 1970, il avait pour but d’utiliser l’outil informatique afin de créer des effets spéciaux. La première fois qu’il est exploité avec Mondwest de Michael Crichton en 1973 avec 10 secondes, le rendu pour cet effet qui parait simple aujourd’hui a pris 8h par seconde !
A 1’09 le premier effet généré par un ordinateur.
A partir de ce film, utiliser des ordinateurs et des logiciels devient possible. On retiendra surtout Star Wars IV : un nouvel espoir de George Lucas, les effets numériques sont beaucoup plus nombreux et utilisé (Bien sur les effets spéciaux classiques restent présents), Tron en 1982 continue sur cette lancée. Au fur et à mesure des années, les techniques s’améliorent, les ordinateurs deviennent plus puissants et s’intègrent de plus en plus dans la production cinématographique et peut même devenir l’outil principal comme avec Toy Story, le premier long métrage d’animation. Mais à cette époque la prise de vue (hors animation) et la projection étaient toujours en format classique argentique.
C’est encore George Lucas qui va beaucoup agir pour le basculement du cinéma au numérique « puisque le cinéma numérique est inévitable, autant y passer le plus vite possible » Et c’est chose faite en 1999 avec la première projection en numérique depuis un disque dur et non un film avec Star Wars I : La menace fantôme, l’homme va ensuite faire pression sur le milieu pour convertir le cinéma que ça soit au niveau de la prise de vue ou au niveau de la projection, les technologies s’améliorant au fil du temps. Ce n’est qu’à partir des années 2010 que les cinémas remplacent un à un les projecteurs.
Les avantages du cinéma numérique sont nombreux, d’une part les caméras sont plus légères, n’utilisent pas de consommables (la pellicule) et les rushs produits sont visibles sur ordinateurs (avant il fallait les trier et les marquer des petites salles de projections) le travail de production est donc facilité (que ça soit le montage ou les effets spéciaux). Ainsi le numérique a vraiment donné beaucoup de possibilité supplémentaires tout en permettant de réduire les couts de productions au point que toutes les productions à faible et à moyen budget se font avec des prises de vue uniquement numériques. Même les grosses productions ont pour la plupart abandonné l’argentique.
Tournage de The revenant, une grosse production filmée grâce à la RED
La distribution du film est beaucoup moins couteuse, un long métrage tiré en film comporte environ 3 bobines de 1000€ chacune alors qu’une copie numérique coûte 200 €, mais aussi beaucoup plus rapide et facile, il est aisé de donner des disques durs à tout le monde (les cinémas se font même maintenant transférer le film directement depuis l’Internet) alors que les copies argentiques se passait d’un cinéma à un autre, sont compliquées à manipuler et s’usent rapidement à l’usage. En revanche les projecteurs numériques sont beaucoup plus chers environ 80 000€ par projecteur (multipliez cela par le nombre de salle !) et sont peu réparable contrairement aux projecteurs classiques coutant 15000€ pour les dernières versions et se réparant facilement vu qu’il s’agit de pièces mécaniques et non de circuits imprimés.
Le numérique n’a pas encore réussi à dépasser les prises de vue traditionnelle au niveau de la qualité. On ne peut pas parler de pixels pour un film (vu que ce sont les molécules d’argent qui réagissent). Néanmoins on peut parler d’équivalence, la pellicule 35mm est à peu près équivalente à du 6k, (ce qui correspond à la moyenne de prise de vue aujourd’hui, la diffusion n’étant qu’en 4k maximum) et la pellicule IMAX (J’y viens après) et équivalente au 12k, ce que aucun format numérique ne peut prendre en charge. La durée de conservation des films est par contre plus à l’avantage de l’argentique : 100 ans dans de bonnes conditions alors qu’on ne sait pas au bout de quelles durées les données numériques se dégradent.
L’argentique a t’il encore de l’avenir ?
Comme dit précédemment, l’argentique est un véritable gage de qualité d’image, même si aujourd’hui la pellicule est numérisée et le travail est fait sur ordinateur. La prise de vue traditionnelle est encore beaucoup appréciée également pour ses couleurs, son grain (l’image numérique est définie comme trop propre et parfois et non sans mauvaise foi un peu impersonnelle). Ainsi des réalisateurs aiment bien revenir dessus, comme Quentin Tarantino qui est fan de ce cinéma et a même utilisé la pellicule 70mm Panavision, inutilisée depuis les années 60 pour produire Les huit salopards. Cette utilisation est même devenue, comme le IMAX, un argument commercial de choix : un western tourné comme autrefois ! Et même si le film a peu été distribué sur bande Panavision (seuls 6 cinémas en France en ont profité) et que presque tout le monde l’a vu en projection numérique, l’argument a fait mouche.
Tournage des huit Salopards avec une caméra Panavision
L’argentique a aussi réussi à s’adapter à la venue du numérique en utilisant de plus en plus la pellicule dite IMAX (pour Image Maximum), il s’agit d’une pellicule 70mm mais qui défile à l’horizontale au lieu de la verticale pour avoir l’image la plus grande possible. Bien que cette technologie datant des années 1970 soit restée un moment confidentielle, elle est revenue en grande pompe dans les années 2000et 2010 ayant été notamment utilisée pour les films Harry Potter, Transformers ou encore James BondSpectre. Elle reste néanmoins extrêmement couteuse (4000€ par minute d’utilisation et des caméras extrêmement cher à acheter) et peu de cinémas disposent de salles dotés de projecteurs IMAX (très cher et compliqué à mettre en place) : 4 en France seulement, ainsi seulement les productions à très gros budget peuvent se permettre ce luxe. Ainsi la plupart du temps la pellicule est convertie en image numérique pour la distribution mais la diffusion numérique ne permet pas encore de restituer la qualité apportée par la pellicule.
Différence entre le format académique et le format IMAX
Conclusion
Bien qu’ayant pris beaucoup de temps à s’implanter, le numérique a parfaitement intégré le cinéma dans toutes les étapes de production, du tournage à la projection. Au tel point que la technologie argentique ne peut plus survivre que sur la prise de vue. Les caméras traditionnelles, qui perdent du terrain, essayent de mettre en avant leur côté authentique et de meilleure qualité et même de s’améliorer grâce à la technologie IMAX mais indéniablement, l’amélioration des formats vidéo ainsi que de la puissance des ordinateurs auront raison des technologies traditionnelles au grand dam de nombreux cinéphiles.
Malgré tout, la qualité d’un film n’est pas dépendante du moyen de tournage, aujourd’hui, tourner en argentique revient à faire un choix artistique qui doit servir le long-métrage et ne doit pas devenir un simple argument commercial, ce que n’a pas réussi à faire la 3D.
Retour en 2013. Sur le papier The place beyond the pines avait tout d’une pépite avec son casting de rêve : Ryan Gosling, Eva Mendes, Bradley Cooper, Dane DeHaan pour ne citer qu’eux et son réalisateur et co-scénariste : Derek Cianfrance dont le talent avait été souligné par la critique à la sortie de Blue Valentine (2010). Pourtant il est loin d’avoir fait l’unanimité. Beaucoup lui reprochent une pirouette scénaristique osée que nous évoquerons par la suite et certaines « longueurs ». Pour ma part ce film m’a plu comme vous allez très vite le comprendre. J’ai apprécié l’incroyable finesse du scénario, et la manière dont le réalisateur parvient à toucher nos cordes sensibles en évoquant deux grands thèmes : le déterminisme et le rapport père/fils tout au long de ce drame, en lenteur. Place à présent à une analyse qui me permettra d’évoquer les ressorts émotionnels du film et ses coups de génie.
Je précise que pour ce film, il était difficile de faire une critique sans spoilers donc si vous ne voulez rien savoir de l’intrigue avant d’avoir vu le film, je vous conseille de passer directement à mon 3.
NB : pour faire référence aux personnages du film j’utiliserai le nom des acteurs. Si je dis « le fils de Ryan Gosling » comprenez donc » le fils du personnage qu’il incarne dans le film » 🙂
1) Un choix étonnant :
Le réalisateur adopte une approche pour le moins surprenante qui a l’inconvénient, ou le mérite, question de perspective, de désarçonner « les puristes ». En effet, il n’y a pas vraiment de personnage principal dans cette œuvre : Ryan Gosling au centre du récit les 50 premières minutes disparaît brutalement, tandis que Bradley Cooper prend le relais immédiatement sans qu’il nous ait été présenté au préalable, avant que le fils de Ryan Gosling ne monopolise la présence à l’écran jusqu’à la fin du film. Ce procédé scénaristique que l’on peut nommer « dilution de la fonction sujet» a notamment été employé dans le film Cloud Atlas (2013) où plusieurs personnages principaux se succèdent dans différents récits sans liens apparents entre eux ou encore dans Psychose (1960). Avec un tel choix on fait forcément des déçus parmi les membres du fan club de l’acteur de Drive qui voient leur coqueluche disparaître « trop vite »mais aussi on risque de perdre les spectateurs habitués aux schémas traditionnels d’un récit unique, linéaire avec des héros bien définis. On peut être étonné de la facilité avec laquelle le réalisateur élimine un personnage clef de son récit (même si George R.R Martin nous a tous habitué à ce genre de disparitions prématurées dans Game of Thrones). Pourtant il faut comprendre ici la volonté du réalisateur : il ne souhaite pas seulement raconter un fait divers (un policier tuant un criminel lors d’une course poursuite), mais il souhaite surtout nous placer en situation d’observateurs d’existences qui peuvent s’apparenter de près ou de loin aux nôtres. Dans une telle posture, le réalisateur nous invite à analyser les comportements des protagonistes et à questionner nos propres comportements. En nous empêchant de nous attacher à un personnage unique, il nous permet de mobiliser pleinement notre attention sur ce qui compte pour lui : la psychologie des personnages et l’émotion.
2) Nos pères, nous pères :
Les personnages exposés semblent, à première vue, diamétralement opposés, on a : le criminel multi-récidiviste, le policier-justicier se lançant en politique, le fils du policier qui a grandi dans l’opulence et le fils du criminel qui a grandi dans une famille modeste recomposée. Pourtant le jeu de la mise en scène et la construction du récit nous font percevoir des similitudes dans leurs attitudes et ressorts psychologiques. Très vite on se départ de nos schèmes moraux (gentil vs méchant) : le criminel n’est pas si condamnable que cela, le policier-héros n’est pas si irréprochable finalement. Mais surtout on prend conscience d’une « notion clef » ici : il semble qu’une forme de déterminisme commune régisse les vies des protagonistes. Chaque individu sur lequel le réalisateur s’attarde semble avoir une existence profondément influencée par son père. Explications :
– Il est sous-entendu que Ryan Gosling n’a pas eu de père pour s’occuper de lui. Ce déficit affectif l’a conduit à devenir instable psychologiquement (il est violent, et bien avant qu’il commette des braquages dans le film, on sent qu’il a déjà un lourd passif judiciaire). Surtout, quand il apprend par Eva Mendes (son ex-copine), qu’elle a eu un enfant de lui, il développe une véritable obsession pour son fils qu’il veut gâter par tous les moyens. C’est à ce moment-là qu’il se lance dans le banditisme et que va débuter la tragédie.
– Bradley Cooper quant à lui a grandi dans un milieu aisé et entretient une relation très proche avec son père : avocat renommé. Implicitement on sent qu’il admire son père et qu’il agit pour le rendre fier. Son père va grandement influencer sa vie à deux reprises : la première fois lorsqu’il conseille à Bradley de parler des problèmes de corruption de la police au « procureur » et la deuxième fois lorsqu’il l’encourage vivement à s’engager en politique.
– On passe maintenant à la deuxième génération. Le fils de Bradley n’est pas aussi fringuant que son père et scolairement il semble à la traîne. Il est l’archétype de l’ado « fils de » qui sombre dans la drogue, s’exprime le plus mal possible comme pour mieux se « détacher » de son milieu familial. Pourquoi s’est-il retrouvé dans cette situation ? Il souffre certainement de la comparaison avec son père : « le héros que tout le monde admire ». Dans certaines scènes brillamment exposées, on constate qu’il se passe quelque chose quand il regarde son père dans les yeux. Le fils est animé d’une envie de se rebeller contre son père mais aussi d’une certaine forme de rancœur bien visible. D’où vient ce sentiment et comment est-il visible? Voici mon interprétation : après avoir tué Ryan, Bradley qui s’en voulait terriblement ne parvenait plus à regarder son nourrisson dans les yeux car il savait qu’il venait de rendre un enfant orphelin de son père dans une autre famille. Une quinzaine d’années plus tard, on assiste sous nos yeux de spectateurs à ce premier échange de regard des deux protagonistes (du moins dans le film) dans une scène au bord d’une piscine, la tension est alors palpable dans les yeux du jeunes homme. On ne peut savoir comment Bradley a élevé son fils du berceau jusqu’à l’adolescence mais on peut penser qu’il n’a jamais vraiment réussi à s’occuper de lui entre son sentiment de culpabilité et le début de sa carrière politique. Encore une fois, le réalisateur nous montre que c’est le « père » qui a durablement impacté l’existence de son fils.
– Enfin, on passe au fils de Ryan. Il va de soi qu’il est perturbé puisqu’il a perdu très tôt son père biologique dont il n’a aucun souvenir (sauf que sans le savoir son père lui a laissé, à jamais le goût de la crème glacée). Sa mère lui a décrit son père comme une personne nuisible, indigne d’intérêt morte dans des conditions que cette dernière a inventé de toute pièce (ne souhaitant pas faire remonter le traumatisme à la surface). Il sombre aussi dans la drogue. Même si son beau-père ne cesse de lui répéter qu’il est son véritable père car c’est lui qui l’a élevé, son père biologique a laissé une empreinte indélébile dans l’esprit du jeune homme. Toute sa jeune existence consiste à retrouver sa trace. « Qui était-il ? » « Qu’aimait-il ? » Le film s’achève d’ailleurs sur une scène très émouvante, où il achète une moto ayant appris que son père était motard.
Le message à visée sociologique de Derek Cianfrance est là : nous sommes tous très fortement influencés par les actes de nos pères. En ce sens nous ne sommes pas pleinement les maîtres de nos destins et une certaine forme de déterminisme s’opère. Que nos pères soient présents ou absents on agit par rapport à eux : dans un rapport d’opposition, de mimétisme ou sous une autre forme. Qu’on soit d’accord ou non avec cette thèse, elle a au moins le mérite de nous faire réfléchir, on se pose naturellement les questions d’ordre métaphysique : qui sommes-nous (par rapport à nos pères), où allons-nous (sommes-nous soumis à une forme de déterminisme) ? On s’interroge aussi sur le rôle déterminant que l’on a en tant que père, même en pensant faire le bien de nos enfants comme Ryan, on peut parfois commettre de lourdes erreurs. Et c’est là que le film peut susciter l’émotion car si on adhère en partie à la thèse de Cianfrance, on est instantanément saisi de sympathie pour les personnes (au sens grec de syn : avec, et pathos= souffrir), on souffre avec eux, on les comprend car ils sont comme nous.
Quid du rôle des mères ? Elles semblent plus en retrait dans le film. On remarque dans les choix de casting et de mise en scène que les femmes sont moins présentes à l’écran. Cianfrance a décidé de se focaliser sur le rapport père-fils. C’est d’abord un choix par défaut : on ne peut pas traiter tous les sujets à la fois dans un long-métrage. Mais selon moi, il nous donne tout de même un petit peu sa vision du rôle des mères. Dans le film, tous les pères pratiquement, commettent des erreurs et influencent leurs fils par leurs actes tandis que les mères (Eva Mendes et Rose Byrne) élèvent véritablement les enfants, incarnant la raison et la stabilité du foyer dans plusieurs scènes. (Bien entendu, loin de moi l’idée que selon Cianfrance toutes les femmes sont des femmes au foyer qui réparent les pots cassés des pères, mais dans le film c’est pourtant le rôle qu’occupent les deux femmes au cœur de l’intrigue).
3) Une mise en scène naturaliste au service de la thèse :
Dans sa mise en scène le réalisateur semble poursuivre une démarche réaliste. Les histoires racontées n’ont ni début véritable, ni dénouement. On se retrouve donc face à un schéma semblable à nos propres existences qui, vous en conviendrez, ne suivent pas de schéma narratif. C’est comme si, à première vue, le réalisateur nous donnait à voir un documentaire, il prend les faits comme ils viennent. On en vient aussi à oublier la caméra grâce à différents procédés (des plans séquences qui épousent la démarche des personnages, des courses poursuites à moto filmées façon go pro). On entre d’ailleurs dans le film brutalement par un plan séquence suivant Ryan. Cette volonté d’être le plus réaliste possible m’a rappelé la manière dont Zola a traité en son temps la question du déterminisme et de l’hérédité au travers du cycle de romans naturalistes : les Rougon Macquart. Ce dernier voulait étudier l’influence du milieu sur l’homme et les tares héréditaires d’une famille sous le second empire. Influencé par le courant positiviste scientifique porté par Auguste Comte, Zola tentait de faire de ces personnages des « objets d’expériences ». Son ambition : nous donner l’illusion que sa plume décrivait les comportements de personnages réels qu’on aurait placé volontairement dans un milieu d’expérience. Pour mieux décrire le réel, Zola menait de véritables explorations durant de longs mois comme un ethnologue et consignait minutieusement ces observations dans de petits carnets. L’écrivain, par cette démarche, nous dépeignait le destin et le combat du « bas peuple » pour accéder à la dignité sous le second empire. Pour moi, le réalisateur opère de manière similaire dans son approche réaliste et nous dit ainsi quelque chose de la société occidentale actuelle. Il traite selon moi plusieurs aspects intéressants : le nihilisme ambiant de la société consumériste (en décrivant des personnes « paumées » à la recherche de sens à leur existence : dans un rôle de père, une carrière politique ou la drogue), et dans une moindre mesure la corruption du système judiciaire.
Veuillez noter toutefois que comme dans l’œuvre de Zola, il ne s’agit pas d’une démarche purement réaliste comme celle que peut adopter un ethnologue mais de ce qu’on nommera plutôt une approche naturaliste. Des éléments de mise en scène dépassent la pure description du réel et nous donnent comme « des indices » sur la tournure que va prendre le récit ou sur l’humeur des personnages. Le romancier et l’écrivain transfigurent ainsi le réel pour lui donner une épaisseur et pour plonger le lecteur/spectateur dans une certaine atmosphère faisant passer d’autres messages plus implicites. Ici c’est surtout la lumière qui va jouer ce rôle (il y a notamment un très beau clair/obscur sur le visage de Ryan Gosling lors de la scène inaugurale qui montre l’ambivalence du personnage).
Bref je vous conseille vivement de voir ou de revoir The place beyond the pines qui est un vrai « film d’auteur » qui m’a donné matière à réflexion et m’a ému (ce que je recherche dans une oeuvre).
Pour finir je vous propose une petite anecdote. Je me suis demandé pourquoi le film s’appelait « The place beyond the pines ». J’ai d’abord pensé que c’était pour faire référence aux multiples scènes qui se passent à la lisière d’une forêt de pins : la rencontre entre Ryan et son complice de cambriolage, les deux scènes où Bradley échappe de peu à la mort, et la scène finale. Mais le titre fait en réalité référence au nom de la ville de l’Etat de New-York où a été tourné le film : « Schenectady » qui signifie « beyond the pines plains » en mohak (iroquois).
Cette fois c’est vraiment la fin! J’espère que cette critique vous a plu, n’hésitez pas me donner vos impressions en commentaires. Je serais ravi de discuter/débattre de vos interprétations du film (même si elles n’ont rien à voir avec les miennes) et de ma manière de traiter le sujet.
Le titre de ce nouvel opus de François Ozon est symptomatique de son échec. Frantz est le nom d’un soldat allemand disparu à la guerre, mais autour de qui se noue l’intrigue. Ou plutôt l’absence d’intrigue, car si tous les éléments de départ sont réunis, le film et son scénario en particulier restent à l’état de morne plaine. C’est moins le jeu des acteurs que l’écriture qui fait défaut. Paula Beers est tout de même plus convaincante qu’un Pierre Niney dont les révélations successives font à peine lever un sourcil.
Mais comment laisser percer la moindre intensité avec des dialogues aussi fades ? Chaque personnage reste dans son droit chemin, platement fidèle aux attentes d’un spectateur moyen. Résultat : tout sonne creux, voire tout devient mièvre. L’effort qu’a fait Ozon sur l’image ne suffit pas à sauver son film. L’alternance du monochrome avec la couleur constitue ressemble peut-être à une touche d’originalité, mais les apparences plastiques, lissées et sans accrocs contrastent avec la douleur poignante que le réalisateur a tenté de mettre en scène.
C’est finalement un film sans aucun relief que nous livre ici Ozon. Le réalisateur de La Maison, Jeune & Jolie et 8 femmes nous avait habitués à plus de tranchant.
Parce que je veux continuer d’aller au cinéma, non pas car il s’agit d’un acte de résistance face aux horreurs récentes (comme disent certains faire « comme avant » et aller en terrasse ne suffit pas) mais parce que j’aime le cinéma tout comme j’aime me battre, j’aime me beurrer la biscotte, j’aime quand on m’enduit d’huile, j’aime les panoramas, j’aime le bruit blanc de l’eau, enfin bref vous avez compris j’espère!
Nouvelle critique, nouveau format pour ceux qui auraient été traumatisés par la longueur de ma critique sur Interstellar ou Gonegirl.
J’essaye cette fois d’adopter une forme plus ludique, tout en tentant de répondre aux détracteurs qui voient dans le nouveau « 007 Spectre » l’épuisement d’une collaboration pourtant initialement fructueuse (financièrement et artistiquement) entre Sam Mendès (réalisateur) et Daniel Craig avec comme point de départ le succès: Skyfall.
J’élude le pitch cette fois et je précise au passage qu’il n’y a pas de spoilers majeurs dans cette critique.
1) « un film longuet et ennuyeux »
Je devrais mettre des guillemets et préciser que cette phrase émane d’une personne qui n’aime probablement pas les films d’action (et c’est son droit). Selon moi, difficile de s’ennuyer dans ce 24ème opus de James Bond, tout le monde y trouve son compte : le grand public, les fans de la première heure de James Bond et la critique.
Imaginons un instant la conversation qu’ont peut être tenue Sam Mendès et les producteurs de la Metro Goldwyn Mayer afin de définir le cahier des charges de Spectre :
Les producteurs : « Ok Sam, tu es un génie, la critique a encensé Skyfall, et tu nous as pondu le James Bond le plus rentable de tous les temps avec plus d’un milliard de recettes. On ne va pas se plaindre. Notre dernier benchmark indique que ton film a conquis la critique par sa noirceur inédite dans un James Bond (7,8/10 sur IMDB) mais il révèle aussi qu’une partie du public a émis quelques réserves. Je te lis les derniers consumer insights : 1) on en a marre des blockbusters aux tonalités tragiques avec un anti-héro tourmenté par son passé, et ayant un lourd passif familial 2) je ne reconnais plus le charme, le glamour et l’humour des James Bond d’antan dans ces nouvelles productions.
Sam Mendès : « ok les gars, je ne sais pas ce que c’est un consumer insight mais donnez-moi 350 millions de dollars. Avec ça je vous fais une pépite qui ravira tout le monde et paiera l’essence de vos yachts cette année ».
Et la lumière fut : on est époustouflés dès la scène d’ouverture. Véritable tour de force technique et spectacle grandiose. Tour de force technique car il s’agit d’un long plan séquence (plan couvrant toute une séquence sans coupure ni montage apparent) ayant mobilisé des moyens financiers immenses et plus de 1500 figurants. C’est une technique décidément à la mode puisque la maîtrise de celle-ci avait mis en lumière le génie d’Alejandro Gonzalez Inarritu récompensé de l’oscar du meilleur réalisateur pour son film Birdman en 2014. Moins souvent mentionné c’est aussi le merveilleux travail d’Emmanuel Lubezki (aussi présent sur le tournage de Gravity) avec sa steadicam qui avait permis de tourner Birdman en un seul plan séquence, prouesse rarement (ou jamais) vue dans la profession (et là vous comprenez que j’avais aussi préparé une critique pour Birdman mais que je ne l’ai jamais achevée…).
Mais revenons à notre brave Écossais : dans cette scène d’ouverture magistrale se déroulant en pleine fête des morts à Mexico on suit Bond à la poursuite d’un terroriste italien. Le héro est filmé de dos à la manière d’un jeu vidéo à la première personne. Cette scène d’ouverture donne le ton : ballet mortuaire, course poursuite, combat à mains nues dans un hélicoptère, le rythme est là. Elle montre les envies nouvelles de Mendès et de Craig pour Spectre : innover une nouvelle fois dans la mise en scène tout en effectuant un certain « retour aux sources » qui ravira les puristes. Avec comme inspiration la mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock, Mendès a voulu faire de Spectre un film d’action à l’ancienne : immersif et réaliste. Pour cela, exit le numérique (là aussi c’est tendance, cf Star Wars 7), on retourne au cinéma old-school avec un film tourné en 35 mm. On retrouve également des scènes de courses poursuites en voitures grandioses et sans trucages (si’il y a une chose à ne pas manquer c’est la scène de course poursuite à Rome entre la Jaguar et l’Aston Martin DB 10 de Bond).
Aussi, on retrouve certains ingrédients cultes de la série qui semblaient avoir disparus dans les précédents volets et qui réapparaissent dans ce film. Notamment une petite pointe d’humour à l’anglaise : quand James Bond atterrit dans un canapé après une chute de 20 mètres suite à une explosion, et réajuste sereinement ses boutons de manchette. L’humour n’est pas absent et plus encore on trouve cette fois une certaine dérision très plaisante à entendre. Par exemple : on se souvient du fameux « qu’est ce que j’en ai à foutre » adressé au Barman qui demande à Bond dans Casino Royale s’il préfère son cocktail au shaker ou à la cuillère, et bien dans Spectre on retrouve également un face à face assez hilarant avec un Barman qui propose cette fois à Craig un cocktail bio sans alcool (je vous laisse deviner la réaction du personnage). Ainsi cette séquence montre comment le James Bond tourmenté « version Craig » qui enchaîne les vodka-martini se retrouve dans une situation à la limite du grotesque dans un bar « bio sans alcool ». Les codes qui donnaient une « tonalité grave et sombre » à la série des James Bond des années 2000 sont donc tournés en dérision.
Enfin, Sam Mendès a déclaré : « 007 SPECTRE évoque en effet les classiques de la franchise à travers les véhicules, le ton, l’éclairage et même la coupe du costume de 007, mais je tenais également à renouer avec le glamour des destinations lointaines et exotiques des premiers James Bond, et le pousser à l’extrême. »
Et bien c’est chose faite des cimes enneigées autrichiennes au Maroc, on voyage dans ce film d’action immersif qui sait être dramatique dans la lignée de la saga de Daniel Craig mais aussi drôle et divertissant quand il le faut. Bref on ne s’ennuie pas.
2) « Daniel Craig est rouillé »
Certes Daniel Craig prend quelques rides et perd des cheveux, en revanche son allure, son énergie et ses yeux, ne dépérissent pas avec l’âge et les breuvages qu’ils consomment parfois comme 007.
Craig déclarait d’ailleurs dans le GQ de Novembre 2015 « le seul vrai point commun que j’ai avec Bond c’est l’alcool. Le pub c’est bien mieux que les réseaux sociaux pour se faire des amis ».
A 49 ans Pierce Brosnan dans Meurs un autre jour passait pour un vieux croulant. En effet ce « vieux beau » trop entretenu n’était plus crédible en homme d’action. Craig, à 47 ans dans cet opus, reste tout à fait convaincant avec l’âge. Sa crédibilité en James Bond il ne la tient pas d’un teint hâlé et d’une coupe à l’anglaise comme Pierce Brosnan mais plutôt il la doit à son allure.
En effet l’allure de Bond est plus que jamais mise en avant dans cet opus. Il est souvent filmé avec des plans à la première personne décortiquant sa démarche (son roulement d’épaule, son menton relevé plein de fierté et ses pas assurés) et des scènes qui ressemblent parfois à des défilés de mode en plein air. On notera au passage que jamais un Bond n’aura autant changé de tenue : choix de mise en scène pour mettre en valeur l’acteur ou stratégie marketing pour financer ce projet pharaonique, nous allons analyser cela à présent justement.
3) « Spectre est un spot publicitaire géant »
Oui, il est indéniable que James Bond suscite toutes les convoitises auprès des marques. Avant c’était surtout des marques de luxe (Aston Martin, les montres de luxe comme Rolex et Omega) qui se battaient pour apparaître à l’écran. Mais à présent ce sont toutes les marques qui tentent de se faire une place sur celui-ci : Heineken, la vodka Belvédère, la Fiat 500. Et même des pays comme le Mexique se prêtent au jeu. Le gouvernement mexicain se serait même assuré qu’une bonne image de son pays soit donnée en demandant une modification à la dernière minute du scénario de Spectre en échange de la coquette somme de 14 millions d’euros selon le site Tax Analyst(information révélée à la suite d’une fuite).
La pratique des placements de produits (et de pays) n’est bien sûr pas inédite dans les James Bond, ni dans les autres productions d’ailleurs (on se souvient du succès des lunettes de « Men in Black »dans les années 90 ). Mais pour Spectre on doit être proche des records avec 21 placements de produits bien visibles, peut être un peu trop visibles me direz vous…
On comprend bien l’intérêt pour les producteurs qui ont pu financer les 350 millions d’euros alloués à Spectre grâce à ses partenariats juteux (pour vous donner une idée Heineken avait déboursé 45 millions d’euros pour que James se mette à la bière dans Skyfall). Néanmoins cela doit poser bien des contraintes à ceux qui « font le film » puisqu’ils doivent veiller à mettre en valeur chaque produit proportionnellement à l’investissement consenti.
Peut-on pour autant limiter Spectre à un spot publicitaire géant ? Certains diront que les marques viennent piquer la vedette aux acteurs par moment, en effet la montre Omega de Bond joue un rôle crucial dans le film et apparaît peut être plus à l’écran que Miss Moneypenny ! On notera aussi le côté totalement assumé et décomplexé de ces placements : Q (le fameux inventeur des gadgets de James Bond) en vient même à présenter la nouvelle Omega comme le ferait un horloger en insistant bien sur sa marque.
Mais dans le film d’autres marques et produits sont plutôt au service de la beauté et du spectacle. En effet quel plaisir pour le spectateur d’admirer les performances de l’Aston Martin DB 10 dérapant au bord du Tibre et de découvrir à chaque changement de décor une nouvelle pièce de la magnifique collection des costumes Tom Ford.
Ainsi les placements de produits ne viennent pas totalement dénaturer Spectre pour le transformer en spot publicitaire dépourvu de sens et d’émotions. Au contraire les placements de produits se mettent au service du spectacle et servent d’une certaine manière le réalisateur qui compose avec des accessoires déjà beaux et spectaculaires par essence.
4) « Un script vu et déjà vu »
Oui, comme mentionné précédemment, on commence à être lassés des histoires de famille, des fantômes du passé, des anti-héros torturés en quête de rédemption. Mais laissons au moins le mérite à ce « 007 Spectre » de soulever une problématique intéressante : la question de la surveillance face aux libertés individuelles et ses dérives possibles. Mendès tente ainsi une nouvelle fois de s’en tenir à un principe qu’il évoque dans un entretien pour le journal Telerama « Il doit y avoir une façon de combiner le divertissement et la présence, discrète mais perceptible, d’un discours, un point de vue articulé sur le monde dans lequel nous vivons. ».
D’aucuns ont regretté le choix de la facilité effectué par l’équipe de Spectre pour le casting :Christoph Waltz dans la peau du méchant (comme dans Inglourious Basterds ) et Monica Bellucci dans le rôle de la veuve d’un mafieu Italien. Personnellement ça ne me pose aucun problème. Dans la mesure où ils savent si bien jouer ces rôles pourquoi se passer d’eux ?
5) « une Monica Bellucci flétrie »
Que nenni (oui j’ai osé placer cette expression)! Elle fait une apparition plutôt brève dans le film, ce qui est regrettable car il ne lui faut pas plus de deux répliques dans un décor de rêve (villa romaine somptueuse) pour rayonner tout en tissant un brouillard mystérieux autour de sa personnalité. Elle joue très bien le rôle de « la James Bond girl classique » qui feint d’être inaccessible avant de s’offrir à Bond. Sam Mendès se permet même une nouvelle fois de jouer avec les codes traditionnels de la série avec ce personnage. Notamment, on est à la limite de la caricature machiste lorsqu’après un baiser et le fameux « mon nom est Bond, James Bond » puis une ellipse, on retrouve Monica en porte-jarretelles sur le lit sur un plan large d’une chambre somptueuse durant laquelle on ne manquera pas bien sûr d’admirer la décoration…
Elle est tout en contraste avec la bien nommée Léa Seydoux, (Madeleine Swann dans Spectre) elle aussi magnifique mais d’une autre manière. Madeleine incarne la James Bond girl nouvelle génération dans la lignée de Vesper Lynd jouée par la non moins somptueuse Eva Green dans Casino Royal. Fière, indépendante en apparence, son charme réside dans ce regard qui nous défie en même temps qu’il dégage une certaine fragilité. Sans attache, aventurière et pleine de ressource elle forme la paire parfaite avec Bond et donne une note de fraîcheur indéniable à la saga avec sa beauté si singulière et son jeu des plus naturels (en d’autres mots, elle ne sur-joue pas).
Voilà je vous ai exposé 5 critiques majeures du film entendues dans mon entourage auxquelles j’ai tenté de répondre (vous pouvez m’exposer les vôtres sous la même forme ou répondre aussi à ma vision du film). J’insiste encore : que vous ayez aimé ou non le film et ma critique n’hésitez pas à commenter, je serais ravi d’en discuter avec vous !
C’est tout pour moi, à bientôt pour la prochaine critique ciné !
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