Echec et Maths


Publié le 9 janvier 2014

 
« Les maths, moi, c’est viscéral ». « A quoi ça sert de savoir dériver une fonction dans la vraie vie ? ». « J’ai toujours été nul en maths de toute façon ». Ah, les maths… Il y a ceux qui ont la bosse, et puis il y a les autres… Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, une chose est claire, elles ne sont pas du genre à laisser indifférent. De ce constat est née l’idée d’un film : Comment j’ai détesté les maths, d’Olivier Peyon, qui sortira au cinéma le 27 novembre. Le choix du titre devrait en attirer plus d’un dans les salles, car comment ne pas s’y reconnaître ? Depuis la primaire où nous bûchons les maths, nous avons tous au moins une fois (mais bien malheureusement pas que…) bloqué sur un problème, et haï la matière.

D’emblée, le film nous exhibe les stéréotypes qui assaillent –injustement ?– les mathématiques. Il s’ouvre sur des témoignages d’enfants, adolescents et adultes de tous horizons. Parmi eux, deux étudiants de Berkeley retiennent notre attention, ils dépeignent le profil type du professeur de maths : un vieux garçon un peu ringard, une veste beige en tweed et un nœud papillon. Certes nos enseignants n’ont pas tous arboré la tenue, mais pour autant cette image à la vie dure. Avant de réaliser son film, Olivier Peyon explique que c’est une réflexion d’un de ses amis chercheur au Collège de France qui lui met la puce à l’oreille : « si on enseignait l’esprit de liberté des maths aux enfants, tous les élèves deviendraient des rebelles ». Les idées de liberté et de révolte lui semblent à l’époque être aux antipodes d’une discipline a priori synonyme de sélection, d’élitisme et de rigidité. De là le désir d’examiner, questionner et aller au-delà de ces clichés. Et en effet, les maths sont plus complexes qu’il n’y paraît…

Tout d’abord, les maths ne sont pas qu’une matière enseignée à raison de quelques heures par semaine, elles sont également un symbole : celui de l’excellence. Dans les grandes écoles d’ingénieur, d’aviation, de commerce, etc., elles constituent une épreuve incontournable pour la sélection des candidats aux concours. Au lycée, la filière scientifique (S) reste aujourd’hui encore la voie la plus empruntée par les étudiants, quand bien même ils ne se destinent pas à continuer dans ce domaine. Parce que réussir en maths est considéré comme une valeur sûre. Une aura propre aux mathématiques qui semble bien installée.

Plus amusant, on pense peu souvent aux émotions que véhiculent les mathématiques. Or, c’est tout un panaché de sentiments qui se met à l’œuvre dans un problème : de la frustration lorsqu’on ne parvient pas à franchir une étape, à l’excitation lorsque progressivement les obstacles se rabattent jusqu’à la résolution ! Il y a bel et bien du concret et de la vie derrière les mathématiques. Une véritable leçon de vie s’en dégage d’ailleurs : ici, le résultat importe moins que le chemin que l’on emprunte. Un principe qui s’applique à bien d’autres domaines qu’opérations et algorithmes.

Enfin, un vieil adage voudrait qu’il y ait d’un côté les artistes, de l’autre les matheux. L’imagination contre la raison. Pour autant, d’aucun vous confirmeront cette idée-reçue. Pour le mathématicien Jean-Pierre Bourguignon, il faut « savoir douter pour atteindre une vérité ». Faire des mathématiques, c’est savoir se remettre en question et avant tout être créatif, afin de pouvoir trouver une solution. En simplifiant grossièrement, on pourrait dire du mathématicien qu’il est un peintre dont le tableau n’est pas en toile, un poète maniant des chiffres au lieu des lettres, un dessinateur dont le fusain est une craie, etc., vous comprenez l’idée. Le mathématicien, un artiste incompris ? Nous pouvons en effet le croire.

Olivier Peyon explique que s’il a réalisé ce film, c’est qu’il s’est rendu compte, au cours de ses recherches et du tournage, que parler des maths, c’était « parler de nos contradictions, de nos paradoxes, c’était tout simplement parler de nous ». Et en y regardant de plus près, il n’a pas tout à fait tort. On s’abstiendra peut-être juste de passer le message aux profs.

Camille Klein

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