Missions à bord de la Station Spatiale Internationale


Publié le 28 mai 2021

Missions à bord de la Station Spatiale Internationale : gabegie financière et voyage de luxe pour une poignée d’élites ou réel investissement financier et humain au service du bien commun et du progrès ?

 

Préparation d’une mission à bord de la Station Spatiale Internationale

Embarquer à bord de la Station Spatiale Internationale pour partir à la conquête de l’espace et mener à bien différentes missions n’est pas donné à tout le monde. En effet, la préparation à une mission spatiale est un travail de longue haleine, il s’agit d’une succession d’étapes constituant un véritable défi pour ceux qui ont décidé de partir à l’aventure et qui ont été sélectionnés pour contribuer à cette expérience unique. Chaque région du monde a son propre centre de formation, et son propre programme en fonction de la mission qui est confiée aux astronautes.

Les spationautes européens commencent leur formation à l’EAC (European Astronaut Centre) situé à Cologne en Allemagne. Ce centre a été créé en 1990 pour soutenir les programmes spatiaux européens et accompagner les candidats dans leur préparation pour la mission à laquelle ils ont été affectés. L’EAC est également responsable du suivi des équipes en mission, de l’assignation des vols et de la coordination avec les Etats partenaires de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Il assure aussi le suivi médical des spationautes tout au long de leur mission.

Généralement, les formations comprennent deux grandes parties, l’instruction scientifique et théorique puis la mise en pratique avec de nombreuses heures d’entraînement, de simulation et de mise en situation.

En ce qui concerne la partie théorique, une fois assignés à leur mission, les spationautes doivent suivre de longues heures de formation condensées durant lesquelles leur sont enseignés toute la technologie, les équipements et le matériel embarqués à bord de l’ISS ainsi que toutes les fonctionnalités qui s’y rapportent. Les astronautes doivent assimiler tous les savoirs fondamentaux relatifs aux vols spatiaux habités. Parmi les principales disciplines dispensées au cours de leur formation théorique, figurent l’informatique et la mécanique spatiale ainsi que la science des réseaux qui est une discipline orientée vers l’étude des relations, des liens et des interconnexions entre différents éléments, différentes matières qui n’ont pas le même aspect dans l’espace que sur Terre, notamment en raison de l’absence de pesanteur.

Les spationautes doivent maîtriser toute la technologie, le fonctionnement de chaque équipement, l’intégralité des procédures de pilotage et de conduite de la station, sur le bout des doigts. En cas de panne d’un équipement, ils doivent être en mesure d’identifier l’origine et la cause de cette dernière et de résoudre le dysfonctionnement le plus rapidement possible. La moindre erreur pourrait s’avérer être fatale car en plus de mettre fin à la mission, elle pourrait coûter la vie aux êtres humains présents à bord de la station. La formation des spationautes est dispensée par des instructeurs des différentes agences spatiales et des instructeurs d’entreprises sous-traitantes comme le Massachussetts Institute of Technology (MIT). Les instructeurs testent les aptitudes analytiques des astronautes ainsi que leurs aptitudes en termes de réactivité. De longues heures de formation sont dédiées à l’apprentissage du pilotage de la station, la manipulation des différents équipements présents à bord et à la simulation de différents cas de figure qui pourraient se présenter au cours d’une mission (sauvetage, intervention médicale, sortie extravéhiculaire, résolution de pannes, etc…).

Outre les capacités intellectuelles des spationautes, ce sont la capacité de résistance corporelle et les conditions physiques de ces derniers qui sont mises à rude épreuve. Tout au long de leur parcours de formation, les astronautes vont devoir réaliser différents exercices mettant en jeu leur capacité de résistance physique et corporelle. Parmi ces épreuves, figure l’essai au cœur de la centrifugeuse, une capsule localisée à l’extrémité d’un bras mécanique de 18 mètres de long. L’objectif de cette épreuve est de préparer le corps des spationautes à affronter des forces d’une intensité extrêmement élevée mais qui sont nécessaires pour la poussée lors du décollage de la station et aussi lors de d’autres phases de vol soumises à des niveaux de pression considérables. L’équilibre des spationautes est mis à l’épreuve lors de leur passage sur la chaise tournante où ils sont amenés à pivoter sur eux-mêmes. La plupart du temps, les astronautes ressentent une sensation de déséquilibre car leur oreille interne subit une perturbation à la suite des mouvements successifs et du changement de pression. Cette désorientation est bien connue des hommes de l’espace et le plus souvent, elle se traduit par des maux de tête et des nausées. On parle alors dans ce cas de figure, de mal de l’espace. Les astronautes sont soumis à de nombreuses autres épreuves comme des vols paraboliques en apesanteur. Avant leur départ, passage obligé, les spationautes ont l’obligation d’essayer leur combinaison et de passer une série de tests en laboratoire, plus précisément dans une chambre barométrique, au sein de laquelle sont simulées des variations de pression pour déceler la moindre anomalie ou fuite. Cette batterie de tests permet de vérifier la performance de la tenue spéciale que l’astronaute sera amené à porter lorsqu’il sortira de la navette spatiale pour s’immerger dans l’espace. Cette tenue est conçue pour lui permettre de supporter la pression et la température hors navette.  A l’intérieur de la combinaison, une pression égale à 29,6 KPa est recommandée pour que le spationaute puisse mener à bien ses opérations hors de la navette spatiale.

 

Maintenant que nous avons expliqué en détail comment se déroule la préparation des spationautes avant le début d’une mission à bord de l’ISS, nous allons nous intéresser de plus près à l’intérêt, et aux réels avantages qu’offrent les expériences spatiales à bord de l’ISS.

 

Conquêtes spatiales à bord de l’ISS : gouffre financier ou réel bénéfice pour la planète et l’humanité ?

La station spatiale internationale est souvent l’objet de vives critiques, principalement en raison de son coût qui représente une somme totale de 150 milliards de dollars. Il est vrai que cela peut paraître assez conséquent à première vue mais, lorsque nous regardons les choses de plus près et que nous nous rendons compte de tout ce que ces expériences nous apportent en termes de savoirs au service de la science, du progrès, de l’humanité et de la planète, nous réalisons alors que ce coût monétaire est bien moindre par rapport à la valeur ajoutée dont nous bénéficions de ces expériences.  En effet, l’ISS constitue un laboratoire plein d’atouts pour les scientifiques et les chercheurs, notamment en raison de l’absence de pesanteur qui permet de faire des découvertes et de mener des expériences qui seraient impossibles ou très difficiles sur Terre. La pesanteur présente sur Terre masque certains phénomènes physiques observables et exploitables depuis l’espace. A titre d’exemple, les recherches menées dans l’espace à bord de l’ISS ont permis des découvertes et des avancées considérables dans le domaine de la chirurgie optique. Jean François Clervoy, astronaute et membre de l’Agence Spatiale Européenne a déclaré que « toute la technologie qui permet d’opérer les problèmes de vue a été mise au point dans l’espace ». Il en est de même pour d’autres domaines comme celui des transports. Des travaux menés dans l’espace à bord de l’ISS ont permis de mettre au point des technologies et des dispositifs rendant les moyens de transport comme l’avion ou le train plus sûrs.

 

A bord de l’ISS, les expériences menées par les scientifiques et les chercheurs constituent de réelles avancées dans un large panel de domaines parmi lesquels nous pouvons citer :

 

 

  • La médecine, la santé 

Au cours de la mission Alpha à laquelle Thomas Pesquet participe en ce moment même, plusieurs expériences d’ordre médical vont être conduites.  Dreams est une expérimentation au cours de laquelle le sommeil des astronautes à bord de l’ISS va être examiné avec précision. En présence d’une pesanteur très faible voire quasi inexistante, l’ensemble des paramètres et du cycle physiologique humain s’en trouvent perturbés. Lors d’un voyage dans l’espace en orbite autour de la Terre, il n’y a plus de cycle naturel jour/nuit et le corps humain doit s’habituer à une nouvelle atmosphère, un nouvel environnement, à de nouvelles conditions de vie qui lui sont totalement étrangères. En moyenne, les astronautes et toutes les personnes présentes à bord de l’ISS voient le soleil se lever et se coucher 16 fois en 24 heures. La micropesanteur et l’absence de cycle jour/nuit causent d’importants troubles du sommeil. Dans le cadre d’une préparation à des voyages plus longs en vue d’aller sur Mars, il est primordial d’analyser le sommeil des personnes présentes à bord de la station spatiale, d’étudier de près ses caractéristiques, les causes de sa perturbation, de son dérèglement et de trouver et mettre en place des solutions visant à limiter les impacts sur ce dernier. La mission est effectuée à partir d’un démonstrateur technologique qui devrait permettre de développer un outil d’études du sommeil appelé aussi « bandeau du sommeil » pour être exploité durant les vols spatiaux habités de longue durée.

Lors de la mission à bord de l’ISS qui est en cours, des études vont être conduites sur le vieillissement du cerveau à l’échelle moléculaire. L’expérience se nomme « Cerebral Ageing » et elle vise à comprendre les mécanismes du vieillissement des cellules cérébrales. L’ISS est un environnement parfaitement adéquat pour pouvoir observer le vieillissement cellulaire et l’impact des radiations sur la physiologie humaine. L’analyse moléculaire ne pouvant s’effectuer sur des organismes vivants, c’est l’utilisation d’organoïdes cérébraux qui rend l’expérimentation possible. Il s’agit de structures 3D complexes constituées de cellules neuronales ainsi que d’autres types de cellules présentes dans un cerveau en développement. Le principal objectif est de démontrer que ces structures cellulaires fabriquées sur Terre peuvent être envoyées dans l’espace puis ramenées sur Terre pour être analysées. Ces expériences présentent une double utilité. D’une part, elles constituent un excellent moyen pour identifier et comprendre les causes du vieillissement cellulaire et par la même occasion à mieux maîtriser les mécanismes de certaines maladies génétiques, notamment celles provoquant un vieillissement prématuré chez les enfants qui en sont atteints (pathologies progéroïdes). D’autre part, ces études sont nécessaires pour évaluer l’impact de la micropesanteur, d’une exposition prolongée aux radiations ionisantes et du confinement dans une capsule fermée sur les conditions physiques et la santé des personnes en mission dans l’espace. Une excellente condition physique et une santé de fer sont de mise pour pouvoir participer à des vols spatiaux habités de longue durée, comme pour aller sur Mars par exemple.

 

Des études sur la psychologie des astronautes ont été effectuées lors de missions précédentes bien que celles-ci ne figuraient pas parmi les expériences prioritaires à mener. Un ancien astronaute a affirmé que ces études constituaient une opportunité unique pour les psychologues. Quel est l’impact d’un si long voyage confiné sur le mental et la psychologie des astronautes ? Des résultats qui ne seront peut-être pas évidents à mettre en relief mais qui ne seront pas pour autant inutiles. En effet, une bonne santé mentale des astronautes participe à la réussite des missions.

 

  • L’environnement et la préservation de la planète

Dans le cadre de la mission Alpha menée par Thomas Pesquet lors du voyage spatial qui a lieu en ce moment même, des expériences nommées respectivement « Renewable Foam » et « Edible Foam » vont être menées. Leur objectif premier est de tester des matériaux réutilisables et réduire ainsi la quantité de déchets à bord de la station spatiale. L’entreprise bretonne ComposiTIC est à l’origine de l’initiative. En effet, celle-ci a mis au point un emballage entièrement constitué de mousse biodégradable, capable de résister aux chocs et au décollage d’une fusée. Cet emballage servira à stocker et à conserver de la nourriture. Il a été conçu de manière à ne pas endommager le matériel présent à bord de l’ISS. Jusqu’à maintenant, les emballages pour la nourriture étaient assemblés à bord de l’ISS et ils étaient fabriqués avec de la mousse dont les composant étaient des dérivés du pétrole. Ces mousses grises étaient encombrantes et inutiles une fois utilisées.

L’espace offre la possibilité aux spationautes et autres personnes présentes à bord de l’ISS d’observer les phénomènes climatiques et météorologiques qui se manifestent sur Terre. Les informations enregistrées depuis l’ISS dans l’espace, nous renseignent sur l’état des glaces de nos pôles et la montée du niveau des mers et des océans. C’est depuis l’espace que nous sommes capables de mesurer l’évolution des températures globales et de déterminer ainsi de meilleures méthodes de gestion des cultures agroalimentaires ou encore de mieux lutter contre le phénomène de déforestation. Grâce à toutes ces observations, nous sommes en mesure de mieux comprendre les phénomènes de changements climatiques et ainsi de mieux nous y adapter.

A la suite de son premier voyage dans l’espace, Thomas Pesquet avait pris conscience de l’ampleur du changement climatique. Il avait déclaré ceci : « Cette expérience en orbite met en avant des phénomènes globaux qui nous dépassent, comme le changement climatique, à une échelle qu’on peut mieux comprendre », « On voit la pollution des rivières, on voit la fonte des glaciers, on voit les coupes dans les forêts mais aussi la pollution de l’air au-dessus des grandes villes qu’on ne peut même pas photographier »

A la Suite de sa prise de conscience, l’ONU et son agence sur l’alimentation (FAO) ont choisi Thomas Pesquet comme ambassadeur pour « défendre l’action contre le changement climatique et la transformation des systèmes agroalimentaires« . « Nous avons besoin de l’aide de chacun. Nous avons besoin de la science. Et nous devons agir, surtout (…) Thomas Pesquet nous apporte une perspective unique, un point de vue depuis l’espace » a déclaré Monsieur Dongyu, patron de la FAO.

 

Nous venons de citer deux domaines majeurs pour lesquels les missions spatiales à bord de l’ISS ont permis des avancées majeures mais ce sont loin d’être les seules.

 

L’ISS nous offre de nombreux avantages autres que les expériences et les recherches scientifiques.

La station spatiale est porteuse de nouveaux emplois. En effet, plutôt que de payer en cash sa contribution aux programmes spatiaux, l’Europe privilégie l’échange de services. Elle embauche par exemple des personnes en charge de fournir toutes les ressources nécessaires au bon déroulement du vol et des missions à bord de l’ISS. Ces personnes assurent l’approvisionnement en nourriture, en eau, en électricité, en carburant et ce, pour l’ensemble des ressources dont les spationautes auront besoin pour mener à bien leur mission. Les programmes spatiaux européens et les missions à bord de l’ISS permettent à près de 10.000 personnes de travailler. L’Europe contribue bien plus en assurant des services tels que ceux cités précédemment que si elle se contentait de payer uniquement la valeur de sa contribution en cash.

 

En matière de coopération internationale, l’ISS est un véritable atout. Des spationautes venus de toutes les régions du monde collaborent et travaillent ensemble sur des missions de plusieurs mois. Les pays participant aux missions travaillent et avancent ensemble sur les projets et les financent ensemble. Ainsi, chaque nation participant aux missions spatiales à bord de l’ISS contribue à l’assemblage de la station spatiale et aux coûts de copropriété. Selon les dires de Jean-François Clervoy, « pour faire simple, tout le monde paie pour pouvoir envoyer une partie de ses astronautes, pour une durée déterminée, dans l’ISS ».

 

Pour conclure, l’ISS est porteuse de nombreuses vertus, elle offre des avantages considérables sur le plan scientifique, humain, environnemental et géopolitique. Pour revenir à ce que certains lui reprochent, à savoir son coût, la somme totale déversée ramenée par habitant est minime. Un programme spatial à bord de l’ISS coûte un euro par an et par habitant. Comme le dit très bien Jean-François Clervoy, « la recherche n’a pour but de gagner de l’argent mais du savoir ».

 

 

 

Par Nolwenn DALLAY

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