Miss France : fierté nationale, ou concours de la honte ?


Publié le 8 janvier 2021

Miss France est LE concours de beauté par excellence, l’événement que les français.e.s attendent tou.s.tes tous les ans. Créé en 1920, ce concours repose sur la sélection de 15 Miss régionales qui prétendent à devenir LA Miss nationale, LA plus belle femme de l’année. L’heureuse élue aura pour rôle de représenter le pays à échelle internationale, ce pour dorer l’image de la France et participer à des actions humanitaires. Si ce concours revendique la mise en avant de jeunes femmes aussi belles qu’intelligentes, n’est-il pas en réalité axé purement sur le physique et des critères subjectifs de beauté ?

1.     Des critères de sélection dépassés

Les Miss régionales doivent respecter des critères très précis auxquels aucune ne peut se soustraire. Il faut entre autres :

  • Avoir un âge compris entre 18 et 24 ans à la date du 1er novembre de l’année en cours ;
  • Être célibataire ;
  • Mesurer au minimum 1,70 m ;

Il ne faut pas, entre autres :

  • Avoir posé partiellement ou totalement dénudée ou promouvoir des activités érotiques ;
  • Être tatouée (sauf tatouage discret) et/ou percée ;
  • Être mariée, pacsée, divorcée ou veuve ;
  • Avoir des enfants ;

Le concours prône donc un canon de beauté arriéré, puisqu’être grande et mince n’est aujourd’hui plus la silhouette à la mode. Les femmes callipyges aux courbes prononcées sont énormément mises en avant, de même que des silhouettes inhumaines accessibles uniquement par le biais de la chirurgie ou de Photoshop (Kylie Jenner et Kim Kardashian peuvent en témoigner). Ce modèle de beauté unique vendu par Miss France n’est donc plus compatible avec la société actuelle, dans laquelle le corps idéal est à l’opposé de celui des miss. La grande taille est également un critère cocasse, puisque notre société met plutôt en avant les femmes de taille inférieure à 1,70m. Le fait de ne pas pouvoir être tatouée et/ou percée est également discutable, puisque cela ne change en rien la beauté objective d’une personne.

Le statut familial et marital imposé peut aussi être remis en cause. En effet, avoir des enfants peut être un frein pour une Miss France qui voyage beaucoup et est souvent peu disponible ; ce critère peut donc être entendu, bien que chacune devrait être libre de sa décision. Néanmoins, le fait d’être célibataire et de n’avoir jamais été mariée est un critère totalement déplacé. Il rappelle les groupes de K POP où les chant.eurs.euses sont des produits de consommation, des objets de fantasmes dont l’image doit rester vierge et que le public doit avoir l’impression de contrôler. Les Miss sont des femmes adultes, et devraient pouvoir décider si leur relation leur permet d’être disponibles ou non pour le Titre.

Quant au rejet des Miss ayant pris des photos dénudées ou ayant une image sexualisée, il s’agit d’un critère totalement hypocrite. On impose à ces femmes d’être pures et propres de tout caractère sexuel dans une société qui met en avant l’hypersexualisation des corps, et particulièrement des femmes. C’est alors une bonne chose, voire un acte féministe me direz-vous, que de combattre cette image de « femme-objet » ? Que nenni ! Il est demandé aux Miss de se trémousser en bikini sur scène, et de prendre des photos « féminines », sans aucune trace d’humanité comme la cellulite ou les vergetures qui ne sont pas digne des corps de nos Miss.

Finalement, les critères de sélection problématiques que nous avons cités véhiculent une image idéalisée dangereuse de la femme. Nos Miss sont des objets de fantasmes et reflètent une réalité des corps peu répandue. Le danger est alors que les téléspectatrices cherchent à leur ressembler, ce qui affecte négativement leur bien-être psychologique ainsi que leur santé : être grande et mince au point d’être un « poids plume » n’est pas adapté à toutes les morphologies, ni à tous les rythmes de vie ! Quant à l’âge, il est dommage de considérer qu’au-delà de 24 ans la beauté s’étiole.

2.     Miss France ne reflète pas la femme française « moyenne »

« Miss France », ou la représentante par excellence de la Femme française. Grandes, élancées, très minces : ces magnifiques jeunes femmes concourent pour devenir l’emblème de la féminité à la française. Les prétendantes au titre doivent mesurer 1,70m minimum, et sont toujours très minces : aucune ne dépasse la taille 36. Puisqu’elles espèrent être l’image et le visage de toutes leurs compatriotes, nous pourrions nous attendre à ce qu’elles incarnent le profil majoritaire des femmes françaises, à défaut de représenter la diversité des morphologies : mais il n’en est rien.

En France, seules 21,4 % des femmes mesurent plus d’1,70m, tandis que 7,8% s’habillent en taille 36 ou moins (données d’une étude clickndress de 2016). La grande majorité des femmes françaises font une taille 40 ou plus, et mesurent moins d’1,65m. Pourquoi donc sélectionner des profils totalement éloignés de ce que sont vraiment les femmes françaises ?

Supprimer la diversité des profils et choisir des critères rares parmi la population sont deux pratiques paradoxales au vu de l’intitulé du concours. Au moins l’un de ces deux modes de sélection devrait être supprimé (si ce n’est les deux) pour rester cohérents. Certes « Miss France » doit refléter l’image de la plus belle femme de France, et non pas forcément l’image de la française moyenne. Toutefois, si le mode de sélection est biaisé au point de reposer sur des critères aux antipodes de la population représentée, la dissonance entre le titre et ce qu’il est supposé représenter devient trop grande pour être acceptable.

Pourrait-on choisir de faire gagner le concours de la Vache de l’année par un yack, sous prétexte que l’animal est plus impressionnant ? Bien que ces bovidés se ressemblent, cette pratique ne serait pas acceptée au Salon de l’Agriculture. Alors pourquoi faire représenter les françaises uniquement par des femmes hors du commun de notre population ?

3.     Un concours qui ne met pas en avant les candidates à leur juste valeur

Sylvie Tellier a récemment affirmé que Miss France est avant tout un concours de beauté, mais qu’il a évolué afin de présenter des femmes cultivées et intelligentes au-delà de leur plastique de rêve. Certes, les miss sont sélectionnées à l’aide d’un QCM de Culture Générale composé de 40 questions : en-deçà de 20 réponses justes, elles ne sont pas sélectionnées. Ce sont donc des femmes aux têtes remplies.

Pourtant le jour du concours, leurs discours se ressemblent tous : leurs aspirations humanistes et altruistes sont toujours les mêmes, la construction des textes est peu originale. Ces jeunes femmes sont belles et certainement brillantes ! Il est réellement dommage de ne pas plus mettre en avant leur personnalité et leur intellect, qui sont actuellement dans l’ombre des sourires de façade et des défilés.

Conclusion

L’organisation actuelle du concours véhicule des mœurs d’un ancien temps. Les critères purement subjectifs sont vendus comme un idéal absolu et excluent toute autre forme de beauté que celle revendiquée par l’institution Miss France.  Il faudrait ouvrir les horizons du concours en diversifiant les profils, pour qu’il soit plus représentatif des beautés diverses de nos Françaises.

De surcroît, les Miss sont présentées comme des objets de fantasme voués corps et âme aux téléspectateurs. Leurs corps sont parfaits, mais éloignés de la réalité : la cellulite, les rondeurs ou les vergetures sont absentes des photos et des défilés, alors même qu’elles sont présente sur l’immense majorité des peaux, femmes et hommes confondus.

Le fonctionnement actuel du concours est un frein à la progression des mentalités, dans ce monde encore patriarcal et binaire. Le public de Miss France représente d’ailleurs à perfection le problème du concours et des modes de pensées sur lesquels il repose : deux Miss Provence en ont particulièrement fait les frais. Julia Courtès avait d’abord été insultée et haïe en 2015, pour la seule raison d’avoir une forte poitrine. Cette année, c’est April Benayoum qui a été lynchée sur les réseaux sociaux du fait d’être juive, de se maquiller et d’avoir des origines étrangères. Le public de Miss France est divisé en deux : ceux qui ferment les yeux sur le problème et ceux qui ont l’hypocrisie et la lâcheté de haïr des femmes qu’ils / elles n’auront ou n’égaleront jamais.

Le concours Miss France serait donc à réformer drastiquement, si ce n’est à supprimer, car il entretient des discriminations et des modes de pensées dangereux qui tirent notre société vers le bas. Les candidates ne sont absolument pas les personnes à blâmer : vouloir se sentir belle n’est pas un crime, encore moins lorsque la société nous met constamment en compétition avec les autres femmes. En revanche, les organisateurs de ce concours devraient avoir honte de mettre encore en avant des critères aussi archaïques à la télévision.

Par Iris Devillière

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