Il est temps de partir, vieux camarade

Thoughts of the past

Instinctivement, on a beau penser que le Royaume-Uni a toujours fait partie de l’Europe, en pratique, les choses sont bien différentes. Remettons-nous dans le bain : le Royaume-Uni intègre la Communauté Economique Européenne (CEE) en 1973 après un référendum approuvé par 67% des britanniques. Déjà à cette époque, certains sont farouchement attachés à leur indépendance – on pense tout particulièrement à la branche la plus à gauche du Labour Party. Michael Foot, leader du parti à l’époque, soutient la sortie du RU dans le manifeste de 1983. Ils avaient d’ailleurs prévu une sortie immédiate de la CEE dès que le Labour Party reprendrait le pouvoir.                    « Même si la géographie et l’histoire ont inscrit l’Angleterre en Europe, la CEE n’a pas été conçue pour nous et notre intégration ».
Un peu plus de cinq ans après, ce ne sont plus les travaillistes qui remettent en question la place du RU dans la CEE mais les conservateurs. On pense tout de suite au « I want my money back » de Margaret Thatcher, le fameux coup de gueule poussé par la première ministre considérant à l’époque que la contribution britannique était largement supérieure à ce qu’elle recevait, notamment en ce qui concernait la PAC. Le fameux rabais britannique est accepté en 1984 équivalant aux deux tiers de l’excédent versé à l’Union par rapport à ce que le Royaume-Uni perçoit. Huit ans après, elle réaffirme de nouveau son opposition à une Europe fédérale en refusant la monnaie unique et obtient une clause d’exemption : le « opt-out ».
Les années 2000 ne marquent malheureusement pas l’apaisement des tensions et des désaccords entre l’Union Européenne et les britanniques : Tony Blair propose de soumettre à référendum la future constitution de l’UE en 2004 mais se ravise peu après, en 2008 le centriste Nick Clegg demande un référendum sur l’appartenance à l’UE, UKIP (UK Independance Party) – ou la branche populiste du Parti des conservateurs – demande eux aussi un référendum. David Cameron, actuel Premier ministre, pris dans les jeux de pouvoir de la politique britannique, teinte son discours d’un certain euroscepticisme et en va même jusqu’à proposer une date pour un référendum sur le maintien du RU dans l’UE : 2017.

Would a Brexit break Britain?

La situation actuelle
 
Après un Conseil européen consacré à cette question en février, David Cameron a annoncé que le référendum aura lieu le 23 juin 2016. Le 15 novembre 2015, le gouvernement britannique a présenté ces conditions :
1. Limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’UE
2. L’Euro n’est plus considéré comme la monnaie unique de l’UE
3. Une plus grande libre-circulation des capitaux  et une règlementation européenne amoindrie
4. Volonté de revoir les traités concernant la supranationalité de l’UE
« Je suis convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et en meilleure posture à l’intérieur d’une Union européenne réformée » David Cameron
Quel modus operandi après un éventuel Brexit ?
Il est possible d’après l’article 50 du traité de l’UE (TUE) qu’un Etat membre sorte de l’Union – il doit notifier son intention au Conseil Européen. Une fois la chose faite, les deux parties négocient les modalités de retrait, modalités qui se doivent d’être approuvées par le Parlement européen.
L’UE perdrait l’une de ses trois grandes puissances, une des plus importantes places financières au monde et le premier partenaire diplomatique des Etats-Unis. Néanmoins, les conséquences pourraient être bien plus lourdes pour le RU. En effet, l’Angleterre serait amenée à remettre en cause ses relations avec l’Ecosse, indépendantiste et europhile puisqu’un second référendum sur la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni pourrait avoir lieu en cas de « Brexit ». De plus, cette éventualité affecterait également sa politique extérieure, pas seulement pour ce qui est des relations avec l’UE mais aussi celles avec tous les autres pays. Enfin, d’un point de vue purement économique, le « Brexit » coûterait 100 milliards de livres à l’économie britannique ainsi que détruirait près d’un million d’emploi selon une étude réalisée par PwC et commandée par la CBI, principale organisation patronale du pays.

Il est temps de partir, vieux camarade

L’Histoire montre que les relations entre l’UE et le Royaume-Uni n’ont jamais été au beau fixe. Le Royaume-Uni n’a eu de cesse de remettre en question sont appartenance à l’Union. « La Grande-Bretagne elle-même est une île flottante qui, selon les inflexions de sa politique, se rapproche ou s’éloigne de l’Europe. » d’après Alfred FABRE-LUCE.
On peut alors se demander si l’Union, aussi faible soit-elle aujourd’hui, a besoin d’un tel maillon. Le Royaume-Uni veut une Union à la carte, et menace de la quitter à chaque réforme. Voulons-nous réellement les britanniques dans nos rangs ? Le veulent-ils au moins ? Ne menacent-il pas de vouloir nous quitter juste pour obtenir quelques bonus par-ci par-là ?
« Les hommes disent toujours qu’ils vont partir à l’aube, mais ils le font rarement » Jim Harrison
Lorsque l’on voit qu’au final le Royaume-Uni a plus à perdre dans cette histoire que l’Union, il est difficile de pouvoir défendre ses multiples tentatives de retrait, et d’autant plus difficile d’accepter qu’il y reste. L’Union s’est créée avant tout pour garantir la paix mais aussi la prospérité de l’Europe. L’idée était, comme le disait Churchill, de créer les « Etats-Unis Europe », des pays unis, voulant avancer dans la même direction. Si aujourd’hui le Royaume-Uni veut changer de voie, grand bien lui en fasse.

Don’t cry for Cristina Argentina

     Buenos Aires, jeudi 10 décembre 2015, le soleil brille sur la ville, capitale fédérale de la République Argentine. Dans les rues la fête bat son plein. Le pays s’apprête à accueillir son nouveau président Mauricio Macri, élu contre toute attente le 22 novembre dernier face au candidat du Front Pour la Victoire (FPV), Daniel Scioli. La journée est historique pour le pays qui pour la première fois depuis près d’un siècle, voit un candidat ne faisant ni partie de la mouvance péroniste (Héritière de Juan Domingo Perón, chef d’Etat argentin de 1946 à 1955 et de 1973 à 1974, souvent jugée populiste, elle prône une Argentine socialement juste, économiquement libre et politiquement souveraine), ni du parti Union Civique Radicale (UCR), accéder à la plus haute fonction de la nation.

 

La foule fête l’arrivée du nouveau président Mauricio Macri 

     A travers la foule en liesse, Mauricio Macri se dirige en compagnie de son épouse vers La casa rosada (Le palais présidentiel) pour recevoir les attributs du pouvoir : le bâton et le bandeau présidentiels. Dans le palais, le roi retiré d’Espagne Juan Carlos ainsi que tous les chefs d’Etats sud-américains l’attendent ; tous sauf… Cristina Fernandez de Kirchner ! L’exprésidente du pays n’ayant pas souhaité être là pour réaliser la passation du pouvoir comme le veut la tradition, a quitté le palais la veille. Ce dernier geste de Cristina Fernandez de Kirchner, n’est-il finalement pas une bonne raison de ne pas pleurer pour votre présidente peuple argentin ?

Mauricio Macri, qui es-tu ?

Mauricio Macri lors d’un meeting 

    Mauricio Macri n’est pas un inconnu pour les argentins, bien au contraire. Né le 8 février 1959, son père est un riche homme d’affaire italien qui a connu un grand succès dans le secteur industriel et automobile. Pour sa part, il poursuit des études d’ingénieur dont il obtient le diplôme. Cette trajectoire le différencie d’une longue lignée d’avocats au sein de la classe politique argentine et fait de lui un gestionnaire reconnu.
    L’événement qui le place en haute estime dans le cœur d’une grande partie des argentins est sa présidence du club de foot Boca Junior (Club de foot de Buenos Aires, extrêmement populaire en Argentine) de 1995 à 2007, avec lequel il obtient de bons résultats ; preuve que déjà il sait gérer des équipes. Autre fait d’arme important dans sa carrière, lorsqu’il devient en 2007 maire de la ville de Buenos Aires, poste qu’il occupe jusqu’au 15 décembre 2015, en devenant président de la République d’Argentine. Son action principale dans cette fonction est une politique des transports de grande ampleur dans le but de désengorger la ville qui compte près de 3 millions d’habitants. (Création de 133 stations « Métrobus » ; promotion des transports respectueux de l’environnement avec la mise en place de 200 stations vélos « Ecobici » ; construction de nouvelles rames de métros).
      Si on devait coller une étiquette à Mauricio Macri, on peut dire que c’est un homme politique de centre droit, membre du parti Propuesta Republicana (PRO). Dans le but d’obtenir davantage de voix lors du premier tour des élections présidentielle le 25 octobre 2015, le futur président de la nation décide de créer une coalition de partis de centre-droit, non-péronistes (Propuesta Republicana (PRO), Union Civica Radical (UCR), Coalicion Civica ARI) sous le nom de « Cambiemos » (« Changeons ») dont il prend la tête après les primaires du 9 août 2015, en récoltant plus de 80% des voix.
Mauricio Macri incarne le changement pour l’Argentine, ses promesses électorales ont souvent été jugées vagues et obscures en termes d’explications sur leur réalisation. Néanmoins, c’est bien lui qui remporte les élections présidentielles face à Daniel Scioli, qui semble avoir été pénalisé par son rapprochement avec l’ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner, qui l’a désigné comme son successeur. Finalement, après 12 années de kirchnérisme aux résultats plutôt mitigés, l’Argentine voulait tourner la page.

 

Mauricio Macri recevant le bâton et le bandeau présidentiels le jour de l’investiture

L’Argentine ou 12 années de populisme…

          Il est difficile d’évoquer les douze ans qu’ont passé la famille Kirchner (Nestor Kirchner (2003-2007) ; Cristina Fernandez de Kirchner (2007-2015)), sans mentionner le populisme. Le populisme n’est pas uniquement présent en Argentine, au contraire, il se retrouve dans le continent sud-américain, comme au Venezuela et en Bolivie. Les Kirchner ont durant toutes ces années mené des politiques clientélistes qui ne faisaient que favoriser les agglomérations, où se trouvent leurs principales sources de votes. Ainsi ont-ils durant leurs trois mandats défini des ennemis intérieurs : les grands propriétaires terriens, à qui ils ont fait supporter des taxes faramineuses. Ces taxes ont peu d’effets positifs pour les gens du « campo » (champ), les infrastructures de transport manquent dans l’intérieur du pays. Dans la région du fleuve Paraná, la capacité du transport fluvial n’est que de 65%, alors que l’endroit compte en grande partie sur la voie navigable pour rejoindre l’océan. De plus, depuis 2007, et la montée en flèche des prix des matières premières, le gouvernement argentin taxe jusqu’à 35% les exportations de soja. Aussi ont-ils fait preuve de démagogie lorsqu’ils ont lancé une grande politique de « viande argentine pour les Argentin », en maintenant des prix d’achat bas, alors que les éleveurs ont vu le prix des matières premières, nécessaire pour nourrir leur cheptel, grimper depuis 2003. Cette initiative n’a fait que fragiliser l’élevage argentin ; d’après le Département Américain de l’Agriculture (USDA), en 2009, l’Argentine était le 4ème exportateur de viande au monde avec 621 000 tonnes ; aujourd’hui elle est sortie du top 10 avec moins de 150 000 tonnes exportées. Selon Miguel Schiariti, président de la Chambre de l’Industrie et du Commerce de Viandes de la République Argentine (CICCRA) chargé de la promotion de la viande Argentine, considérée par certains comme la meilleure du monde ; 92% de la production de viande est réservée au marché intérieur, ce qui représente une perte pour les marchés internationaux.
    Grâce aux taxes sur les exportations, liées à un contexte de prix des matières premières élevés, le gouvernement Kirchner a pu poursuivre sa politique clientéliste en redistribuant cette manne aux plus démunis. Ainsi, 40% de la population reçoit une pension de l’Etat, parfois sans avoir cotisé. Ce nombre a doublé sous la présidence Kirchner. Cette politique a laissé croire que le taux de pauvreté en Argentine avait baissé, comme dans le reste des pays sud-américain. C’était sans compter sur le contrôle que Cristina Fernandez de Kirchner a eu sur l’Indec (Institut officiel des statistiques), qui pour préserver la popularité des politiques gouvernementales, a publié des statistiques fausses que ce soit sur le niveau d’inflation ou sur le taux de pauvreté. En 2013, l’Indec annonce que le taux de pauvreté en Argentine est de 4,7%, alors même que le Danemark, pays le mieux classé selon l’Observatoire des inégalités, enregistre un taux de pauvreté de l’ordre de 6%. Selon l’Université Catholique d’Argentine, ce chiffre serait en réalité de 27,4%.
     Populiste, l’Argentine l’était d’autant plus ces dernières années avec l’installation d’un certain culte de la personnalité de Cristina Fernandez de Kirchner. Selon l’article 75 de la loi 26.522 des Services de Communication Audiovisuelle de 2009, le pouvoir exécutif a le droit en cas de situations graves, de réquisitionner les chaines de télévision pour discourir. Or lors de son second mandat, CFK utilisait cet usage de « Cadena Nacional » de manière hebdomadaire. Entre janvier et les élections présidentielles du 22 novembre 2015, l’ex-présidente s’en est servie à 44 reprises. Par ailleurs, les conférences de presse, exercice courant dans n’importe quel pays démocratique, ont eu lieu rarement, voire plus du tous les dernières années du mandat. Ainsi, les argentins écoutaient ce que le gouvernement leur proposait, s’appuyant sur les chiffres faussés de l’Indec, tandis qu’il leur était impossible d’interroger de manière directe la chef de l’Etat.
     Cristina va manquer dans le cœur de nombreux argentins qui voyaient en elle la femme qu’était Evita Perón, proche des plus démunis et qui chantait au peuple d’Argentine, sous les traits de Madonna dans le film d’Alan Parker : Evita, « Don’t cry for me Argentina »… Toutefois, il y a bien quelques personnes qui ne pleureront pas ce départ, il s’agit bien évidemment de la relève !

 

¡ Adios Cristina !

La longue route du président Macri…

           Lors de sa campagne présidentielle, Mauricio Macri a promis un changement dans la gestion du pays. Mettre fin à des années de mauvaise gestion est l’un de ses objectifs. Sa première mission d’envergure concerne l’économie. L’Argentine fait actuellement partie des 10 pays où le taux d’inflation est le plus élevé au monde. Depuis 8 ans, la hausse des prix varie entre 25% et 35%. Tous les économistes vous diront qu’un taux raisonnable d’inflation est bon pour l’économie, or s’il est trop élevé comme en Argentine, il ronge les économies des plus démunies. Ceux-ci n’ont d’autre solution que de dépenser leur argent de peur que les prix ne cessent d’augmenter. Peu à peu, les argentins ont commencé à ne plus du tout avoir confiance en leur monnaie nationale, el peso et ont privilégié le dollar américain qui sert de monnaie refuge, car sa valeur fluctue moins. Or depuis octobre 2011, Cristina Fernandez de Kirchner a instauré un contrôle des changes, « el cepo » pour freiner l’effritement des réserves de devises internationales au sein de la Banque Centrale. Ce mécanisme a rendu très compliqué le retrait de dollars américains, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, entrainant une chute du commerce extérieur. De plus, cette mesure a été vaine pour stopper la fonte des réserves de devises, qui aujourd’hui sont à leur niveau le plus bas en une décennie avec 125 millions de dollars américains.
       Ce phénomène contradictoire se résume par la politique de l’ex-présidente, aussi bien sur le plan économique que sur le plan des relations internationales. Depuis la crise de décembre 2001, lorsque l’Argentine s’est retrouvée en cessation de paiement face à ses investisseurs, le pays ne peut plus emprunter d’argent auprès des grandes institutions comme le Fond Monétaire International (FMI) et ce jusqu’à ce qu’il rembourse ses créanciers. D’après des estimations des Nations Unis, en 2014 les investissements étrangers en Argentine ont chuté de 41%. Cristina Fernandez de Kirchner n’a jamais, en 8 ans de présidence, accepté un quelconque arrangement pour rembourser la dette, plaçant l’Argentine au rang des mauvais élèves en qui on ne peut pas avoir confiance. Mauricio Macri va devoir se battre pour changer l’image.
            L’autre raison qui a causé la perte de devise malgré « el cepo » imposé, est que le gouvernement Kirchner a pendant des années spéculé sur la monnaie nationale, la maintenant à une valeur illusoire de 9,80 peso = 1$. Cette illusion s’est confirmée le 16 décembre 2015 lorsque le gouvernement Macri, par l’initiative du ministre de l’économie Alfonso Prat-Gay, a levé « el cepo », mettant fin au contrôle des changes. Le même jour, le peso argentin a perdu de sa valeur en passant de 9,80 peso = 1$ à 13,30 peso = 1$. (ndlr : il est actuellement autour de 13,90 peso = 1$).
         Dans la perspective de marquer la différence avec le gouvernement précédent, celui de Macri compte bien inverser la taxation punitive exercée sur les grands propriétaires terriens argentins, mentionnée plus haut. Par une telle mesure économique, le gouvernement prend le risque de percevoir moins de devises récoltées par le biais de la taxation, mais permet aux exploitants terriens et aux éleveurs de relancer leurs exportations et de redonner confiance au marché international. De la confiance, Mauricio Macri devra en faire naître chez de potentiels investisseurs, car l’Argentine a besoin d’agent, beaucoup d’argent, pour lancer une politique de grands travaux notamment en termes de rénovation des moyens et des réseaux de transports.
              Sur la scène internationale aussi Mauricio Macri souhaite marquer un virage à 180 degrés par rapport aux Kirchner. La première initiative est de renouer des partenariats économiques solides avec l’Union Européenne et les Etats-Unis en cessant de les considérer comme des ennemis extérieurs qui voudraient uniquement exploiter les matières premières de l’Argentine. Par son élection, Mauricio Macri, plutôt de droite, perturbe l’échiquier politique sud-américain dominé par la gauche depuis le début du XXIème siècle. Il a d’ailleurs précisé qu’il cesserait l’amitié que l’Argentine entretient avec le Venezuela, si le président Nicolás Maduro ne respectait pas la liberté d’expression dans son pays. (Au Venezuela, le leader de l’opposition ainsi que de nombreux journalistes de l’opposition sont en prison).
           Enfin, le grand projet de Mauricio Macri durant ses quatre années au pouvoir est de réformer le système éducatif argentin. Avec son ministre de l’éducation Esteban Bullrich, il compte mettre en place « la Revolución Educativa ». Avant de développer son programme, il est important de rappeler quelques données. Selon Esteban Bullrich, le gouvernement argentin depuis plusieurs décennies, mais davantage depuis ces dernières années, a transformé le système éducatif argentin en une institution frauduleuse. D’après lui, la moitié des argentins de 18 ans obtient un diplôme du cycle secondaire. La moitié de ces diplômés ne serait toutefois pas en capacité de comprendre et d’interpréter un texte écrit dans un espagnol simple. 1/10ème des jeunes argentins obtient un diplôme universitaire, et si l’on fait partie du quintile le plus pauvre, seul 1/100ème obtient un diplôme universitaire. La dépense en éducation pour la République Argentine est de 5% de son PIB selon les chiffres de la Banque Mondiale, il est de 5,5% pour la France. Pour autant, le système éducatif argentin est l’un des plus inégalitaires des pays développés. Pour mettre fin à ce déclin, la révolution éducative proposée par Mauricio Macri et Esteban Bullrich passe par :
> Une évaluation des élèves, pour pouvoir corriger ce qui ne fonctionne pas et poursuivre ce qui marche.
> Travailler main dans la main avec les enseignants. Améliorer leur matériel éducatif, leur donner un meilleur salaire, leur permettre un meilleur accès à la connaissance.
> Le programme « Familles à l’école ». La réussite scolaire passe aujourd’hui par le niveau d’éducation des parents. Comme les chiffres le montrent plus haut, il est 10 fois plus difficile pour un jeune de milieu modeste d’obtenir un diplôme universitaire. En Argentine, même dans la famille on a abandonné l’école. Cette dernière n’est plus vue comme le moyenne de réussir, dans un pays où réussissent les plus malins et non les plus diplômés. Cette transformation des mentalités est perceptible dans le langage des jeunes. Quand avant on qualifiait un bon élève de maestro, aujourd’hui on le traite de chapo (Chef d’une organisation douteuse). Le premier représente la profession d’une personne dévouée à transmettre un savoir, le second illustre la culture de la malignité, bien ancrée dans la société argentine. Par ce programme, le ministère de l’éducation permet aux parents qui n’ont pas terminé leur cycle secondaire, d’obtenir leur diplôme, pour pouvoir par la suite aider leurs enfants une fois à la maison. Cette mesure déjà existante dans la ville de Buenos Aires, depuis la mandature de Mauricio Macri à sa tête, compte en juin 2015 près de 370 000  participants. (7 millions d’adultes n’ont pas fini le cycle secondaire en Argentine sur une population de 43 millions d’habitants).
> La récupération de la valeur éducation en Argentine. Sarmiento, président de la République Argentine de 1868 à 1874 disait : « Tous les problèmes sont des problèmes d’éducation ». Sarmiento, suivi du président Avellaneda, ont mis en place une politique pro éducation qui ont permis à l’Argentine 30 ans plus tard d’intégrer le top 10 des nations les plus prospères au monde.
« Celui qui n’est pas éduqué ne demande pas d’éducation car il n’en connait pas la valeur ». Sarmiento.
L’Argentine est depuis longtemps sortie du pôle des nations les plus prospères au monde. Elle possède les capacités pour le redevenir. 8ème plus grand pays au monde, elle est riche en terres agricoles, sources de bénéfices. A Mauricio Macri de gérer l’opposition au Sénat et à l’Assemblée pour relever le défi d’une Argentine riche, sans pauvreté et où il fait bon investir.«¡Si se puede!»
Le drapeau argentin flotte après la victoire de Mauricio 
Luca Beltrami

Céline voterait-il Front national ? Partie 1: Éléments de réponses

Un écrivain dont on a pu lire sous la plume « le vrai rideau de fer c’est entre les riches et les miteux » s’indignerait-il de la percée électorale du FN, réaction authentiquement saine –en ce qu’elle ne s’exprime pas sous la forme de la violence- au sentiment de dépossession qui habite le citoyen dans un monde qui semble totalement échapper à son emprise et à sa morne réalité ?

 

A l’heure du « Front républicain » – authentiquement antirépublicain en ce qu’il exclut de facto 30% des français parmi les plus paupérisés par la mondialisation du débat et de l’espace public-et de l’indignation médiatique généralisée devant le retour annoncé et fracassant des « heures les plus sombres » de l’Histoire, il semble pertinent de se poser la question de quel aurait été l’alignement électoral et politique du plus grand écrivain du 20 ème siècle à nos jours. Toutefois, afin de répondre à cet épineuse problématique, nous allons tenter d’expliciter la vision du fait politique –voir la vision du monde- que laisse entrevoir les écrits céliniens.

 

Un style subordonné à sa perception du monde 

 

Force est de constater qu’on serait dans un premier temps tenté de rattacher Céline à la tradition dite des écrivains « anarchistes de droite », thèse que viennent soutenir les milieux littéraires peu après la parution du Voyage, et qu’accrédite Céline lui-même (« je suis anarchiste jusqu’aux poils, je l’ai toujours été et ne serai jamais rien d’autre », « j’adhère à moi-même tant que je peux »), proclamant même qu’il est « un homme à style », et non un homme à idées. Néanmoins, s’il y a chez Céline une véritable défiance vis-à-vis de l’action collective, source de son anti-stalinisme virulent dont il tirera un pamphlet écrit au retour de son voyage en URSS en 1936, il sait également le solipsisme résigné et la révolte individuelle impossible, d’où l’incroyable rage verbale qui anime ses écrits politique, ce que seul Trotski, qui, dans « Novelist and politician », nous livre une magistrale analyse de l’ambivalence intrinsèque de la vision du monde de Céline, avait anticipé à la lumière de la lecture du Voyage : « Céline n’écrira plus d’autres livres ou éclatent une telle aversion du mensonge et une telle méfiance de la vérité. Cette dissonance doit se résoudre. Ou l’artiste s’accommodera des ténèbres, ou il verra l’aurore ». La révolte célinienne est une révolte individuelle, voulue légère, qui nait des étincelles de poésie, des fusées de poésie que nous offre le texte célinien, tant la haine « métaphysique » de la lourdeur –qui chez Céline renvoie à l’angoisse de la mort, du dépérissement- le pousse à dénoncer les impasses du communisme politique :  « le communisme matérialiste, c’est la Matière avant tout et quand il s’agit de la matière c’est jamais le meilleur qui triomphe, c’est toujours le plus cynique, le plus rusé, le plus brutal ».

 

Alors que la critique littéraire a fait de Céline l’écrivain de l’abjection, du nihilisme triomphant suite à l’effondrement de la civilisation européenne, la voix du ressentiment n’est pas la seule à se faire entendre dans le Voyage ou encore dans « Mort à crédit ». S’il y a parfois dans le texte célinien « de la haine à tout faire et pour rien, assez pour faire sauter un monde », le sourire de Bebert est « bien une gaieté pour l’univers », et le suprême dévouement d’Alcide envers sa nièce contient bien « assez de tendresse pour refaire un monde ». Si Céline, véritable « Rabelais à réacteur » -d’où sa tendance à « grossir » sa vision du monde, de sorte que ce qu’il nomme l’ « hénaurme rire » est une pierre angulaire de son style- fait écho à Flaubert en ce qu’il « va au gueuloir », il y a dans la « petite musique célinienne », véritable rigodon littéraire, une jubilation du mot, une joie de la syllabe, de sorte que c’est la voix de la compassion qui résonne parfois le plus dans le voyage : « si les gens sont si méchants c’est peut être seulement parce qu’ils souffrent… ». De fait, nul autre que Céline n’a mieux usé du principe de non-contradiction du roman –d’autant plus que les illustrations de Tardi sont parfois si proches du texte célinien qu’on jurerait se trouver devant une œuvre à deux voix et viennent souligner les accents si contradictoires du texte célinien- et c’est bien la ponctuation (les fameux points de suspension qui donne cet aspect si fluide et aérien au texte célinien) et l’ ‘ « hénaurme rire » qui permettent d’oublier pour de brefs instants de gaieté, des bribes de poésie –d’où la récurrence de ce que j’appellerais « l’irruption d’une tendresse », le « surgissement de l’émotion » dans le texte célinien- l’oppression de la matière, du solide, de ce qui pèse : l’homme est « de la pourriture en suspens », et c’est pourquoi Céline fait éclater la phrase académique, rompt avec le point, lui substituant sa « petite musique », fait vivre toutes les infinies nuances de la langue française que des années de conformisme littéraire petit-bourgeois avait fait taire : « L’émotion dans le langage écrit !…Le langage écrit était à sec, c’est moi qu’ai redonné l’émotion au langage écrit ». Poétique célinienne qui atteint son apogée dans « Normance », ou, dénigrant toutes les conventions syntaxiques, il façonne un nouveau lyrisme –« l’émotif rendu » qui annonce ses ambitions esthétiques premières : « retrouver l’émotion du parlé à travers l’écrit », soit la constitution par la fluidité textuelle d’un véritable « métro émotif ».

 

C’est cet excès de compassion, que Kerouac avait d’ailleurs parfaitement identifié, déclarant même que « Céline était vraiment l’écrivain le plus compatissant de sa génération », cet absolu de révolte pure qui le pousse à vitupérer contre le monde entier dans ses pamphlets devant l’évidence du dépérissement des êtres qui le ramène à ce constat d’abjection. C’est cette impasse, cet aporie, qui le mène vers, ou du moins conditionne, la haine qui habite ses pamphlets, et il y a dans ces écrits assez de fougue et de vindicte pour détruire un monde : ce sont de véritables épitaphes désabusés de la civilisation européenne. Toutefois, si l’argumentaire tenu par Céline dans ses pamphlets camoufle le jeu qui se tient dans ses romans entre les deux voix précédemment évoquées, Céline impose son verbe, et son talent de prosateur génial se met alors au service de la harangue, « l’hénaurme rire » fait souvent irruption dans les pamphlets céliniens et l’on retrouve même dans « Bagatelles pour un massacre », au milieu des suppliques et des éructations, un morceau d’anthologie sur la ville de Saint-Petersbourg : « Graves personnes…de prodigieuses foulées…qui ne voyaient qu’immensité…Pierre…Empereur des steppes et de la mer !…Ville à la mesure du ciel !…Ciel de glace infini miroir… »

 

Céline et son programme politique 

 

Si « Mea culpa » est véritablement le texte de rupture de Céline avec la gauche française révolutionnaire, qui ne lui pardonnera jamais son anti-stalinisme forcené à l’époque ou Aragon et ses vues sur le régime soviétique avaient pignon sur rue dans le monde littéraire hexagonal, Céline pose dans son quatrième et dernier pamphlet « Les beaux draps » les bases de ce qu’il nomme le « communisme à la française », le « communisme Labiche » en six points :

 

1)Le plein emploi par la nationalisation des banques, des mines, des chemins de fer et des industries, « les fainéants en prison »
2)Les 35 heures pour tous ; « 35 heures c’est maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complétement bourrique » (à en faire pâlir Martine Aubry, renvoyée à ses occupations domestiques)
3)L’égalité des salaires : 100 francs par jour pour tous, « dictateur compris », 150 pour les couples 200 pour les couples avec enfants
4)Un logement pour tous : tous propriétaires d’un pavillon personnel avec 500 mètres de terrain ; « Il faut du communisme Labiche, du communisme petit-bourgeois, avec le pavillon permis, héréditaire et bien de famille » ; « Je trouve ça parfaitement légitime que le bonhomme il veuille être tranquille pour la fin de ses jours. C’est normal. Et la sécurité de l’emploi…C’est le rêve de chacun »
5) Tout le monde fonctionnaire, avec retraite assurée
6) Réforme de l’éducation, qui d’après lui permettrait d’éviter les affres de la cuistrerie, et ainsi permettrait de renouer avec la légèreté et la grâce. Ainsi déclare-il dans « Les beaux draps » : « La France est demeurée heureuse jusqu’au Rigodon », faisant de la création artistique un lien social d’usage : « Sans création continuelle, artistique, et de tous, aucune société possible, durable, surtout aux jours d’aujourd’hui, ou tout n’est que mécanique, autour de nous, agressif, abominable ».

 

Le docteur Destouches témoignant d’une infinie compassion et précaution envers ces patients fait écho à l’écrivain Céline et sa compréhension de la vacuité de la vie des pauvres, de la nécessité de l’enracinement, comme en atteste sa vision du fatum et de la misère humaine : « Elle a toujours existé, d’accord, mais dans le temps, on l’offrait à un dieu..[..]Aujourd’hui, dans le monde, il y a ses millions de miséreux, et leur détresse ne va nulle part ».  La vision des rapports sociaux et des petites gens chez Céline est celle d’un authentique déclassé –son père avaient des prétentions aristocratiques, bien que Louis-Ferdinand ai exercé au dispensaire de Clichy, en faisant ainsi nécessairement un médecin des pauvres-, qui a toujours refusé les honneurs et méprisé la course à la gloriole qui semble avoir motivé l’œuvre de nombre de ses contemporains scribouillards. On peut sans mal affirmer que Céline entretient avec les petites gens une relation que l’on pourrait qualifier « d’attraction-répulsion » -vision que l’on retrouve par ailleurs chez Simone Weil (notamment dans « La condition ouvrière » et dans « Conditions premières d’un travail non serviles »)-, soit la fine et entière compréhension de la vacuité et de la misère de leur existence, tout en fustigeant leur incapacité à s’élever à son propre niveau de génie, produisant ainsi une critique acérée du moralisme bourgeois : « Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas, c’est un songe-creux, une faribole », tant il savait que l’impératif de survie et de subsistance motivait les actes du prolétariat, qu’il a lui fréquenté et même parfois chéri : « Le peuple il n’a pas d’idéal, il n’a que des besoins ». Afin de mieux cerner la vision du prolétariat célinienne, osons un détour théorique, ici salvateur, à travers la pensée clouscardienne, exprimée dans « Néo-fascisme et idéologie du désir » : « Si le prolétaire est en situation éthique, cela n’a rien à voir avec la théologie ou avec les catégories morales. C’est, je le répète, l’extorsion de la plus-value qui fait le prolétaire [..] Très simple formule extorsion de la plus-value implique ?privation de consommation du prolétaire = fondement éthique de la revendication du producteur (fondement éthique du marxiste). Dès lors, on est à même d’affirmer que Céline à une lecture des rapports de classe authentiquement marxiste, du fait qu’il comprend que c’est bien l’extorsion de la plus-value qui fonde le manque de consommation (par rapport à ce qu’il produit) du prolétaire donc le prestige de l’opprimé, bien que toutefois il ait de tout temps combattu avec vigueur et dédain la moralisation des rapports de classe : « Il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demanderais qu’à devenir exploiteur ». Inlassable pourfendeur de « la vacherie humaine », sa fougue verbale semble masquer son inclinaison pour la tendresse et la compassion, compassion qui nait d’une vraie haine de l’affliction, qui le pousse à fustiger le communisme politique soviétique (« tout ça c’est encore l’injustice rambinée sous un nouveau blaze, bien plus terrible que l’ancienne », « Mea culpa ») tout en réhabilitant le communisme en tant que système de pensée permettant de créer une véritable « transcendance sociale » : « Je me sens communiste de toute fibres […] Mais s’il s’agit du vrai communisme, du partage de tous les biens et peines du monde dans la plus stricte égalité, alors je m’en ressens comme personne ». Céline, patriote pacifiste, savait que les basses et rageuses saillies nationalistes qui fleurirent durant l’entre-deux guerre vouées à flatter l’inclinaison naturelle des hommes à la barbarie, furent le terrain fécond de « la vacherie des hommes », et dénonça –toujours du fait de sa relation « d’attraction-répulsions envers les humbles et les damnés de la terre- la flagornerie socialisante à l’égard du prolétariat. Il fustige ainsi dans « Mea culpa » le populisme bourgeois –parfaitement antipopulaire au demeurant- qui sévit dans les milieux artistiques et culturo-mondains des années 30 : « Pourvu qu’on le flatte Popu prend tout ! Avale tout ! Il est devenu là-bas hideux de prétention, à mesure qu’on le faisait descendre plus profond dans la mouscaille, qu’on l’isolait davantage ! […] Depuis la fin des croyances, les chefs exaltent tous ses défauts, tous ses sadismes, et le tiennent plus que par ses vices : la vanité, l’ambition, la guerre, la Mort en un mot. […] On le fait crever par la misère, par son amour-propre aussi ! »

 

Le « Voyage au bout de la nuit » s’inscrit ainsi dans la tradition des romans picaresques, c’est une authentique épopée des « gueux » -Paul Nizan, ardent défenseur de Céline, le qualifia de « roman des gueux »- roman à propos duquel Staline déclara que c’était le « seul roman prolétarien » de l’histoire de la littérature. Bardamu est donc un fils de Panurge : Il porte en lui la même veulerie, use de la même splendide et désarmante gouaille, dont les attitudes magnanimes se heurtent à la brutalité du réel. Bardamu est donc un instrument de la transposition célinienne (que ce soit de son style ou de sa vision du monde, les deux étant absolument indissociables, comme nous nous sommes efforcés de le démontrer auparavant) , et outrepasse ainsi la simple retranscription biographique : Bardamu –mû par son barda-, fait l’apprentissage de la « lourdeur de l’existence », du vice, de la lâcheté humaine à travers ces voyages iniatiques dolents que sont le « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit ». Filiation avec Rabelais  revendiquée par Céline, qui, -inspirant grandement Bukoswki- a toujours clamé que « mettre sa peau sur la table » était la précondition indispensable à toute littérature : « ce qu’il y a en effet de bien chez Rabelais, c’est qu’il mettait sa peau sur la table, il risquait. La mort le guettait et ça inspire, la mort ! ».

 

 Céline et son positionnement politique vis-à-vis des milieux littéraires d’entre deux guerres 

 

Si la critique littéraire a –abusivement- fait de Céline un impitoyable contempteur des vices du peuple (« Aujourd’hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va nulle part.. », interview avec Pierre-Jean Launay), Louis-Ferdinand fut avant tout un implacable dénonciateur de la vanité mondaine. C’est pourquoi la vision du monde de Céline peut également être explicitée par sa relation torturée avec l’intelligentsia de son temps, et notamment par l’accueil critique que reçurent  le « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit ». Simone de Beauvoir, dont nous connaissons tous l’ascendance et la sensibilité populaire, ainsi que la justesse de son combat politique, déclara à propos de « Mort à crédit » -après avoir accueilli avec grand enthousiasme le Voyage- : « Mort à crédit nous ouvrit les yeux. Il y a un certain mépris des petites gens qui est une attitude préfasciste. » Mépris petit-bourgeois latent qu’on retrouve dans la critique d’Henry de Régnier, parue dans « Le Figaro » en janvier 1933, qui qualifie « Mort à crédit » de « marathon de la crotte », et fustige l’emploi de l’argot –contresens majeur, l’emploi de l’argot chez Céline n’est qu’un outil au service de la fluidité de sa poétique, extrêmement travaillée –  qu’il juge artificiel et nauséabond : « Une sorte d’affreux langage populo, dont la vulgarité fabriquée sonne d’ailleurs faux et dont la platitude ne se relève que par les scatologies ordurières sur lesquelles on marche à chaque pas ». Fort peu nombreux furent ceux qui comprirent, tel que Céline l’annonça à Gallimard lorsqu’il lui fit parvenir le manuscrit du Voyage, que ses romans étaient du « pain pour un siècle de littérature », d’où la rancœur tenace vis-à-vis du monde littéraire français que Céline laisse transparaître dans « Bagatelles pour un massacre » : « Les critiques, ils sont bien trop vaniteux pour vous parler d’autre chose que de leur magnifique soi-même. C’est un spectacle de grande lâcheté que de les voir, ces écœurants, profiter de votre pauvre ouvrage pour se faire reluire ! Les torves fumiers ! ». D’où sa réponse cinglante à L.Nakou et A.Vidal qui viennent le démarcher pour prendre la succession d’Henri Barbusse à la tête de l’association des écrivains et artistes révolutionnaires : « la différence qui me sépare de vous, c’est que, moi, je n’ai aucun espoir ! Je ne crois pas que le monde puisse devenir meilleur ».

 

Prosateur génial, commentateur avisé d’une époque morbide, pamphlétaire incandescent, Céline désarme, interroge, donne à voir le spectacle absurde de ce ballet brutal et pourtant si fécond que fut le 20 ème siècle. Arguant être à « un écrivain à style », masquant ainsi toute l’acuité de sa vision des rapports de classe et de force politiques, Céline a clos le chapitre littéraire français (« comment peut-on écrire autrement » déclare à propos J.M.G Le Clézio), laissant la littérature orpheline de sa « symphonie émotive » si caractéristique, à la merci de la névrose et de l’arrivisme petit-bourgeois (d’où l’insupportable féminisation du monde des lettres depuis la fin des années 1960, dont la carrière d’une Marguerite Duras est symptomatique). Son style-et donc sa vision du monde- ne laisse ainsi  guère présager une hypothétique adhésion célinienne à l’esprit Charlie, ou encore aux poncifs éculés de la social-démocratie qui sévissent dans nos admirables contrées. Pacifiste patriote, anarchiste autoritaire, élitiste et d’une sensibilité authentiquement populaire, Céline semble échapper à toute catégorisation politique. Toutefois, nous nous efforcerons de prouver dans un second article que cette vision du monde n’est pas étrangère à celle d’un homme politique –et par prolongement de son parti- qui n’a pu se soustraire au qualificatif de «bête immonde » qui lui a été accolé par nos élites culturo-mondaines, dont Céline fustigeait déjà la « lourdeur » : « Le monde est plein de gens qui se disent des raffinés et puis, qui ne sont pas, je l’affirme, raffinés pour un sou » (« Bagatelles pour un massacre ») .

 

On en avait vu des auteurs… Bien frisottés, bien mis, pontifiants et fats. Mais des écrivains, jamais….

Le pélican unijambiste

Pourquoi l’échec de la COP21 explique la réussite de vos partiels

Pourquoi l’échec de la COP21 explique la réussite de vos partiels

La première COP s’est tenue à Berlin, en 1995. La 21ème a eu lieu à Paris, tandis que la prochaine est prévue à Marrakech ; une énième COP, qui sera loin d’être la dernière. Mais il n’est ici question ni de se prononcer sur la légitimité de ces conférences climatiques ni d’analyser en profondeur ce qui ressort principalement de la 21ème. Il s’agit de démontrer que les comportements empêchant tout accord final ambitieux -comprenez les attitudes des grands pays développés d’aujourd’hui- s’appuient sur des motifs économiques précis davantage que strictement financiers. Ce n’est donc pas une critique des COP qu’il faut lire ici, mais davantage les raisons qui conduisent au non-respect des mesures prises durant celles-ci, à l’absence de contraintes fortes dans les Accords et in fine, à l’empilement de COP minimalistes en termes de décisions pourtant nécessaires (qualificatif permis si l’on considère comme bienvenu le fait de vivre de manière convenable sur Terre dans un siècle, voire moins).
Certes, la COP21 a conclu au premier accord universel climatique. Néanmoins, si on est plus sceptique vis-à-vis de l’Accord de Paris, on peut aussi y lire la primauté d’intérêts particuliers -ici, ceux des plus grandes puissances économiques actuelles- et la recherche de leur maximisation. Le fait de ne pas toucher aux énergies fossiles ou celui de mettre des should à tout va, et ce sans inscrire une seule fois have to sont des exemples ; l’aide de 100 milliards de dollars accordée aux pays les moins développés et les avancées en terme de limitation mesurable du réchauffement climatique sont quant à elles plus réjouissantes mais restent néanmoins à juger sur le long terme. Sur le point des contraintes, des accords ont déjà été plus ambitieux et, sinon plus universalistes, davantage internationalistes. C’est aussi qu’avec le réchauffement climatique, tout le Monde n’est pas perdant dans l’histoire, contrairement à ce que certains pourraient laisser penser…

Source : Financial Times (2015), d’après une étude publiée dans The Nature

Pourquoi il fallait réviser ses partiels du vendredi 22 janvier 20:00 au jeudi 28 6:00 pour maximiser ses notes en éco…

 
La productivité atteint son maximum à 13,42°C … Cet énoncé, prouvé et vérifiable, est plus important qu’il n’y paraît. Premièrement, selon MétéoFrance, il a fait 13,42°C de moyenne à Toulouse (France, 31000) entre les dates et heures indiquées ci-dessus. Soit la semaine précédant le partiel d’éco des L3, qui n’auront donc aucune excuse s’ils viennent à obtenir une mauvaise note. Deuxièmement, il n’a pas fait 13,42°C de moyenne à Peyragudes durant la période du Sémineige… Vous en tirerez la conclusion que vous souhaitez. Troisièmement, cela implique que le réchauffement climatique va freiner le rattrapage des pays pauvres et bénéficier aux pays les plus riches, en accroissant la productivité des seconds (situés plutôt en zones tempérées) et en réduisant celle des premiers (situés plutôt en zones tropicales).
 
Impact attendu des variations des températures sur le PIB par personne (en %)

Source : ibid

D’où une certaine frilosité des pays les plus développés à accompagner les pays les plus pauvres, très demandeurs en matière de négociation climatique. Bien sûr, la question est complexe à traiter ; cet élément n’est pas le seul à expliquer les blocages qui surviennent durant ces COP. Néanmoins, c’est un point important qui permet de les comprendre en partie.
… et, accessoirement, comment montrer que le changement climatique ne sera jamais une seule et même préoccupation mondiale
 
            Plusieurs modèles ont été proposés ces dernières années pour évaluer quantitativement les effets économiques du changement climatique. A notamment été développé un cadre de croissance économique à multi-régions pour évaluer quantitativement l’impact de différentes politiques de réduction des émissions polluantes (William Nordhaus, 2010). De leur côté, Melissa Dell, Benjamin Jones et Benjamin Olken (2012) ont conclu de leurs travaux que si le réchauffement climatique semble peu affecter la croissance économique des pays avancés, il s’avérera à l’avenir particulièrement négatif pour les performances macroéconomiques des pays en développement. Enfin, une étude a été développée pour observer comment le réchauffement climatique influe sur la répartition spatiale de l’activité économique (Klaus Desmet et Esteban Rossi-Hansberg, 2012).
Cette modélisation est beaucoup plus complexe que les précédentes : elle incorpore les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière, prend en compte les externalités, les innovations technologiques et les actions publiques. La conclusion est sans appel : le Nord devient peu à peu la localisation idéale pour les entreprises des deux secteurs. Quant aux services, pour lesquels la forte demande de travail exigée par les entreprises importe énormément, on peut penser que le Nord, au capital humain plus important et doté d’infrastructures plus modernes, restera privilégié.
On le voit, les analyses récentes lient le réchauffement climatique à une nouvelle géographie de l’activité économique, qui sera entièrement favorable au Nord, et posent la question migratoire des années futures. D’où un certain immobilisme de la part des dirigeants des pays les plus développés afin de maximiser leurs intérêts propres et d’éviter de prendre en considération les attentes des pays pauvres ? On pourrait le penser, mais il ne faut pas oublier que nos dirigeants sont tout autant au courant que l’aide qu’ils fourniraient à ces régions du monde peut rapporter énormément financièrement et géopolitiquement. En attendant, à la surface du globe, c’est de plus en plus chaud. La mise de côté d’une conception liée aux intérêts privés du seul club des riches permettrait de freiner l’ampleur du graphique ci-dessous mais surtout de considérer réellement notre planète comme un bien et un foyer commun.  Et, en passant, de rendre ses lettres de noblesse à l’étymologie du mot économie, bonne gestion et administration intérieure d’une seule et même maison, qu’on appellerait Terre.
Ecart des températures à la surface du globe par rapport à leur moyenne au vingtième siècle (en °C)
Source : The Economist (2016), d’après les données de l’Agence américaine d’observation océanique
Paul Mathieu
[EN 3 MIN] LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE, UTOPIE ?

[EN 3 MIN] LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE, UTOPIE ?

Je préviens dès maintenant le lecteur : devant la difficulté du sujet, je ne prétends aucunement avoir les solutions, je brosse simplement et en toute humilité ce que je pense être des potentialités politiques pour l’avenir … des pistes que l’on peut suivre, ou desquelles on peut s’inspirer. Et de par le format même de l’article que je me propose d’écrire (en 3 MIN), ma réflexion sera bien évidemment superficielle.
*
Je me rappelle encore les paroles de mon professeur de philo de prépa « la démocratie participative … et pourquoi pas ? A l’heure d’internet, cela semble possible ».
Alors … utopique ? Mais d’abord, c’est quoi la démocratie participative ?
 
La démocratie participative, c’est le partage et l’exercice du pouvoir de tous les citoyens, par la concertation1  et la participation au processus décisionnel. Consulter les habitants d’une ville ou d’une commune lors du vote d’un budget participatif, par exemple, est une initiative participative.
Voici l’exemple du vote pour le budget participatif de la ville de Paris :
Pourquoi, la démocratie participative ?
 
Il n’y a qu’à voir le résultat des élections régionales pour comprendre que notre système politique est ébranlé. La démocratie représentative s’essouffle.
 
La démocratie Représentative consiste à déléguer l’exercice du pouvoir à des représentants, légitimés par le vote démocratique, et qui sont censés incarner la volonté générale.
Or, la démocratie représentative souffre de plusieurs limites. Je ne m’attarderai pas sur ces points, je poserai simplement des points d’interrogation de-ci delà :
  •   Les représentants politiques sont-ils véritablement représentatifs du « peuple souverain » (demo-kratos) ? 2
  •   Ne sortent-ils tous pas au contraire du même moule, formant un genre de bureaucratie et d’Administration éduquée sur les mêmes modèles, partageant les mêmes schèmes mentaux ?
  •      Les représentants politiques incarnent-ils véritablement la volonté générale ? Sont-ils vraiment détachés de tout intérêt particulier, ou de tout intérêt partisan, ou de tout intérêt « médiatique » ?
  •      La démocratie représentative, par le jeu des luttes partisanes et par la succession de différents représentants au pouvoir, ne favorise-t-elle pas une vision et des décisions politiques court-termistes. Or, n’est-ce pas sur le long-terme que se construit l’intérêt général ? 3
  •      Notre système politique ne fonctionne-t-il pas sur des schèmes et des technologies anciennes, inadaptées ? Système dans lequel les coûts de participation à la vie politique (accès à la haute fonction publique) sont extrêmement élevés, faits de sacrifices en tous genre (financier, temps, implication, alliance partisane …) ? Système enfin dans lequel les concepts sont complexes, le langage codé, et inaccessible à la grande majorité des citoyens qui – pourtant, et théoriquement- sont souverains ?  4
Comment, la démocratie participative ?
 
Telle est la question. Voici quelques pistes de réflexion …
 
PIA MANCINI (NOTE N°5 : How to upgrade democracy for the internet era )
explique qu’une réflexion sur la notion de démocratie doit être mise en œuvre puisque notre système politique ne semble plus adapté: “Conflict is bound to happen between a system that no longer represents nor has any dialogue capacity and citizens that are increasingly used to representing themselves”. Voici les pistes qu’elle propose :
  1. Un siège pour tout un chacun dans le débat et le décisionnel politique : « NO REPRESENTATION WITHOUT A CONVERSATION »
  2. Ce par le biais des nouvelles technologies telles qu’internet. Elle a développé, notamment, une application qui permet, une fois installée sur le téléphone de l’utilisateur, de participer aux choix politiques qui s’offrent à lui, en votant au quotidien.
  3. Et plus qu’un simple empilement de choix individuels et quotidiens, Pia prône une plateforme qui soit un lieu de débat et de dialogue et un lieu où les choix politiques sont le fait des citoyens qui sont directement concernés par ces choix

AGORAVOX (NOTE N°6 : L’Ere numérique de la Démocratie)

Quelques idées sont aussi évoquées :
 Quels premiers pas pour la démocratie participative ? (NOTE N°7) 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Et bien NON, la démocratie participative n’est pas u-topique !
 
 
Elle existe, elle a déjà ses lieux « topoï » … des idées qui germent et émergent, et qui grandissent, non pas dans les sombres cabinets ministériels, mais dans les initiatives citoyennes de quelques éclairés, de quelques idéalistes qui ne perdent pas espoir et qui osent penser le changement politique.
PISTES ET WEBOGRAPHIE
  1.   Attention à ce concept, il est ambigü et n’a pas qu’une seule acceptation. Pour approfondir sur l’usage de ce concept voir : http://www.participation-et-democratie.fr/es/dico/concertation-demarche-de
  2. « Facebook, Twitter, ça donne la parole à tout le monde alors que la parole doit se mériter » (Nicolas Sarkozy). A mettre en parallèle avec le concept d’agoraphobie en tant que concept politique tel qu’expliqué par Francis Dupui-Déri
  3. Voir les thèses de P. Rosanvallon
  4. Voir la conférence de Pia Mancini « How to upgrade democracy for the internet era » : “21th century citizens doing our best to interact with 19th century-designed institutions that are based on an information technology of the 15th century »
  5. https://www.ted.com/talks/pia_mancini_how_to_upgrade_democracy_for_the_internet_era
  6. http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-ere-numerique-de-la-democratie-172761?fb_action_ids=414711265389332&fb_action_types=og.likes
  7. http://www.formation-elu.com/fr/formation/institutions-publiques/democratieparticipative.html

 

 
 
 

 

Maeva