La charge mentale : comment aller vers une amélioration ?


Publié le 4 avril 2021

La charge mentale est un sujet très abordé depuis quelques années. En effet, de nombreuses études ont montré que les femmes étaient beaucoup plus investies que les hommes dans leur vie domestique en plus de leur vie professionnelle et que cela constituait une entrave au quotidien. Dans les couples hétérosexuels, ce sont majoritairement elles qui font tourner la maison et donc en rentrant du travail, elles doivent penser à faire les courses, chercher les enfants à l’école ou encore s’occuper des rendez-vous médicaux car les hommes ne s’en préoccupent pas, ou du moins beaucoup moins. Les femmes supportent une charge mentale au quotidien : penser à toutes ces tâches à réaliser ça fatigue. En partant de ce constat, nous pourrions déjà voir si, depuis que ce sujet a commencé à faire parler, il y a eu des améliorations.

 

Malheureusement, les nouvelles ne sont guère réjouissantes. En effet, cette inégalité n’a que très peu diminué au cours des 25 dernières années. Selon l’INSEE, en 2010, les femmes prenaient en charge 64% des tâches domestiques et 71% des tâches parentales au sein des foyer. En 1985, ces taux s’élevaient respectivement à 69% et 80%. En fait, dans de nombreux couples, le problème ne serait pas tant la réalisation des tâches domestiques que le fait que le conjoint, qui peut être de très bonne volonté par ailleurs, attend de sa partenaire qu’elle lui indique les différents travaux de la maison à effectuer. La rengaine qui revient effectivement souvent de la part des hommes est : « Il fallait me demander, je t’aurais aidée. » Très bien. Mais on comprend bien vite le problème de cette remarque. Il faudrait que les hommes se sentent responsables de leur foyer. Bien sûr, cela peut également passer par un changement dans la manière de faire des femmes, afin qu’elles laissent plus de marge de manœuvre aux hommes pour qu’ils apprennent par eux-mêmes. Cela suppose néanmoins une envie de leur part de s’impliquer davantage.

 

Par ailleurs, on pourrait s’interroger sur les causes de cette inégale répartition des tâches domestiques. En effet, cela peut poser question : alors que les femmes sont massivement sur le marché du travail, pourquoi est-il encore considéré comme « normal » que ce soit elles qui supervisent le foyer ? Bien sûr, cela n’a rien d’inné. Cela peut être dû à une éducation différenciée dès l’enfance, où l’on va mettre très tôt des poupées et des petits aspirateurs dans les mains des filles et où l’on va considérer qu’il est honteux pour les garçons d’aimer ces jouets. De plus, on va voir nos mères prendre en charge toute la gestion de la maison, pendant que nos pères ne font que participer à son exécution. Evidemment, cela ne se passe pas ainsi dans toutes les familles, mais cela reste quand même le cas pour une part importante. Par ailleurs, un problème se pose aux jeunes mères. Onze jours après l’accouchement, leur partenaire retourne au travail tandis qu’elles restent à s’occuper de leur enfant jusqu’à qu’elles-mêmes reprennent leur activité. C’est pourtant durant cette période que les mères intègrent mentalement tout le nécessaire pour gérer un enfant (choix d’une nounou, l’achat de vêtements, les rendez-vous médicaux, la préparation des repas, etc.). Quand elles reprennent le travail, le rythme est si intense qu’il sera moins épuisant pour elles de continuer à faire toutes ces choses, que de batailler avec leur partenaire pour qu’il en prenne sa part. Les pères ont alors raté le coche : ils n’ont pas acquis les habitudes à avoir pour s’occuper de leur propre enfant !

 

Selon l’économiste Hélène Périvier, la situation à laquelle on assiste aujourd’hui, où les femmes sont en charge des dépendants (soit les enfants, les personnes âgées et les personnes malades) et où les hommes sont dans la sphère publique, prend ses origines dans le XIXème siècle. Lors de la Révolution Industrielle, il fallait aller travailler en usine mais comment s’occupe-t-on alors des enfants ? Une injonction a été créée pour les femmes de prendre en charge les enfants tandis que les hommes s’occupaient du gagne-pain. Le concept d’instinct maternel émerge alors, qui a depuis été complètement démenti, notamment par la philosophe Elisabeth Badinter. Depuis, les femmes sont restées cantonnées dans ce rôle, par manque d’éducation d’abord et ensuite à cause des normes éducatives genrées. Aujourd’hui, il existe de moins en moins de couples mono-actifs car les femmes sont éduquées et veulent s’émanciper. Ce modèle est en perte de vitesse depuis plusieurs décennies mais persiste néanmoins.

 

Comment les politiques publiques pourraient encourager les hommes à prendre plus en charge le travail domestique et la responsabilité de leurs enfants ? Tout d’abord, on peut différencier deux types de politiques publiques : développer des structures d’accueil des enfants et la mise en place de congés parentaux. Concernant le premier, il est certes très utile mais il ne va pas changer la division des rôles dans la famille. Le second à l’inverse peut être réellement transformatif. En France, le congé maternité est présent depuis longtemps, mais le congé paternité a été créé il y a peu, en 2002. Tandis que le congé maternité est obligatoire – afin d’éviter des pressions de la part des employeurs pour que les femmes ne le prennent pas – le congé paternité est optionnel. Néanmoins, 7 pères sur 10 le prennent, ce qui démontre une volonté des pères de passer du temps avec leurs enfants. Cependant, le congé paternité est pris de façon synchrone avec le congé maternité, ce qui n’est pas idéal, car si l’on veut que les pères s’investissent plus, il faut qu’ils passent du temps seuls avec les enfants et qu’ils soient en charge des tâches domestiques durant cette période. Dans d’autres pays, notamment les pays nordiques, le système est plus poussé :  il existe un congé paternité obligatoire rémunéré et de longue durée. Ainsi, la Suède, qui est un des pays les plus égalitaires entre les hommes et les femmes, a un quota de congé réservé au père distinct de celui de la mère. Dans l’ensemble, ce sont les pays qui proposent des congés parentaux à répartir entre les parents qui font partie des plus égalitaires quant à la répartition des tâches. Le congé paternité semble donc avoir beaucoup d’impact sur la réduction des inégalités de genre.

 

Le congé paternité est une avancée qui permet de se rendre compte que les pères aussi aimeraient passer plus de temps avec leurs enfants, et si ce moyen pouvait se normaliser au cours du temps, il pourrait participer à remettre en cause la répartition genrée des tâches au sein des couples.

 

En conclusion, la charge mentale est un problème épineux qu’il ne sera pas simple de résoudre mais les différents mouvements féministes qui émergent sont un bon moyen de faire évoluer positivement la situation.

 

 

 

 

 

 

Sources:

 

Podcast : Les couilles sur la table: Congé paternité, le miracle?

 

Article de l’express : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-charge-mentale-le-syndrome-des-femmes-epuisees-d-avoir-a-penser-a-tout_1906874.html

 

Bande-dessinée : Un autre regard d’Emma

 

 

Elise RABOT pour PRISM

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