Netflix sort vainqueur du Covid

Alors que le Covid continue de frapper et d’affaiblir de plus en plus l’économie mondiale, une entreprise tire son épingle du jeu et prospère. Cette société, c’est bien évidemment Netflix. Alors même que toutes les entreprises accusent difficilement le coup, voire s’effondrent, Netflix ne cesse d’accueillir de nouveaux clients et de proposer des nouveaux contenus. Lupin, le Jeu de la Dame, toutes ces séries nous ont bien divertis pendant les confinements. C’est là où Netflix tape très fort : l’industrie cinématographique est en berne, les cinémas sont fermés, les blockbusters sont déprogrammés, et Netflix réussit à produire des films et séries qui se classent numéro 1 dans le monde entier. Concurrencé mais jamais égalé, Amazon Prime Video, Disney +, Apple tv ne parviennent pas à rattraper l’avance considérable qu’a prise Netflix, aussi bien en termes de contenus que d’utilisateurs. Mais alors, comment expliquer ce tel succès de la chaîne noire et rouge ?

Netflix a compris qu’il fallait réagir…

Le lundi 16 mars, toute la France apprend qu’elle est confinée. Ce terme de « confinement » est aujourd’hui tellement passé dans les moeurs qu’il ne nous choque même plus. Pourtant, le 16 mars, nous avons bien tous cru que la fin était arrivée. Le télé-travail s’installe, les étudiants rentrent chez eux, mais que fait-on des personnes mises en chômage partiel ? Comment les occuper ? Netflix a trouvé : les restaurants ferment, les bars ferment, les cinémas ferment, que reste-t-il à faire un vendredi soir ? Apprécier un bon film avec un bol de pop corn sur le canapé. On allume Netflix et on parcoure son catalogue infini de séries et de films. Et comme tout ce qui est bien mérite d’être regardé plusieurs fois, Friends, les classiques français et autres sont revenus sur le devant de la scène. Cette stratégie a parfaitement fonctionné puisque Netflix a gagné 10 millions d’abonnés durant les deux mois de confinement.

… et même se servir du Covid…

Pas question de laisser passer une telle opportunité : pourquoi ne pas produire soi-même des films sur le Covid ? Mort à 2020, sorti en janvier 2021 a été un succès et les films catastrophes de fin du monde sont revenus à la mode : 2012, The Independance Day, La 5ème vague, World War Z, Je suis une légende, tous ces films ont été revisionnés presque religieusement. A noter, le film à succès Contagion avec Jude Law et Marion Cotillard a été retiré de la plateforme alors qu’il était la représentation la plus précise de ce qu’il se passait dans le monde avec le Covid. Devons-nous y voir un souhait volontaire de ne pas inquiéter ses clients ou une simple coïncidence ? Je vous laisse juge de cela.

Toujours est-il que Netflix a bien réussi à tirer avantage du Covid pour se développer. Mieux encore ? Tous les films sur grand écran étant repoussés, les acteurs d’Hollywood se tournent de plus en plus vers le petit écran… Jennifer Aniston joue Alex Levy sur Apple TV, Omar Sy devient la star de Lupin sur Netflix et les rumeurs vont bon train concernant l’arrivée de Robert Downey Junior dans The Mandalorian sur Disney+. Même les plus grands acteurs semblent aujourd’hui se tourner vers les séries à cause du retard que prennent les tournages des films et des restrictions sanitaires qui sont imposées sur les plateaux : réservation de chambres d’hôtel plus longue, désinfection des équipements, gel hydroalcoolique à disposition… Que des inconvénients qui sont bien moins contraignants sur le tournage d’une série.

… pour gagner le coeur des cinéphiles

Lors de la période de réouverture des cinémas entre les deux confinements, la fréquentation des salles atteignait 1 million de clients par semaine, contre 4 millions en temps normal. Le manque de films à l’affiche, la peur de se retrouver enfermé dans une pièce close avec d’autres personnes potentiellement malades, les mesures sanitaires à appliquer à l’intérieur de la salle… Toutes ces raisons ont poussé les cinéphiles à repousser leur sortie cinéma à une prochaine fois et les ont donc incités à passer leur soirée devant Netflix. Après tout, comment résister ? Netflix, c’est un catalogue de 4 000 programmes disponibles en permanence, aucune publicité pour interrompre votre visionnage et, surtout, une télécommande qui fait de vous le chef des pauses.

Netflix s’engage

Aujourd’hui Netflix profite de sa nouvelle notoriété pour s’engager et faire passer des messages subtiles, mais utiles. Quelques exemples qui vous montreront que vous vous êtes, au moins une fois, fait manipuler par Netflix. Commençons grand : Orange is the new black. Lors de la dernière saison, la détenue Taystee enseigne aux futures libérées de faire leur compte. Résultat ? Il leur manquera automatiquement 300$ à la fin du mois. Les ex-prisonniers seraient donc presque « obligés » de tomber dans l’illégalité pour vivre et, donc, de retourner en prison. Un message simple, parfois controversé, mais qui prouve l’engagement de la société. Changeons maintenant de thème, et dirigeons-nous vers la communauté LGBTQ. A travers Umbrella Academy et son soutien à Elliot Page, Netflix affiche son engagement auprès des personnes transgenres. Avec Sex Education, la chaîne rassure les adolescents quant à leur orientation sexuelle et les questions qu’ils se posent tous. Les exemples ne manquent pas : Dans leurs regards sur les 6 jeunes Afro-Américains qui avaient été injustement inculpés, 13 reasons why sur les dangers de l’harcèlement… Si l’on doit retenir une seule chose, c’est bien que Netflix sait choisir ses combats et les mener jusqu’au bout.

Pour conclure

Netflix a su séduire grâce à ses programmes originaux et ses reportages historiques (plus ou moins romancés). Toute histoire est bonne à raconter pour Netflix et ses 170 millions utilisateurs. Alors, pourquoi ne pas changer de devise ? Le célèbre « Tou doum » devrait laisser place à « Après tout, on pourra toujours en faire une série ».

Par Elise Casado

Et le César du plus gros porc revient à…

Les César du Cinéma représentent une cérémonie française qui récompense les œuvres cinématographiques de l’année qui vient de s’écouler. Elle existe depuis 1976 et est organisée par l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma. Elle est comparable à son cousin américain : les Oscars. 

Le 28 février dernier a eu lieu, dans la fameuse Salle Pleyel à Paris, la 45ème cérémonie des César. Cette année, les César ont été couronnés de succès ! Instagram, Twitter, Facebook, … On en parle partout. En effet, un évènement a fait déferler une vague de colère et d’indignation dans le monde du septième art : Roman Polanski, avec son film J’accuse (2020), a gagné le César du meilleur réalisateur et de la meilleure adaptation. À la suite de cette annonce, l’actrice Adèle Haenel a quitté la salle avec rage tout en levant la main et en s’exclamant « la Honte » tandis que le principal intéressé n’était pas venu chercher son trophée ; une absence délibérée justifiée par le fait qu’il «se doit de protéger son équipe, deux cents talents remarquables, comédiens, techniciens, production » et qu’il « doit aussi protéger sa famille, sa femme et ses enfants, à qui on fait subir injures et affronts, appliquant une responsabilité collective d’un autre âge » face aux lynchages et aux manifestations à son encontre qu’il savait qu’il allait subir en se rendant à la fameuse salle. 

Mais pourquoi tant de haine ? Qui est Roman Polanski pour s’attirer autant les foudres de la gente féminine ? 

Roman Polanski est un réalisateur Franco-Polonais qui a connu des moments difficiles non seulement durant sa jeunesse mais aussi dans sa vie d’adulte : il a survécu au ghetto de Cracovie alors que sa famille y a péri lors de la Shoah. En 1969, Sharon Tate, sa seconde épouse, se fait assassiner par des membres d’une des sectes de Charles Manson. Et cela, alors qu’elle était enceinte. C’est à partir des années 70 que les choses dérapent. Le 10 mars 1977, Polanski est accusé d’avoir violé une mineure de treize ans. Il se défend en affirmant que les deux parties avaient consenti à l’acte. Il finit par plaider coupable et est condamné à quatre-vingt-dix jours de prison (il n’en fera que quarante-deux pour bonne conduite). Par la suite, sous la menace d’un nouvel emprisonnement, Roman Polanski décide de quitter définitivement les Etats-Unis pour la France. Mais ce n’est pas la seule affaire qui le concerne. On peut compter au nombre de 10 les autres femmes qui ont été, dans les années 70, ses victimes. Cependant, la question de la véracité de ces témoignages reste d’actualité. Il y a de quoi se poser des questions ! Charlotte Lewis, l’actrice britannique, qui, en 2010, a accusé Roman Polanski d’avoir abusé d’elle, a fini par tourner dans l’un de ses films, faire son éloge et se perdre dans ses explications face aux journalistes. Tout cela sans oublier sa première victime qui dit lui avoir pardonné, affirme que « Si je devais choisir entre le viol et revivre ce qui s’est passé après, je choisirais le viol » et qu’elle entretient un contact régulier avec lui depuis 2009. Toutefois, si toutes ses accusations s’avèrent être juste, Roman Polanski est véritablement un violeur qui échappe à la justice depuis près de 43 ans par chance ou/et par calcul. Ces accusations lui ont déjà coûté des opportunités professionnelles comme en 2017, lorsqu’il avait été choisi et avait accepté de présider la cérémonie des Césars : ce qu’il n’a finalement pas fait en raison du mécontentement que cette annonce avait suscité et cela à juste titre.

En France, un viol est condamné par 15 ans d’emprisonnement voire 20 ans – s’il y a des circonstances aggravantes – tandis qu’aux Etats-Unis, la peine encourue pour le viol dépend des Etats mais elle varie entre 3 ans d’emprisonnement à perpétuité ou encore à la peine de mort. 

C’est un scandale que Polanski ait reçu cette récompense et cela pour plusieurs raisons. 

Tout d’abord, parce que les votants au César ont voté pour lui. Mais qui sont les votants ? Les votants représentent un groupe d’environ 4300 professionnels provenant de différentes fonctions du cinéma telles que les réalisateurs, les acteurs et les techniciens qui représentent la plus grande part de ce collège. Ce collège qui, on ne va pas se mentir, manque cruellement de parité et de diversité, a décidé de récompenser l’homme en lui-même en remettant ce César à Roman Polanski. Certains parlent du fait qu’il faudrait y avoir une dichotomie entre l’homme et l’œuvre mais le fait est que le César de la meilleure réalisation récompense l’œuvre et donc son réalisateur car sans lui, il n’y aurait pas eu une telle mise en scène. Or, il ne faut pas oublier que si Polanski avait purgé une peine normale pour son crime de 1977, comme tout homme « banal » sur cette terre, il n’aurait pas été le réalisateur de ce film et qui sait, ce film n’aurait surement pas existé. Par conséquent, J’accuse n’aurait jamais eu la chance de gagner un César.  

Ensuite, parce que c’est un affront pour toutes les femmes qui ont été ses victimes. C’est une insulte à toutes les femmes qui se sont faites violer ou agresser et c’est un message qui leur est envoyé et qui dit :« si vous avez été violées par une personne de pouvoir, vous ne comptez pas. Vous perdrez toujours. ». Charmant. 

Toute cette histoire démontre que le talent et la renommée passe avant la justice et la morale. 

Trois ans après la relance du hashtag #MeToo par Alyssa Milano, cette histoire montre encore le long chemin qu’ont les femmes pour arriver à l’égalité des genres et au respect de la femme dans nos sociétés. Alors que la parole des femmes continue de se libérer, des hommes et des femmes ne prennent toujours pas conscience de l’importance de cette problématique.

LA HONTE !

Mérédith Valgaire

Top 5 des films sur la dictature

Top 5 des films sur la dictature

Parce qu’une dictature ce n’est pas seulement quand les gens sont communistes ou qu’ils ont froid, avec des chapeaux gris et des chaussures à fermeture éclair, et parce que les élections viennent de s’achever, le pôle ciné a concocté un petit classement des meilleurs films mettant en scène une dictature. À gauche comme à droite, des régimes se sont levés partout dans le monde en dirigeant leur pays d’une main de fer avec des méthodes plus ou moins éthiques. Certains cinéastes se sont emparés de ce thème et y ont vu un terreau fertile pour faire naître des œuvres d’une profonde sensibilité et d’une pertinence historique avérée. N’hésitez pas à mettre vos suggestions en commentaires. Nos suggestions : Fahrenheit 451, Z, Brazil, La jeune fille et la Mort, Le Dictateur, La Vague, La Chute, Bunker Palace Hotel, Hitler : La naissance du mal, I comme Icare, Orange Mécanique, etc.

(suite…)

Top 5 : film de musique classique

Top 5 : film de musique classique

TOP 5 : les plus beaux films sur la musique classique

1- Tous les matins du monde (1991) de Alain Corneau, avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle

Incontestablement l’un des plus beaux films français de tous les temps. Adapté du roman de Pascal Quignard il met en scène la vie de Marin Marais à la cour de Louis XIV. Typique de l’époque baroque cette œuvre vous plonge dans l’inconstance du XVIIème siècle, siècle de la guerre de 30 ans, des découvertes scientifiques, une inconstance qui prend forme entre la vie de Marin Marais à Versailles, une vie de faste et de luxe, celle d’un homme au sommet de sa gloire mais tiraillé avec l’admiration qu’il a pour son maître M. de Ste Colombe, janséniste austère, véritable symbole de piété, de simplicité et d’humilité dont la virtuosité semble inspirée par Dieu. « Tous les matins du monde » frappe également par le choix des acteurs, Gérard Depardieu incarnant l’homme vivant dans l’opulence et la célébrité et de l’autre Jean-Pierre Marielle, acteur à la carrière brillante mais bien plus discret, dont la voix caverneuse est l’incarnation parfaite de l’homme pieux, vivant à l’écart des flatteurs de la cour, vouant sa vie à la prière et dont la musique est un hommage au très Haut. Que l’on soit passionné de musique baroque ou pas, ce chef d’œuvre est un incontournable du cinéma français, immortalisant Gérard Depardieu comme un monstre sacré du 7ème Art, intemporel, accompagné des plus brillants partenaires, de Jean-Pierre Marielle à Anne Brochet en passant par feu son fils Guillaume.

Anecdote : Si Gérard Depardieu incarne incarne une bonne partie du film Marin Marais à l’âge adulte, c’est son fils Guillaume qui a été choisi afin de jouer le rôle du célèbre compositeur dans sa jeunesse. Marin Marais devient alors un véritable miroir, celui du père et du fils que Alain Corneau dirige à la perfection, ne reste alors que le Saint-Esprit résidant dans les accords envoûtants interprétés à la viole par Jordi Savall.

2- Le Pianiste (2002) de Roman Polanski, avec Adrien Brody, Thomas Kretschmann

Si comme disait Lino « J’fais pas du Polanski, ma zik touche pas les petites » le réalisateur franco-polonais a réussi à merveille à nous toucher en portant à l’écran la vie de W?adys?aw Szpilman, musicien juif polonais survivant à l’occupation de Varsovie en se cachant avant d’être finalement découvert par un officier allemand. Ce dernier grand mélomane, vient en aide à W?adys?aw sachant la guerre perdue et bouleversé par la virtuosité de cet artiste, pianiste officielle de la radio polonaise. Auréolé par une pluie de récompenses (Palme d’or au festival de Cannes, Oscars, Césars, etc.) Le Pianiste est bien plus qu’un simple film autobiographique sur la guerre, il est le témoin d’une nation déchirée, humiliée dont seule la musique est un moyen de conservation. Elle est la transcription d’émotions indescriptibles, d’un chagrin profond. Des mélodies de Chopin émanent des pleurs, celle de la Pologne qui souffre, d’une terre souillée par les pires atrocités. Le piano engrange une métamorphose et développe une musique que tout le monde comprend, entend et ressent, est une langue universelle qui traverse les âges et les cultures. Roman Polanski confirme son statut de géant du cinéma mondial, après « La jeune fille et la mort » il nous démontre avec brio que la musique est l’âme d’un film.

Anecdote : Le Pianiste est le premier film à avoir remporté le César du Meilleur Film alors qu’aucun mot en français n’est prononcé dans l’œuvre.

3- Amadeus (1984) de Miloš Forman, avec Tom Hulce, F. Murray Abraham

Il n’y a que Miloš Forman pour pouvoir réaliser un film de 2h30 retraçant la vie de Wolfgang Amadeus Mozart et son ascension à la cour viennoise face au compositeur italien Salieri. « Amadeus » n’a pas vocation à être un résumé du compositeur Salzbourgeois mais plutôt le dessin de la vie d’un véritable prodige, animé d’un génie sans égal qui ridiculisera tous les compositeurs de son époque et restera dans les mémoires comme le plus éminent représentant de la musique dite classique. Forman ne manque pas de parsemer son film des plus belles créations de Mozart venant rythmer le scénario en donnant tout son sens à celui-ci. Plus que les ricanements de Tom Hulce, c’est le jeu de F. Murray Abraham qui marquera les spectateurs, celui du compositeur italien Antonio Salieri, assistant impuissant à la réussite de ce jeune homme impertinent pour qui il ne peut s’empêcher d’éprouver de l’admiration. Là encore la musique est mise en perspective dans une relation avec Dieu, qui pourtant ne récompense pas son ouaille la plus fidèle. Mozart conquiert littéralement le monde, en seulement 35 ans il laisse derrière lui un nombre incalculable de sonates, concertos, symphonies et opéras. Ce film est entré dans la postérité par son univers typique de Forman mais aussi l’image d’une époque, celle de l’empire austro-hongrois véritable brassage de peuples et d’artistes qui connaitra son apogée moins d’un siècle plus tard avec des compositeurs s’inscrivant dans la ligneé du Grand Mozart.

Anecdote : Tom Hulce s’entraînait au piano 4 heures par jour afin de pouvoir jouer le rôle de Mozart.

4- Le roi danse (2000) de Gérard Corbiau, avec Benoît Magimel, Boris Terral

C’est un retour à la cour de Louis XIV que nous effectuons avec « Le roi danse » et plus précisément dans les pas du compositeur italien Jean-Baptiste Lully. Ce dernier suscite bien les jalousies, de par la confiance que le roi lui adresse et surtout ses origines étrangères (impossible de ne pas faire le parallèle avec Amadeus). Fait intéressant, Gérard Corbiau ne se contente pas de traiter la vie à la cour sous le prisme de la musique mais aussi celui de la danse, dont le roi Soleil était un habitué. Entre rivalités, ambition, Lully est aussi amené à composer pour les pièces de Molière dont le roi est friand. Le 17ème siècle est celui des Arts qui florissant à Versailles et viendront pérenniser la réputation du Royaume de France, terre d’asile pour les artistes (peintres, musiciens, sculpteurs, etc.) qui trouvent en la personne de Louis XIV un mécène de choix. Ce film jongle sur ce trio artistique, l’un danse, l’autre joue, le dernier interprète. Entre ces trois personnages nait une complicité qui se délite alors que le roi vieillit, mais que les accords de Lully immortalisent pour que rayonne à jamais le roi soleil. Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute et Lully en fera la terrible expérience allant jusqu’à perdre tragiquement la vie après avoir contracté la gangrène en frappant son pied alors qu’il battait la mesure, il y a des jours comme ça…
Anecdote : Gérard Corbiau déclare à propos du film : « La musique est l’élément central du film. Elle est l’un des personnages fondamentaux du récit. En interrogeant l’une des composantes du langage cinématographique, la musique, je veux la mettre en avant pour la mettre sur le même plan que la fiction, et faire en sorte que les deux éléments – musique et fiction – puissent s’interpénétrer et fusionner sans que jamais l’un ne souffre de la cohabitation avec l’autre. »
5- La leçon de piano (1993) de Jane Campion, avec Holly Hunter, Harvey Keitel
« La leçon de piano » est une romance narrant la vie d’une jeune écossaise envoyée en Nouvelle-Zélande afin d’épouser un colon britannique vivant sur l’île. Ada est envoyée avec sa fille, issue d’un précédent mariage, et également un piano à la rencontre de son nouveau mari qui la prive bientôt de son instrument fétiche. Ce dernier est récupéré par un homme, qui, fasciné par la jeune femme, tentera de prendre contact avec elle en lui laissant jouer de cet instrument, seul moyen d’expression depuis qu’elle a mystérieusement décidé de ne plus parler. Ada est forcée peu à peu à faire des concessions de plus en plus terribles afin de pouvoir vivre sa passion musicale et ce sous les yeux jaloux de son nouveau mari. Histoire d’amour tragique, « La leçon de piano » est l’incarnation de la musique comme moyen d’évasion, comme une rêverie qui nous extirpe d’un quotidien froid et douloureux. Le piano est un langage pour Ada, qui privée de parole, n’en demeure pas moins désireuse d’exprimer toutes ses émotions, ses tristesses et ses espérances. La jeune femme déracinée trouve dans la musique ce cordon qui la rattache à son passé et sa fille, même à l’autre bout du monde.
Anecdote : Par souci de réalisme, les tatouages que portent le personnage d’Harvey Keitel ont été réalisés par un vrai tatoueur Maori.
Henri Fantin-Latour, Autour du piano
Si le cinéma a souvent mis en avant la musique classique et sa puissance artistique, il en va de même pour la peinture qui a su retranscrire en image la virtuosité des sons. Le pôle Culture a sélectionné ainsi le tableau « Autour du piano » du peintre Henri Fantin Latour réalisé en 1885. Grand habitué des tableaux de groupes, Fantin Latour en a composé plusieurs séries réunissant des artistes en tout genre de son temps (peintres, écrivains). « Autour du piano » rassemble pour sa part plusieurs amis et grands esprits de la deuxième moitié du 19ème siècle autour d’un homme interprétant une œuvre de Wagner. Henri Fantin Latour était en effet passionné par la musique en particulier celle de Wagner en Allemagne et de Berlioz en France. Il traduit ici son admiration pour les compositions pour pinao autour de personnalités diverses comme Emmanuel Chabrier dont l’aisance au piano traduit la puissance de Wagner, mais aussi Edmond Maître, Adolphe Julien (un critique de musique célèbre), Antoine Lascoux ou encore Vincent d’Indy. L’importance et la place des différents personnages est visible de par leur stature, les costumes et haut de forme, cannes, tous semblent absorbés par les mélodies allemandes donnant une harmonie à la scène. Le piano devient la muse de Fantin Latour, qui porté par la sensibilité des notes, exécute une œuvre grandiose, concentré de sobriété et de génie. Le peintre se mêle au musicien, l’un donnant à l’autre tout son sens afin d’accoucher d’une toile remarquable, baignée par une lumière jaunie telle les vieilles pages d’une partition. Dans cette symphonie de couleurs, de formes et de sons, émerge la grandeur d’une époque, d’une France amie des musiciens et à jamais liée au monde de l’Art.
Cinéma vs Séries : un combat déséquilibré ?

Cinéma vs Séries : un combat déséquilibré ?

Le cinéma serait-il en train de sombrer face à l’invasion des séries télévisées ?

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Le constat est aujourd’hui assez clair : force est de constater que les séries TV sont désormais bien plus populaires que le cinéma. Il suffit pour cela d’aller sur les réseaux sociaux et de voir le nombre de publications relatives aux séries, les fans s’empressant à tout prix, à chaque sortie d’épisode, d’essayer de le décrypter afin de prédire le prochain (quitte à inventer des théories plus que douteuses parfois). Certes, me rétorquerez-vous à juste titre, mais on ne parle pas du tout du même format : une série est faite en général d’une dizaine d’épisodes qui font naître chez le spectateur une forme de frustration est d’impatience, ce qu’un film ne peut évidemment pas faire puisqu’il s’agit d’un « one shot » …  Enfin pour la plupart, mais nous y reviendrons plus tard. Quoi qu’il en soit, il est désormais indéniable que le niveau des séries TV (tant au niveau de l’arc narratif, des acteurs, de la créativité ou de l’aspect visuel) n’a plus rien à envier au cinéma. Il y a encore quelques années, le cinéma arrivait toujours à se réinventer pour nous faire rêver (cf Avatar de James Cameron). Aujourd’hui, c’est au tour des séries. L’élève aurait-il dépasser le maître ?

Un peu de recontextualisation si vous le permettez. Tout d’abord, les séries ont presque toujours été un incroyable vivier d’acteurs en devenir que le cinéma s’empressait d’utiliser, parfois jusqu’à leur offrant la possibilité d’embrasser une carrière dont ils n’auraient même pas osé rêver. Ce fut par exemple le cas de Johnny Depp qui fut véritablement découvert dans la série 21 Jump Street en 1987 ou encore George Clooney dont la carrière pris un virage déterminant à la suite d’Urgences au milieu des années 1990. Bref, avant, la carrière du parfait acteur était série TV puis cinéma, et non l’inverse comme on le voit actuellement. En effet, aujourd’hui, on assiste à un attrait toujours plus important des acteurs confirmés vers les séries TV ou du moins pour certains, à un retour aux sources. Tel est le cas par exemple de Dustin Hoffman qui est à présent à l’affiche de la série Les Médicis : Maîtres de Florence, d’Anthony Hopkins dans Westworld ou bien de James Franco que l’on verra prochainement dans The Deuce. Mais que leur arrivent-ils ? Serait-ce à cause de contrats plus juteux que ce format peut leur offrir ? Peut-être. Mais il me semble qu’il faut envisager ce phénomène sous un aspect plus artistique.
Longtemps les séries ont été le rendez-vous hebdomadaire de millions de téléspectateurs heureux de retrouver les mêmes personnages, leurs aventures ou leurs enquêtes, tout cela dans un format laissant à chaque épisode son histoire, sans véritable fil conducteur les reliant ou presque. A présent, Il n’est plus possible de prendre une série en cours de route. Prenons aujourd’hui une série du type True Detective (8 x 60 min) : cela représente huit heures de show, soit l’équivalent de quatre films de deux heures ! Une série représente donc un potentiel énorme. Elle permet de dépasser les limites qu’un film impose et de sortir des sentiers battus des milliers de fois déjà. Les personnages et leur personnalité peuvent être approfondis afin de les rendre plus complexes, plus attachants ou plus détestables. Les scénaristes peuvent se permettre les plus grandes audaces afin de déstabiliser le spectateur un peu plus à chaque rebondissement. Quant à la photographie, elle rivalise désormais avec les plus grands films. Bref, une série est aujourd’hui du cinéma décuplé : tout devient possible. Et dans tous les genres de la fiction. Prenons les séries policières, genre pourtant très borné : True Detective a su briser tous les codes. Et étant donné que les budgets alloués aux séries sont de plus en plus conséquents, elles ont su s’attaquer à l’heroic-fantaisy (genre forcément très coûteux) avec Game of Thrones, à la science-fiction (Westworld), à l’histoire (Vikings, Les Tudors) etc… C’est pour cela qu’aujourd’hui les plus grands noms du cinéma s’invitent dans cet art : Martin Scorsese avec Vinyl, Woody Allen avec Crisis in 6 scenes… Finalement, plus rien ne semble arrêter l’expansion des séries.
Néanmoins, le nouveau souffle des séries TV doit à mon sens être également mis en parallèle avec l’essoufflement que traverse aujourd’hui le cinéma. En effet, le cinéma souffre depuis quelques années d’une profonde crise sans précédent : le manque de créativité. Et son origine est double : l’omniprésence des blockbusters et la multitude de suites, remake, spin-off etc… A l’heure où les films de super-héros se multiplient sur grand écrans, pouvant conduire à une véritable overdose (entre les Captain America, Spider-man, Justice League, Dr Strange et compagnie on arrivera bientôt à un film de super-héros par mois), les principaux studios misent aujourd’hui sur la rentabilité plutôt que sur la créativité. Alors, même si le box-office et les recettes engendrées sont en progression, les créations originales, elles, sont continuellement en baisse. Les films indépendants ou « d’auteurs » ont du mal à s’imposer. Prenons pour exemple l’année 2015 : cinq films ont dépassé le milliard de dollars de recettes, du jamais vu (Jurassic World, Star Wars, Fast and Furious 7, Avengers, Les Minions); aucun n’est cependant novateur. On peut donc aisément comprendre le choix des grandes personnalités hollywoodiennes de se tourner vers un format leur permettant de se confronter à de nouveaux défis, mais également le choix des spectateurs avides de nouveautés et de grands shows.
En définitive, les séries sont aujourd’hui le lieu incontournable de la créativité audiovisuelle. La qualité cinématographique semble s’étioler au profit de ces œuvres télévisuelles longtemps restées au second plan. Je ne suis pas pour autant en train d’annoncer la mort du cinéma, loin de là, mais si la stratégie entreprise par les studios majeurs hollywoodiens continue à promouvoir les blockbusters de super-héros, les remakes, les suites et les spin-offs au détriment de créations originales, alors le septième art a du souci à se faire. Quoi qu’il en soit, tout cela profite aux séries… pour notre plus grand plaisir !
Non La La Land n’est pas une comédie musicale niaise!

Non La La Land n’est pas une comédie musicale niaise!

A l’heure du reworking cinématographique

De nos jours, dans l’industrie hollywoodienne, le vintage a bonne presse. Il est plutôt lucratif de réutiliser des mécanismes du cinéma d’antan en témoignent le succès  de The Artist :version moderne du cinéma muet et maintenant La La Land ou une comédie musicale comme on en voyait plus dans notre cinéma occidental. Je lance un petit pari, prochain grand succès à Hollywood : un film faisant renaître le théâtre de marionnettes ! Mais trêves de  constations et de spéculations, passons plutôt à la critique.

J’attendais ce film  avec la plus grande  impatience faisant confiance à son réalisateur Damien Chazelle qui m’avait littéralement scotché avec son chef d’œuvre Whiplash (2014) et aussi car je ne louperais pour rien au monde un film avec Emma Stone (première page de ma bucket-list : « écrire un scénario pour Emma Stone », mais au-delà de cet objectif de vie, j’aime l’expressivité hors norme de son visage qui fait d’elle une magnifique actrice).
Si la critique est globalement des plus enthousiastes j’avais pourtant senti un scepticisme en France, lisant çà et là des titres  de critiques comme « La La Land, ode merveilleuse à la comédie musicale ou « Gna Gna Land » » (Le Figaro). 
En effet la question se pose face à la simplicité du scénario : une histoire d’amour  entre deux individus un peu paumés dans leurs quêtes respectives de succès à Hollywood, soit un sujet pouvant très facilement donner naissance à un nanar bien niais. Vous me voyez donc arriver avec mes grands sabots, je vais une nouvelle fois vous expliquer pourquoi j’ai adoré La La Land alors que d’autres peuvent sortir des salles obscures en disant « tout cet emballement médiatique pour une simple histoire d’amour, franchement pas si ouf ce film ». Et pourtant…

Une mise en scène réglée comme du papier à musique

Pardonnez-moi la facilité du jeu de mot, mais l’expression n’a jamais été aussi appropriée. Comme Whiplash, La La Land est un film musical de génie. Il est impossible selon moi de faire preuve d’un moment d’inattention car dès la scène d’ouverture, on est embarqué dans une folle farandole pour reprendre les termes de notre Edith nationale. Je m’explique : ce qui est frappant c’est qu’Il n’y pas que les passages chantés qui sont rythmés mais en réalité tout le film suit un « beat » entrainant. Les mouvements de caméra souvent en mode « caméra libre » semblent faire danser le décor et les personnages même quand ils sont immobiles. A d’autres moments des plans séquences géants nous exposent des scènes de danse spectaculaire qui nous donnent presque envie  de nous lancer dans un solo de claquettes. Les pas des personnages même quand ils ne dansent pas suivent un tempo bien précis, les transitions entre les plans et les dialogues ont également une certaine musicalité. Je me suis amusé à plusieurs reprises à battre la pulsation (dans ma tête, toutefois,  pour ne pas me faire virer du cinéma) et j’ai alors été d’autant plus admiratif face au travail réalisé. Quand ce n’est pas la musique qui donne le tempo, c’est l’apparition d’un nouveau personnage, d’un élément de décor ou d’une nouvelle couleur à l’écran qui va « tomber » au bon moment : à chaque battement du métronome. Je vous invite à faire l’expérience chez vous en prenant un métronome, vous verrez ainsi que chaque scène a une rythmique particulière même sans la bande originale du film. Le cut final est un modèle du genre car il tombe avec le timing parfait, au moment où on veut le voir et surtout car l’ultime réplique illustre parfaitement l’idée que je viens de développer. En effet le film s’achève sur Ryan Gosling qui bat la mesure « one two, one two, three four », une manière pour Chazelle de nous dire, « c’est la fin de ma partition  et le début d’une nouvelle que l’on ne verra pas à l’écran ».

La construction d’un univers : la symbolique des couleurs et l’amour de/à Los Angeles

Plusieurs éléments contribuent à créer un univers très plaisant à contempler. D’abord le  film suit un rythme atypique on l’a dit grâce aux séquences chantées et dansées mais aussi aux autre moments où s’impriment un certain tempo. Ensuite chaque plan du film  est selon moi très « photographique ». On retrouve une incroyable finesse  et un sens du détail dans le choix des décors, des costumes et des couleurs. Cette mise en scène accordant une place très importante à chaque détail du décor, car constituant autant de symboles venant enrichir la compréhension du film, m’a rappelé la minutie d’un autre réalisateur : Wes Anderson. Si vous avez aimé la manière dont l’univers de La La Land s’articule, vous aimerez sans doute The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson.
Dans l’univers de La La Land  j’ai particulièrement apprécié la manière de filmer la « city of stars » :  Los Angeles  pour laquelle le réalisateur semble vouer une fascination qu’il tente de nous  transmettre. Souvent filmée à l’aube ou de nuit comme pour mieux la transfigurer. Les éléments a priori les moins « sexy » et originaux de la ville sont magnifiés, par exemple les embouteillages et les pool parties de Los Angeles. Par moment la manière de filmer rend aussi hommage aux premiers grands classiques hollywoodiens.

Spoiler alert : je vais dévoiler ici quelques éléments de l’intrigue 

Les couleurs en plus des thèmes au piano de la bande originale vont être de véritables « gimmicks » (soit des  codes couleurs et sonores qui vont se répéter) du film qui vont surgir à des moments savamment déterminés. Je pense notamment à un bleu turquoise qui saute vraiment aux yeux. N’avez-vous pas remarqué les multiples apparitions d’un  bleu très particulier dans de nombreuses scènes se retrouvant sur les tenues de Mia  ou dans des éléments du décor? J’y ai vu une certaine symbolique, pour moi : il évoque l’amour entre Mia et Sebastian et d’ailleurs le bleu sous ses multiples formes est souvent omniprésent dans les scènes introduisant les passages quasi oniriques. On le retrouve partout comme un clin d’œil. J’ai cherché à le repérer tout au long du film et j’ai compris qu’il servait de véritable fil conducteur au récit. Mon hypothèse s’est confirmée à nouveau quand peu avant la scène finale, j’ai retrouvé ce bleu sur la flèche en néon indiquant l’entrée du Seb’s Jazz Club. On peut ici avoir l’interprétation suivante :  Sebastian a choisi pour le code couleur de son jazz bar, une couleur qui lui rappelle Mia comme pour lui rendre hommage (puisque cette couleur est omniprésente dans de nombreuses scènes avec Emma Stone).
Bon il s’agit d’une pure interprétation mais on peut par ailleurs tous convenir que Chazelle est un fétichiste de certaines couleurs et que le mélange de ces dernières tout au long du film produit un très  bel effet esthétique. On gardera tous en tête ces images de robes et costumes multicolores se mariant dans des grandes chorégraphies collectives. Entre la musique, la couleur, les paysages nos pupilles et oreilles sont « impressionnées » (au sens qu’elles reçoivent une multiplicité d’impressions sensorielles), et comme le jeune amoureux (comme Mia et Sebastian) on se retrouve bien vite enivré.  La synesthésie s’opère parfaitement et on se laisse embarquer dans ce « land  de tous les possibles» comme à la lecture de l’invitation au voyage de Baudelaire (grand maître de la création de synesthésie par le langage). En sortant de la salle obscure mes yeux étaient d’ailleurs beaucoup plus sensibles aux lumières de la ville : effet réussi  pour le réalisateur!

Que nous dit cet univers ? Que veut nous faire ressentir le réalisateur ?

Je voulais ici revenir dans un premier temps sur l’intérêt des gimmicks que j’ai évoqués précédemment. Le klaxon délirant de la décapotable de Sebastian  ou encore la couleur turquoise sont des moyens pour le réalisateur de créer des instants de complicité avec les spectateurs car ils annoncent à chaque fois des séquences bien précises du récit qu’un œil attentif peut donc anticiper. Mais aussi,  Chazelle va créer des effets d’écho entre plusieurs scènes par la répétition de ces codes couleurs et sonores. Je pense notamment à deux scènes pour lesquelles l’effet de parallélisme est somptueux. Il s’agit de la scène où Mia entend Sebastian jouer du piano en rentrant par hasard dans un restaurant et de la scène finale où elle se rend sans le savoir au « Seb’s » avec son nouveau compagnon. Chaque fois un élément très précis va précéder (et précipiter ?) ces rencontres fortuites, il s’agit d’un éclairage rouge. Au début du film Mia rentre dans le  restaurant (où Sebastian est employé) comme attirée par la lumière d’un vieux néon rouge.  Plus tard, à la fin du film Mia et son mari se retrouve coincés dans un embouteillage (qui fait écho au premier embouteillage du film), et on a  de  nouveau un néon rouge : celui des feux arrière d’une voiture, qui éclaire le visage d’Emma Stone avant qu’elle ne  sorte de la voiture pour se rendre sans le savoir au Seb’s. Le réalisateur jalonne donc son récit de petites madeleines de Proust. Dans une autre scène, après une dispute ayant donné lieu à une brève séparation  avec Mia, on voit Sebastian, qui  joue le fameux thème qu’il a joué à Mia lors de leur première rencontre entouré de ballons de couleur… bleu turquoise ! Par le  biais des échos et autres madeleines de Proust, Chazelle nous figure la formation et la persistance du sentiment amoureux. Ce dernier  reposant souvent sur des impressions sensorielles multiples : un parfum, une couleur, un lieu qui rappelle l’être aimé dans des circonstances diverses.
Cette figuration de la psychologie amoureuse dans un univers à la frontière de l’onirisme m’a rappelé Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry. Il s’agit peut-être d’un ressenti purement personnel mais je trouve que ces deux films donnent à ressentir les mêmes choses : la construction puis la fin d’une histoire d’amour fusionnelle, qui fait naître un fort sentiment de nostalgie et des situations de « déjà vu ».  Ces deux films partagent aussi un aspect surréaliste et je trouve que le couple au centre de l’intrigue du film de Gondry a de mutiples points communs avec le couple Mia/Sebastian (une rencontre hasardeuse, une histoire fusionnelle, des personnages parfois maladroits mais charmants).

Au-delà de la réalisation de génie, un message pas si niais

Certes on est à Hollywood, Mia est une actrice et Sebastian un jazzman donc c’est un contexte culturel particulier pourtant cette histoire relève d’une certaine universalité (chacun peut s’y reconnaître en partie ).
Ce film nous dit en effet quelque chose de la quête d’épanouissement que chacun poursuit à sa manière.  Ce développement personnel passe en grande partie par  la recherche de formes d’amour diverses parfois incompatibles : l’amour de son/sa partenaire, son amour propre, l’amour de ses amis, sa famille. Hollywood cristallise toutes ses tensions et La La Land exploite parfaitement cet environnement. Mia et Sebastian sont des rêveurs, presque des marginaux et tout au long du récit on assiste en quelque sorte à leur passage à l’âge adulte. Ils tentent d’adapter leurs rêves à la réalité, en faisant certains sacrifices. Chazelle nous montre aussi (sans tomber dans gnagnaland) le caractère transcendant du sentiment amoureux. C’est sous l’impulsion de Mia que Sebastian va vraiment lancer sa carrière et c’est Sebastian qui emmènera Mia au casting qui sera décisif pour elle. De plus on n’assiste pas à un happy ending mais à une fin qui sonne très juste, et renforce l’effet de réalisme.
Chacun peut aussi s’identifier aux deux personnages fictifs : Mia et Sebastian. Ils sont tous deux loins d’être l’archétype du couple parfait qu’on trouve dans certaines comédies romantiques  ou encore  loins de l’extrême inverse type « Bridget Jones ».  Encore une fois pas de fausse note dans le dosage de ces éléments! Sebastian a sa maladresse, son klaxon lourdingue, son appartement où les cartons s’empilent, et son allure qui oscille entre celle du parfait gentleman et du gamin tantôt grincheux, tantôt rieur. Mia, c’est une enfant qui peine à grandir, en témoigne la décoration de sa chambre au début du film, pleine de maladresse, de mimiques lui donnant un charme fou mais ne lui permettant pas de décrocher le rôle de ses rêves. Elle est une artiste, qui cherche à être aimée et à faire sa place. Elle  se demande pourquoi elle mène cette vie jusqu’à son ultime casting où on lui demande d’improviser : elle se lance alors dans un monologue très introspectif qui semble agir comme une véritable thérapie pour elle (je fais référence ici à l’histoire de sa tante qu’elle  se met alors à chanter).
Le choix du casting est parfait dans la volonté de nous exposer un couple imparfait et donc réaliste. Bien que Ryan reste beau gosse je rassure ses fans, il s’est aussi beaucoup livré dans ce film. On voit qu’il a un peu vieilli, que certains de ses traits ne sont plus si parfaits mais surtout il n’a pas peur du ridicule.  En effet il m’a fait vraiment sourire dans son rôle du jazzman conservateur et maladroit.  Lorsqu’il joue du piano nonchalamment, haussant les sourcils vers ses partenaires musiciens pour leur faire croire qu’il adore ce qu’il joue alors qu’il s’ennuie fortement il m’a même parfois rappelé Gad Elmaleh jouant de la guitare sur scène.
Emma Stone, n’a pas non plus la perfection des traits d’une mannequin (ce qui ne m’empêche pas de vouloir l’épouser), elle a certaines petites imperfections et maladresses. Elle joue la carte du naturel dans sa démarche et ses gestes.  Les deux acteurs qui livrent une performance folle en matière de danse et de jeux d’acteurs ont aussi fait l’effort de se livrer à l’exercice du chant. Et là encore, le rendu final est des plus charmant mais est loin d’être impeccable. Ainsi chacun peut s’identifier à un des membres de ce couple et peut oser pousser la chansonnette à son tour.
Plus globalement La La Land est l’illustration parfaite d’une conception de notre société qui considère que la vie est un spectacle, et quoi de mieux qu’une comédie musicale emprunte d’un certain réalisme pour figurer ce qu’Erving Goffman appelait déjà en 1959 : la mise en scène de la vie quotidienne.

En somme pas si niaise que cela cette affaire…

NB : on aurait pu également analyser l’aspect référencé du film qui rend à chaque séquence hommage au cinéma hollywoodien  et au genre de la comédie musicale en multipliant les caméos, que je n’ai malheureusement pas pu tous recenser après un seul visionnage du film.