«  I can’t breathe »


Publié le 4 novembre 2020

Il y a de cela une semaine et deux jours exactement, la nouvelle est tombée : lors de son élocution du mercredi 28 octobre 2020, Emmanuel Macron a annoncé un reconfinement national qui durera, dans un premier temps, jusqu’au 1er décembre 2020. Cette récente annonce a suscité chez beaucoup des réactions diverses et variées : de la déception, du bonheur, de la tristesse, du soulagement, de la crainte, de la satisfaction, de l’angoisse. Toutefois, parmi toutes ces réactions tout à fait compréhensibles, sont nées d’autres plus extrêmes : la haine envers autrui et surtout envers les Chinois. La raison ? « Ce sont eux qui ont apporté la Covid -19 en France ». 

Et dire qu’en fin décembre dernier, 2020 semblait une année pleine de promesses et d’évolutions. Aujourd’hui, presque un an plus tard, que peut-on dire de 2020 ? Je pense que nous sommes d’accord pour affirmer qu’elle a été une année compliquée. Elle a été riche en imprévus et en évènements révoltants. Je ne m’attarderai pas sur le premier confinement dont nous avons fait l’expérience. Je parlerai plutôt d’un évènement dramatique qui a révélé au grand jour des problématiques d’actualité comme le racisme et les bavures policières. La mort de George Floyd le 25 mai 2020 a fait écho dans le monde entier. A la suite de son assassinat – oui, je parlerai d’assassinat car mettre son genou et donc une bonne partie de son poids, si ce n’est pas tout, sur le cou d’une personne pendant plus de huit minutes laisse peu de chance à cette dernière pour survivre – une vague d’antiracisme s’est propagée, à travers de nombreux pays, sous la forme de manifestations: en Angleterre,  en France, en Italie, en Tunisie, en Allemagne, au Canada, etc. Le nom de George Floyd mais aussi ceux de membres de la communauté Noire propres à chaque pays étaient scandés. Les manifestations se sont tenues pendant des semaines après cet évènement dramatique de Minneapolis avec des gestes barrières relativement peu présents alors que la Covid-19 se baladait toujours parmi nous. Ce fait est, à mon sens, la traduction de l’importance qu’a ce combat par rapport au coronavirus : c’est un fléau qui existait avant l’apparition de ce virus et qui subsistera, si l’on ne fait rien.  

En voyant cet élan de solidarité et de révulsion envers le racisme, je me suis dit que la société allait changer, que cet évènement allait être l’étincelle qui fait surgir la flamme. Je me suis dit que les mentalités allaient évoluer. Mais en fait, il n’en est rien et pire encore, le racisme se normalise sur les réseaux sociaux à la vue de tous. 

Alors que le virus se développait en Chine et premièrement à Wuhan, épicentre de l’épidémie, dès décembre dernier, les Européens et spécialement les Français – spécialement car je ne parlerai que de ces derniers dans cet écrit – se sentaient à l’abris de tout risque de contamination. Mais dans un monde globalisé, il était très improbable que l’épidémie ne devienne pas pandémie. D’ailleurs, seulement une dizaine de pays – situés dans des zones isolées et absents du commerce international – dans le monde ont su éviter la propagation de ce nouveau virus sur leur territoire. Parmi eux, les îles Marshall, la République insulaire de Kiribati, la Micronésie. 

Quand la France a été touchée, nous avons observé pour la première fois des réactions de haine envers les personnes d’origine asiatique et spécialement les Chinois : ils avaient peur de sortir dans la rue craignant de se faire agresser, d’autres se faisaient tabasser, les passants s’écartaient d’eux à leur passage tels des pestiférés, etc. Les blagues corrélant coronavirus et asiatiques allaient bon train. Puis les choses se sont calmées, du moins, les violences à leur encontre n’étaient plus autant reportées. Mais depuis l’annonce du second confinement, tout s’accélère : sur les réseaux sociaux, bon nombre de captures d’écran de tweets ou de messages circulent et appellent à la violence anti-asiatique (PHOTOS ). Comme si, cela était de la faute des personnes originaires d’Asie vivant en France que nous soyons reconfinés. A ce que je vois, pour certains, il fallait désigner un coupable. Mais où sommes-nous ? Dans l’Allemagne de 1929 ?  Faut-il à chaque fois désigner un bouc-émissaire lorsqu’un évènement met à mal la société ? 

Là, à cet instant précis, le racisme est, selon eux, tout à fait justifié et justifiable. Pourquoi je dis ça ? Parce que la plupart des personnes qui tiennent des propos de la sorte sont Noires, Arabes, Blancs ou Maghrébins. En fait, des membres de toutes les communautés se lâchent sur les réseaux sociaux sur les personnes d’origine asiatique. Mais alors la lutte contre le racisme est réservée aux personnes de ces communautés? Seul eux ont le droit d’être considérés comme des êtres humains ? Parce que les Asiatiques ne valent donc rien ?

Ces personnes les ont rendus coupable d’avoir amené la maladie sur le sol français et d’avoir impacté leur vie à cause des confinements alors que parmi les premiers cas de Coronavirus survenu en France, on compte trois personnes ayant séjourné en Chine mais également des Français provenant de tous horizons. Je rappelle le Cluster qu’a constitué le rassemblement d’une église évangélique à Mulhouse et qui a fait quatre-vingt-un contaminés en 24h.  Et même s’ils avaient contribué à la propagation du virus en France – ce qui se serait passé sans l’envie de nuire à la France – cela ne justifie pas les propos et les agressions. 

   

 

En fait, je dirais qu’il y a un problème fondamental. Ce ne sont pas certaines « races » le problème comme pourraient l’affirmer certaines idéologies mais tout simplement la race humaine. Au lieu de se soutenir face à des problèmes communs, les communautés créent encore plus de problèmes entre elles mais aussi en leur sein. Et ce phénomène d’autodestruction est tout à fait visible dans les réseaux sociaux où tout le monde s’exprime à tout va parfois sans réfléchir. Il y a quelques semaines, à la suite de la publication d’une photo d’elle et de la chanteuse Shay, la jeune chanteuse noire et féministe Lous and the Yakuza a été victime de commentaires racistes émis majoritairement par des hommes noirs. Le racisme touche beaucoup de communautés et donc la lutte contre ces pratiques intolérables s’applique à toutes ces communautés et non pas à quelques-unes.  

Tout acte vu sur les réseaux sociaux ces derniers jours est un délit. Ce n’est absolument pas drôle de tenir ce genre de propos. Des personnes innocentes se font réellement tabasser comme l’influenceur TV – Parisiang파리지앙 qui a raconté sa mésaventure : un groupe de garçons l’a pris en grippe parce qu’il avait eu le malheur de corriger leur amie qui l’avait traité de « Chintok ». 

Ayez du respect pour les gens ! Les Chinois ne sont pas des « Chintoks » autant que les Noires ne sont pas des « Nègres », et les Asiatiques ne sont pas uniquement des Chinois. 

« I can’t breathe » ! Ces mots utilisés par George Floyd lors de l’arrestation qui lui a coûté la vie. Ces mots qu’il a utilisés pour demander aux policiers de le libérer, de lui rendre sa liberté de respirer, de vivre. Ces mots que vous avez scandés lors des manifestations ou que vous avez entendus dans les médias relayant l’évènement. Cette courte phrase lourde de signification s’applique à toutes les personnes victimes de racisme qui ne demandent qu’à vivre normalement, à respirer normalement – mais aujourd’hui plus que jamais à toutes les personnes d’origine asiatique. 

L’autre phrase qui a rythmé les manifestations était “Black Lives Matter” et non “Only Black Lives Matter”. On peut aussi bien dire “ Asian Lives Matter “ et bien d’autres encore. Quand on se bat contre le racisme, on se bat contre le racisme dans toutes les communautés et pas une unique. 

La liberté d’expression c’est bien mais réfléchir avant d’écrire ou d’agir est encore mieux. 

Mérédith Valgaire 

 

Sources 

https://www.leparisien.fr/faits-divers/mort-de-george-floyd-les-images-des-cameras-des-policiers-revelees-04-08-2020-8363454.php 

https://www.courrierinternational.com/article/mort-de-george-floyd-les-manifestations-contre-le-racisme-se-multiplient-travers-le-monde 

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/94523/reader/reader.html#!preferred/1/package/94523/pub/136924/page/6

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