Sécurité ou liberté ?


Publié le 19 janvier 2015
La résurgence de la violence ranime des questionnements fondamentaux partout dans le monde. La France se trouve naturellement au centre de toutes attentions et déjà les journaux, une semaine après les drames, s’agitent autour de cette thématique éternelle qui hante les démocraties modernes : comment assurer la sécurité des citoyens sans empiéter sur les droits et libertés de ces derniers ? Charlie Hebdo et les prises d’otage ont soudainement révélé à une France qui se targuait d’avoir su éviter les attentats sur son territoire qu’il y avait des failles dans les dispositifs de protection mis en place actuellement, et qu’il était indispensable de prendre des mesures rapides.
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Un casse-tête politique
Cette dichotomie liberté/sécurité n’est pas un problème récent et se retrouve très tôt dans l’histoire des grandes démocraties, États-Unis en tête de ligne. Elle se répercute avec plus de force que jamais jusqu’à maintenant. Benjamin Franklin avait ainsi affirmé : “ceux qui sacrifient une liberté essentielle pour une sécurité temporaire et minime ne méritent ni la liberté ni la sécurité”. Pourquoi présente-t-on souvent liberté et sécurité comme deux principes finissant toujours par s’exclure mutuellement ? On peut y répondre par l’exemple grâce à une question récurrente qui divise les américains : le port des armes. Le débat avait une fois de plus été mis en lumière suite à la mort d’une jeune mère de famille tuée accidentellement par son enfant âgé de deux ans par l’arme qu’elle avait dans son sac. Ce fait divers avait naturellement abouti à un nouveau débat sur la dangerosité des armes à feu. Un argument qui revient régulièrement en faveur du port des armes est la présence de ce droit dans le second amendement du bill of rights. Le vrai problème se pose alors ainsi : si l’on abroge aussi facilement un droit séculaire, qu’en est-il des autres droits et libertés inscrits depuis des siècles dans les constitutions ? (Même si les constitutions en question datent d’une époque révolue…)
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Sans oublier les paradoxes de cette société complexe…
N’en déplaise à Benjamin Franklin, il existe cependant des exemples historiques durant lesquels un peuple a dû renoncer à certaines libertés pour des raisons sécuritaires. Pendant la seconde guerre mondiale, les britanniques avaient dû se contraindre à renoncer à certains droits pour résister aux bombardements et à la guerre âpre qui avait enflammé  le reste de l’Europe. La Rome antique a longtemps été une République au sein de laquelle, lors des évènements les plus graves, il pouvait être désigné un homme détenant tous les pouvoirs. Il était alors nommé dictateur. Le peuple romain renonçait donc à leur système politique pour laisser un unique dirigeant prendre les décisions rapides qui s’imposaient en situation de crise. Mais il n’y a qu’un pas entre une situation exceptionnelle et les abus qui finissent par en découler. Jules César a été assassiné car il tentait de devenir dictateur à vie, de transformer une situation temporaire à l’encontre des principes fondateurs de la république  romaine. La question n’est donc pas tant de choisir, mais plutôt de savoir quand poser les limites des mesures sécuritaires. Qu’en est-il de l’occident à présent et de la France en particulier ?
Vers un Patriot Act à la française ?
Le 11 septembre 2001 avait donné naissance à une législation particulière aux États-Unis pour repérer et contrôler la menace terroriste. Le Patriot Act a pour but majeur de renforcer drastiquement la sécurité intérieure notamment en opérant une surveillance accrue. L’un de ses aspects les plus controversés était notamment la possibilité d’avoir accès à des données privées sans demander l’accord préalable aux concernés et surtout sans avoir à présenter de justification particulière. Ce dispositif a donc été vivement critiqué par les organismes de protection des droits de l’homme. Les abus ont été confirmés, notamment en 2013 par Edward Snowden : le Patrioct Act s’était détourné de son but premier pour multiplier les écoutes qui n’avaient pas un rapport direct avec la sécurité du territoire et la lutte contre le terrorisme.
Dans le contexte actuel, la mise en place d’un ensemble de lois similaires en France a été proposé par certains députés. Elle s’inscrirait cependant dans la pleine continuité des lois antiterroristes de novembre. Il s’agit notamment de consolider les moyens des écoutes et de surveillance, mais cette mesure éventuelle est loin de faire l’unanimité. Entre les scandales aux États-Unis, le manque de résultats probants et la complexité de lutter contre un acte commis par des déséquilibrés, il demeure des réserves sur la mise en place d’un dispositif semblable. Sans compter que le Patriot Act est contraire aux grands principes de la France ou qu’en juin 2015 il sera révisé aux États-Unis car jugé trop liberticide.

La perception de la sécurité nécessaire est finalement une tendance, au sens où ce qui sera acceptable suite à des attentats ne le sera plus quelques années plus tard. Elle joue sur la peur, la crainte, de larges mouvements de foules émotionnelles, la spontanéité. En un sens, elle unit sous une même bannière des personnes qui n’avaient alors rien en commun. Dans un autre, elle fragilise le jugement, apparaît comme une occasion pour certaines voix dangereuses et peut laisser la porte ouverte à une récupération politique honteuse, avide de prendre le devant de la scène et croyant donner au peuple ce qu’il demande en proposant des lois abusives censées sauver la situation.

Camille Barbry

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