Top 5 des films de science-fiction : un article du pôle ciné des Track’n’art

Top 5 des films de science-fiction : un article du pôle ciné des Track’n’art

Après t’avoir fait vibrer avec nos meilleurs recommandations sur le cinéma d’horreur, les TNA reviennent te proposer leur nouveau TOP 5 dédié aux films de Science Fiction. Tu pensais avoir fait le tour en regardant Star Wars ? Détrompe-toi, la SF est un genre aussi large que complexe et il est venu le temps pour toi d’explorer cet univers futuriste qui traverse les époques. Ci-dessous, une liste non exhaustive des films méritant d’être vus et qui hélas n’ont pas pu être retenus dans notre TOP 5.
Brazil (Terry Gilliam), Minority Report (Steven Spielberg), Solaris (Andreï Tarkovski), Stalker (Andreï Tarkovski), The Island (Michael Bay), Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol), Matrix (Andrew & Larry Wachowski), La planète des singes (Tim Burton), Origins (Mike Cahill),Le Transperceneige (Bong Joon-ho), Le Cinquième Élément (Luc Besson), Interstellar (Christopher Nolan), Le fils de l’homme (Alfonso Cuarón), Star wars (George Lucas), Her (Spike Jonze)
N’hésitez pas à donner vos suggestions en commentaires !
 
1 – 2001, l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick (1968) avec Keir Dullea, Gary Lockwood
Parce qu’un TOP 5 sans Kubrick, c’est comme un OB sans navettes retour, impossible de passer à côté de ce qui est à ce jour considéré comme le film de science fiction le plus sybillin jamais réalisé ! Séparé en 4 parties, ce film est un mélange incroyable de méditations sur l’humanité, l’évolution, la métaphysique mais aussi l’intelligence artificielle. Écrit dans un contexte de course à l’espace en pleine guerre froide, cette odyssée est celle de l’Homme face à l’infini qui s’offre à lui, si près et inatteignable. Dans une obscurité rythmée par Le Beau Danube Bleu, les vaisseaux flottent dans le néant, se mouvant aux rythmes des valses de Vienne. Si le réalisateur a toujours refusé de donner une version à la fin de son film c’est justement pour entretenir ce sentiment d’abandon qui hante le spectateur, l’impression que malgré les innombrables avancées scientifiques, notre rationalisme se heurte également à une finitude rendant impossible la compréhension de notre univers. Et si l’acceptation de notre échec à tout savoir était la condition d’accès à cette éternité symbolisée par le trajet quasi onirique et psychédélique réalisé par le cosmonaute à travers la galaxie ? Du premier singe, maniant l’os, au robot HAL, apogée de la science et de l’ingéniosité de l’Homme, l’Odyssée de l’espace vous transportera aux quatre coins de la Galaxie où se retrouve inlassablement ce monolithe que rien ni personne ne semble pouvoir expliquer : une preuve de vie extraterrestre pour certains, un signe manifeste de l’existence de Dieu pour d’autres, libre à vous d’interpréter ce chef d’œuvre dont l’écho résonne encore aujourd’hui avec des films comme Interstellar !
Anecdote : Grand méloman, Kubrick puise dans le répertoire classique afin de donner une âme à son film : Strauss Wagner, Katchaturian ou encore Ligeti ont composé des morceaux que l’on peut entendre dans l’Odyssée de l’espace. Mais plus étonnant encore, Kubrick aurait proposé à Pink Floyd de participer à la bande originale du film, proposition refusée par le groupe britannique qui déclare quelques années plus tard avoir regretté de pas accepter.
 
2- Blade Runner, Ridley Scott (1982) avec Harrisson Ford, Sean Young, Rutger Hauer
Ce film, considéré comme un epic fail à sa sortie, est maintenant cultissime et une inspiration constante pour la SF encore aujourd’hui. Cette adaptation du livre de Phllip K. Dick se situe dans un Los Angeles pluvieux et toxique, dont l’atmosphère rappelle les vieux films policiers américains. Les humains migrent vers d’autres planètes. Eldon Tyrell a créé une nouvelle race d’esclaves, des androïdes appelés les « réplicants », qui sont indifférenciables des humains. Un groupe d’androïdes dissidents, trop perfectionnés pour être laissés en vie, sont ainsi déclarés hors la loi et poursuivis par une brigade spéciale, les « Blade runner », bien qu’ils parviennent à venir à Los Angeles.

 

Deckart, le héros, un blade runner, est chargé de poursuivre et de « retirer » (de tuer, en gros) ces réplicants… devenant à son tour une épreuve personnelle plus profonde pour le héros.
Comme tout bon film culte de SF, les thématiques sont vastes et le symbolisme fort. Il pose des questions sur ce que c’est d’être humain : est-ce fait de chair ? Ou de sentiments ? de souvenirs ? Le héros se nomme d’ailleurs Deckart (Descartes ?). Le symbolisme du père créateur tout puissant dans sa forteresse, ici en forme de pyramide, n’est pas sans rappeler les mythes fondateurs des religions avec le rapport ambigu au père. Ce film, très riche, mérite plusieurs visionnages, à la fois pour ses messages, mais aussi pour sa mise en scène mythique.

 

Anecdote : Philip K.Dick, un des grands noms de la littérature SF, a vu nombre de ces livres adaptés au cinéma. Blade Runner mais aussi Total Recall, Minority Report, Planète hurlante, Confessions d’un barjo, Truman Show, etc.
3 – La Route, John Hillcoat (2006) avec Viggo Mortensen, Kodi Smit-McFee
Tiré du roman éponyme de Cormac McCarthy, ce film post-apocalyptique n’a rien a envié à Snowpiercer ou Madmax. Il met en scène un père et son fils traversant un pays ravagé par un mal dont on ignore la cause. Marchant en direction du sud avec un simple cadis, ils tentent de survivre dans ce tourbillon de poussière et de cendre où aucune espèce ne semble demeurer. La route est un voyage aussi long qu’incertain, où les instincts les plus primaires se manifestent. La terre est revenue à l’état de nature et chacun lutte dans ce monde hobbessien pour sa survie, par convoitise, et pour la gloire. Bouleversant de sensibilité, ce père poursuit inlassablement sa route, protégeant son fils de l’animalité régnant en chacun de nous. L’Homme est un loup pour l’Homme et la science-fiction est celle de la survie, de la violence, de la découverte d’une civilisation jadis rayonnante. Attachez votre ceinture, la route sera longue et animée dans ce film troublant à l’esthétique glaçante. Ce film est un hymne à l’espoir, celui de retrouver un jour un havre de paix. Le père et le fils poursuivent leur chemin, guidés par cette flamme intérieure, cette lumière céleste, ce sémaphore dans la tempête, ce fanal dans la nuit.
Anecdote : Le film est tiré du roman de Cormac McCarthy, véritable succès mondial, celui-ci s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires aux USA, recevant même le prix Pulitzer en 2007. Citons également le livre No Country for Old Men du même auteur adapté par les frères Cohen.
 
 
4- District 9, Neill Blomkamp (2009) avec Sharlto Copley, Vanessa Haywood
Un matin, un gigantesque vaisseau alien s’échoue au-dessus de Johannesburg, avec en son bord des aliens, nommés « crevettes », en difficulté et dans l’impossibilité de repartir. 20 ans plus tard, tous parqués dans le « District9 », les aliens sont pris en charge par le MNU (Multinational United, référence à l’ONU), une multinationale qui ne s’intéresse qu’à leur armement fonctionnant uniquement avec de l’ADN extraterrestre.
C’est dans ce contexte que nous suivons Wikus, un agent de terrain de la MNU, qui est chargé de l’évacuation (du génocide) du district 9, qui suite à un accident va se transformer en « crevette ». Devenant précieux pour la MNU, il va se réfugier dans le district 9, dernier endroit sûr pour lui, et va croiser le chemin d’un alien et de son fils, bien déterminés à quitter la Terre.
De nombreux thèmes sont évoqués dans ce film souvent dérangeant, avec un parallèle à peine voilé avec l’apartheid, où finalement, la xénophobie et la peur de la différence laissent peu de place à l’espoir quant à l’humanité. Dans le film, un étrange paradoxe né : Wikus devient plus humain à mesure qu’il se transforme en autre chose qu’un humain.
La critique porte aussi sur le capitalisme, qui cherche des profits partout (dans la sous-traitance des forces armées par exemples) et à n’importe quel prix (cf. la scène du labo, les vrais sauront). Ambivalent et pessimiste, avec une façon de filmer proche du documentaire, ce film est une vraie réussite.

 

Anecdote : Ce film a été produit par ni plus ni moins que Peter Jackson. D’ailleurs les créatures du film ont été développé par WETA Workshop, des artistes ayant travaillé sur la saga du Seigneur des anneaux.
5 – Ex_Machina, Alex Garland (2015) avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander, Oscar Isaac
“Ex_Machina” est un film dans la lignée de “Her” cherchant à exploiter le thème du robot humanoïde et de sa capacité à émettre des émotions. Car si la science réussi à reproduire le corps, l’âme demeure depuis longtemps une caractéristique propre à l’être humain. Ce film au silence pesant et plongé dans un isolement quasi claustrophobique, narre l’histoire de Caleb, un jeune ingénieur sélectionné par le créateur d’un groupe informatique, Nathan et inventeur d’un système IA appelé Ava. Il va devoir se soumettre à un test de Turing, face au robot féminin, afin d’essayer de prouver que même les machines ont une conscience. Petit à petit des éléments viennent troubler Caleb, Ava le met en garde contre Nathan. Ce dernier a une attitude de plus en plus équivoque, ponctuée par son addiction à l’alcool. Caleb en vient à éprouver des sentiments pour ce robot féminin enfermée dans l’immense propriété de son créateur et destinée à être reprogrammée à la fin du test. Plus qu’une simple considération sur le progrès technologique et ses dérivés, “Ex Machina” sonde l’irrationnelle de l’âme humaine heurté à la mégalomanie d’un inventeur. Le cœur a ses raisons que la raison ignore, Caleb en fait les frais dans cette fiction ayant reçu l’Oscar des meilleurs effets visuels, incarné par un Oscar Isaac époustouflant dans la peau du savant fou, et Alicia Vikander dont la beauté et la plastique se retrouvent subjuguées par une fluidité des mouvements rendant son personnage plus humain que nature.
Anecdote : Afin de concevoir son personnage de l’effrayant scientifique, Oscar Isaac s’est inspiré de deux figures différentes symbolisant le génie mathématique et artistique, à savoir le joueur d’échecs Bobby Fischer et le réalisateur Stanley Kubrick. Il a puisé dans ces deux personnes un caractère à la fois colérique (pour le premier) et lumineux (pour le second) couplé à une mégalomanie et un besoin de tout contrôler. Le port de la barbe et des lunettes n’est d’ailleurs pas sans rappeler le réalisateur de 2001, l’Odyssée de l’espace.
La Tour de Babel (Peter Brueghel l’Ancien)
La peinture elle aussi a inspiré les plus grandes œuvres de science fiction ! Le pôle culture vous a ainsi sélectionné le tableau intitulé “La Tour de Babel” peint par Pieter Brueghel l’Ancien en 1563. Cette fois-ci pas de martiens, ni de catastrophe nucléaire ou de vaisseaux spatiaux, mais cette peinture à l’huile emprunte un thème biblique dont la portée dépasse la simple représentation religieuse. Le mythe de la tour de Babel fait partie des récits fondateurs de la tradition judéo-chrétienne. Les hommes voulant se hisser à la hauteur de Dieu entament la construction d’une tour gigantesque censée atteindre les nuages. Mais le démiurge sème la discorde entre les langues afin que les hommes ne puissent plus se comprendre et soient donc condamnés à arrêter la construction.
Métaphore de l’orgueil démesuré de l’Homme, “La Tour de Babel” témoigne de l’ingéniosité de chacun et du dépassement effectué. En s’affranchissant des contraintes terrestres, l’homme pense pouvoir rivaliser avec des puissances métaphysiques grâce au rationalisme et aux innombrables découvertes mathématiques, scientifiques, techniques qu’il effectue. Son imagination et son génie ne semble se heurter à aucune limite. L’éclat et la blancheur de la roche composant la tour est pourtant le reflet de l’hybris. Il est des barrières que l’on ne peut franchir et si la science nous permet d’aller toujours plus haut et plus loin, l’univers infini gardera toujours cette aspect insondable. Comme un canon des plus sophistiqués constamment hors de portée de sa cible, le savoir est voué à une sempiternelle frustration merveilleusement transcrite par Bruehgel. Ce dernier mélange les symboles du commerce et de la richesse (les navires marchands, la ville bourgeoise, les sculpteurs) avec une bâtisse à l’architecture amputée. La Tour de Babel perce les nuages mais l’horizon restera désert et inexploré.

 

Le cinéma numérique : ça tourne !

Le cinéma numérique : ça tourne !

Le cinéma hollywoodien pour pouvoir sans cesse rentabiliser ses films au budget croissant a voulu mettre en avant sa recherche et ses avancées technologiques. Depuis une dizaine d’années la 3D a voulu percer dans le milieu avec en tête d’affiche Avatar de James Cameron. L’avancée technologique du cinéma rend beaucoup d’amateurs nostalgiques de la vieille époque où l’ordinateur n’intervenait pas dans le cinéma. En effet, Depuis cinq ans, le cinéma est passé à l’ère numérique, toutes les étapes de la production d’un film sont affectées. A l’inverse le fait de tourner de façon traditionnelle, en argentique, commence à devenir un argument commercial comme avec les 8 Salopards de Quentin Tarantino. Ainsi aujourd’hui nous allons parler de la révolution invisible du 7ème art, celle du passage de l’argentique au numérique.

Techniquement, comment on fait un film et quelle est la différence entre l’argentique et le numérique ?

D’abord il convient de rappeler qu’un film est une séquence d’images projetées à 24 images par seconde  La différence entre les deux méthodes est soit durant la prise de vue, soit lors de la projection.
Pour commencer une caméra traditionnelle utilisant la technologie argentique dispose d’une pellicule qui défile à la verticale, au passage derrière l’objectif, ses composés chimiques (halogénure d’argent) réagissent à la lumière, pour obtenir ensuite une image traitable, il faut le plonger dans du révélateur, c’est le développement.
Ensuite les images sont montées puis traitées. Ensuite il faut tirer le film, c’est-à-dire à partir du film monté original faire des copies envoyées dans les cinémas. Le projecteur lui s’occupe de faire défiler le film mécaniquement devant une lampe. Il s’agit du fonctionnement théorique, en réalité, à l’heure des effets spéciaux et des techniques de montages sur PC, uniquement la prise de vue se fait avec un film qui est par la suite numérisé, monté sur ordinateur, les copies sont aujourd’hui aussi en numérique sur des disques durs.
 Il existe beaucoup de type de pellicule, la plus courante et encore aujourd’hui beaucoup utilisée est la pellicule 35mm inventé par Edisson à la fin du XIXème siècle, elle offre une grande qualité et un cout bas (75€ la minute de tournage). Néanmoins, d’autres pellicules sont utilisées, la deuxième la plus utilisées est la pellicule iMax.
Schéma du film 35mm appelé le « format académique »
 
A l’inverse, une caméra numérique remplace la pellicule par un capteur photosensible muni de millions de photosites, les photosites sont par groupe de 4 pour former le pixel (1 photosite pour le rouge, un pour le bleu et deux pour le vert). Les pixels, eux vont former ensemble une image. La caméra prend alors 24 « photos numériques» par seconde.
Les fichiers sont alors enregistrés généralement directement sur des disques durs reliés à la caméra ou sur des cartes internes. Elles sont ensuite transférées sur ordinateur pour le montage. Le film, une fois fini, est distribué sous forme de disque durs (dits « DCP »). Comme pour le nombre de type de pellicule disponible, il y a plusieurs tailles de capteur (Attention, un capteur plus grand ne veut pas dire qu’il y a plus de pixels) le plus courant est le capteur Super35 de la même taille que l’image du film 35mm. Il existe aussi plusieurs définitions que peuvent enregistrer les caméras, elles vont du 2K (2048 x 1080 pixels) au 8k, la norme la plus courante au cinéma maintenant étant le 4K (4096 x 2160 pixels). La projection dans les cinémas ne se fait qu’en 2K généralement, le 4K est en cours d’installation.
ARRI, autrefois producteur de caméra argentique s’est mise sur la vague pour ne pas se faire distancer par les marques comme RED.
 
 

Pourquoi être passé au cinéma numérique ? 

 
Le travail numérique au cinéma remonte aux années 1970, il avait pour but d’utiliser l’outil informatique afin de créer des effets spéciaux. La première fois qu’il est exploité avec Mondwest de Michael Crichton en 1973 avec 10 secondes, le rendu pour cet effet qui parait simple aujourd’hui a pris 8h par seconde !
A 1’09 le premier effet généré par un ordinateur.
A partir de ce film, utiliser des ordinateurs et des logiciels devient possible. On retiendra surtout Star Wars IV : un nouvel espoir de George Lucas, les effets numériques sont beaucoup plus nombreux et utilisé (Bien sur les effets spéciaux classiques restent présents), Tron en 1982 continue sur cette lancée. Au fur et à mesure des années, les techniques s’améliorent, les ordinateurs deviennent plus puissants et s’intègrent de plus en plus dans la production cinématographique et peut même devenir l’outil principal comme avec Toy Story, le premier long métrage d’animation. Mais à cette époque la prise de vue (hors animation) et la projection étaient toujours en format classique argentique.
C’est encore George Lucas qui va beaucoup agir pour le basculement du cinéma au numérique « puisque le cinéma numérique est inévitable, autant y passer le plus vite possible » Et c’est chose faite en 1999 avec la première projection en numérique depuis un disque dur et non un film avec Star Wars I : La menace fantôme, l’homme va ensuite faire pression sur le milieu pour convertir le cinéma que ça soit au niveau de la prise de vue ou au niveau de la projection, les technologies s’améliorant au fil du temps. Ce n’est qu’à partir des années 2010 que les cinémas remplacent un à un les projecteurs.
Les avantages du cinéma numérique sont nombreux, d’une part les caméras sont plus légères, n’utilisent pas de consommables (la pellicule) et les rushs produits sont visibles sur ordinateurs (avant il fallait les trier et les marquer des petites salles de projections) le travail de production est donc facilité (que ça soit le montage ou les effets spéciaux). Ainsi le numérique a vraiment donné beaucoup de possibilité supplémentaires tout en permettant de réduire les couts de productions au point que toutes les productions à faible et à moyen budget se font avec des prises de vue uniquement numériques. Même les grosses productions ont pour la plupart abandonné l’argentique.
Tournage de The revenant, une grosse production filmée grâce à la RED
 
La distribution du film est beaucoup moins couteuse, un long métrage tiré en film comporte environ 3 bobines de 1000€ chacune alors qu’une copie numérique coûte 200 €, mais aussi beaucoup plus rapide et facile, il est aisé de donner des disques durs à tout le monde (les cinémas se font même maintenant transférer le film directement depuis l’Internet) alors que les copies argentiques se passait d’un cinéma à un autre, sont compliquées à manipuler et s’usent rapidement à l’usage. En revanche les projecteurs numériques sont beaucoup plus chers environ 80 000€ par projecteur (multipliez cela par le nombre de salle !) et sont peu réparable contrairement aux projecteurs classiques coutant 15000€ pour les dernières versions et se réparant facilement vu qu’il s’agit de pièces mécaniques et non de circuits imprimés.
Le numérique n’a pas encore réussi à dépasser les prises de vue traditionnelle au niveau de la qualité. On ne peut pas parler de pixels pour un film (vu que ce sont les molécules d’argent qui réagissent). Néanmoins on peut parler d’équivalence, la pellicule 35mm est à peu près équivalente à du 6k, (ce qui correspond à la moyenne de prise de vue aujourd’hui, la diffusion n’étant qu’en 4k maximum) et la pellicule IMAX (J’y viens après) et équivalente au 12k, ce que aucun format numérique ne peut prendre en charge. La durée de conservation des films est par contre plus à l’avantage de l’argentique : 100 ans dans de bonnes conditions alors qu’on ne sait pas au bout de quelles durées les données numériques se dégradent.

L’argentique a t’il encore de l’avenir ?

Comme dit précédemment, l’argentique est un véritable gage de qualité d’image, même si aujourd’hui la pellicule est numérisée et le travail est fait sur ordinateur. La prise de vue traditionnelle est encore beaucoup appréciée également pour ses couleurs, son grain (l’image numérique est définie comme trop propre et parfois et non sans mauvaise foi un peu impersonnelle). Ainsi des réalisateurs aiment bien revenir dessus, comme Quentin Tarantino qui est fan de ce cinéma et a même utilisé la pellicule 70mm Panavision, inutilisée depuis les années 60 pour produire Les huit salopards. Cette utilisation est même devenue, comme le IMAX, un argument commercial de choix : un western tourné comme autrefois ! Et même si le film a peu été distribué sur bande Panavision (seuls 6 cinémas en France en ont profité) et que presque tout le monde l’a vu en projection numérique, l’argument a fait mouche.
Tournage des huit Salopards avec une caméra Panavision
 
 
L’argentique a aussi réussi à s’adapter à la venue du numérique en utilisant de plus en plus  la pellicule dite IMAX (pour Image Maximum), il s’agit d’une pellicule 70mm mais qui défile à l’horizontale au lieu de la verticale pour avoir l’image la plus grande possible. Bien que cette technologie datant des années 1970 soit restée un moment confidentielle, elle est revenue en grande pompe dans les années 2000 et 2010 ayant été notamment utilisée pour les films Harry Potter, Transformers ou encore James Bond Spectre. Elle reste néanmoins extrêmement couteuse (4000€ par minute d’utilisation et des caméras extrêmement cher à acheter) et peu de cinémas disposent de salles dotés de projecteurs IMAX (très cher et compliqué à mettre en place) : 4 en France seulement, ainsi seulement les productions à très gros budget peuvent se permettre ce luxe. Ainsi la plupart du temps la pellicule est convertie en image numérique pour la distribution mais la diffusion numérique ne permet pas encore de restituer la qualité apportée par la pellicule.
Différence entre le format académique et le format IMAX

Conclusion

Bien qu’ayant pris beaucoup de temps à s’implanter, le numérique a parfaitement intégré le cinéma dans toutes les étapes de production, du tournage à la projection. Au tel point que la technologie argentique ne peut plus survivre que sur la prise de vue. Les caméras traditionnelles, qui perdent du terrain, essayent de mettre en avant leur côté authentique et de meilleure qualité et même de s’améliorer grâce à la technologie IMAX mais indéniablement, l’amélioration des formats vidéo ainsi que de la puissance des ordinateurs auront raison des technologies traditionnelles au grand dam de nombreux cinéphiles.
 
Malgré tout, la qualité d’un film n’est pas dépendante du moyen de tournage, aujourd’hui, tourner en argentique revient à faire un choix artistique qui doit servir le long-métrage et ne doit pas devenir un simple argument commercial, ce que n’a pas réussi à faire la 3D.
Pour en savoir plus

Damien Dezeque
 
 
Frantz : un film sur l’absence ou l’absence de film

Frantz : un film sur l’absence ou l’absence de film

Le titre de ce nouvel opus de François Ozon est symptomatique de son échec. Frantz est le nom d’un soldat allemand disparu à la guerre, mais autour de qui se noue l’intrigue. Ou plutôt l’absence d’intrigue, car si tous les éléments de départ sont réunis, le film et son scénario en particulier restent à l’état de morne plaine. C’est moins le jeu des acteurs que l’écriture qui fait défaut. Paula Beers est tout de même plus convaincante qu’un Pierre Niney dont les révélations successives font à peine lever un sourcil.

Mais comment laisser percer la moindre intensité avec des dialogues aussi fades ? Chaque personnage reste dans son droit chemin, platement fidèle aux attentes d’un spectateur moyen. Résultat : tout sonne creux, voire tout devient mièvre. L’effort qu’a fait Ozon sur l’image ne suffit pas à sauver son film. L’alternance du monochrome avec la couleur constitue ressemble peut-être à une touche d’originalité, mais les apparences plastiques, lissées et sans accrocs contrastent avec la douleur poignante que le réalisateur a tenté de mettre en scène.

C’est finalement un film sans aucun relief que nous livre ici Ozon. Le réalisateur de La Maison, Jeune & Jolie et 8 femmes nous avait habitués à plus de tranchant.

Alice Savatier

 

Critique interactive n°3: 007 Spectre

Critique interactive n°3: 007 Spectre

 

Parce que je veux continuer d’aller au cinéma, non pas car il s’agit d’un acte de résistance face aux horreurs récentes (comme disent certains faire « comme avant » et aller en terrasse ne suffit pas) mais parce que j’aime le cinéma tout comme j’aime me battre, j’aime me beurrer la biscotte, j’aime quand on m’enduit d’huile, j’aime les panoramas, j’aime le bruit blanc de l’eau, enfin bref vous avez compris j’espère!

 

 

Nouvelle critique, nouveau format pour ceux qui auraient été traumatisés par la longueur de ma critique sur Interstellar ou Gonegirl.
J’essaye cette fois d’adopter une forme plus ludique, tout en tentant de répondre aux détracteurs qui voient dans le nouveau « 007 Spectre » l’épuisement d’une collaboration pourtant initialement fructueuse (financièrement et artistiquement) entre Sam Mendès (réalisateur) et Daniel Craig avec comme point de départ le succès: Skyfall.
J’élude le pitch cette fois et je précise au passage qu’il n’y a pas de spoilers majeurs dans cette critique.

 

1) « un film longuet et ennuyeux » 

 
Je devrais mettre des guillemets et préciser que cette phrase émane d’une personne qui n’aime probablement pas les films d’action (et c’est son droit). Selon moi, difficile de s’ennuyer dans ce 24ème opus de James Bond, tout le monde y trouve son compte : le grand public, les fans de la première heure de James Bond et la critique.
Imaginons un instant la conversation qu’ont peut être tenue Sam Mendès et les producteurs  de la Metro Goldwyn Mayer afin de définir le cahier des charges de Spectre :
  • Les producteurs : « Ok Sam, tu es un génie, la critique a encensé Skyfall, et tu nous as pondu le James Bond le plus rentable de tous les temps avec plus d’un milliard de recettes. On ne va pas se plaindre. Notre dernier benchmark  indique que ton film a conquis la critique par sa noirceur inédite dans un James Bond (7,8/10 sur IMDB) mais il révèle aussi qu’une partie du public a émis quelques réserves. Je te lis les derniers consumer insights : 1) on en a marre des blockbusters aux tonalités tragiques avec un anti-héro tourmenté par son passé, et ayant un lourd passif familial 2) je ne reconnais plus le charme, le glamour  et l’humour des James Bond d’antan dans ces nouvelles productions.
 
  • Sam Mendès : « ok les gars, je ne sais pas ce que c’est un consumer insight mais donnez-moi 350 millions de dollars. Avec ça je vous fais une pépite qui ravira tout le monde et paiera l’essence de vos yachts cette année ».
 
Et la lumière fut : on est époustouflés dès la scène d’ouverture. Véritable tour de force technique et spectacle grandiose. Tour de force technique car il s’agit d’un long plan séquence (plan couvrant toute une séquence sans coupure ni montage apparent) ayant mobilisé des moyens financiers immenses et plus de 1500 figurants. C’est une  technique décidément à la mode puisque la maîtrise de celle-ci avait mis en lumière le génie d’Alejandro Gonzalez Inarritu  récompensé de l’oscar du meilleur réalisateur pour son film Birdman en 2014. Moins souvent mentionné c’est aussi le merveilleux  travail d’Emmanuel Lubezki (aussi présent sur le tournage de Gravity) avec sa steadicam qui avait permis de tourner Birdman en un seul plan séquence, prouesse rarement (ou jamais) vue dans la profession (et là vous comprenez que j’avais aussi préparé une critique pour Birdman mais que je ne l’ai jamais achevée…).
Mais revenons à notre brave Écossais : dans cette scène d’ouverture magistrale se déroulant en pleine fête des morts à Mexico on suit Bond à la poursuite d’un terroriste italien. Le héro est  filmé de dos à la manière d’un jeu vidéo à la première personne. Cette scène d’ouverture donne le ton : ballet mortuaire, course poursuite, combat à mains nues dans un hélicoptère, le rythme est là. Elle  montre les envies nouvelles de Mendès et de Craig pour Spectre : innover une nouvelle fois dans la mise en scène tout en effectuant un certain « retour aux sources » qui ravira les puristes. Avec comme inspiration la mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock, Mendès a voulu faire de Spectre un film d’action à l’ancienne : immersif et réaliste. Pour cela, exit le numérique (là aussi c’est tendance, cf Star Wars 7), on retourne au cinéma old-school avec un film tourné en 35 mm. On retrouve également  des scènes de courses poursuites en voitures grandioses et  sans trucages (si’il y a une chose à ne pas manquer c’est la scène de course poursuite à Rome entre la Jaguar et l’Aston Martin DB 10 de Bond).
Aussi, on retrouve certains ingrédients cultes de la série qui semblaient avoir disparus dans les précédents volets et qui réapparaissent dans ce film. Notamment une petite pointe d’humour à l’anglaise : quand James Bond atterrit dans un canapé après une chute de 20 mètres suite à une explosion,  et réajuste  sereinement ses boutons de manchette. L’humour n’est pas absent et plus encore on trouve cette fois une certaine dérision très plaisante à entendre. Par exemple : on se souvient du fameux « qu’est ce que j’en ai à foutre » adressé au Barman qui demande à Bond dans Casino Royale s’il préfère son cocktail au shaker ou à la cuillère, et bien dans Spectre on retrouve également un face à face assez hilarant avec un Barman qui propose cette fois à Craig un cocktail bio sans alcool (je vous laisse deviner la réaction du personnage). Ainsi cette séquence montre comment le James Bond tourmenté « version Craig »  qui enchaîne les vodka-martini se retrouve dans une situation à la limite du grotesque dans un bar « bio sans alcool ». Les codes qui donnaient une « tonalité grave et sombre » à la série des James Bond des années 2000 sont donc tournés en dérision.
Enfin, Sam Mendès a déclaré : « 007 SPECTRE évoque en effet les classiques de la franchise à travers les véhicules, le ton, l’éclairage et même la coupe du costume de 007, mais je tenais également à renouer avec le glamour des destinations lointaines et exotiques des premiers James Bond, et le pousser à l’extrême. »
Et bien c’est chose faite des cimes enneigées autrichiennes au Maroc, on voyage dans ce film d’action immersif qui sait être dramatique dans la lignée de la saga de Daniel Craig mais aussi drôle et divertissant quand il le faut. Bref on ne s’ennuie pas.

2) « Daniel Craig est rouillé »

Certes Daniel Craig prend quelques rides et perd des cheveux, en revanche son allure, son énergie et ses yeux, ne dépérissent  pas avec l’âge et les breuvages qu’ils consomment parfois comme 007.

Craig déclarait d’ailleurs dans le GQ de Novembre 2015 « le seul vrai point commun que j’ai avec Bond c’est l’alcool. Le pub c’est bien mieux que les réseaux sociaux pour se faire des amis ».
A 49 ans Pierce Brosnan dans  Meurs un autre jour  passait pour un vieux croulant. En effet ce « vieux beau » trop entretenu n’était plus crédible en homme d’action.  Craig, à 47 ans dans cet opus, reste tout à fait convaincant avec l’âge. Sa crédibilité en  James Bond il ne la tient pas d’un  teint hâlé et  d’une coupe à l’anglaise comme Pierce Brosnan mais  plutôt il la doit à son allure.
En effet l’allure de Bond est plus que jamais mise en avant dans cet opus. Il est souvent filmé avec des plans à la première personne décortiquant sa démarche (son roulement d’épaule, son menton relevé plein de fierté et ses pas assurés) et des scènes qui ressemblent parfois à des défilés de mode en plein air. On notera au passage que jamais un Bond n’aura autant changé de tenue : choix de mise en scène pour mettre en valeur l’acteur ou stratégie marketing pour financer ce projet pharaonique, nous allons analyser cela à présent justement.

3) « Spectre est un spot publicitaire géant »

Oui, il est indéniable que James Bond suscite toutes les convoitises auprès des marques. Avant c’était surtout des marques de luxe (Aston Martin, les montres de luxe comme Rolex et Omega) qui se battaient pour apparaître à l’écran.  Mais à présent ce sont toutes les marques qui tentent de se faire une place sur celui-ci : Heineken,  la vodka Belvédère, la Fiat 500. Et même des pays comme le Mexique se prêtent au jeu. Le gouvernement mexicain se serait même assuré qu’une bonne image de son pays soit donnée en demandant une modification à la dernière minute du  scénario de Spectre en échange de la coquette somme de 14 millions d’euros selon le site Tax Analyst(information révélée à la suite d’une fuite).
La pratique des placements de produits (et de pays) n’est bien sûr pas inédite dans les James Bond, ni dans les autres productions d’ailleurs (on se souvient du succès des lunettes de « Men in Black »dans les années 90 ). Mais pour Spectre on doit être proche des records avec 21 placements de produits bien visibles, peut être un peu trop visibles me direz vous…

On comprend bien l’intérêt  pour les producteurs qui ont pu financer les 350 millions d’euros alloués à Spectre grâce à ses partenariats juteux (pour vous donner une idée Heineken avait déboursé  45 millions d’euros pour que James se mette à la bière dans Skyfall). Néanmoins cela doit poser bien des contraintes à ceux qui « font le film » puisqu’ils doivent veiller à mettre en valeur chaque produit proportionnellement à l’investissement consenti.

Peut-on pour autant limiter Spectre à un spot publicitaire géant ? Certains diront que  les marques viennent piquer la vedette aux acteurs par moment, en effet la montre Omega de Bond joue un rôle crucial dans le film et apparaît peut être plus à l’écran que Miss Moneypenny ! On notera aussi le côté totalement assumé et décomplexé de ces placements : Q (le fameux inventeur des gadgets de James Bond)  en vient même à présenter la nouvelle Omega comme le ferait un horloger en insistant bien sur sa marque.

Mais dans le film d’autres marques et produits sont plutôt au service de la beauté et du spectacle. En effet quel plaisir pour le spectateur d’admirer les performances de l’Aston Martin DB 10 dérapant au bord du Tibre et de découvrir à chaque changement de décor une nouvelle pièce de la magnifique collection des costumes Tom Ford.
Ainsi les placements de produits ne viennent pas totalement dénaturer Spectre pour le transformer en spot publicitaire dépourvu de sens et d’émotions. Au contraire les placements de produits se mettent au service du spectacle et servent d’une certaine manière le réalisateur qui compose avec des accessoires déjà beaux et spectaculaires par essence.

4) « Un script vu et déjà vu »

Oui, comme mentionné précédemment, on commence à être lassés des histoires de famille, des fantômes du passé, des anti-héros torturés en quête de rédemption. Mais laissons au moins le mérite à ce « 007 Spectre » de soulever une problématique intéressante : la question de la surveillance face aux libertés individuelles et ses dérives possibles. Mendès tente ainsi une nouvelle fois de s’en tenir à un principe qu’il évoque dans un entretien pour le journal Telerama « Il doit y avoir une façon de combiner le divertissement et la présence, discrète mais perceptible, d’un discours, un point de vue articulé sur le monde dans lequel nous vivons. ».

D’aucuns ont regretté le choix de la facilité effectué par l’équipe de Spectre pour le casting :Christoph Waltz dans la peau du méchant (comme dans Inglourious Basterds  ) et Monica Bellucci dans le rôle de la veuve d’un mafieu Italien. Personnellement ça ne me pose aucun problème. Dans la mesure où ils savent si bien jouer ces rôles pourquoi se passer d’eux ?

5) « une Monica Bellucci flétrie »

Que nenni (oui j’ai osé placer cette expression)! Elle fait une apparition plutôt brève dans le film, ce qui est regrettable car il  ne lui faut pas plus de deux répliques dans un décor de rêve (villa romaine somptueuse) pour rayonner tout en tissant un brouillard mystérieux autour de sa personnalité. Elle joue très bien le rôle de « la James Bond girl classique » qui feint d’être inaccessible avant de s’offrir à Bond. Sam Mendès  se permet même une nouvelle fois de jouer avec les codes traditionnels de la série avec ce personnage.  Notamment, on est à la limite de la caricature machiste lorsqu’après un baiser et le fameux « mon nom est Bond, James Bond » puis une ellipse, on  retrouve Monica en porte-jarretelles sur le lit sur un plan large d’une chambre somptueuse durant laquelle on ne manquera pas bien sûr d’admirer la décoration…
Elle est tout en contraste avec la bien nommée Léa Seydoux, (Madeleine Swann dans Spectre) elle aussi magnifique mais d’une autre manière.  Madeleine incarne la James Bond girl nouvelle génération dans la  lignée de Vesper Lynd jouée par la non moins somptueuse Eva Green dans Casino Royal. Fière, indépendante en apparence, son charme réside dans ce regard qui nous défie en même temps qu’il dégage une certaine fragilité. Sans attache, aventurière et pleine de ressource elle forme la paire parfaite avec Bond et donne une note de fraîcheur indéniable à la saga avec sa beauté si singulière et son jeu des plus naturels (en d’autres mots, elle ne sur-joue pas).
Voilà je vous ai exposé 5 critiques majeures du film entendues dans mon entourage auxquelles j’ai tenté de répondre (vous pouvez m’exposer les vôtres sous la même forme ou répondre aussi à ma vision du film).  J’insiste encore : que vous ayez aimé ou non le film et ma critique n’hésitez pas à commenter, je serais ravi d’en discuter avec vous !
C’est tout pour moi, à bientôt pour la prochaine critique ciné !

Sébastien Magne

Crimson Peak : avis de fantôme sur un manoir anglais

           Guillermo Del Torro. Cinéaste mexicain dont l’univers fantastique aura été mis au service de nombreuses productions dont il n’a pas été lui-même le réalisateur (Le Hobbit) mais dont on pourrait deviner l’influence. Nombreux sont ceux qui se souviennent encore de « l’Orphelinat », film d’horreur ayant dissuadé plusieurs personnes de sortir de leur lit en pleine nuit pour n’importe quel raison.
              L’arrivée de cette affiche évocatrice aurait pu laisser penser qu’un nouveau pas sur le chemin de l’épouvante va être fait. Les amateurs du genre vont être décontenancés. En bien ou en mal. Et ce pour plusieurs raisons.
            Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un film d’horreur. On aurait pu vous laisser penser que les fantômes, ces êtres aux silhouettes et à la démarche si reconnaissable sont le clou du spectacle et les gardiens des clés de l’horreur que contient ce film. S’il s’avère qu’ils ont un autre rôle à jouer, force est de constater aussi qu’ils ne sont pas les plus à craindre dans ce manoir anglais où tout va se jouer…
Amateur de grands frissons, passez votre chemin ! Les scènes de peur et d’effroi ne deviennent que trop évidentes et attendues et vos yeux aguerris auront vu bien pire. Ce n’est pas que le talent de M. Del Torro s’est fané, cela est sans doute dû au fait que le but de ce film n’est vraiment pas de nous faire peur.
         Non décidément, ce n’est pas la peur qui domine ce récit très ancré dans la tradition du Romantisme noir et des récits gothiques d’une Angleterre à l’avant-garde de la Révolution industrielle. En réalité nous sommes bien au contraire fascinés par les personnages que nous voyons évoluer sous nos yeux. Il faut dire que le trio de tête brille par la façon dont ils se sont imprégnés de leur personnage. Qu’il s’agisse de Tom Hiddlerton ou de Jessica Chastain, ces deux sombres figures ont un physique taillé pour leur rôles ; un hommage devra être rendu à tous ceux qui les ont transformés en des personnages tout droit sorti de romans de Julien Green ou des films d’Hitchcock. Jessica Chastain, visage de damnée, regard sinistre ; cela restera en vous bien après votre sortie de salle. Il ne faudrait pas oublier Mia Wasikowska dont le rôle est loin de la cantonner à la pauvre blonde sans défense ballotée dans l’intrigue comme une enfant sans caractère dans un train fantôme. Il sera pour une fois plutôt évident de s’identifier à un personnage principal de film d’horreur.
          Fourmillant d’idées sorti d’un cerveau un peu dérangé tout de même (de l’argile rouge, une vision singulière des papillons…Entre autre !) ce film frappe surtout par son immense qualité esthétique. Des fantômes au manoir en passant par les costumes et l’environnement alentour, tout est fait pour que ce film devienne un cas d’école pour les jeunes réalisateurs, et au vu de nombreux plans de caméras, pour les peintres et les photographes.

 

      Allez le voir pour vivre une expérience visuelle avant tout mais certainement pas pour l’originalité du thème ou la peur qu’il puisse créer. Les amateurs du scénario d’« Inception » en prendront pour leurs frais, les surprises ne sont pas au rendez-vous. Mais vous garderez cette image d’un vieux manoir hanté par les ombres du passé, consumé par la neige au-dessus et l’argile pourpre d’en-dessous. Vous serez témoin d’un domaine taché irrémédiablement par un crime odieux que vous auriez pu vous épargner de vivre si vous réfléchissiez davantage aux avertissements que des êtres chers vous ont laissés… « Beware of Crimson Peak !»
Jessica Chastain, comme vous ne l’avez jamais imaginé
Antoine Lezat
Critique interactive n°2: Gone Girl

Critique interactive n°2: Gone Girl

De retour pour une critique ciné interactive avec ma deuxième grosse claque cinématographique depuis mon arrivée à Toulouse: Gone Girl! Avant d’expliquer en quoi ce film m’a surpris et captivé, voici le pitch:

      Amy et Nick Dunne semblent former un couple parfait et vivent parmi le gratin de Manhattan. Mais très vite à cause de problèmes professionnels puis familiaux, ils sont contraints de quitter New York et de retourner dans le Missouri où vit la famille de Nick. Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, Amy disparaît mystérieusement et Nick retrouvant sa maison dans un sale état craint le pire pour sa femme. Il appelle la police immédiatement mais certains indices  et son caractère apathique face à la gravité de la situation vont très vite faire de lui le suspect principal et l’ennemi public numéro un des médias.

De grandes attentes!

Je l’attendais avec impatience! En effet je fais partie de la génération qui a été marquée  par le cinéma de Fincher. J’ai grandi d’abord avec  Seven sorti en 1995 qui a notamment lancé la carrière de Brad Pitt puis avec le chef d’œuvre: Fight Club, sorti en 1999 qui est classé aujourd’hui 5ème meilleur film de tous les temps par IMDB, rien que ça! Ce que j’aime dans la réalisation  de Fincher comme dans celle  de Nolan d’ailleurs, c’est le ton toujours décalé, la richesse de l’intrigue et la pâte atypique que ces réalisateurs mettent dans leurs films. Ces réalisateurs mondialement connus créent ainsi ce que l’on pourrait appeler selon moi,  des « blockbusters complexes » ou qui donnent matière à réflexion. Aussi attendais-je de voir quels résultats allaient donner la  nouvelle collaboration de David Fincher avec les compositeurs Trent Reznor et Atticus Ross après le succès de the Social Network (2010). J’ai adoré Gone Girl, même si je conçois que ce film puisse surprendre au départ, on est vite transporté par la mise en scène millimétrée du réalisateur américain.

(attention le paragraphe suivant comporte des spoilers!)

un Hitchcock moderne?

Pas vraiment! Ce film annoncé comme un thriller surprend comme je l’ai dit. On est loin des thrillers à l’atmosphère glaciale, au suspense intense. On est bien loin par exemple du morbide Seven. Le génie de ce thriller ne réside pas tant dans le suspense comme dans le cinéma d’Hitchcock mais plutôt dans cette atmosphère pesante, entre le tragicomique et le vrai thriller. Certaines situations peuvent sembler absurdes dans le cadre d’un tel drame.  Par exemple, Amy a disparu, mais Nick reste apathique. Les réponses qu’il apporte aux enquêteurs font presque sourire, on rit même du manque de  finesse ou de discrétion de celui qu’on croit au départ être le meurtrier de sa femme. C’est donc la qualité des dialogues qui nous fait sourire. Les échanges  , entre la police et Nick, puis  entre les parents d’Amy et Nick , animent cette première partie du film (la première heure disons) que l’on aurait pu renommer « Looking for the amazing Amy ».  La recherche d’Amy et l’enquête qui  auraient pu être racontées de manière tragique nous font sourire, voir nous choquent pendant la première heure.      Je m’explique: les parents d’Amy vont lancer de grandes investigations sur tout le territoire national en mobilisant les fans de la saga à succès écrite par leur fille: « the Amazing Amy » mais  ils adoptent  une attitude déconcertante, en effet ils surjouent et veulent donner l’image d’un couple uni bouleversé par la disparation de leur fille et proche de leur gendre Nick. Tous les personnages semblent plus attachés à leur apparence qu’à la recherche de la disparue dans cette affaire qui va être saisie par les médias. Une scène qui illustre bien cette idée est celle du cocktail organisé par les parents d’Amy où Nick est contrait de prendre une photo avec « une groupie » qui l’avait vu passer à la télévision.  Le sur-emballement médiatique autour de cette affaire donne un aspect de plus en plus théâtral à l’enquête. On a l’impression que ce qui compte le plus pour les médias c’est « d’abattre Nick en place publique », en dévoilant sa vie privée, les erreurs qu’il a pu commettre, et en  l’accusant, bafouant du même coup la présomption d’innocence chère à la justice américaine.

Un drôle de thriller :

Pourtant malgré le caractère presque comique des dialogues ou des situations, on retrouve des codes de mise en scène propres aux thrillers. Par exemple pour créer une ambiance oppressante Fincher recourt au procédé dit du « cadre bouché ».

Exemple:

Ici l’utilisation du procédé est bien visible. Il n’y aucun point de fuite dans le décor en arrière plan du personnage. Nick est encerclé par l’image de sa femme disparue en bas à gauche,  ses beaux-parents en bas à droite le plafond en arrière plan.
La musique renforce cette atmosphère de thriller atypique. Selon moi, elle s’apparente dans les mélodies  à un mix étonnant entre une musique proche de celle de Desperate Housewives et  une plus proche de celle de  Seven

Un scénario à la fois prévisible et désarçonnant (spoiler énorme):

On comprend très vite que Nick n’a pas tué sa femme et qu’Amy a tout mis en scène pour le faire accuser bien que cela ne soit explicité qu’après un long moment. Mais ce qui devient intéressant, c’est de voir alors  à l’œuvre l’intelligence machiavélique d’Amy dans sa mise en scène puis sa réaction face à la tournure imprévisible que va prendre cette affaire. Notamment lorsque Nick qui a réussi plus ou moins à prouver son innocence et à  gagner un statut de repenti médiatique va lui demander en direct devant des millions de téléspectateurs de rentrer dans leur « nid d’amour ». Amy est prête à tout pour défendre son image de petite fille modèle malgré les atrocités qu’elle a pu commettre et pour cela elle commet des crimes encore plus grands. On a donc un crescendo d’intensité du début de la deuxième heure  à la fin du film. L’acmée  est atteinte lors de la scène du meurtre commis par Amy qui rivalise en intensité avec les plus belles scènes de Basic Instinct.

« Je ne suis pas un anarchiste, je vis entre les murs du royaume. Mais j’aime être dérangé par un film »

C’est ainsi que s’est lui même décrit David Fincher dans le GQ du mois d’Octobre dernier. Avec Gone Girl on peut dire qu’il a réussi à faire un film « qui dérange », pour sa tonalité mais aussi pour son contenu. Il est impressionnant en effet de voir la variété des thématiques traitées dans ce film.
Il y a  d’abord une critique  de la vie de couple et des liens du mariage dans nos sociétés modernes.
Ce film donne l’image d’une relation qui se détériore progressivement, une fois que « les masques sont tombés », que chaque amant découvre les défauts qui avaient été habilement cachés par l’autre.
Tout est une question de mise en scène finalement: la mise en scène du réalisateur, la mise en scène d’Amy pour faire accuser son mari, la mise en scène des parents pour donner l’image d’une famille soudée, la mise en scène de Nick pour cacher son adultère et enfin la mise en scène concoctée par l’avocat de Nick pour le tirer d’affaire. Tout le monde joue avec les apparences, pour occulter « le fond ».
Et là il est intéressant de voir que David Fincher utilise une mise en abyme qui offre un regard sur son propre travail. En effet dans sa carrière de réalisateur on lui a trop souvent reproché de privilégier la forme plutôt que le fonds…
Enfin Fincher donne l’image d’un monde où seul les apparences comptent: il faut faire « bonne figure » dans sa vie de couple, dans la tourmente, sur la scène médiatique, sur les réseaux sociaux et dans les tribunaux. Ce monde peut sembler caricatural et relever de la pure dystopie , pourtant en y réfléchissant bien il s’agirait plutôt d’une description naturaliste de notre monde actuel. Le voyeurisme des médias, leurs pratiques intrusives dans ce film ne sont pas tellement différentes de celles utilisées par certaines chaines de télévision de nos jours.
Aussi, déjà Sartre dénonçait cette société des apparences et « l’enfer des autres ». Selon lui, nous sommes en perpétuelle représentation, et la conscience que nous avons de nous même n’est que la synthèse des jugements qu’autrui a porté sur nous. En d’autres mots, nous ne nous connaissons qu’au travers du regard des autres, ce qui nous asservit en quelque sorte car pour que nous ayons une bonne image de nous même, il faut que nous soignons notre image auprès des autres avant tout.