Dieudonné, dissection d’une disgrâce médiatique
Nous vous proposons d’analyser dans le présent article la mise au ban médiatique d’un artiste dont le talent et le génie n’ont été que rarement mis en cause, y compris par ses détracteurs. Le virage présumément antisémite de cet artiste hors norme a signé une nouvelle ère dans le chantage moral imposé par des organisations dont la légitimité en la matière est nulle ou fortement contestable.
Retrouvez le manuscrit du sketch : http://genius.com/Dieudonne-sketch-chez-fogiel-annotated
Retrouvez la vidéo du sketch : https://www.youtube.com/watch?v=2j7iJhxf8iE
Le sketch se déroule lors de l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde » animée par Marc-Olivier Fogiel. Dieudonné y incarne un colon israélien extrémiste, il porte un chapeau de juif orthodoxe, des papillotes, une cagoule et un treillis militaire, code vestimentaire qui avait en toute probabilité pour but de rappeler l’alliance objective et intéressée des israéliens les plus orthodoxes et d’une certaine droite Sharonienne.
Prélude à une ostracisation la plus totale des médias français – qui camoufle par ailleurs un authentique racisme latent, Pascal Bernheim, triste sire, avait cru bon de rappeler « c’est un nègre hein ». Dieudonné, qui, après avoir incarné le Hérault de l’antiracisme, se vit attribuer le très honorifique titre de « cerveau malade » ! Ou comment un sketch de quelques minutes fit d’un génial comique antiraciste un apologète de l’eugénisme nazi ! Tentons de décrypter les dessous de ce qui ressemble de très près à une censure d’Etat, bafouant ainsi en toute impunité la plus élémentaire liberté d’expression. Même liberté d’expression qui fut glorifiée peu après Charlie Hebdo, notre Manuel national nous rappelant qu’il ne saurait y avoir de sacré dans notre société laïcisée, mais s’autorisant tout de même à réaffirmer « le caractère sacré de la Shoah », hasardeux paradoxe qui ne fait que participer de la confusion régnante.
Rappelons avec un peu de sérieux pour ceux qui pensent que Dieudonné est un sympathisant des thèses hitlériennes qu’étant métisse, c’est à dire issu de deux identités raciales différentes, il ne saurait être un partisan de ce paganisme de la race que fut le régime national-socialiste.
En premier lieu, on notera une reprise de la terminologie néo-conservatrice dans le sketch : « milieux intégristes », « fondamentalisme », axe du bien », Dieudonné les tournant en dérision pour en souligner l’absence de sens et la bêtise partisane.
Osons un bref décryptage du contenu de l’intervention de celui qui fut un temps reconnu par ses pairs comme le meilleur d’entre eux tous, avant de venir grossir les rangs de « l’axe du mal », reste à savoir si le retournement de veste inédit des humoristes français sur l’affaire Dieudonné exprime un véritable désaveu ou bien une nécessaire soumission à un ordre moral coercitif :
« Fondamentalisme sioniste » : association de termes que n’oseraient jamais nos chers médias nationaux, mais qui pourtant a bien une réalité géopolitique : force est de constater que le projet de Grand Israël d’une frange de la droite israélienne résulte d’une lecture littéraliste -donc intégriste- de l’ancien testament, messianisme se réalisant par l’expansion territoriale et la colonisation, au nom d’une idéologie politico-religieuse, le sionisme. Herlz lui-même dans son « Der Judenstaat » réaffirme que le sionisme en tant que projet nationaliste et politique se veut accomplissement de la parabole de la terre promise. Or, il se trouve que du point de vue du droit international on ne peut fonder un Etat-nation sur la base d’une révélation, soit la barrière infranchissable entre droit et projet mystico-religieux.
« Pour des raisons qui me sont purement professionnelles…Enfin spirituelles ». Notre humoriste préféré nous rappelle ici à quel point il est avantageux et rémunérateur dans le milieu culturo-mondain d’afficher une solidarité à toute épreuve envers le peuple palestinien et ses souffrances. Gageons que l’honnête homme (Rony Brauman en est un exemple probant) saura s’étonner de la partialité des médias traditionnels -ainsi que de la classe politique française-, qui dans son immense majorité semble acquise à la cause du gouvernement israélien. Taquinerie certes provocatrice, mais qui sur le fond est relativement inattaquable, tant les soutiens affichés à la Palestine se font épisodiques dans les médias de masse.
« Rejoignez l’axe du bien, l’axe américano-sioniste ». Référence explicite à Bush et à sa croisade néo-impériale, manichéisme guerrier qui ne laisse que peu de place à la diplomatie et à la concertation… Dieudonné rappelle ici l’inanité de l’idéologie du choc des civilisations, nous vendant une vision du monde que nous ne bornerons à qualifier de « binaire », critique du Bushisme que notre intelligentsia de gauche a formulée à maintes reprises, mais qui, lorsqu’elle émane d’un comique métisse, semble être proscrite. La encore, rien de pénalement répréhensible.
« Qui vous offrira beaucoup de débouchés et surtout le seul axe qui vous permettra de vivre encore un peu ». Loin d’être une sulfureuse boutade sur la surreprésentation de la communauté du livre -nous vous laissons le soin de visionner l’intervention d’Elisabeth Levy à ce propos- dans les médias français, Dieudonné, en fin humoriste s’inscrivant dans la droite lignée de Desproges, évoque ici une réalité sue mais tue de tous : toute imprudence sur le conflit israélo-palestinien est instantanément synonyme d’omerta médiatique et de « condamnation ferme » de la part de la classe médiatique.
« J’encourage les jeunes gens dans les cités ». Osons supposer qu’il s’agit ici d’un pastiche d’une allocution d’un académicien -Finkielkraut-, dont Dieudonné croquera par ailleurs un portrait corrosif dans son excellent « débat sur le sketch polémique »- exhortant les jeunes français de ZUP issus de l’immigration à considérer d’un œil bienveillant les vues du gouvernement Sharon ! Soucieux comme à notre habitude d’éviter toute polémique stérile, nous nous contenterons ici de citer Rony Brauman, donnant la réplique lors d’un débat télévisé au raffiné et conséquent Arno Klarsfeld : « on ne peut pas demander aux palestiniens d’être sioniste, il y a quelque chose d’assez extravagant dans cette demande ». Reste que Dieudonné soulignait ici toute l’absurdité de ceux qui demandent aux jeunes issus de l’immigration de voir d’un œil bienveillant le projet sioniste -ce qui n’implique en aucun cas des affrontements communautaires en France-, ce qui ne constitue la encore en rien un motif de condamnation pénale.
1er constat : aucune mention des citoyens français de confession juive, aucun appel à une quelconque politique discriminatoire vis-à-vis de ceux-ci, aucun appel à la haine, soit rien qui ne rentre dans le cadre légal et juridique de « l’antisémitisme », reste à donner à ce dernier un stricte cadre de définition, plutôt que de laisser celle-ci au bon vouloir de lobbys belliqueux et anti-républicains. Flou du propos qui participe de l’amalgame entre défiance vis-à-vis de la dérive droitière, racialiste et militaire de la politique israélienne et authentique antisémitisme, qui resterait par ailleurs à définir, tant l’usage à outrance de cette terminologie l’a vidé de toute pertinence à notre époque ou toute discrimination d’Etat est proscrite.
Antisémitisme qui par définition renverrait à une hiérarchisation racialiste qui semble plutôt appartenir au 20 ème siècle (les pamphlets de Céline en sont une éclatante démonstration), tant la notion même de « race » est débattue et discréditée aujourd’hui. Antisémitisme racial auquel aucun des éléments du sketch de Dieudonné ne peut être rattaché, puisque celui-ci ne fait mention d’aucune race, mais caricature l’archétype du colon israélien. Antisémitisme qui ne serait d’ailleurs être confondu avec une certaine tradition judéophobe de l’Eglise catholique (pour de plus amples précisions, nous vous renvoyons à l’excellent ouvrage de B. Lazare « L’antisémitisme: son histoire et ses causes », ou encore au chapitre que lui consacre D. Losurdo dans son « Le langage de l’Empire »).
Dès lors, il apparaît que si l’on se tient en toute probité à l’acceptation historique du terme « antisémitisme », Dieudonné ne saurait en rien se voir accuser d’être un propagateur de ce dernier dans son intervention chez Fogiel. Pourtant, ce dernier s’est vu ostracisé des méfias français et traîné en justice pour cette dernière, au mépris du bon sens et de la raison, puisque comme nous avons cru utile de le rappeler, aucun élément de de l’intervention de Dieudonné ne font de lui un apologète de la haine anti-juive.
2 ème constat: Le sketch est particulièrement décousu -et pour cause, il fut écrit très rapidement par Dieudonné dans les coulisses avant son entrée sur scène-, et ne serait en aucun cas tenir lieu d’argumentaire politique, là ou nos révérés censeurs et faiseurs d’opinions n’ont cesse de nous répéter de la même voix nasillarde que Dieudonné n’était plus « un humoriste, mais un homme politique ». Ne reste donc que la malhonnêteté intellectuelle et l’orthodoxie morale pour condamner une production humoristique de trois minutes. Ou peut-être s’inscrit-on dans le cadre du délit d’opinion, qui, il est d’usage de le rappeler à quiconque aurait des sympathies pour l’implacable catalan, est interdit par l’article 10 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuse, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».
3 ème constat : Dieudonné fut poursuivi après ce sketch par la LICRA, l’UEJF et par le Consistoire israélite de France pour « diffamation raciale », mais se vit relaxé en première instance puis en appel en avril 2005, et réaffirme avoir crié « Israël » et non « Israheil » à la fin de son intervention. La Cour lui donnera raison, précisant que les propos formulés à la fin du sketch ne sont « en toute hypothèse pas Israheil ». Reste qu’il fut blanchi en cassation le 3 avril 2007, confirmant par la-même décision de justice que ce sketch n’était pas antisémite.
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