Xylella fastidiosa – La bête noire des cultivateurs méditerranéens


Publié le 27 septembre 2016
    Oliviers infestés par la xylella fastidiosa, dans la région des Pouilles
Sur le tarmac chauffé par cette chaude journée d’août, à bord de l’Airbus A320 à destination d’Ajaccio, le commandant de bord se présente en corse, puis en français, avant de terminer dans une langue de Shakespeare approximative. Des consignes de sécurité sont délivrées aux passagers et l’une d’elles attire tout particulièrement mon attention. C’est que je ne l’avais jamais entendue auparavant ! Pour lutter contre la bactérie Xylella fastidiosa, nous étions priés de ne pas importer de plantes ornementales en terre corse. Mais qu’est-ce que cette Xylella fastidiosa ? En quoi est-elle dangereuse pour la flore, et particulièrement pour la flore méditerranéenne ?
Une bactérie venue d’ailleurs…
La Xylella fastidiosa est une bactérie aussi microscopique que redoutable. Originaire d’Amérique, véhiculée par les insectes suceurs de sève, comme les cicadelles ou les cigales, elle s’attaque à des végétaux typiques de la flore méditerranéenne : amandiers, caféiers, arbres fruitiers, citronniers, orangers et oliviers, mais aussi vignes, laurier rose, romarin, plantes ornementales, polygales à feuilles de myrte, etc. tout y passe !

    Xylella fastidiosa
…véhiculée par des insectes
Comment s’y prend-elle pour détruire toutes ces espèces végétales ? Localisée dans la gorge des insectes suceurs de sève, elle se greffe à la plante et forme des bouchons protéiniques dans ses xylèmes (le système lymphatique de la plante ndlr) où afflue la sève, empêchant le précieux liquide de l’alimenter. La conséquence ? Privé de sève, le végétal se dessèche et meurt de soif, et ceci, qu’on l’arrose ou pas. Les producteurs d’agrumes, d’huiles d’olives, les vignerons, ou bien tout simplement les amoureux de nos paysages méditerranéens n’ont dès lors plus que leurs yeux pour pleurer.

    Les cicadelles sont des vecteurs de X.fastidiosa
Une expansion rapide et difficile à maîtriser
La Xylella fastidiosa est loin d’être un problème récent. Bien connue aux Etats-Unis, et en particulier sur la côte californienne où elle fait des ravages dans les vignobles, elle a été découverte sur le sol européen en octobre 2013. Cela fait déjà plus de 3 ans que la région des Pouilles, dans le sud de l’Italie, voit ses oliviers mourir sans que l’on y puisse rien faire. Eh oui, on a beau avoir éradiqué la variole et vaincu la peste ou le choléra, X. fastidiosa, elle, résiste !
La catastrophe est tant écologique qu’économique. Rien que cette année, le ministère italien de l’agriculture évalue les pertes à 225 millions d’euros pour le secteur oléicole. Si la bactérie venait à se répandre en Europe, les pertes seraient colossales, puisque ce serait les secteurs viticoles, oléicoles, et la production d’agrumes qui seraient directement affectés.
Problème : il n’existe pour l’heure aucun remède pour lutter contre cette bactérie. Car comme l’indique son nom, la bactérie est fastidieuse, c’est-à-dire que les scientifiques peinent à la cultiver en laboratoire, ce qui rend d’autant plus difficile son étude et la recherche d’un remède efficace. Puisque l’on ne peut pas guérir les arbres infectés, il ne reste qu’une seule solution : empêcher la propagation de la Xylella. Mais cette solution est loin d’être satisfaisante, en particulier pour les propriétaires de vergers et les oléiculteurs. Car si l’on peut ralentir la progression de la Xylella fastidiosa à grand renfort de pesticides, insecticides et herbicides, le moyen le plus sûr d’empêcher sa diffusion reste l’arrachage des plants contaminés et l’abattage des arbres malades ou soupçonnés de l’être. Des oliviers centenaires, voire millénaires, qui font aujourd’hui partie intégrante du paysage méditerranéen sont ainsi tués, soit par la maladie, soit par les autorités, au grand désarroi des riverains et des propriétaires d’oliveraie. Dans les Pouilles, pas moins de 200 000 ha[1] ont ainsi été décimés directement ou indirectement par la Xylella.
Répartition de la bactérie dans le Sud de l’Italie 
Source : http://www.nature.com/scientificamerican/journal/v313/n5/full/scientificamerican1115-52.html                                                                             

Progression de la bactérie dans le Sud de l’Italie en un an. 
Source : http://www.nature.com/news/gridlock-over-italy-s-olive-tree-deaths-starts-to-ease-1.19939?WT.feed_name=subjects_biological-sciences                                                           
Ce fléau, dont rien ne peut encore venir à bout, a toutes les raisons de s’exporter dans d’autres régions d’Europe. C’est pourquoi les instances européennes redoublent de vigilance. La Commission européenne a envoyé, le 22 juillet dernier, un avertissement à l’Italie qui lui impose de mener des actions pour endiguer la diffusion de la Xylella fastidiosa. En mai, la commission et le gouvernement italien s’étaient accordés sur un plan d’action comportant des mesures radicales : il prévoyait que soient détruits les plants contaminés.
En réalité, l’éradication des arbres se fait par zone. Si une zone est infectée, tous les arbres présents dans son périmètre doivent être abattus, par mesure de sécurité. Mieux vaut prévenir que guérir ! Mais cela pose un autre problème : s’il y a dans une zone des arbres qui résistent mieux à la bactérie -et il y en a -, la coupe systématique et le manque de tests dans ces périmètres d’action, faute de fonds, ne nous permettent pas de les trouver et de les étudier. En somme, les mesures préconisées par la commission européenne s’apparentent à une énorme cure d’antibiotiques : on tue tous les arbres plutôt que de laisser la sélection naturelle faire son œuvre. De telles actions sont largement contestées par l’opinion, particulièrement attachée à ses oliviers, mais la Xylella fastidiosa est d’une telle dangerosité pour l’environnement qu’il est nécessaire, selon la commission, de les appliquer.

Définition d’une zone infectée 
Source : http://agriculture.gouv.fr/le-point-sur-les-foyers-de-xylella-fastidiosa-en-france                                                                                                                                                    
A l’été 2015, les autorités corses notamment anticipaient le problème en passant au crible la végétation de l’île et en interdisant l’importation de végétaux en provenance d’Italie. Mais les frontières sont poreuses. Et c’est à la fin du mois de juillet que la bactérie a été identifié à Propriano sur des polygales à feuilles de myrte. Les plants ont été aussitôt détruits, mais trop tard pour empêcher l’expansion de la bactérie sur le sol corse. A l’heure actuelle, on ne recense pas moins de 275 foyers de la xylella en France, dont 261 rien qu’en Corse[2] !
Une souche différente
Heureusement, la Xylella fastidiosa retrouvée à Propriano sur des polygales à feuilles de myrte est d’une souche différente de celle qui ravage les oliviers italiens. La bactérie identifiée en Italie est de type pauca, celle observée en France est de souche multiplex. Concrètement, que cela signifie-t-il ? La sous-espèce multiplex est moins agressive que la souche pauca de la bactérie. Elle attaque aussi, dans une moindre mesure, les oliviers, mais délaisse les vignes et les agrumes.
Polygale à feuilles de myrte contaminée par la sous-espèce Multiplex
 
À la recherche de traitements
Pour autant, le problème est d’une telle ampleur que les autorités européennes ne peuvent se permettre de négliger les souches moins dangereuses de X. fastidiosa, et préfèrent s’attaquer à l’espèce dans son ensemble. A Marseille, les scientifiques cherchent un virus qui pourrait tuer X.fastidiosa. Dans les zones touchées, les chercheurs étudient les plantes infectées et tentent de trouver des solutions. Pour l’heure, ils se heurtent à la résistance de la bactérie. Car s’il existe des moyens de renforcer la plante touchée en vaporisant sur celle-ci des préparations à base de cuivre, de zinc et d’acide citrique, ou de composés bioactifs, on ne fait que s’attaquer aux symptômes de la maladie sans faire disparaître pour autant l’agent pathogène[3].
Pour conclure, on ne peut que louer le sérieux des contrôles aéroportuaires. En deux ans que la Xylella dévaste la flore des côtes méditerranéennes, jamais je n’avais entendu de consignes prohibant l’introduction de plantes ornementales en Corse. Lorsque je me rendais en ferry sur l’île de Beauté, aucune interdiction n’était communiquée aux passagers concernant l’importation de certaines plantes et le personnel ne procédait à aucune vérification. Sans doute de tels contrôles étaient-ils jugés comme étant…fastidieux ?

 

Par C. Delanoy

 

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