Les idot(e)s utiles


Publié le 2 décembre 2022

 « Si la providence avait voulu que nous fussions heureux, elle ne nous aurait pas donné l’intelligence » (E. Kant)

L’humain est un animal qui, pour son plus grand malheur, s’est vu doté de raison : il se pose des questions. Face au mélange de complexité et d’absurdité qui compose l’existence, il en vient à suivre sa pente naturelle et se met à croire en tout ce qui peut remplir son vide intérieur, et atténuer ses angoisses.

Puisqu’un malheur ne vient jamais seul, certains se sont fait les spécialistes de l’explication du monde et la réduise bien trop souvent à une vision binaire des choses. Cette binarité, jamais assumée, est une machine à fabriquer des boucs-émissaires qui sont rendus responsables de tous les malheurs qui accablent les uns et les autres : les hommes, les noirs, les immigrés, les blancs, les riches et les juifs sont ainsi responsables d’à peu près tout ce qui ne va pas dans ce monde.

Ces marchands de vérités, qui vendent des interprétations du monde, sont nombreux et ont produit quantités d’idéologies plus ou moins solides et pertinentes. L’une des plus fragiles, le féminisme, peut aisément être mise à mal par une autre, plus pertinente, le socialisme scientifique.

Selon cette dernière doctrine, la société est schématiquement divisée et deux groupes. Les termes employés pour qualifier ces deux groupes sont multiples, choisissons les plus provocateurs : d’un côté la bourgeoisie, de l’autre le prolétariat.

La bourgeoisie se définie comme la conjonction d’une position sociale et d’un système de pensée essentiellement façonné pour justifier cette position sociale. Les bourgeois possèdent du capital, ce qui leur permet d’être « détachés » de leurs moyens de subsistance : celui qui possède du capital peut investir dans une entreprise, embaucher un directeur et des managers pour la faire tourner sans lui s’il ne possède pas le talent ou les compétences nécessaires pour le faire lui-même, et aller se faire dorer la pilule au soleil pendant qu’il touche ses dividendes.

Cette vision peut sembler extrêmement caricaturale, mais ce type de situation est plus courante qu’on pourrait le croire, sinon comment expliquer que Bernard Madoff ait pu trouver autant de pigeons à arnaquer pour faire fortune ? Le bourgeois peut se payer des financiers et gestionnaires d’épargne pour s’occuper de son argent sans qu’il ait besoin de bouger le petit doigt.

Le prolétaire, celui qui doit nécessairement travailler pour (sur)vivre, ne peut pas se payer le luxe de vivre de sa rente. Précisons tout de suite que la catégorie « prolétaire » s’est grandement élargie depuis 150 ans, la mondialisation et l’accroissement de la concentration des richesses. Disons, pour simplifier, que gagner 6 000 € vous rapproche davantage du prolétariat que de la bourgeoisie.

Revenons-en au féminisme. Du fait de l’ésotérisme crasse de ce mouvement, je ne m’aventurerai pas à en donner une définition précise qui, de toute façon, sera toujours fausse aux yeux de telle féministe de telle obédience. Disons (trop) simplement — là est la faiblesse de mon argumentaire — qu’il s’agit de la revendication de l’égalité de droit entre les femmes et les hommes.

C’est là que le bât blesse. Quels hommes et quelles femmes ? Il existe une différence fondamentale entre les hommes et les femmes bourgeoises et prolétaires, ne serait-ce que dans l’origine même du féminisme.

Côté femmes prolétaires, ce sont les débuts de l’ère industrielle à la fin du XVIIIe qui leur permirent de gagner en liberté. Le manque de main d’œuvre dans les usines urbaines siphonna la main d’œuvre des campagnes et les jeunes femmes, jusqu’alors soumises à l’influence de la collectivité rurale organique, purent quitter le foyer parental pour gagner la ville, travailler pour elles et vivre sous une moindre pression sociale.

Côté femmes bourgeoises, elles n’étaient, au XIXe siècle, pas autorisés à sortir de chez elles non accompagnées, morale oblige. C’est paradoxalement le développement des grands magasins et du shopping qui joua un grand rôle dans l’émancipation des femmes, les grands centres commerciaux devenant des lieux de rassemblement féminin.

Premier point : du fait de la stratification sociale, la solidarité intra-sex est un mythe féministe bourgeois. Tout comme la bourgeoisie patriote chère à Eric Zemmour, la bourgeoisie féministe est une chimère. En situation de crise et/ou de menace à sa situation sociale, la femme bourgeoise se rappelle très rapidement qu’elle est bourgeoise avant d’être femme. « Nos vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se jettent dans la mer » disait La Rochefoucauld.

Deuxième point : le féminisme, né de la cuisse du capitalisme, a « libéré » les femmes du « patriarcat » pour les asservir à son tour. Si des mouvements féministes ouvriers ont bel et bien existé, le fait est qu’ils se sont éteints en même temps que la gauche, sous Mittrand.

Les féministes, et les progressistes dans leur ensemble, sont les idiot(e)s utiles du capitalisme qui applique la vieille stratégie machiavélienne du « diviser pour mieux régner » en créant des antagonismes vides. Une réflexion en termes de position dans la hiérarchie des rapports de production est bien plus pertinente qu’une soi-disant opposition entre les sexes, les races ou que sais-je.

Contrairement à ce que les « féministes » affirment pour défendre leur idéologie, le féminisme mainstream conduit, dans les faits, à faire régner la terreur intellectuelle au nom du « politiquement correct ». En outre, la revendication d’un droit à la différence se prolonge volontiers dans la revendication d’une différence de droits entre les femmes bourgeoises et prolétaires.

A qui profite les revendications de parité à l’Assemblée Générale, dans les bords des grandes entreprises et parmi les PDG du CAC 40, si ce n’est aux femmes bourgeoises et socialement privilégiées par rapport aux travailleurs, hommes comme femmes.

Ces soi-disant « féministes » qui se font passer pour des victimes d’un prétendu patriarcat qui les oppresserait du soir un matin est ridicule (en France). Nous avons pitié de ceux qui souffrent, et surtout de ceux qui souffrent de manière bien visible, pas des privilégiées qui s’inventent des malheurs. Nous réservons notre respect à ceux qui refusent d’exploiter leurs souffrances à des fins de pitié pour s’ouvrir les portes d’un privilège social qu’ils ne méritent pas. Nous respectons ceux qui sont prêts à être tenus pour responsable de leurs actions et qui s’imposent des normes exigeantes, impartiales et impersonnelles.

 

JAVOY Adrien,

« Il faut détruire l’Union Européenne ».

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