Est-il réellement utile de confiner les populations ?


Publié le 4 avril 2021

Lorsque cette nouvelle année a commencé, et on parle ici de 2020, il est impossible de ne pas penser aux périodes inédites de mars et novembre. Les deux confinements que nous avons vécus l’année dernière nous ont montré que les limites du possible sont bien plus éloignées que l’on ne le pensait. Qui aurait imaginé en 2019 que nous devrions remplir une attestation pour sortir dans la rue, que l’on nous imposerait un couvre-feu, que nous serions en guerre ? Mais le plus étonnant, et ce dont je veux parler aujourd’hui, est l’efficacité des confinements que nous avons adoptés. Quoi que l’on nous dise à la télévision ou dans les journaux, leur efficacité n’est pas aussi claire que l’on ne le croit. Quelles sont les vraies raisons pour lesquelles certains pays ont décidé d’adopter cette stratégie ?

En effet, la pratique du confinement semblerait être fiable. Mais, finalement, cela n’a-t-il pas failli deux fois de suite ? On a bien vu comment la quantité de cas par jour diminuait après le confinement. Mais qui dit que l’on n’aurait pas atteint des résultats similaires sans payer le prix exorbitant des confinements ? Le coupable est un article devenu viral, publié fin mars par Flaxman et al de l’Imperial College de Londres, intitulé Estimating the effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in Europe. Absolument tous les journaux que j’ai pu trouver, qui défendent l’instauration de cette mesure, citent cet article comme la preuve que le confinement d’avril, à lui seul, aurait sauvé énormément de vies. L’étude défend que, début mai, le confinement aurait sauvé environ 700 000 vies en France et 3.1 millions de vies en Europe. De plus, les chercheurs assurent que, seul, le confinement est responsable, toutes les autres mesures – la distanciation sociale, les fermetures des locaux, la fermeture des écoles – n’ont visiblement aucune importance. La table 1 (Extended Data Table 1) montre leurs estimations des vies sauvées grâce au confinement du printemps ; je l’ai extraite directement de leur article.

 

 

Cette étude a commis plusieurs graves erreurs, dont on parlera peut-être ultérieurement, mais pour l’instant, je vous invite à regarder cette table plus attentivement. Tout en bas vous avez l’effrayante conclusion que la quantité totale de vies sauvées en Europe, grâce au premier confinement, tourne autour de 3.1 millions. Mais repérez-vous quelque chose qui ne va pas dans la table ? Je vous rappelle que c’est cette étude que tout le monde cite – des journalistes et même des scientifiques – pour défendre le confinement. Vous avez trouvé ? … Qu’est-ce que la Suède fait là-dedans ? Comment peut-on calculer que le confinement suédois a sauvé 26 000 vies s’il n’y a pas eu de confinement en Suède ? De plus, les « confinements » des Allemands, Suisses, Norvégiens et Danois sont beaucoup plus proches des mesures prises par la Suède que du confinement français ! Le confinement danois, par exemple, consistait à interdire les rassemblements de plus de 10 personnes.

Celle-ci n’est pas la seule faute de cette étude, mais c’est certainement la plus grave. Il est stupide de supposer que le taux de contamination – et donc le taux de mortalité – serait resté le même malgré toutes les autres mesures ; la Suède en est la preuve.

Ce n’est peut-être pas la première fois que vous entendez l’argument de la Suède. Et vous savez peut-être que, en effet, la Suède a un taux de mortalité plus élevé que ses voisins. Mais la question est plus subtile que ça. Si on nous affirme avoir sauvé 3.1 millions de vies en Europe dont 720 000 en France grâce à un seul confinement, la question ne se pose même pas : il faut instaurer autant de confinements que l’on puisse payer. Mais, malgré les versions officielles, ces chiffres sont faux. Dans un modèle similaire à celui de ces chercheurs, développé par Philippe Lemoine (le code et ses calculs sont disponibles dans son site web [2]), il fait ce que les chercheurs auraient dû faire depuis le début. Il n’assume pas que le taux de contamination serait resté le même durant toute la période de l’épidémie. Il prend plutôt le comportement de l’épidémie en Suède (un vrai scénario sans confinement) et, en rajoutant quelques variables, le superpose sur les autres pays d’Europe. Il calcule ainsi un chiffre plus crédible des morts en Europe si tout le monde avait fait la même chose que la Suède. Sa conclusion est que la quantité de vies sauvées par le premier confinement est d’environ 50 000 en France et 200 000 en Europe.

Est-ce qu’une crise économique, psychologique et le sacrifice des loisirs d’une bonne partie de la jeunesse sont un prix trop cher pour sauver 200 000 vies en Europe ? Peut-être pensez-vous que le prix à payer est élevé, mais ce n’est plus aussi évident lorsque l’on nous dit que le confinement de mars, à lui seul, aurait sauvé plus de 3 millions de vies en Europe. Et si c’était aussi évident que ça, pourquoi nous ment-on en nous disant que le nombre de vies sauvées est de 3.1 millions ? Pourquoi a-t-on vraiment choisi de refaire un confinement en novembre ? N’aurait-il pas été plus utile de ne pas sacrifier nos commerçants et de chercher d’autres manières de contrôler l’épidémie ? Pourquoi n’a-t-on pas cherché d’autres mesures moins restrictives comme l’a fait, par exemple, l’Allemagne ?

La réponse, comme souvent en politique, n’est pas si simple et je n’espère pas tout détricoter ici. Le confinement n’est peut-être pas la façon la plus rentable de sauver des vies en France, mais il faut considérer tout ce qui entoure les décisions de notre gouvernement : c’est en partie grâce à la crise qui arrive que l’Europe a signé un prêt de 750 milliards d’euros [3] ; c’est grâce aux mesures prises que nos dirigeants sont plus aimés que les dirigeants de la Suède… sans compter que la présidentielle de 2022 approche à grands pas. Nous ne savons pas à quel point les autres restrictions ont été utiles. Mais on ne s’intéresse pas à leur efficacité, non. On sait que mettre en place un confinement a déjà marché pour faire baisser le nombre de cas par jour. Naturellement, cela fait monter la popularité de notre gouvernement. Nous avons donc reproduit la même chose en novembre. Pourquoi ferait-on les recherches supplémentaires pour éviter le confinement si cela a tellement d’avantages d’un point de vue politique ?

En vérité, je n’ai pas d’évidence pour assurer que les confinements n’ont pas été de bonnes mesures. Peut-être qu’ils l’ont été. Mais la question se pose : est-ce que le coût des confinements justifie les sacrifices que nous avons subis ? Pourquoi nous cite-on un article qui est si clairement faux ? Du moins, la décision de faire un deuxième confinement est maintenant un peu plus claire. Même si ce n’était peut-être pas le choix le plus sage pour le peuple, c’est un pari gagné pour notre gouvernement depuis le début. Une chose est claire, ce n’est pas que pour sauver des vies que nous sommes restés confinés pendant un quart de l’année 2020. Si sauver des vies de la manière la plus rentable avait vraiment été la seule motivation, on aurait bien pu faire autrement.

 

P.S. Cet article n’est censé inspirer personne à désobéir aux indications de notre gouvernement. Si une chose est claire, c’est que les pays les plus touchés par la Covid-19 ont un point en commun : ce sont des pays où les indications n’étaient pas claires, où il n’y avait pas un plan de lutte contre l’épidémie depuis le début, et où la population n’a pas suivi les recommandations officielles. Prenez soin de vous et suivez les recommandations du gouvernement.

 

[1] Flaxman et al (2020). Estimating the effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in Europe. Disponible sur : https://www.nature.com/articles/s41586-020-2405-7

[2] Lemoine, Philippe (04/12/2020). Lockdowns, Science and Voodoo Magic. Disponible sur : https://necpluribusimpar.net/lockdowns-science-and-voodoo-magic/

[3] Journal Le Figaro (21/07/2020). Les Vingt-Sept s’accordent sur un plan de relance à 750 milliards d’euros. Disponible sur : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/plan-de-relance-europeen-les-vingt-sept-parviennent-a-un-accord-historique-20200721

 

 

Par Alejandro AVILA-ORTIZ

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