Clinton, Trump… et les autres

Clinton, Trump… et les autres

Clinton, Trump, Trump, Clinton… A force de matraquage des grands médias américains en quête d’audience, on en oublierait presque que des centaines de candidats seront en lice pour l’élection présidentielle américaine le 8 novembre. Alors que le D-Day approche à grands pas, il est difficile d’imaginer qu’il existe d’autres candidats dans la course à la Maison Blanche tant les deux représentants des deux partis majeurs américains monopolisent l’attention. Rapide tour d’horizon des forces en présence.

Au milieu d’une campagne parasitée par les énormes appareils de campagne des partis républicains et démocrates, les « third parties » essaient de faire entendre leur voix, non sans difficultés. Vous ne les avez pas vus aux trois débats présidentiels, ils n’ont en effet pas atteint la barre des 15% dans les sondages requis par la sacro-sainte commission des débats présidentiels, évidemment contrôlée par les partis républicains et démocrates. Cette situation, désormais largement acceptée par la population américaine, ne surprend pas dans un pays où la frontière entre politique, économique et médiatique est toujours plus fine.
Historiquement, les candidats des petits partis américains ont rarement pesé dans l’élection présidentielle. Ils font généralement campagne sur un problème spécifique, qui trouve un écho plus ou moins fort après de l’opinion publique selon l’actualité et les inquiétudes du moment. Anti-maçonnique, abolitionnistes, prohibitionnistes, constitutionnalistes et plein d’autres courants tout aussi -istes y sont passés. Le candidat le plus fameux d’un troisième parti est sans aucun doute Théodore Roosevelt à l’élection de 1912 qui avait décidé de former le Parti progressiste après que la nomination du Parti républicain soit revenue à William Taft au terme d’une bataille aux allures de duel entre Fillon et Copé, un siècle avant… Le bureau oval était alors facilement revenu à Woodrow Wilson à la faveur d’un partage des voix entre Taft et Roosevelt. Plus récemment, Ross Perot avait emporté 18% des votes en 1992 au terme d’une campagne fondée sur la réduction de la dette publique. Enfin, on se souviendra de Ralph Nader qui avait sûrement privé Al Gore des quelques voix qui lui manquaient pour être élu face à George Bush en 2000, changeant peut-être ainsi le cours de l’Histoire…
Quid des deux « beautiful losers » de cette cuvée 2016 donc ? On retrouve tout d’abord Gary Johnson, candidat républicain jusqu’en 2012, qui s’est depuis tourné vers le parti libertarien, petit parti formé en 1971. Souvent caricaturé par les médias américains, ne possédant pas une armada de communiquants à la hauteur d’Hillary Clinton, il s’inscrit dans la droite lignée des républicains les plus libéraux, en héritier d’un Ron Paul. On retrouve donc chez lui un programme très axé sur les libertés individuelles, par opposition à l’omniprésence du gouvernement fédéral, avec notamment une baisse drastique de la fiscalité mais aussi des mesures bien plus progressistes que celles que l’on peut retrouver chez les républicains traditionnels telles que le mariage homosexuel, la légalisation du cannabis, le droit de boire de l’alcool à 18 ans au lieu de 21 actuellement ou encore le renforcement du droit à l’avortement. Avec parfois aussi quelques propositions qui retiennent l’attention, comme la suppression de la NSA, coupable de surveiller d’un peu trop près la population américaine. Gary Johnson a d’ailleurs largement soutenu Edward Snowden.
Mais s’il y a bien un point qui le distingue des programmes traditionnels des candidats à l’élection présidentielle, ce sont probablement ses idées en matière de politique extérieure. Non-interventionnisme sauf en cas d’agression sur le territoire américain, désengagement total au Moyen-Orient, collaboration avec la Russie et la Chine… autant d’aspects sur lesquels il va beaucoup plus loin que ses concurrents. Johnson promet également l’interdiction des frappes de drone sans autorisation de conflit armé. On ne peut pas reprocher à Johnson de ne pas aller au bout de ses idées et c’est probablement ce qui explique son regain de popularité.
Face à lui, on retrouve la candidate écologiste, Jill Stein. Elle présente un programme finalement assez proche de ce qu’on peut retrouver chez les partis écologistes français, avec une dimension anti-système plus présente, mais qui passerait pour presque fou dans un pays où l’hypothèse d’un changement climatique inventé par la Chine pour nuire à l’économie américaine convainc plus de 40% des électeurs. Elle est finalement reléguée à la gauche de Bernie Sanders sur l’échiquier politique, lui qui passait déjà pour un communiste aux yeux d’une frange de la population… Difficile dans ces conditions de trouver grâce aux yeux des électeurs.

Et pour les autres, encore moins médiatisés ? En apparence il semble facile d’être candidat à l’élection présidentielle américaine ce qui explique la participation d’une multitude de personnalités, des plus sérieuses aux plus excentriques. Quatre critères à remplir : être âgé de plus de 35 ans, être citoyen des États-Unis à la naissance, avoir résidé aux États-Unis pendant au moins 14 ans et ne pas être candidat à un troisième mandat.

Dans les faits, bien sûr, la multitude de candidats qui décide de se lancer ne jouit que d’une très faible exposition médiatique dans un pays où une campagne peut coûter jusqu’à 2 milliards de dollars. Autre problème majeur : les candidats n’ont pas tous le droit à être présent sur les bulletins de vote. Les états requièrent de la part des candidats un certain poids dans les sondages, des signatures de pétition voire même une certaine somme d’argent pour inclure leur nom aux côtés des candidats dits traditionnels. Les autres sont condamnés à rester des « write-in candidates », c’est-à-dire que les électeurs doivent écrire leur nom sur le bulletin de vote s’ils souhaitent leur donner leur voix. Autant dire que tout est fait pour protéger un bipartisme qui menace toujours plus la déjà fragile vie politique américaine.

Malgré ces facteurs défavorables, la vacuité idéologique de la campagne et la faiblesse des profils des deux candidats des partis historiques a permis à Gary Johnson et Jill Stein de se tailler une part modeste dans les sondages, à 6 et 2% respectivement. C’est là l’un des paradoxes de cette élection. Si la méfiance envers les politiciens, les bourdes de Trump et Clinton, Washington et les partis traditionnels n’a jamais été aussi grande, les autres candidatures peinent à réellement décoller. Il reste difficile pour eux d’exister dans l’espace médiatique, monopolisé par les frasques de Trump et les accointances avec la dynastie Clinton. Leurs partis n’ont a fortiori pas les ressources des machines de guerre démocrates et républicaines, dans une campagne où Hillary Clinton a déjà dépensé près de 300 millions de dollars contre un petit demi-million pour Gary Johnson. De quoi faire pâlir d’envie Bygmalion…
Bien conscients de ce combat à armes inégales, les électeurs favorisent depuis toujours le vote utile, persuadés que donner leur voix à un petit candidat ne ferait qu’éparpiller les votes sans réelle finalité. Ce phénomène est particulièrement présent lors de cette élection, où les médias n’ont cessé d’appeler à empêcher Trump d’accéder à la présidence. On retrouve ainsi la loi de Duverger qui affirmait déjà dans les années 1950 qu’un scrutin majoritaire uninominal à un tour favorise fortement un système bipartite. A l’heure actuelle, une alternative aux partis démocrates et républicains semble bien improbable. Toutefois, une chose est sûre, la médiocrité constante des candidats à l’élection présidentielle et de leurs campagnes commence fortement à lasser l’électorat américain.
Alexandre Welcklen
Sport, l’exemple anglo-saxon ?

Sport, l’exemple anglo-saxon ?

Les JO de RIO se sont achevés le 21 août et, comme à Londres, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne occupent les deux premières places du tableau des médailles avec un total de 188 récompenses. Un total impressionnant qui cache deux approches différentes.

Etats-Unis : tout ou presque pour les universités

Qu’ont en commun Dana Vollmer, Nathan Adrian et Missy Franklin, outre qu’ils sont tous trois médaillés olympiques ? Ils s’entraînent tous à l’Université de Berkeley qui peut se vanter d’avoir remporté 19 médailles dont 8 en or, plus que le Brésil. Aux Etats-Unis et plus que n’importe où dans le monde, le sport est extrêmement lié au système universitaire. Encouragé au 19ème siècle pour améliorer la discipline des étudiants américains, le sport est devenu un motif de compétition féroce entre les différentes universités qui n’hésitent pas à investir des millions de dollars de leur fortune dans des infrastructures dernier cri. Ce qui peut également mener à des situations ubuesques telles que la répartition de l’héritage de cet alumni libraire de l’université du New Hampshire : la librairie de l’université n’a reçu que 100 000$ de son généreux don, l’administration de l’établissement ayant préféré réserver 1 million de dollars pour acheter un nouveau tableau d’affichage pour son stade de football américain. Outre les infrastructures, les universités promettent surtout des bourses conséquentes pour leurs meilleurs athlètes ce qui n’est pas anodin dans un pays où les frais de scolarité peuvent rapidement dépasser les 50 000$. Ces athlètes concourent ensuite pour la gloire de leur université dans des compétitions très suivies organisées par la toute puissante NCAA, la plus grande organisation sportive universitaire au monde. Cette omniprésence du sport au niveau universitaire contraste avec la situation d’un pays comme l’Inde où les infrastructures sont très peu développées et les résultats décevants pour le deuxième pays le plus peuplé au monde.
Le succès sportif des universités américaines dans les disciplines olympiques s’explique également par l’amendement Title IX voté en 1972 qui interdit toute discrimination sur la base du sexe dans les programmes d’éducation soutenus par l’État. Avant cette réforme, très peu d’équipes féminines universitaires existaient en raison de préjugés tenaces : on évoquait alors la fragilité de la constitution féminine ou encore le risque de stérilité pour décourager le sport féminin. Aujourd’hui, 61 des 121 médailles remportées par les Etats-Unis à Rio l’ont été par des femmes. En 1972, elles n’en avaient rapporté que 23 contre 71 pour les hommes. La représentation a elle aussi largement évolué, en 1904, les Etats-Unis avaient envoyé 520 hommes pour les représenter à Saint-Louis contre seulement 6 femmes.
Bien sûr, il existe également une explication beaucoup plus simpliste au succès sportif des Etats-Unis : la combinaison d’une population nombreuse et de ressources très importantes confère un avantage intrinsèque majeur aux Américains. Par ailleurs, 65% des médailles aux Jeux de Rio proviennent de deux disciplines, la natation et l’athlétisme, et les Etats-Unis ne se classeraient que 43ème si on rapportait le nombre de médailles à la population totale. S’ils restent très forts dans les sports collectifs, les performances individuelles sont elles à nuancer.

God save the Olympics

De l’autre côté de l’Atlantique, l’approche est radicalement différente mais les résultats sont les mêmes. Une rupture a lieu aux Jeux d’Atlanta en 1996, lorsque la Grande-Bretagne termine à une piteuse 36ème place au classement des médailles, avec une seule breloque en or. Sous l’impulsion du premier ministre John Major, les britanniques décident alors de financer les disciplines olympiques grâce aux revenus de la loterie nationale, détenue par l’Etat. Aujourd’hui, celle-ci finance à hauteur de 350 millions de livres le sport britannique à chaque olympiade. Cet argent est cependant loin d’être redistribué équitablement : les fonds sont attribués en fonction des espoirs de médaille de chaque discipline. L’aviron, sport traditionnellement pourvoyeur de médailles pour nos voisins britanniques, a ainsi reçu jusqu’à 35 millions de livres tandis que le tennis de table a dû se contenter d’1 petit million. Le modèle est si efficace que l’Australie s’en est désormais emparé.
L’attribution de cette manne financière est du ressort de l’organisation UK Sport, dépendante du gouvernement britannique, qui établit un véritable plan sur huit ans pour espérer glaner un maximum de médailles. En plus du financement individualisé de chaque sport, l’agence a mis en place des programmes scientifiques spécialisés à la recherche du moindre gain, de la moindre amélioration technique. Un tel mode de fonctionnement n’a pas manqué d’attirer les critiques, le contribuable anglais se demandant si dépenser en moyenne £5,5m par médaille était bien raisonnable. Ce financement réservé à l’élite sportive a apporté son lot de laissés pour compte : les sports moins clinquants peinent à préserver leurs infrastructures tandis que l’activité sportive de la vaste majorité de la population se situe à un plus bas historique. La situation est telle que le gouvernement a dû débloquer en urgence £150m pour financer le sport à l’école, à peine la moitié de ce que les champions britanniques recevront jusqu’aux JO de Tokyo.

            Le revers de la médaille

Depuis quelques mois, les critiques pleuvent sur l’Agence mondiale anti-dopage (AMA) et son président écossais Craig Reedie. Après l’exclusion d’une bonne partie de la délégation russe, le rôle prépondérant des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans les organisations sportives internationales majeures a été largement remis en cause. Les deux puissances du sport mondial ont notamment été accusées d’être beaucoup moins regardants concernant leurs propres athlètes.

 

Ces critiques devraient se poursuivre après le piratage de l’AMA par le groupe de hackers russes Fancy Bears qui a permis de révéler un usage très répandu, bien que déjà soupçonné, des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) permettant aux sportifs de suivre un traitement à base de médicaments contenant une substance interdite. Des autorisations qui révèlent au choix une prévalence incroyable de certains maladies chez les sportifs de haut niveau ou une certaine hypocrisie de certains dirigeants anglo-saxons…