2020 est mort, vive 2021 !


Publié le 4 avril 2021

Une tragi-comédie en cinq actes sur ce qui nous attend

 

Préface

Bien que ce titre emprunte à une tradition royale salique depuis bien longtemps dépassée, force est de reconnaître qu’il n’en reste pas moins éminemment loquace. En effet, à cette heure, que retenir d’une année dessinée à l’encre rouge par une pandémie mondiale qui aura ravagé en l’espace de 365 jours chrono toutes nos conceptions sociétales, mercantilistes et solidaires sinon 365 jours de douleur ? Que retenir de cette année sinon rien d’autre qu’une dystopie cruelle que nous n’aurions même pas imaginé vivre dans nos cauchemars les plus fous ? 2020 est mort, fait incontestable. Mais la Covid-19, elle, est restée parmi nous comme ce bout de sparadrap usagé qui ne nous lâche pas. Vive 2021 ! Vive ce temps attendu de renouveau qui saura, on l’espère, assouvir les désirs de chacun et nous faire oublier une année marquée par la spoliation, les peines et les regrets. Cette année 2021 remplie de promesses l’est aussi d’un point de vue purement politique. Car, comme chaque nouvelle année, les acteurs du monde politique ont fait leur vœux, les maquillant comme toujours d’une touche éternelle de grand cœur, de fausse note ou de langue de bois. Qu’en sera-t-il vraiment ? Nul ne le sait bien que tous s’y essayent. Pour l’heure, à défaut de pleurs et de désespoir, c’est plutôt à l’optimisme que nous espérons vous entraîner à travers un article tragi-comique en cinq actes sur l’actualité politique internationale qui se profile à l’horizon.

 

L’exposition
Acte 1 : Joe Biden, entrée d’un vétéran de la politique sur la scène internationale

Ça y est ! C’est la dernière ligne droite pour Joe Biden avant l’investiture officielle. Peu importe les accusations répétées de Donald Trump sur la légalité des votes, le démocrate de 78 ans sera bel et bien assis dans le bureau ovale de la Maison-Blanche le 20 janvier prochain en qualité de 46ème président de la nation la plus puissante du monde. A ses côtés, la californienne Kamala Harris, de 22 ans sa benjamine, deviendra la première femme noire vice-présidente des Etats-Unis d’Amérique, premier pas depuis la retraite de Barack Obama vers une reconnaissance de la communauté afro-américaine. Ensemble, ils s’embarqueront pour un voyage de quatre ans qui semble déjà parsemé d’obstacles. Le premier ? Donald Trump toujours. Le millionnaire américain n’a pas encore dit adieu à la résidence présidentielle et le début de mandat démocrate pour le couple Biden-Harris semble prendre de plus en plus la forme d’un piège scabreux tendu par l’ancien animateur de The Apprentice. Légalement d’abord car ce premier n’a pas digéré la victoire électorale de son opposant par 306 voix de grands électeurs contre 232. Il a ainsi bloqué systématiquement chacun des votes cruciaux qui ont suivi pour la nouvelle administration que ce soit à propos du budget de la Défense ($700 milliards) ou de celui de la relance économique ($900 milliards) à tel point que son propre camp, excédé par une vendetta personnelle, s’est rallié à l’adversité démocrate. Pire, « sa garde rapprochée » s’est donnée pour mission de conduire une « rébellion » contre la décision des urnes et « The Donald » cède un dossier nucléaire iranien très instable à son successeur désigné. Le deuxième ? Le camp républicain. Certes, Joe Biden a remporté le 14 décembre dernier la course à la présidentielle américaine mais le pouvoir présidentiel demeure bien inférieur à son égal français. Sans le soutien du Congrès, le candidat victorieux aura du mal à tenir les engagements de son programme. C’est donc en Géorgie que la présidence Biden va se jouer, là où sont suspendues les deux dernières places de la chambre haute. Sans ces places, qui donneront la majorité sénatoriale, il aura, malgré lui, pieds et poings liés, poursuivant une politique sensiblement proche de celle de son prédécesseur, notamment dans son rapport à l’émergence chinoise. La tension est d’ailleurs telle que les dépenses de campagne ont atteint un niveau jamais vu auparavant ($½ milliards selon Adage et Kantar) illustrant un vote extrêmement serré où les deux présidents se sont lancés à corps perdus dans la bataille. En l’absence de problèmes électoraux, la présidence Biden prendra trois directions privilégiées : la santé en réformant l’assurance-maladie, le commerce en améliorant les relations commerciales et l’industrie verte en soutenant la production américaine dans le respect des normes environnementales.

 

Le nœud dramatique
Acte 2 : Divorce consommé entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne

Un demi-siècle d’aventure commune et le Royaume-Uni vient enfin de dire adieu à l’Union Européenne. « Je t’aime moi non plus », voilà une expression qui aura tout du long paru convenir pour qualifier le rapport mutuel entretenu par les deux entités depuis 2016, rapport porté à son paroxysme lors de la veillée de Noël, date à laquelle la Grande-Bretagne s’est félicitée d’avoir signé un « accord de commerce et de coopération » avec Bruxelles. Boris Johnson, l’actuel premier ministre britannique, véritable « M. Brexit », a entériné pour de bon un long chemin de collaboration avec l’Europe économique et solidaire depuis 1973. Pour Londres, le pragmatisme économique s’en est allé et la City a assumé le choix du retour à l’insularité et peut-être à l’isolationnisme. Pendant ce temps, l’UE est, elle, consciente d’avoir perdu son deuxième membre économique le plus important derrière l’Allemagne et son deuxième membre militaire le plus significatif derrière la France. Difficile de contester cette ambiguïté pour les deux institutions qui n’ont jamais vu les choses de la même manière. Mais l’UE n’est pas la seule à y perdre dans cette séparation. L’ex-journaliste du 10 Downing Street, se trouve désormais dans une position ô combien délicate. Paraphrasant à notre façon le « winter is coming » de la série à succès Games of Thrones, pour « BoJo », « north is coming » est avec lui le mécontentement d’une grande partie du peuple britannique. A la tête de ce malaise, les Ecossais semblent tenir la dragée haute, eux qui se sentent définitivement trahis d’avoir dû quitter de force une union dont ils partageaient les valeurs et la destinée (NDLR : victoire en 2016 du « yes » à 62%). Nicola Sturgeon, l’actuelle première ministre écossaise, a d’ailleurs profité de cette situation pour appeler les indépendantistes à ne pas relâcher leurs efforts en la matière et condamner une politique londonienne unilatéraliste et technocratique. Pour la capitale, la menace indépendantiste pèse de manière croissante et le « north is coming » semble progressivement se transformer en prophétie annonciatrice : « Scotish independance is coming ». Du reste, la fluidité commerciale a pris du plomb dans l’aile faisant parfois ressurgir dans les esprits malins les vieux démons irlandais. A voir si pour le Royaume-Uni la route à suivre maintenant se rapprochera plutôt du proverbe bien connu : « mieux vaut être seul que mal accompagné » ou, de ce qu’en juge Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE : « Ce qui change, c’est que le pays qui nous quitte va être seul et que nous, nous restons ensemble. »

 

Les péripéties
Acte 3 : Résurgences et fascinations asiatiques

Incontestablement, l’Asie, à la différence de toutes les autres régions du monde, ne sort pas exsangue d’une année de crise sanitaire. Au contraire, pour elle, les perspectives d’amélioration sont réelles. La plupart des pays asiatiques ont su gérer la crise et la Chine, leader économique mondial, est en passe d’atteindre le niveau historique de 2% de croissance du PIB au premier semestre lorsque la récession est le maître mot de quasiment tous les autres pays du globe. Selon les experts, banques d’investissement comme organisations internationales, « l’Empire du milieu » serait même capable de creuser un écart notable en 2021 et retrouver 8% de croissance dès la fin du cycle. Les ventes de détail sont en hausse de 5% et la Chine tire de nouveau la production et la consommation mondiale à grandes enjambées tandis que les exportations risquent de créer une agréable surprise pour l’économie chinoise. Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, la Chine a signé le 30 décembre un « accord de principe » sur les investissements avec l’UE, évidemment profitable. Cet accord ne doit pas masquer pour autant les différents entre Chinois et Européens surtout que la condition contractuelle émise par l’Union Européenne au sujet de la lutte contre le travail forcé des Ouighours en particulier n’est pas certaine d’être respectée car la Chine n’est pas une habituée du respect des normes internationales. A son entrée à l’OMC en 2001, elle s’était déjà engagée à ouvrir complètement son marché intérieur, ce qu’elle s’est refusée à faire ensuite. Ainsi, au regard des acceptations chinoises dans l’accord, seule l’Allemagne constitue un gagnant côté européen (ouverture du marché des voitures électriques). La France, par exemple, ne semble pas pouvoir se contenter de quelques hôpitaux. L’Asie continue de susciter les convoitises grâce à ses milliards de consommateurs potentiels mais à concurrencer en grande partie de façon déloyale. Chantage ou stratégie efficace ?

 

L’intrigue
Acte 4 : Le Moyen-Orient, foyer de troubles

« La mer Méditerranée, mer de tous les dangers », tel est hélas le constat opéré à l’aube de cette nouvelle année 2021. Depuis le départ américain du Moyen-Orient, la région n’a cessé une fois de plus de sombrer dans les troubles sociaux, politiques et économiques. Le principal gagnant de cette déstabilisation régionale a été la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Fort de ces interventions militaires en Syrie, au Liban et dans le Caucase, le président turc continue désespérément de chercher à satisfaire de nouvelles velléités expansionnistes. C’est désormais l’Irak qui paraît constituer une cible de choix pour le président de l’AKP afin de faire d’une pierre trois coups : neutraliser le PKK, sempiternel adversaire de l’AKP, réduire la présence des Kurdes dans la région et éventuellement atteindre les champs de pétrole irakiens. Et pour ne rien arranger à l’affaire, l’Irak vient d’ailleurs de voter un budget de crise à cause de la baisse des cours du pétrole, lui qui représente la quasi-totalité de ses recettes. L’Irak s’attend donc à voir son dinar être dévalué de 25%. Au Sud, Israël aussi s’est englué dans une crise politique historique. En moins de deux ans, ce sont les quatrièmes législatives anticipées qui sont programmées pour mars 2021, un record d’instabilité dans l’Histoire. La formation d’une coalition gouvernementale fragile autour du centre et de la droite au printemps dernier aura donc cédé en cette fin 2020. Unis sous couvert du vote d’un seul budget pour les années 2020 et 2021, Benyamin Netanyahu et Benny Gantz ont mis fin à une collaboration de près de 9 mois qui place une nouvelle fois la Knesset (NDLR : l’assemblée israélienne) dans un véritable chaos. Si « Bibi » Netanyahu pense pouvoir jouer les « contorsionnistes », il devra toutefois composer avec son rival centriste et les désertions de son propre camp du Likoud. 2021, enfin, c’est aussi l’année inespérée pour une détente entre Américains et Iraniens. Mentionnée précédemment dans les lignes sur l’état de la bureaucratie américaine à l’étranger, la situation en Iran demeure particulièrement ardue. Suite à l’exercice des « pressions maximales » de Donald Trump, l’Iran du modéré Rohani espère renégocier avec la nouvelle administration Biden et les grandes puissances pour élargir son influence et ses missiles balistiques. Une mission délicate lorsqu’on sait qu’il ne reste que 6 mois avant les prochaines élections iraniennes qui pourraient couronner l’arrivée au pouvoir d’une personnalité politique bien plus conservatrice que Rohani. L’enjeu est de taille et les responsables politiques ne s’y trompent pas surtout que les prédations politiques se sont accrues au cours de l’année passée comme avec le Maroc notamment à qui l’on a accepté les prétentions sur le Sahara occidental.

Le dénouement
Acte 5 : En Allemagne, clap de fin pour une géante bavaroise

Après presque seize années au pouvoir et quatre mandats consécutifs, Angela Merkel entame la dernière ligne droite de sa carrière politique en tant que chancelière allemande qui la conduira au seuil du 26 septembre prochain : une longévité exceptionnelle à la tête d’une des plus grandes puissances mondiales. Fin du règne merkelien donc, et pourtant, la démocrate libérale n’aura jamais autant fédéré, validant au terme de deux décennies de pouvoir près de 80% de popularité. Très peu portée sur les effusions de joie comme sur le pessimisme le plus rétrograde, challengeant les plus imposants adversaires à l’image de Vladimir Poutine lors de la crise ukrainienne de 2014 ou le président Erdogan dans le cadre des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’UE, elle aura côtoyé pas moins de quatre présidents français, cinq premiers ministres britanniques et quatre présidents américains. C’est aujourd’hui une évidence, l’Europe du XXIème siècle, c’est en grande partie une Europe qui a le visage de la représentante de la CDU. Pour lui succéder, trois candidats s’élèvent dans les rangs de son parti de toujours : Friedrich Merz, ex-président du groupe au Parlement, Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères au Bundestag et Armin Laschet, premier ministre de Rhénanie du Nord Westphalie. Trois candidats pour prendre la relève d’un bilan sans aucune ombre au tableau, oui car Angela Merkel laisse un héritage impeccable dans la droite ligne des grands chanceliers allemands de l’histoire. Mutualisation d’une partie des dettes nationales, réaffirmation des objectifs climatiques, sauvetage de l’Union Européenne quelquefois même au détriment des intérêts allemands ou encore soupape de sécurité face à l’immigration soudaine au cœur des années 2010, la chancelière a tout réussi et s’en tire avec les plus beaux honneurs ; un dernier coup de collier pour la physicienne de Hambourg qui ne s’attendait surement pas à voir s’amonceler les événements dramatiques en cette fin de mandat. Dans la perspective de l’après-Merkel, c’est Friedrich Merz qui tient pour l’instant la corde sensible côté CDU selon le sondage de l’institut Civey pour le « Spiegel », rassemblant 33,4% d’intentions de vote, légèrement en avance par rapport à Norbert Röttgen (27,4%) et loin d’Armin Laschet (12,7%) qui subit les conséquences directes d’une gestion de pandémie hasardeuse. Au sein même des militants CDU, le classement ne bouge pas mais adoube le candidat Merz (44%) face à Laschet (13%) et Röttgen (23%). Face à eux, deux autres candidats hors CDU sortent également du lot : le candidat social-démocrate et actuel ministre des Finances, Olaf Scholz et le populaire Markus Soder, candidat de la CSU, parti frère de la CDU. Si les résultats des prochaines élections sont encore impossibles à prédire, une prédiction cependant s’impose, Angela Merkel laissera son siège à un candidat masculin.

 

Par Raphaël DELAGNES

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