Les idot(e)s utiles

Les idot(e)s utiles

 « Si la providence avait voulu que nous fussions heureux, elle ne nous aurait pas donné l’intelligence » (E. Kant)

L’humain est un animal qui, pour son plus grand malheur, s’est vu doté de raison : il se pose des questions. Face au mélange de complexité et d’absurdité qui compose l’existence, il en vient à suivre sa pente naturelle et se met à croire en tout ce qui peut remplir son vide intérieur, et atténuer ses angoisses.

Puisqu’un malheur ne vient jamais seul, certains se sont fait les spécialistes de l’explication du monde et la réduise bien trop souvent à une vision binaire des choses. Cette binarité, jamais assumée, est une machine à fabriquer des boucs-émissaires qui sont rendus responsables de tous les malheurs qui accablent les uns et les autres : les hommes, les noirs, les immigrés, les blancs, les riches et les juifs sont ainsi responsables d’à peu près tout ce qui ne va pas dans ce monde.

Ces marchands de vérités, qui vendent des interprétations du monde, sont nombreux et ont produit quantités d’idéologies plus ou moins solides et pertinentes. L’une des plus fragiles, le féminisme, peut aisément être mise à mal par une autre, plus pertinente, le socialisme scientifique.

Selon cette dernière doctrine, la société est schématiquement divisée et deux groupes. Les termes employés pour qualifier ces deux groupes sont multiples, choisissons les plus provocateurs : d’un côté la bourgeoisie, de l’autre le prolétariat.

La bourgeoisie se définie comme la conjonction d’une position sociale et d’un système de pensée essentiellement façonné pour justifier cette position sociale. Les bourgeois possèdent du capital, ce qui leur permet d’être « détachés » de leurs moyens de subsistance : celui qui possède du capital peut investir dans une entreprise, embaucher un directeur et des managers pour la faire tourner sans lui s’il ne possède pas le talent ou les compétences nécessaires pour le faire lui-même, et aller se faire dorer la pilule au soleil pendant qu’il touche ses dividendes.

Cette vision peut sembler extrêmement caricaturale, mais ce type de situation est plus courante qu’on pourrait le croire, sinon comment expliquer que Bernard Madoff ait pu trouver autant de pigeons à arnaquer pour faire fortune ? Le bourgeois peut se payer des financiers et gestionnaires d’épargne pour s’occuper de son argent sans qu’il ait besoin de bouger le petit doigt.

Le prolétaire, celui qui doit nécessairement travailler pour (sur)vivre, ne peut pas se payer le luxe de vivre de sa rente. Précisons tout de suite que la catégorie « prolétaire » s’est grandement élargie depuis 150 ans, la mondialisation et l’accroissement de la concentration des richesses. Disons, pour simplifier, que gagner 6 000 € vous rapproche davantage du prolétariat que de la bourgeoisie.

Revenons-en au féminisme. Du fait de l’ésotérisme crasse de ce mouvement, je ne m’aventurerai pas à en donner une définition précise qui, de toute façon, sera toujours fausse aux yeux de telle féministe de telle obédience. Disons (trop) simplement — là est la faiblesse de mon argumentaire — qu’il s’agit de la revendication de l’égalité de droit entre les femmes et les hommes.

C’est là que le bât blesse. Quels hommes et quelles femmes ? Il existe une différence fondamentale entre les hommes et les femmes bourgeoises et prolétaires, ne serait-ce que dans l’origine même du féminisme.

Côté femmes prolétaires, ce sont les débuts de l’ère industrielle à la fin du XVIIIe qui leur permirent de gagner en liberté. Le manque de main d’œuvre dans les usines urbaines siphonna la main d’œuvre des campagnes et les jeunes femmes, jusqu’alors soumises à l’influence de la collectivité rurale organique, purent quitter le foyer parental pour gagner la ville, travailler pour elles et vivre sous une moindre pression sociale.

Côté femmes bourgeoises, elles n’étaient, au XIXe siècle, pas autorisés à sortir de chez elles non accompagnées, morale oblige. C’est paradoxalement le développement des grands magasins et du shopping qui joua un grand rôle dans l’émancipation des femmes, les grands centres commerciaux devenant des lieux de rassemblement féminin.

Premier point : du fait de la stratification sociale, la solidarité intra-sex est un mythe féministe bourgeois. Tout comme la bourgeoisie patriote chère à Eric Zemmour, la bourgeoisie féministe est une chimère. En situation de crise et/ou de menace à sa situation sociale, la femme bourgeoise se rappelle très rapidement qu’elle est bourgeoise avant d’être femme. « Nos vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se jettent dans la mer » disait La Rochefoucauld.

Deuxième point : le féminisme, né de la cuisse du capitalisme, a « libéré » les femmes du « patriarcat » pour les asservir à son tour. Si des mouvements féministes ouvriers ont bel et bien existé, le fait est qu’ils se sont éteints en même temps que la gauche, sous Mittrand.

Les féministes, et les progressistes dans leur ensemble, sont les idiot(e)s utiles du capitalisme qui applique la vieille stratégie machiavélienne du « diviser pour mieux régner » en créant des antagonismes vides. Une réflexion en termes de position dans la hiérarchie des rapports de production est bien plus pertinente qu’une soi-disant opposition entre les sexes, les races ou que sais-je.

Contrairement à ce que les « féministes » affirment pour défendre leur idéologie, le féminisme mainstream conduit, dans les faits, à faire régner la terreur intellectuelle au nom du « politiquement correct ». En outre, la revendication d’un droit à la différence se prolonge volontiers dans la revendication d’une différence de droits entre les femmes bourgeoises et prolétaires.

A qui profite les revendications de parité à l’Assemblée Générale, dans les bords des grandes entreprises et parmi les PDG du CAC 40, si ce n’est aux femmes bourgeoises et socialement privilégiées par rapport aux travailleurs, hommes comme femmes.

Ces soi-disant « féministes » qui se font passer pour des victimes d’un prétendu patriarcat qui les oppresserait du soir un matin est ridicule (en France). Nous avons pitié de ceux qui souffrent, et surtout de ceux qui souffrent de manière bien visible, pas des privilégiées qui s’inventent des malheurs. Nous réservons notre respect à ceux qui refusent d’exploiter leurs souffrances à des fins de pitié pour s’ouvrir les portes d’un privilège social qu’ils ne méritent pas. Nous respectons ceux qui sont prêts à être tenus pour responsable de leurs actions et qui s’imposent des normes exigeantes, impartiales et impersonnelles.

 

JAVOY Adrien,

« Il faut détruire l’Union Européenne ».

L’Euro : l’arnaque du siècle

L’Euro : l’arnaque du siècle

Vous n’êtes certainement pas sans savoir que dans moins d’un mois la France à rendez-vous avec son avenir et que nous, citoyens français, devrons accomplir notre devoir d’électeur et… non c’est une blague, j’ai moi-même failli m’endormir deux fois en écrivant de telles niaiseries. La vérité c’est que l’on nous demande de choisir parmi une brochette de c*****d.e.s qui nous explique que si la France va mal c’est à cause du système capitaliste et du patriarcat pour les uns, notre système social trop onéreux pour d’autres ou encore l’immigration, les impôts, les «élites»(les juifs pour certains…), etc. Que ce soient les candidats de l’écurie Arnault ou bien de l’écurie Bolloré, tous semblent s’accorder sur le fait que la France est en déclin mais aucun n’ose (de peur de froisser leur mécène) désigner le problème fondamental : l’Union Européenne, et plus précisément, l’euro.

 

 

Pourrie par la racine

 Les débuts des années 1980 en France sont marquées par une inflation de masse : les prix augmentent de 12% par an ce qui menace l’économie du pays. Cette même période est marquée par l’émergence de l’idéologie néolibérale qui consiste à penser qu’il faut déréguler les marchés pour permettre à l’économie d’atteindre l’équilibre naturellement. C’est la fameuse phrase de Ronald Reagan, alors président des Etats-Unis : « l’Etat n’est pas la solution ; l’Etat est le problème ». Les hommes politiques seraient incompétents à gérer l’économie de leur pays et devraient déléguer cette mission à une instance indépendante du pouvoir politique.

L’économiste Jacques Sapir explique que depuis la fin des années 1980, en Europe, s’est affirmé le projet politique de mettre en place des institutions fédérales européennes. Ces institutions ont toujours été rejetées par les peuples européens à chaque fois que l’on a daigné leur demander leur avis (ex : référendum de 2005). Il a donc fallu ruser via le « fédéralisme furtif » qui consista à construire des institutions imparfaites, dont l’euro est le meilleur exemple, afin d’amener les peuples à consentir, dans la crainte et l’urgence, à la construction européenne lors de crise successives (ex : crise de 2008 ; crise des dettes souveraines 2011/12).

 

 

Une solution absolument anti-démocratique

En 1992 fut signé le Traité de Maastricht qui entérine la libre circulation des capitaux entre les 12 premiers Etats membres et le fait que l’ECU (european currrency unit), l’ancêtre de l’euro, soit calqué sur le mark allemand et la politique de contrôle de l’inflation de la Bundesbank (Banque centrale allemande). A ce moment précis, la France a abandonné sa souveraineté en matière de politique monétaire afin de réduire l’inflation. Les objectifs de croissance économiques et de création d’emplois son devenu secondaire et le sont toujours avec l’actuel euro. Afin de conserver une inflation basse, la France due se soumettre aux injonctions de la Commission européenne et cesser d’investir dans son économie et ses services publics ce qui pénalisa fortement l’emploi et la croissance.

Cela amena Philippe Séguin, alors député, à déclarer lors de son discours contre le traité de Maastricht du 5 mai 1992 : « L’Europe que l’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la révolution. 1992 est littéralement l’anti 1789. »

 

 

La destruction programmée de la France

L’exemple le plus probant des effets délétères de l’euro se trouve dans le phénomène de la désindustrialisation, sujet éminemment politique par les temps qui court… L’industrie est le pilier de notre souveraineté économique et l’euro a joué un rôle majeur dans sa dilapidation. Alors que la part de l’industrie dans la hausse de la valeur ajoutée du PIB était de 30% en 1981, elle est de 16% en 2016. Pour nos petits politiques pétris d’idéologie néolibérale et fanatiques de la mondialisation heureuse, la cause viendrait du coût du travail et de notre modèle social trop onéreux. Pourtant, un bulletin récent de la Banque de France montre que le coût du travail en France n’est pas plus élevé que celui de l’Allemagne, voire légèrement sous la moyenne de la zone euro. Notre (futur)président affirme pourtant l’inverse, ne lit-il pas les rapports ? Ou bien est-il trop occupé à lire ceux de son cabinet de conseil favoris…

La véritable raison est qu’avec le marché unique (Acte unique européen de 1986), l’euro a fait tomber les barrières de protection essentielles dont tous les autres pays du monde disposent et a provoqué une très forte hausse de la concurrence entre les entreprises européennes. Le déclin économique de notre pays s’est amorcé à cause de l’aveuglement idéologique des gouvernements successifs, de droites comme de gauche, qui ont crût et croit toujours au                  « leadership français ». Les Allemands en rigolent encore… alors que notre pays connaît le chômage de masse, la hausse de la pauvreté et des inégalités, la destruction de notre service public et de notre modèle social.

 

 

Pour conclure, la France souffre de la désindustrialisation causée par une idéologie européiste aveugle, incapable de reconnaitre que les fondements mêmes de la construction européenne sont structurellement néfastes à la France. Les gouvernements précédents (pas les Français) ont voulu l’euro, les Allemands en ont défini les modalités aux bénéfices des pays du Nord qui ont profité de la désindustrialisation de notre économie depuis 30 ans. Ainsi, je ne crois pas prendre beaucoup de risque en paraphrasant Reagan : l’UE n’est pas la solution, elle est le problème.

 

 

« Il faut dire ce que l’on voit, et plus difficile encore, voir ce que l’on voit »

Charles Péguy

 

 

Le bulletin de la banque de France en question : 819222_bdf224-2_competitivite_prix_web3.pdf (banque-france.fr)

Les sources littéraires :

  • BOULO François ; Reprendre le pouvoir : Manuel d’émancipation politique, Les Liens qui libèrent, 2O21.
  • SAPIR Jacques ; L’euro contre la France, l’euro contre l’Europe, les éditions du cerf, 2016.

Les sources vidéoludiques de la chaine Blast (les vrais connaissent) :

Et en bonus pour les curieux :

 

 

Par Adrien Javoy

Tribune sur l’enfance

Tribune sur l’enfance

 

L’incident du petit Rayan à Chefchaouen au Maroc a emballé le monde entier. Plusieurs chefs d’Etats se sont exprimés à ce sujet-là en exprimant leurs sincères condoléances . Des personnalités publiques ne se sont pas échappées à cette tendance médiatique ou encore les médias. Entre opportunismes et émotions, le monde a partagé cette peine avec les citoyens du Maroc et surtout avec les parents de ce jeune enfant. Nous avons pu remarquer d’autres réactions sur les réseaux sociaux qui démontrent que nous avons déjà connu d’autres incidents impliquant des enfants mais qui n’ont pas connu cette ampleur médiatique. Et là je pense aux enfants qui meurent chaque jour au Yémen, aux filles en Guinée et en Somalie qui subissent sous une forme ou une autre de la mutilation génitale féminine sous la forme le plus souvent d’excision, aux 4,3 millions d’enfants qui sont assujettis à du travail forcé. Les chiffres peuvent paraître incroyables et peuvent même susciter de l’empathie de votre part, mais cette empathie s’arrêtera avant même de finir cet article. Et c’est ce qui pose problème. Rayan est peut être un enfant comme les autres. On a tous connu un drame, entendu une histoire qui nous a mis dans les bottes de sa famille . Mais il a éveillé en nous et dans les pays concernés, une obligation de penser l’enfance . Je veux dire merci à Rayan et aux mobilisations médiatiques, qui nous ont éveillé de notre sommeil latent et de notre nombrilisme. Tu as permis au monde, au Maroc de voir un autre jour. Tu as permis à mon pays, de penser les familles qui résident dans les campagnes et non pas qu’aux récoltes. Tu nous a permis de voir les enfants travailleurs sous un nouvel angle et aux petites filles qui subissent toujours des contraintes sociales pour mener à bien leur éducation. Les enfants n’ont plus le devoir de cirer les chaussures et d’accompagner les mendiants dans les quartiers de Casablanca. Ils ont  le droit de vivre leur enfance et de penser leur futur. Le Maroc a mobilisé des ressources humaines incroyables, des ressources financières comme jamais vu auparavant pour sauver une vie d’un enfant de 5 ans. J’espère vivement que cela ne s’arrêtera pas là et qu’une certaine conscience collective s’éveillera en nous. Enfin, je ne peux passer à côté du fait que les réseaux sociaux, les médias ont démontré leur pouvoir incroyable dans l’imposition de l’agenda médiatique. Ils ont pu mobiliser une foule énorme, des prières et des pensées pour une modeste famille d’un petit village au Maroc . Et c’est pour cela qu’il faut penser à leur pouvoir et l’obligation d’affuter notre esprit critique. L’éthique du journalisme est à l’ordre du jour.

 

Par Aida Harmane

 

 

 

 

 

L’archipel des Chagos : Un enjeux local à ampleur international

L’archipel des Chagos : Un enjeux local à ampleur international

L’archipel des Chagos : Un enjeux local à ampleur international

 

« Assis face à la mer, dans l’air apaisé du crépuscule, Charlesia et Désiré regardent le soleil s’éteindre au loin. Derrière ils le savent, les attendent ces îles-confettis qu’une main convoiteuse a voulu arracher à leur mémoire. Fermés au bruit de la ville qui s’épuise dans leur dos, ils dessinent du regard, ce bateau qui les emmènera, qui les ramènera, là-bas, de l’autre côté de l’horizon, là où le soleil se lève sur une pluie d’îles, posées sur la mer comme une prière. Chez eux. Là-bas, aux Chagos. » (1). Paru en 2005, le roman de Pavel Shenaz duquel est tirée cette citation nous invite à découvrir l’histoire de Charlesia, jeune femme aux origines chagossiennes née au Royaume-Uni, qui cherche à découvrir l’histoire du peuple de la terre natale de ses parents, l’archipel des Chagos.

 

Les îles Chagos forment un archipel dans l’Océan Indien situé à mille kilomètres au sud des Maldives, à mi-chemin entre l’Afrique, la péninsule arabique, le sous-continent indien et l’île de Sumatra. Ces îles coralliennes sont toutes, par ailleurs, des atolls. Cette particularité est très justement illustrée par la dénomination « îles-confettis » de Pavel Shenaz puisque si l’archipel s’étend sur près de cinq-cent kilomètres, la soixantaine d’îles ne totalise qu’une superficie d’à peine soixante kilomètres carrés. L’île la plus étendue et la plus australe de l’archipel est Diego Garcia, dont la fine bande de terre séparant l’Océan du lagon ne dépasse que rarement les cinq-cent mètres. De prime abord, ces caractéristiques topographiques ne laissent en rien présager que cet archipel joue un rôle majeur pour la stratégie militaire étasunienne dans l’Océan indien depuis les années 1970, qu’elle est source de convoitises de plusieurs grandes puissances internationales, mais également l’un des principaux contentieux post-coloniaux subsistant jusqu’à nos jours.

 

Pour comprendre ces enjeux, il est nécessaire de s’intéresser à l’histoire de l’archipel, lequel est étroitement lié à celui de l’île Maurice. La présence humaine sur cette dernière, île la plus orientale des Mascareignes, est établie à partir de 1507, lorsque les Portugais y débarquent. Elle est ensuite prise par les Hollandais en 1598, lesquels l’abandonnent en 1710, se repliant vers le Cap, en Afrique du sud. Elle est ainsi définitivement conquise par le capitaine de navire français Guillaume Dufresne d’Arsel en 1715 au nom de Louis XIV, dans le but principal de profiter de sa position stratégique sur la route des Indes orientales. C’est depuis cette île qu’a lieu la première installation humaine dans l’archipel des Chagos, lorsqu’en 1776, des colons français s’emparent au nom de la Couronne de l’île Diego Garcia, plus grande île des Chagos et la plus proche de l’île de France, qui n’avait jusqu’alors été visitée que par d’épisodiques navires marchands venus de la péninsule arabique. Des colons français s’installent sur cette île et ses voisines avec leurs esclaves, produisant essentiellement de la coprah (amendes de coco décortiquées) vendues à l’île de France (2).

 

Mais les Chagos, comme l’île de France, échappent rapidement au contrôle des Français. En effet, dans la guerre opposant la France napoléonienne au Royaume-Uni, la sécurisation de la route des Indes orientales est un enjeu majeur pour les Britanniques. Ces derniers s’emparent, dès 1809, de l’île Rodrigues, à l’est de l’île de France, puis de l’entièreté de l’île Bourbon, rebaptisée île Bonaparte, en août 1810. Enfin, au mois de novembre de la même année, ils prennent l’île de France après la capitulation des Français. Ils étendent alors leur emprise jusqu’aux îles Chagos. Seule l’île Bonaparte, définitivement renommée île de la Réunion, est rendue aux Français par le traité de Paris du 18 mai 1814.

Dès lors, les territoires de l’île Maurice et des Chagos sont rattachés au sein de la même entité coloniale, la colonie de l’île Maurice. Les Britanniques tirent beaucoup de profits de l’exploitation de la canne à sucre sur l’île Maurice mais se désintéressent de l’archipel des Chagos, dans lequel une population de quelques centaines d’individus métissés entre anciens colons européens, anciens esclaves africains et populations venues d’Inde, vivent en quasi-autonomie durant plus d’un siècle, pratiquant l’élevage, la pêche et l’agriculture. Ce n’est qu’à l’orée des années 1960 que les Britanniques constatent le plein potentiel de cet archipel. En effet, l’indépendance de l’île Maurice se profile dans un contexte à la fois de décolonisation de l’Afrique mais également de Guerre Froide naissante. Or, l’URSS dispose de bases autour de l’Océan Indien, au Mozambique ou en Somalie, et son influence s’y fait de plus en plus présente tandis que la présence britannique, au contraire, se restreint, notamment après l’indépendance du protectorat d’Aden (3). L’archipel des Chagos étant stratégiquement placé au centre de l’Océan Indien, les Britanniques négocient la concession de son indépendance à l’île Maurice et lui octroient une compensation financière en échange du détachement de l’archipel des Chagos de la colonie de l’île Maurice, afin d’en conserver la souveraineté après la création d’un État mauricien indépendant.

Le but principal de ce détachement est bien évidemment de conserver une influence et le contrôle de l’Océan indien, mais également, et surtout, de permettre l’implantation d’une base militaire étasunienne sur l’île de Diego Garcia, les États-Unis voulant absolument contrer l’influence soviétique grandissante dans la région et ne disposant pas de base militaire au sein de celle-ci. Aussi, c’est pourquoi les Britanniques créent en 1965, trois ans avant l’indépendance de l’île Maurice (4), les Territoires britanniques de l’Océan indien (BIOT) (5), regroupant les Chagos et trois îles détachées des Seychelles (6). Les Chagos sont dépeuplées et la population est envoyée à Port-Louis, sur l’île Maurice, ce qui permet de louer l’île de Diego Garcia aux Étasuniens pour cinquante ans afin qu’ils y construisent leur base militaire maritime, laquelle est inaugurée en mars 1977.

Cet épisode de détachement des Chagos du territoire de Maurice est vécu comme une trahison dans l’opinion publique mauricienne à partir des années 1970-1980 et alimente, depuis, de vives polémiques, notamment entre Paul Béranger, principal opposant du gouvernement, et le président de l’indépendance, Sir Seewoosagur Ramgoolam. Aussi, c’est pourquoi l’île Maurice revendique la souveraineté sur les Chagos, en donnant comme principaux arguments juridiques le droit des peuples à disposer d’eux-même et le droit international relatif à la décolonisation, interdisant les démembrements de territoires au moment de leur indépendance.

 

Ainsi, depuis la fin des années 1990, le contentieux relatif à la souveraineté de l’archipel des Chagos s’internationalise, au point de devenir l’un des sujets les plus récurrents à l’ONU et au sein de la Cour internationale de justice. Ce contentieux soulève différents enjeux. Tout d’abord, à l’échelon national, celui de l’État de l’île Maurice et de la population exilée de l’archipel des Chagos, se posent des questions de souveraineté nationale mais aussi du retour sur des terres dont les populations ont été chassées et sont privées du droit au retour. Le Royaume-Uni interdit en effet le retour des populations et la rétrocession de l’archipel à Maurice afin de garantir toute la discrétion possible aux bases étasuniennes.

 

Mais les enjeux de ce contentieux se situent également à l’échelle internationale. En effet, depuis la chute de l’URSS en 1991 et l’émergence de la Chine communiste comme puissance concurrente des Etats-Unis, la base militaire de Diego Garcia tient une place considérable dans la stratégie étasunienne dans cette région. Elle est placée sur un itinéraire maritime des « Nouvelles routes de la soie », projet chinois visant à connecter la Chine à l’Europe (8), mais aussi sur une route maritime mondiale majeure, entre Malacca et la Mer Rouge, tout comme elle permet de servir de base arrière dans les conflits du Moyen-Orient et d’Afrique orientale. Ces îles suscitent également l’intérêt, dans une moindre mesure, de l’Inde, puissance émergente dont le territoire continental est le plus proche de l’archipel.

 

L’enjeu est également, sur la scène internationale, celui de la persistance d’un vestige colonial plusieurs décennies après la vague d’indépendance de l’après-Seconde Guerre mondiale, qui met régulièrement dans l’embarras le Royaume-Uni, mais également de façon plus discrète la France qui soutient informellement les Britanniques sur ce dossier dans la mesure où certaines de ses propres possessions dans les Îles Éparses sont également revendiquées par l’île Maurice (9). Elle doit aussi faire face à des contentieux post-coloniaux dans d’autres possessions comme Mayotte revendiquée par l’Union des Comores ou la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française, ajoutées à la liste de l’ONU des territoires à décoloniser (10).

Enfin, le dernier enjeux relatif à ce contentieux est lié au droit international construit par les États de l’ONU depuis 1945. Ce contentieux soulève à la fois la question de l’application des droits des peuples à disposer d’eux-même, de l’intégrité des territoires à décoloniser mais également du droit de retour de populations chassées de leurs terres. Cet enjeux est d’autant plus important qu’il est ici bafoué par des puissances qui se proclament principales promotrices du droit international contemporain, le Royaume-Uni et les États-Unis, et qu’il montre les limites des institutions multilatérales de négociation et de justice mises en place depuis le milieu du XXe siècle.

Il s’agira donc d’envisager la question suivante : pourquoi l’internationalisation du contentieux relatif à l’archipel des Chagos, originellement débattu entre l’ancienne puissance colonisatrice – le Royaume-Uni – et l’île Maurice, est-il révélateur de la place centrale de l’Océan indien dans les stratégies géopolitiques des grandes puissances et des carences de la gouvernance mondiale de l’après Guerre froide ?

 

Premièrement, il s’agira de comprendre pourquoi l’archipel des Chagos est un centre si convoité par le Royaume-Uni et les États-Unis, puis ensuite de voir comment l’implantation militaire américaine à Diego Garcia s’est construite et s’est affirmée comme un centre majeur des stratégies étasuniennes dans la région et, enfin, d’envisager ce contentieux sous le prisme du droit international, de la revendication mauricienne sur ce territoire et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

 

1 SHENAZ Patel, Le silence des Chagos, Editions de l’Olivier, Paris, 2005, p.151.

2 GREGOIRE Emmanuel, “Les Chagos, archipel convoité”, Politique africaine, 2005/1, n°97, pp.151-159.

3 Indépendance de la Fédération des Emirats arabes du Sud, renommée Fédération d’Arabie du Sud, le 4 avril 1962.

4 Indépendance de l’île Maurice proclamée le 12 mars 1968.

5 British Indian Ocean Territory, (BIOT).

6 Farquhar, Aldabra et Desroches, restituées à l’Etat des Seychelles après son indépendance en 1976.

7 GREGOIRE Emmanuel, op. cit.

8 Projet initié en 2013 par le président chinois Xi Jinping. ROUAIA Nashidil, “Nouvelles routes de la soie”,

Encyclopedia Universalis [en ligne], consulté le 23/03/2021.

9 Île Tromelin et banc Saya de Malha.

10 Territoires non autonomes au terme du chapitre XI de la Charte des Nations-Unies, considérés comme tels depuis 1986 pour la Nouvelle Calédonie et depuis 2013 pour la Polynésie française. Site internet des Nations-Unies, consulté le 23/03/2021.

 

Par Valentin Julien

On est en DE-MO-CRA-TIE !

On est en DE-MO-CRA-TIE !

 

 

Contexte d’élection présidentielle oblige (ou pas) le peuple s’intéresse de nouveau, comme tous les cinq ans, à la politique. Il tente de se faire une « opinion » avant d’aller effectuer son « devoir » de citoyen en glissant un petit bout de papier dans l’urne, tout en remerciant la « démocratie » de le laisser s’exprimer. Mais, de plus en plus de nos concitoyens sentent comme un arrière-goût de pisse lorsqu’ils observent le décalage entre l’offre politique qui nous est présentée, et la réalité de leur vie quotidienne. Ce petit goût, ou l’impression de se prendre une quenelle après chaque élection, peut même en conduire certains à penser l’interdit : « sommes-nous vraiment en démocratie ? » Evidemment ! Si nous n’étions pas en démocratie nous serions en dictature ! Chantent en cœur les défenseurs de la Liberté. La démocratie serait, à les entendre, le seul système viable et l’on basculerait irrémédiablement dans la dictature dès lors que l’on s’en écarterait. Mais tentons d’aller plus loin, ne soyons pas le petit vers de terre, soyons l’aigle, et demandons-nous : « et si la démocratie n’était pas infaillible ? »

Vaste question que voilà, mais par où commencer ? Pour éviter de choquer trop fortement un auditoire non averti ou se faire traiter de complotiste (ce qui n’est pas si désagréable une fois que l’on si est habitué) commençons doucement par dénoncer… la caste politico-médiatique !

 

Partie I : Les chiens du pouvoir

 

Véritable pilier de la démocratie, le métier du journaliste est essentiel pour que les citoyens puissent exercer leurs droits démocratiques de façon libre et éclairé. Ils doivent permettre au débat public de s’élever en faisant s’affronter les différents points de vue qui s’exprime dans la société. Or, les médias sont accusés d’avoir failli à leur devoir : citoyens, politiques, intellectuels voir même journalistes dénoncent les biais idéologiques de certains de ces médias (de gauche comme de droite), la recherche du « buzz » et le profit maximal, voire d’être au service du pouvoir pour d’autres. Cette contestation est telle que la question de la suppression de la redevance télé se fait de plus en plus présente dans le débat public. C’est ainsi que Reporters Sans Frontières classe la France en 34e position au classement de la liberté de la presse1.

 

L’illusion de l’objectivité

Les journalistes ont pour habitude de cacher leurs biais idéologiques derrière ce qu’ils nomment comme des imbéciles « objectivité ». Comment oserait-on critiquer le travail d’un journaliste alors qu’il tait ses opinions et ne fait que rapporter des faits ? Il s’agit dès lors d’une contestation de la vérité (Complotistes !). Cependant, croire à l’objectivité du journaliste est absurde, mais est également dangereux pour la démocratie. La subjectivité est inhérente à toute activité humaine, les journalistes devraient en avoir conscience. Leur subjectivité détermine les sujets qu’ils vont traiter, l’angle avec lequel ils vont le faire ou les gens qu’ils choisissent d’interroger.

 

 

L’idéologie dominante : le collier autour du cou des chiens

Il faut savoir qu’environ 90% des médias français traditionnels (dits « mainstream ») sont détenus par 8 milliardaires : B. Arnaud (Le Parisien), F. Pinault (Le Point), famille Dassault (Le Figaro), V. Bolloré (Canal +, CNews, C8), P. Drahi (BFM-TV, RMC, Libération et l’Express), X. Niel (Le Monde, L’Obs et Télérama), famille Bouygues (TF1, LCI, TMC), A. Lagardère (Europe1, Paris Match et le Journal du Dimanche)3. Il est également convenu que ces médias, largement subventionnés pour la plupart par l’argent public, sont déficitaires. L’influence qu’ils procurent à leurs détenteurs est donc la raison pour laquelle ces médias sont tant convoités. Le fait que la plupart des médias influents soit détenus par quelques milliardaires, oriente et biaise les recrutements et promotions au sein des rédactions journalistiques en faveur des intérêts de ces derniers. La grande majorité des procédés de censure se font dans la discrétion des salles de rédaction, la détention des médias par quelques milliardaires provoque des conditionnements psychologiques et sociaux de censure, voire d’autocensure, au sein de la sphère médiatique.

Ce type de critique est très mal perçu par les journalistes qui revendiquent leur indépendance d’esprit et leur liberté d’exercice. C’est là l’un des effets les plus dévastateurs pour la démocratie : ceux qui sont censés permettre son bon fonctionnement se comportent comme les chiens de garde du système néolibérale, et n’en ont pour la plupart pas conscience. Comment le pourraient-ils ? Ils ont justement été sélectionnés ou promus en raison de leur aliénation à l’idéologie dominante.

 

La sécession des élites

Le problème majeur est que l’entre-soi règne dans le cercle privilégié de la caste politico-médiatique, et que les détenteurs des places de décisions de ce système ne sont pas adeptes de la remise en question. Ils se cooptent les uns les autres et préfèrent pratiquer l’onanisme intellectuel en se complaisant dans leur idéologie. Pourquoi considérer les avis divergeant et se remettre en question, alors que l’idéologie qu’ils suivent aveuglément sert leurs petits intérêts personnels. En un sens, la caste médiatique est à l’image de la classe moyenne supérieure de la société. Bardée de diplômes supérieurs, elle est certaine de sa supériorité intellectuelle et ses conditions de vie représentent un blocage : Ils n’ont pas besoin de s’intéresser aux problèmes du peuple, ce ne sont pas les leurs. Pourquoi chercher à changer les règles du jeu dès lors qu’elles vous profitent ?

La classe moyenne supérieure vit bien trop confortablement pour renoncer à ses illusions et cela met véritablement en danger la démocratie. Comme la si bien dit W. Churchill : « La démocratie est le pire des régimes, à l’exclusion de tous les autres », d’autres systèmes autres que la démocratie existe. La dictature en est un, l’oligarchie en est un autre : la domination des classes dominantes.

 

« La propagande est à la démocratie ce que la matraque est à la dictature »

Noam Chomsky

 

Par Adrien Javoy

Sources :

  1. Reporters Sans Frontières, Classement de la liberté de la presse 2020 | RSF
  2. « La confiance des Français envers les médias en légère hausse, mais leur traitement de l’épidémie de Covid-19 divise », Le Monde, 27 janvier 2021.
  3. https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/PPA#&gid=1&pid=1, Le Monde Diplomatique, 2021.
Le spectacle de ta vie

Le spectacle de ta vie

En effet, tu as pu retrouver cet article sur Facebook. Et oui bravo à toi, tu te sers des réseaux sociaux comme personne. Les réseaux sociaux sont absolument partout aujourd’hui. Et il t’est totalement impossible de t’en passer. C’est bien trop dur pour toi et pour tous les autres Suiveurs, Abonnés, Instragrameurs, Snapchateurs ou encore d’autres néologismes plus gerbant les uns que les autres. Tu viens peut-être de poster ta dernière photo sur Insta sans même songer à pourquoi tu as fait cela. C’est le problème de beaucoup de jeunes d’aujourd’hui, il leur est devenu impossible de répondre à la question suivante : « Pourquoi t’affiches-tu sur les réseaux sociaux ? ». Lorsque cette question leur est posée, ils se sentent totalement désemparés. Il est tout naturel de se sentir désorienter à l’écoute de cette question, car l’habitude et la routine sont très peu souvent expliquées et réfléchies par nous-même. Tout comme un réflexe pavlovien, le bon chien vient manger dans sa gamelle à l’écoute de la cloche, tandis que toi tu vas avoir le réflexe de « snaper » ta soirée au lieu d’en profiter. La différence n’est pas grande entre le canidé et l’Instagrameur. Néanmoins, je suis certain ou tout du moins j’ose l’espérer qu’au fond de chacun de vous, il y ait une prise de conscience sur l’utilisation des réseaux sociaux dans notre quotidien. Nous allons alors essayer de comprendre pourquoi.

Ce juteux Digital Report de 2021 publiée par Hootsuite et We Are Social nous affirme qu’il y aurait 4,2 milliards d’utilisateurs actifs de réseaux sociaux avec une moyenne d’utilisation de 2h25 par jour. Ce chiffre totalement démesuré montre bien la suprématie des réseaux sociaux sur notre esprit putride. Outre la démesure de ce chiffre, le problème réside dans les deux utilisations les plus courantes des réseaux sociaux. La première est bien sûre une utilisation privée et personnelle de ces plateformes. Mais la deuxième utilisation est bien souvent due à des besoins professionnels. Malheureusement même dans le travail ces objets de communication peuvent nous rattraper. Il est alors quasiment impossible pour une personne aujourd’hui de ne pas utiliser les réseaux sociaux. J’imagine que tout le monde à son petit LinkedIn, dans le monde du travail d’aujourd’hui et notamment pour le tertiaire ce genre d’outil est presque vital pour pouvoir réussir dans la vie professionnelle. Créer son propre réseau devient la principale motivation d’en utiliser, oui il devient très important d’entretenir ses jolis contacts. Du reste, l’utilisation privée des réseaux sociaux est très forte chez les 16-25 ans, 81% des 16-25 ans utilisent Instagram selon le Hellowork. Oui tu fais très certainement parti de ce pourcentage d’utilisateur, cela peut te mener à une prise de conscience sur ta surutilisation des réseaux sociaux ? Ou alors tu as la simple satisfaction d’être dans la majorité et de ne pas te sentir exclu ? C’est cette tranche d’âge qui est la plus touchée par ce virus. Il faudrait alors pouvoir expliquer pourquoi ces jeunes gens sont si addictes de futilités et de représentations sociales.

Les réseaux sociaux d’aujourd’hui sont réfléchis pour être les plus addictifs possibles. Il suffit de voir l’explosion des formats courts sur toutes les plateformes : les stories pour snapchat, Shorts pour Youtube ou encore les courtes vidéos TikTok. Ces médias tentent de maintenir le consommateur devant son écran le plus longtemps possible. Cela va s’en rappeler la sinistre phrase du président et directeur général du groupe TF1 entre 1988 et 2008, Patrick Le Lay : « Ce que nous vendons à Coca-Cola c’est du temps de cerveau disponible. ». Lorsque que tu regardes tes influenceurs préférés, tu n’es en réalité que du cerveau disponible, n’imagine pas être mieux ou différent. Et par conséquent, il en devient essentiel de maîtriser aussi le créateur de contenu. Le créateur doit être tenu en haleine pour pouvoir continuer de proposer ses meilleurs placements de produit tels que des prothèses mammaires. Et ce moyen de faire survivre ta crédulité repose dans la conception des likes et du nombre de vues. Car ce sont le nombre de likes, de commentaires ou encore les vues qui vont faire vivre, virtuellement, le créateur. En effet, le quidam ou l’influenceur va continuer de poster des photos ou des vidéos sur ses réseaux préféré se satisfaisant des résultats, comme le nombre de like ou de vues par exemple. Il ne semble qu’aucun ne continuerait si ce qu’il postait n’était vu par personne. Alors toi ! à partir de combien de like considères-tu que ta vie soit assez importante pour la partager ?  C’est à cet objectif atteint que l’influenceur ou le quidam vont se sentir accepté socialement. Une fois que ces mêmes humains sont engrenés par ce mécanisme il est compliqué d’en sortir. Et ce n’est pas ton application « Flipd » ou de programmer sur ton téléphone l’arrêt d’Instagram au bout de 30 minutes d’utilisation, qui va te freiner. La personnalité même de l’individu est remise en question, il agit sans même plus ne s’en rendre compte, la routine l’a emporté sur la raison. L’individu se retrouve prisonnier de ce système infernal que sont les réseaux sociaux et leur utilisation pour exister. Le créateur et le follower sont tous deux prisonniers du système. La prison y est encore plus agréable quand de véritables influenceurs comme le président de la république française ou cette femme au plus de 6 milles fan, Marlène Schiappa, s’y sont mis. Le pouvoir adhère à l’hérésie commune, c’est rassurant.

Une plateforme comme Instagram ne fait en réalité que ressortir de la jalousie entre les utilisateurs, c’est une course à celui qui aura la meilleure vie ou tout du moins veut montrer à penser qu’il a une vie bien remplie. Chaque photo doit être travaillée, réfléchie avec minutie pour pouvoir se mettre en scène de la meilleure des manières. Car oui tout n’est que mise en scène, le réel n’existe plus sur ses plateformes. N’oublie pas les longues secondes de gène que tu éprouves après avoir finalisé ta photo ou ta vidéo car tu reviens à la réalité et que tu cesses de sourire car rien de tout cela n’était réellement amusant. Pourtant tu continues d’y croire, avec une certaine tendance masochiste tu continues à t’infliger cette gêne de l’après photo ou vidéo. Tu attends de manière frénétique tes « j’aime ou tes followers ». Te plongeant dans un monde totalement irréel pour quelques secondes. Le problème est bien ici, car l’instagrameur tente de faire devenir l’irréalité comme chose réelle. Les réseaux sociaux détruisent l’intéressement de l’homme à la vie réelle et les combats qu’il peut y avoir seuls les combats par écrans interposées ont l’air de les passionner. Pourquoi s’intéresser à la réalité alors que ton but est d’atteindre les 1000 likes ?

Tout comme le relate, l’essayiste, Gilles Lipovetsky, dans L’ère du vide, il y a un malaise dans notre propre individualité. L’individu n’a jamais été autant exacerbé que sur les réseaux sociaux. C’est l’individu en tant que tel qui devient le plus important et non le groupe. Chacun veut apporter son unicité et non ses points communs avec les autres utilisateurs. De cette recherche absolue de sa propre différence en découle la mort du groupe. Alors qu’à l’origine ces plateformes étaient faites pour réunir. L’ultra-individualité qui s’en dégage est nauséabonde à tel point que des personnes comme Astrid Nelsia ou la très regrettée Kim Glow peuvent en vivre.

Nous arrivons alors dans la société du spectacle que décrivait déjà, l’écrivain, Guy Debord en 1973. Il évoque, dans le livre éponyme au concept, de manière très juste l’emprise du capitalisme et de la « pseudo-jouissance » qui peut en découler chez les hommes. Guy Debord relate que toutes ces publicités, ces images, ces magazines sont au centre de la vie sociale et ont un impact sur les hommes. Alors la surface d’activité du capitalisme peut être définie par une zone géographique précise. Et aujourd’hui les réseaux sociaux en sont bien une, là tous les excès y sont permis. Evidemment ces zones ne peuvent être dotées d’une forme d’intelligence par peur de désintéresser le public de ce spectacle. Chacun en s’affirmant sur un réseau social vient confirmer sa sottise et sa complaisance à ce spectacle plus que moyen. De cette idée de lieu géographique précis découle des nombreuses règles et codes que les Instagram, Facebook ou encore TikTok ont réussi à créer. Le temps est même différent dans ces lieux. Il y a le temps du buzz qui est désormais très court. Ce nouveau format pousse chacun à devoir innover ou à faire le buzz de la manière la plus stupide. Ce temps si court est contre nature. Cela rappelle une citation de Marx qui montre que désormais la mort guette l’habitant d’un réseau social. « L’homme recommence à loger dans des cavernes mais… l’ouvrier ne les habite plus qu’à titre précaire et elles sont pour lui une puissance étrangère qui peut lui faire défaut d’un jour à l’autre, et il peut aussi, d’un jour à l’autre en être expulsé s’il ne paie pas. Cette maison de mort il faut qu’il la paie. » Malgré tout le mépris de classe qu’affiche ces individualités utilisateurs de réseaux, ils ne sont en fait que prisonniers de leur nouvelle maison. Mais la chose la plus perverse est que désormais cette maison n’est pas aussi essentielle que l’est pour un ouvrier du XIXème siècle. Pourtant pour rien au monde les Instagrameurs voudraient quitter Instagram. Ce sont eux aujourd’hui les aliénés. L’aliénation comme Marx a pu l’utiliser est la dépossession de l’individu en lui-même. Tu commences à t’y retrouver ? Lorsqu’un influenceur ou toi vous prenez en photo ce n’est plus la motivation de se prendre en photo qui vous fait agir mais bien les codes et règles établies par ces réseaux qui vous font poster fait poster cette photo.

Ici il n’a pas été question de traiter toute la typologie des personnes usant des réseaux sociaux ni d’en faire une étude psychologique précise. Nous n’avons pas parler de ces tendres complotistes sur Facebook, ces délicieux gauchistes sur Twitter, ces merveilleux fachos sur Youtube ou encore des filles ou garçons beaucoup trop jeune pour être si peu habillé sur Tiktok. Dans cet article il a bien été question de ta propre hérésie dans l’utilisation de ces monstres sociétaux appelés réseaux sociaux. Il est pour le mieux qu’à chaque fois que tu t’apprêtes à poster une photo, une story ou une dance Tiktok, de te questionner sur la réelle utilité de ton acte. Eradiquer ces maux est évidemment impossible et c’est encore moins cet article qui peut le faire. Mais il est important que tout lecteur lisant ce papier songe à son rapport aux réseaux sociaux puis à son rapport à lui-même. De combien de likes as-tu besoin pour vivre ?

Par Jean Lamouret