Quand la Chine s’éteindra…


Publié le 7 mai 2021

« Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Tel est le titre de l’ouvrage de l’écrivain français Alain Peyrefitte paru en 1973. Alors qu’à l’époque, la Chine n’était encore qu’un pays relativement arriéré notamment à cause de la politique communiste menée par le gouvernement central, le pays connaît une rapide croissance économique au cours des années 1980. Et pour cause, l’ouverture aux capitaux étrangers et l’adoption du capitalisme menées par Deng Xiaoping permet à la Chine de connaître une croissance économique forte et ainsi prendre une place prépondérante sur la scène internationale. Le XXIème s’ouvre alors avec une Chine en essor et qui peut compter sur son abondante main-d’œuvre pour travailler dans les usines qui s’implantent dans les zones franches. Fin avril 2021, le Financial Times évoquait le premier déclin démographique en Chine depuis les désastreuses politiques du Grand Bond en Avant menées dans les années 1950 par Mao Zedong. Le glas aurait-il sonné pour l’influence de la Chine en tant que puissance sur la scène internationale ?

 

Le bonus démographique : clé de voûte de la croissance chinoise

La croissance économique de la Chine s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs : l’ouverture aux capitaux étrangers, la création des zones franches, l’investissement dans les nouvelles technologies et un soutien aux géants nationaux tels que les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). En réalité, la croissance économique en Chine s’explique essentiellement par son bonus démographique. En effet, la Chine a pu compter sur sa population s’élevant à 1,4 milliard d’habitants dont une part importante était en âge de travailler et épargner (15 – 64 ans). C’est cette réserve de main-d’œuvre qui a permis de faire fonctionner les usines qui fleurissaient sur tout le littoral chinois. Rappelons qu’au début des années 1980, la main-d’œuvre chinoise était bon marché ; les usines y trouvaient donc leur compte. Néanmoins, l’automatisation des tâches, la montée en compétences des ouvriers chinois et surtout l’augmentation des salaires font perdre à la Chine le titre « d’atelier du monde », les entreprises préférant investir dans d’autres pays asiatiques où la main-d’œuvre est moins chère. Qu’importe, la Chine poursuit sa dynamique de croissance avec des taux de croissance bien supérieurs au taux de croissance en Europe. Cependant, l’Empire du milieu avait déjà amorcer une bombe à retardement…

 

La politique de l’enfant unique : une bombe à retardement

Dès 1979, le gouvernement chinois craint la surpopulation et impose des mesures draconiennes pour éviter le scénario malthusien. C’est alors qu’est instaurée la politique de l’enfant unique. Les couples sont interdits d’avoir plus d’un enfant sous peine d’amendes. Les femmes sont encouragées à se stériliser. Cette politique a bel et bien freiné la croissance démographique : selon les estimations, cette mesure a permis d’éviter 300 millions de naissances. Néanmoins, cette mesure a entrainé des effets pervers. Tout d’abord, la pyramide des âges se retrouve déséquilibrée : la population n’est pas renouvelée puisque le taux de fécondité diminue et se retrouve sous le seuil minimal de renouvellement de 2,1 enfants par femme. A cela s’ajoute le fait que les couples chinois préfèrent culturellement avoir des garçons plutôt que des filles. Dans la plupart des cas, les femmes enceintes de filles avaient recours à l’avortement dans l’espoir d’avoir un garçon à la prochaine grossesse. Cela a entrainé un deuxième déséquilibre : il y a largement plus d’hommes que de femmes en Chine. Ainsi, selon des estimations, en 2030, 1 trentenaire chinois sur 4 ne sera pas marié. La politique de l’enfant unique n’est abandonnée qu’en 2015. Il est déjà trop tard. Les perspectives ne sont guère reluisantes pour la Chine : en 2050, 25% de la population chinoise sera composée de personnes âgées en 2050 ; la population chinoise comptera plus de retraités que la Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et le Japon réunis. Selon les estimations de l’ONU, la population chinoise devrait baisser de 2,2% à l’horizon 2050 tandis que la pulpation des Etats-Unis devrait augmenter de 15%. Cette dernière statistique contrarie les prévisions émises par certains spécialistes prévoyant que la Chine détrônerait les Etats-Unis comme première puissance économique. Avec une population vieillissante, la Chine ne pourra plus tenir tête aux Etats-Unis. Même si le pays de l’Oncle Sam connaît un déclin démographique, ce dernier est compensé par l’immigration et surtout l’immigration d’une main d’œuvre qualifiée. La Chine ne pourra pas compter sur l’immigration pour compenser son déclin démographique déjà bien entamé. D’une part, la langue constitue une barrière pour les éventuels immigrants. Le mandarin ne jouit pas de la même popularité que l’anglais. D’autre part, l’autoritarisme même du gouvernement chinois repousse une éventuelle immigration. Qui voudrait vivre dans un pays où les réseaux sociaux sont surveillés et les libertés individuelles, restreintes ?

 

L’autoritarisme du gouvernement chinois empêche une évaluation plus fine et précise de la situation démographique du pays. Voulant à tout prix s’afficher comme une nation forte aux yeux de la communauté internationale, les autorités chinoises n’hésitent pas à falsifier les chiffres officiels. Ainsi, les résultats du dernier recensement mené fin 2020 n’ont toujours pas été publiés puisque les autorités prétextent une révision des résultats. La presse d’Etat annonce tout de même un déclin de la population dès 2027. Néanmoins, nous pouvons raisonnablement penser que la situation est encore plus grave. Toujours est-il que le déclin démographique de la Chine est inexorable : il s’étale lentement sur de nombreuses années voire décennies. Et c’est bien là le problème car quand bien même le pouvoir central imposerait une politique nataliste volontariste, cela ne parviendrait pas à remédier au déclin démographique déjà entamé. La vision à court terme du gouvernement chinois dans les années 1980 a ignoré les conséquences néfastes sur le long terme. Sans doute influencées par des prédictions malthusiennes, les autorités chinoises ont fait fi de ce principe énoncé par Jean Bodin, économiste français du XVIème siècle : « Il n’est de richesse que d’hommes. » En limitant les naissances, la Chine s’est privée de son meilleur atout.

 

Par JP Castorix

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