Cher journal


Publié le 17 juin 2020

Vendredi 27 mars, 

Onzième jour de confinement

Cher journal, 

Je pense qu’il est difficile de mettre des mots sur ce que nous vivons. Comment définir ce mélange permanent de sentiments, d’émotions et de sensations. Mes journées sont longues, similaires, peu intéressantes. Les activités se font rares et lorsque l’occasion se présente, l’envie s’enfuie.

Je n’ai pas envie aujourd’hui de te livrer mes meilleurs conseils pour lutter contre l’ennui. Je préfère tout simplement te parler, à cœur ouvert, de sujets dont on ne parle pas beaucoup ensemble. Me confier à toi dans cette période de solitude et d’isolement. Juste une conversation entre toi et moi, cher journal. 

Il y a un thème qui m’est cher et dont j’aimerais discuter avec toi. J’ai envie de te partager ma vision de la confiance en soi et du regard des autres. Toi comme moi, nous savons l’influence qu’ont les réseaux sociaux sur nous. Enfin leur poids. Une charge qui pèse constamment sur nos épaules, qui nous rabaisse et cela avec délicatesse et subtilité. Même leur pire vice est si parfait. Je nomme Instagram, lieu du culte de la perfection. J’ai vu naitre Instagram (sans doute comme toi), et j’ai grandi aveuglée par l’illusion de ce que, dans mon idéal à moi, j’appelle la « perfection ». Ce n’est que récemment que nous avons pu assister à une vague de prises de conscience sur les failles d’Instagram. Retouches, angles, filtres, sourires, respirations coupées … Un mensonge si bien construit et embelli qu’on en oublie sa nature. 

J’ai conscience de ne rien t’apprendre de nouveau. Mais as-tu déjà pensé à tout l’impact que cela a pu avoir sur ton rapport à toi-même ? Prends quelques instants et réfléchis-y. 

Concernant ma propre expérience, sans doute liée à ma naïveté, j’ai souvent été obnubilée et émerveillée par tout ce contenu. Est-ce de ma faute ? Est-ce ma naïveté qui s’est encore jouée de moi ou bien l’essence même d’Instagram ? Aujourd’hui, il reste encore difficile pour moi de blâmer l’un ou l’autre. Peu importe, je suis chanceuse d’avoir acquis le recul nécessaire me permettant d’admettre avoir été envoûtée et charmée par ce réseau. 

Avoir confiance en moi a toujours été compliqué, et cela bien avant l’émergence des réseaux sociaux. Instagram n’a fait que pointer au grand jour un manque de confiance mal enfoui et avec lequel j’ai appris à vivre. Je n’ai pas eu le choix. C’était malgré moi. Comment faire face, à l’âge de 15 ans, à ce culte de la perfection ? Un âge si crucial et déterminant dans la construction de soi. Quoi de plus nocif et dévastateur ? 

Discuter de ce sujet avec toi aujourd’hui me permet de t’apporter une vision tout autre du confinement. Saisis-le comme une véritable opportunité. Je m’explique. Le manque de confiance en soi est très souvent lié au regard des autres. Ce regard moqueur, dévalorisant, neutre, aimant … peu importe sa nature, un regard extérieur est toujours perçu comme une attaque personnelle. Il est difficile de recevoir un compliment craignant de son honnêteté et il est d’autant plus inconcevable de l’accepter. Le regard est fatal dans une quête de confiance en soi. Si furtif mais si poignant, si léger mais si intense, si naturel mais si destructeur. 

Victime de ces regards dans ton quotidien, saisis cette situation comme un véritable atout durant ce long et fastidieux processus de confiance en soi. Saisis l’opportunité de rompre avec ton quotidien qui t’oppresse, te juge et te brise petit à petit. Profite de cet isolement pour te retrouver avec toi seul, apprendre à t’aimer et à vivre en harmonie avec qui tu es réellement. Tu n’y arriveras sans doute toujours pas une fois l’isolement terminé, mais tu peux commencer, faire le premier pas sur ce chemin où les embuches y seront nombreuses. Ne cache plus qui tu es, profite de cette vague de body positive et self love qui circulent sur les réseaux sociaux pour en faire une force lors de cette aventure vers une relation aimante et saine avec toi-même. 

Promets-moi d’essayer. 

Je ne souhaite pas signer ces quelques mots. Je souhaite que quiconque puisse s’identifier à ma pensée ; la pensée d’une confinée.

Merci pour ce moment de partage, cher journal.

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