Texte de « NPAEHSICA » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Texte de « NPAEHSICA » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Je suis tentée de ne rien écrire pour le laisser s’exprimer. S’il pouvait s’affranchir
du mutisme dans lequel il est plongé, il userait pour sûr d’un discours s’étalant sur l’éternité bien que sans réelle consistance. L’audience serait prise d’un vertige à sa vue et le prendrait probablement en horreur. Mais, hypocrisie oblige, tout le monde chercherait à la combler ; après tout, on ne peut lui enlever qu’il est hypnotique. Les plus téméraires ou les plus malheureux s’en approcheraient pour mieux le questionner. Suspendus aux lèvres dont il est dépourvu, certains se laisseraient happer, soudés à « l’insondable » comme il aime à se faire appeler. D’autres, une majorité, soyez en sûrs, condamneraient la vacuité de ses propos et s’en détourneraient. Au besoin, ils iraient à son abord, à défaut d’être de son bord, pour se convaincre que leur vie est faite de sens plus qu’elle n’en est dépourvue.
Npaehsica
Texte de « NPAEHSICA » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Texte de « OTIS » – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Le fauteuil est vide. Dehors le soleil semble s’être éteint et les nuages brouillent le ciel. Les murs sont tristes. Même les oiseaux ne chantent plus. Et je reste assise seule pendant des heures face à ce fauteuil vide. Plus personne ne s’y assoit désormais. Peut-être ont-ils peur qu’il soit hanté ? Je ne sais pas… Moi-même, je n’y touche pas.

 

Je fais des vas-et-viens dans les couloirs de la maison. Je tourne en rond. Je me lève chercher quelque chose puis j’oublie. Je me retrouve errant dans une pièce sans plus savoir ce que je suis venue y faire. Les murs pleurent. Ce sont les photos qu’ils portent qui leur racontent de trop tristes histoires. Je ne les regarde pas. Je fais des allers-venues, je ne suis plus bien nulle part. Et toujours, quand je reviens au salon, ce fauteuil vide qui me fait face.

 

La maison est vide. J’ai tout donné, vite, comme on fait avec un pansement qu’on arrache. Je comble l’espace en brassant de l’air, je déplace sans cesse le peu qui reste, j’arpente les pièces sans but. Je ne tiens plus en place. J’ai l’impression d’attendre que le courant d’air s’immisce en moi pour y étouffer le vide qui m’habite. Mais rien n’y fait, tout est imprégné. Ça sent toi, où que je sois. Les draps, les chaises, les murs, je te retrouve même dans les casseroles que je nettoie. Je les nettoie seulement, car cela fait des mois que je ne mange pas. On m’inonde de gâteaux et de restes de gratin, on me gave de plats préparés, de soupes trop sucrées, mais le frigidaire n’a jamais été si vide et la poubelle si pleine. Je me contente de rester assise pendant des heures et je contemple ce qu’il me reste de toi, ce fauteuil qui est toi, où je te revois, où je t’entends presque me parler de la guerre et des enfants, de nos belles années, d’autrefois.

 

Parfois, je te cherche. Une porte qui grince, un bruit de pas, et je t’attends. Sauf que tu ne viens pas. Je guette comme un loup aux aguets, comme si le destin s’était joué de moi et que tu allais tout à coup réapparaître. Mais ce n’est jamais le cas. On vient me rendre visite, on met de l’huile sur les gonds, on recolle le parquet qui se soulève et je ne t’entends plus. Des fois, l’idée me vient de le racler avec une spatule pour qu’il se soulève encore, de laisser une fenêtre ouverte, même en plein hiver, dans la seule attente que le vent fasse claquer la porte comme si c’était toi. Les enfants se moquent de moi, ils me disent de ne pas y prêter attention, d’oublier. De toute façon, ils ne parlent jamais de toi. Mais moi, je ne t’oublie pas. Je pense à toi à chaque inspiration, à chaque geste. Tu es partout, fondu en moi.

 

Je tourne en rond parce qu’il n’y a nulle part où je ne te sens pas. Je détourne le regard des photos accrochées aux murs mais je ne les enlève pas car j’ai besoin que tu sois encore là. Pour moi, pour les enfants, pour les plus jeunes. Pour t’accorder encore un peu de vie, un délai par procuration. C’est tout ce que je peux désormais t’offrir, un regard sur ce que nous devenons ici, perdus depuis que tu n’es plus là. Une vaine tentative pour que tu entendes encore leur voix. Mais je ne peux plus les affronter, elles ne me rappellent que trop combien tu étais vrai. Et puis il y a tes yeux, tes grands yeux sombres qui paraissent me fixer, et cette terrible lueur qui y brille comme si tu allais t’animer. C’est trop pour moi. Tellement plus que je ne peux en supporter.

 

Tu es un manque constant. Une absence permanente, quasiment devenue présence. Tout me rappelle toi et pourtant tu n’es plus là. Le temps est long, les lieux sont vides, l’ennui est grand. Je tourne en rond et, quand je n’en ai plus la force, je m’installe devant ce qu’il me reste de toi, devant ce fauteuil qui sent toi, ce fauteuil sur lequel personne ne s’assoie, sacralisé comme ces tabous qu’on n’ouvre pas. Je me perds dans ces fibres de tissus encore imprégnées de ton odeur et de ta voix, mais rien n’y fait, car tu n’es plus là et j’ai beau attendre, ça ne te ramène pas.
Otis
Texte de « NPAEHSICA » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Texte de « PREMIÈRE PLUME » – Concours de la meilleure plume TBS 2017

LE VIDE
Subjuguée par l’immobile, le regard vers le ciel, je scrute les étoiles une à une dans l’obscurité profonde de l’immensité. Toutes ces constellations lumineuses et rigoureuses offrent à mon esprit un champ infini d’interrogations. Que peut-il y avoir de l’autre côté de ce mur noir, à la fois si abrupte et impassible, et à la fois si grandiose et espiègle ? Parfois, je me sens si fatiguée, avachie comme dans un vieux canapé usé, affaissé sous le poids du monde, ce monde si lourd, si sourd, qui tourne, tourne, sans jamais s’arrêter, dans cet espace infini, à la fois si vide et beaucoup trop plein, de haine, de peur, de tristesse et d’infamie. J’interroge le ciel en criant de toutes mes forces, espérant recevoir une réponse à mes questions. Mais tout ce qui revient à moi tel un boomerang solitaire, est mon écho qui résonne comme une bille dans un bocal de verre. Ce son me rappelle combien je ne suis rien, juste un grain de sable dans un désert sans fin, une goutte d’eau dans une baignoire sans fond. Je me rends compte que ce vide n’existe pas uniquement autour de moi. Il est aussi en moi. Cette sensation latente qui rend l’esprit impuissant et le cœur dépouillé, asséché, épuisé. Et quand mon corps n’a plus le souffle pour avancer, n’a plus le goût pour grandir et vieillir, alors le vide s’installe et perdure. Il absorbe toute trace d’énergie restante qui pourrait encore faire marcher mes jambes, et pose ses valises chargées de plomb sur mon estomac. Alors le temps s’arrête. Ou peut-être le temps n’a-t-il jamais existé. Après tout, si l’espace qui m’entoure n’a ni début ni fin, plus rien n’a d’importance. Nous courons sans cesse après le temps, le regard suspendu aux aiguilles de la montre, qui tourne, tourne, sans jamais s’arrêter. Elle virevolte au rythme du monde dans lequel elle est née, un tempo effréné qui ne connaît pas de répit et se mord la queue à l’infini. Et mes yeux essaient difficilement de suivre la course folle des chiffres qui défilent, mais ils ne font qu’un tour et s’épuisent. Ils n’ont plus la force de regarder au-delà, ou peut-être n’ont-ils tout simplement pas envie de voir ce qui s’y cache. Cet espace sans barrière qui m’entoure me fait peur. Il est à la fois tout et rien. A la fois plein de merveilles et de monstruosités, et si vide de sens.
Aujourd’hui, devant ce rempart étoilé, je choisis de prendre une direction, mais où me mènera-t-elle ? L’incertitude du lendemain et de la destination m’angoisse et me rend vivante à la fois. C’est elle qui éveille en moi cette ardeur, cette envie de vaincre et de rompre le silence du vide, l’écho de mes pensées qui me revient à la gueule comme une gifle sourde et cassante. Je ne veux plus me poser de questions, juste marcher vers mon destin, sur cette Terre que je n’ai pas choisie, mais qui m’a accueillie. J’ai décidé de ne pas me retourner, non plus de regarder loin devant. J’ai simplement décidé de baisser la tête et de m’assurer que mes pieds touchent encore le sol. Et mon esprit ? Il est déjà loin.
Première plume
Texte de « NPAEHSICA » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Texte de « LIB » – Vide – Concours de la meilleure plume TBS 2017

Des mois qu’ils s’agitent … Ils gesticulent et brandissent un espoir à des pauvres gens qui croupissent dans l’ignorance … Dans toute la France, ici et ailleurs, ils s’en vont répéter ce qu’on veut bien entendre … Partout où ils peuvent aller, ce n’est que rabâchage, lecture de leur missel de campagnes … C’est désespérant, affligeant, désolant. Qu’elles sont belles leurs affiches. Toute une communication comme on vendrait du jambon, comme on solderait des aliments sous vide.

Des idées, ah oui qu’ils en ont des idées. Ils en ont plein partout, ils les crient, ils les lancent, ils les adaptent. L’important c’est toujours que le crétin moyen y trouve son compte, qu’il rentre chez lui convaincu du rayonnement d’un personnage aussi transparent qu’une vitre sans tain. Après tout, il faut bien vendre du rêve, brader de l’espoir.
Même les mots n’ont jamais été aussi lourds. Notre langue, notre belle langue est dépecée de tout sens. On communique désormais plus que l’on parle, on entend désormais plus qu’on écoute. La langue de Molière, de Camus et de Céline est désormais le corps d’un lépreux auquel on arracherait des lambeaux entiers. Il ne reste que du creux, du sens nu. Notre langue est nue. « L’étranger » n’existe plus. « L’aveugle » est « non-voyant ». « Le handicapé » est à mobilité réduite et notre langue à destruction infinie.
Revenons-en à nos moutons. Enfin d’abord à nos bergers. D’aucuns sont gaullistes … Il a bon dos le Général. Il est garant de toute leur bassesse, il est la caution solidaire de tous ces pitres. L’homme du 18 juin leur garantit un débarquement gagnant sur la scène théâtrale qu’est devenu notre pays tout entier.
Et puis même de l’autre côté de la barrière, les convictions pèsent peu lourd. « Ni lui, ni elle, ni eux ». La démocratie qui revêt les tristes habits de la télé-réalité. Envoie « Président » au 6 12 12. Les vestes se retournent aussi rapidement qu’une fille de joie bénévole. République. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
On peut au moins être sûr de ça. On peut au moins retirer quelque chose de tout ça. Le vide. C’est le vide qu’ils inspirent. Le vide des idées, le vide de tout. On se surprend à regarder dans le rétroviseur de notre Histoire, un rétroviseur sale par endroit, qu’on pensait avoir rangé au grenier des idées. Il n’a jamais paru aussi brillant.
A vide d’espoir nous restons, avides de pouvoir ils sont.
LIB