La crise des sous-marins


Publié le 5 novembre 2021

Que s’est-il passé le 15 septembre 2021, lorsque tous les médias français ont proclamé la rupture du « contrat du siècle » par l’Australie ? « Coup dans le dos », « trahison », mais quels étaient les termes du contrat, et pourquoi l’Italie a rompu son contrat avec la France ?

 

 

L’accord entre la France et l’Australie

La France et l’Italie avaient signé un accord en 2019 qui stipulait que le groupe français Naval Group devait fournir 12 sous-marins nucléaires, d’une valeur de 56 milliards d’euros, à l’Australie. Or, cette dernière a décidé de rompre ce contrat, au profit d’une nouvelle alliance avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, l’AUKUS. L’AUKUS remplace l’ancienne ANZUS, en excluant la Nouvelle-Zélande car le pays refuse la présence de navires nucléaires dans ses eaux suite à une politique de dénucléarisation mise en place depuis 1984.

 

 

Les grandes puissances concernées

En mettant fin à ce contrat, l’Australie se met à dos la France. Cependant, de son point de vue, elle s’assure une emprise certaine sur l’Indopacifique, jusqu’alors contrôlé en majorité par la Chine. Pour cette dernière, la création de l’alliance AUKUS met à mal l’expansionnisme chinois. En effet, la maîtrise de cet espace est primordiale pour la stratégie chinoise du « collier de perles ». Ainsi, en créant une alliance dans cette région, les Etats-Unis s’assurent de pouvoir contrôler la région, et par la même occasion, l’expansion chinoise.

Les Anglais, quant à eux, ne peuvent s’empêcher de se réjouir de voir la France mise à mal après l’annonce de la rupture du contrat par l’Australie. En effet, Macron a été un des principaux bourreaux du Brexit. Cependant, le Royaume-Uni a besoin de la France, notamment d’un point de vue militaire, puisque ce sont les deux principales  (si ce n’est seules) puissances militaires de l’Europe. Que ce soit dans la lutte contre le terrorisme ou le contrôle de l’immigration, le Royaume-Uni a d’abord besoin de la France, que l’inverse.

 

 

Les conséquences sur la France

L’annonce de cette nouvelle alliance met à mal la France de nombreuses façons. Dans un premier temps, la France se retrouve exclue de l’Indopacifique, qui est un espace de plus en plus important au niveau de la mondialisation. Avec l’expansionnisme chinois et indien, la France ne peut pas se permettre de perdre sa place, déjà assez incertaine, dans la région. Cela explique la réaction assez brutale d’Emmanuel Macron, qui a rappelé les ambassadeurs français de Canberra et de Washington. Cela ne s’était jamais produit entre ces trois pays. De plus, ce n’est pas la première fois, depuis l’élection de Joe Biden, que la France souffre des décisions unilatérales prises par l’administration Biden. En effet, les Américains avaient déjà décidé, en 2020, de passer commande à la Suisse de F-35, au lieu des habituels Rafale français.

L’industrie française a donc été, de façon répétée, victime des décisions américaines. C’est aujourd’hui au tour de Naval Group de souffrir de la mise à mal de ce contrat. Rappelons que la production des 12 sous-marins nucléaires devait s’étaler sur 50 ans et était d’un montant de 34 milliards d’euros. Naval Group est entré en négociations avec l’Australie pour réclamer une indemnisation de près de 250 millions d’euros. En effet, la rupture du contrat entraîne une baisse du chiffre d’affaires du groupe français de près de 10 à 15% sur les années à venir. C’est sans compter les quelques 500 salariés qui se retrouvent sans travail dans l’immédiat. Naval Group craint aussi que cela joue sur la crédibilité du groupe et donc que l’entreprise perde des contrats à l’avenir à cause de cette affaire, largement médiatisée.

 

 

La géopolitique de l’Indopacifique remise en cause

En excluant la France de la région, c’est toute l’Europe qui se retrouve hors de l’Indopacifique. Cela envoie aussi, et surtout, le message que la France ne fait plus partie des puissances majeures du monde et qu’elle n’a plus l’influence nécessaire pour avoir un impact dans la région. Elle avait essayé de marquer cette influence en participant à des exercices militaires avec le Japon (à travers son partenariat avec l’Australie et l’Inde) en cas d’invasion par un pays ennemi. De plus, en vendant ses sous-marins à l’Australie, la France est devenue un fournisseur militaire majeur dans la région. En perdant ce contrat, la France renonce aussi à sa présence dans la région et à participer à l’endiguement de l’expansionnisme chinois.

La Chine, de son côté, voit aussi son ennemi de proximité, l’Australie, s’allier à son rival mondial : les Etats-Unis. En effet, cet espace est hautement stratégique pour la Chine, tant d’un point de vue économique que militaire. La Chine a notamment revendiqué différents archipels en mer de Chine pour augmenter sa ZEE et exploiter ses sous-sols. Cela est mis à mal par la présence américaine, qui peut enfin justifier d’être présente dans la région et donc freiner l’expansionnisme chinois. 

 

 

 

Par Elise CASADO

1 Commentaire

  1. Adrien Javoy

    Petite précision qui a son importance :

    La France ne perd pas son influence dans la région indopacifique suite a cette rupture de contrat. La Nouvelle-Calédonie, située juste a l’est de l’Australie, est un territoire d’outre-mer français. Le référendum pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie prévue dans un mois pourrait, lui, avoir de grave conséquences sur l’influence de la France dans cette région.

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.