Le voile, l’immigration : Macron-Le Pen, on refait le match ?


Publié le 15 juin 2020

Depuis quelques jours le chef de l’état multiplie les annonces sur la thématique
de l’Islam et de l’immigration afin selon son propre camp politique de ne pas laisser ces sujets
à Marine Le Pen. L’entretien du président au journal très conservateur valeurs actuelles a mis
mal à l’aise nombre de ses soutiens de gauche, pendant que la droite, elle, y voit une
manœuvre électorale.
Alors que ce dimanche, un sondage publié par l’IFOP a fait hurler l’opposition de droite et de
gauche en annonçant un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour de la
présidentielle de 2022, on peut se demander si le président cherche réellement à pérenniser ce
que ces détracteurs appellent un « couple maudit ».
Entre Macron et Le Pen : le néant politique

En pronostiquant une victoire d’Emmanuel Macron à 55% face à Marine Le Pen
aux présidentielles 2022, le sondage de l’IFOP a fait grincer des dents au sein des autres partis
politiques. Dans l’opposition certains y voient une tactique dangereuse de la part du chef de
l’État qui chercherait sciemment à faire monter le Rassemblement National pour se présenter
comme l’ultime rempart et ainsi remporter les élections. L’opposition craint même qu’en cas
de second tour Macron/Le Pen l’extrême droite soit très proche de la victoire et conduise à un
partage égalitaire de l’opinion politique du pays entre progressistes et nationalistes.
L’alternance qui a structuré le pays tout au long de la Vème République amènerait alors
Marine Le Pen au pouvoir. Et il est vrai que le sondage de l’IFOP semble confirmer ces
hypothèses. Ainsi Emmanuel Macron qui en 2017 l’avait largement emporté face à Marine Le
Pen avec 66% des voix n’obtiendrait en 2022 que 55% des voix.
En dehors de ce sondage ce sont surtout les thématiques actuellement abordées par le
Président qui crispent l’opposition, en particulier le choix d’avoir accordé un entretien au très
conservateur Valeurs Actuelles. Le sénateur LR Roger Karoutchi déclare ainsi
qu’« Emmanuel Macron cherche à empêcher la droite de remonter par un discours sur
l’immigration, le communautarisme, qui donne le sentiment de reprendre des thématiques de
droites ». François Patriat président du groupe LREM du Sénat a quant à lui réagi en
affirmant qu’ « il faut traiter non pas le FN, mais les sujets qui font son terreau ».
Les différents partis politiques sont unanimes, l’absence d’une opposition démocratique forte
serait mortifère pour l’avenir de la France et tous conspuent d’une même voix le néant
politique qui s’est installé entre Macron et Le Pen, mais qu’en est-il réellement de cette
opposition ?
La droite tente toujours de se remettre du traumatisme de l’élection présidentielle de
2017 et de l’échec fulgurant de la stratégie Wauquiez aux élections européennes. La Gauche
quant à elle reste anéantie et profondément divisé par des querelles égotiques. Le PS espère
faire élire une cinquantaine de maires aux prochaines élections municipales alors qu’elle
comptait plus de 350 mairies dans son giron politique suite aux élections municipales de
2014. Les écologistes de leur côté fort de leur score aux européennes souhaite s’émanciper du
PS et écarte de ce fait tout fantasme d’union des gauches.
L’opposition qui s’égosille en cries d’orfraie face à la nouvelle offre politique ne remet pas en
cause ses dogmes qui ont conduit le pays vers ce nouveau clivage. Sans renouveler leurs
appareils politiques vieillissants, sans faire émerger de nouvelles idées et un nouveau système
de pensée politique, l’opposition est condamnée à se satisfaire de quelques mairies et d’une
minorité parlementaire comme dernier coup d’éclat. Après plus de 50 ans à se partager le
pouvoir, cela restera comme un chant du cygne bien inaudible.

Le pouvoir à la reconquête de l’électorat populaire
Plutôt que d’y voir une simple manœuvre politicienne, on peut analyser les
récentes sorties de Macron et de son gouvernement sur les thématiques de
l’immigration et de l’Islam comme une tentative de reconquête de l’opinion publique.
Depuis quelques semaines, les déclarations du Président se sont multipliées et le
gouvernement s’est emparé du sujet de l’immigration et de la laïcité afin de tenter de
ramener vers eux toute une partie de l’électorat français. D’après une étude d’IFOP 61%

des français pensent que l’Islam est incompatible avec les valeurs françaises et 78% des
personnes interrogées pensent que la laïcité est menacée.
Les chiffres parlent d’eux même l’opinion publique se place largement du côté d’une
laïcité mal comprise et un peu obsolète aujourd’hui car elle a avant tout été érigée face
au catholicisme du début du XXème siècle. Lorsque le chef de l’état déclare que « le port
du voile dans l’espace publique n’est pas mon affaire » il énonce un fait juridique mais il
ajoute de ce fait à la confusion car le voile dans l’espace publique n’a rien à voir avec la
laïcité mais correspond plutôt à la question du modèle de République que la France
souhaite bâtir. Un sujet particulièrement épineux d’autant plus que le modèle
historiquement assimilationniste français n’est aujourd’hui plus assumé dans l’arène
politique. Ainsi, Macron clôt le sujet qui divisait sa majorité, notamment le ministre de
l’éducation et la porte parole du gouvernement, sans pour autant trancher.
Le discours de Macron à propos de l’immigration illustre pleinement cette
volonté de reconquête lorsqu’en septembre devant les parlementaires il expliquait qu’il
fallait se « méfier des bons sentiments et s’emparait d’une réalité qui touche en priorité
l’électorat populaire et surtout ne pas faire de la république en marche un parti de
bourgeois ».
L’immigration constitue le parfait exemple du « en même temps » présidentiel, quand les
déclarations publiques ont de quoi satisfaire l’électorat droitiste, les faits, eux, ont plutôt
tendance à soulager l’hémisphère gauche de la majorité présidentielle. En effet les
mesures proposées par le gouvernement étaient pour la plupart déjà annoncées voire
déjà en vigueur mais ces annonces permettent d’occuper le terrain. On y trouve
notamment un délai de carence de trois mois pour les demandeurs d’asile avant d’avoir
accès à la protection universelle maladie mais également des quotas d’immigration
économique pour que la France recrute en fonction de ses besoins. Les effets d’annonce
suffiront-ils à apaiser une partie des français hystérisée par la question de
l’immigration ? En tout cas, ces annonces auront eu le mérite de diversifier le traitement
de la thématique de l’immigration jusque là entièrement monopolisée par le
rassemblement national.

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