Cinéma vs Séries : un combat déséquilibré ?

Cinéma vs Séries : un combat déséquilibré ?

Le cinéma serait-il en train de sombrer face à l’invasion des séries télévisées ?

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Le constat est aujourd’hui assez clair : force est de constater que les séries TV sont désormais bien plus populaires que le cinéma. Il suffit pour cela d’aller sur les réseaux sociaux et de voir le nombre de publications relatives aux séries, les fans s’empressant à tout prix, à chaque sortie d’épisode, d’essayer de le décrypter afin de prédire le prochain (quitte à inventer des théories plus que douteuses parfois). Certes, me rétorquerez-vous à juste titre, mais on ne parle pas du tout du même format : une série est faite en général d’une dizaine d’épisodes qui font naître chez le spectateur une forme de frustration est d’impatience, ce qu’un film ne peut évidemment pas faire puisqu’il s’agit d’un « one shot » …  Enfin pour la plupart, mais nous y reviendrons plus tard. Quoi qu’il en soit, il est désormais indéniable que le niveau des séries TV (tant au niveau de l’arc narratif, des acteurs, de la créativité ou de l’aspect visuel) n’a plus rien à envier au cinéma. Il y a encore quelques années, le cinéma arrivait toujours à se réinventer pour nous faire rêver (cf Avatar de James Cameron). Aujourd’hui, c’est au tour des séries. L’élève aurait-il dépasser le maître ?

Un peu de recontextualisation si vous le permettez. Tout d’abord, les séries ont presque toujours été un incroyable vivier d’acteurs en devenir que le cinéma s’empressait d’utiliser, parfois jusqu’à leur offrant la possibilité d’embrasser une carrière dont ils n’auraient même pas osé rêver. Ce fut par exemple le cas de Johnny Depp qui fut véritablement découvert dans la série 21 Jump Street en 1987 ou encore George Clooney dont la carrière pris un virage déterminant à la suite d’Urgences au milieu des années 1990. Bref, avant, la carrière du parfait acteur était série TV puis cinéma, et non l’inverse comme on le voit actuellement. En effet, aujourd’hui, on assiste à un attrait toujours plus important des acteurs confirmés vers les séries TV ou du moins pour certains, à un retour aux sources. Tel est le cas par exemple de Dustin Hoffman qui est à présent à l’affiche de la série Les Médicis : Maîtres de Florence, d’Anthony Hopkins dans Westworld ou bien de James Franco que l’on verra prochainement dans The Deuce. Mais que leur arrivent-ils ? Serait-ce à cause de contrats plus juteux que ce format peut leur offrir ? Peut-être. Mais il me semble qu’il faut envisager ce phénomène sous un aspect plus artistique.
Longtemps les séries ont été le rendez-vous hebdomadaire de millions de téléspectateurs heureux de retrouver les mêmes personnages, leurs aventures ou leurs enquêtes, tout cela dans un format laissant à chaque épisode son histoire, sans véritable fil conducteur les reliant ou presque. A présent, Il n’est plus possible de prendre une série en cours de route. Prenons aujourd’hui une série du type True Detective (8 x 60 min) : cela représente huit heures de show, soit l’équivalent de quatre films de deux heures ! Une série représente donc un potentiel énorme. Elle permet de dépasser les limites qu’un film impose et de sortir des sentiers battus des milliers de fois déjà. Les personnages et leur personnalité peuvent être approfondis afin de les rendre plus complexes, plus attachants ou plus détestables. Les scénaristes peuvent se permettre les plus grandes audaces afin de déstabiliser le spectateur un peu plus à chaque rebondissement. Quant à la photographie, elle rivalise désormais avec les plus grands films. Bref, une série est aujourd’hui du cinéma décuplé : tout devient possible. Et dans tous les genres de la fiction. Prenons les séries policières, genre pourtant très borné : True Detective a su briser tous les codes. Et étant donné que les budgets alloués aux séries sont de plus en plus conséquents, elles ont su s’attaquer à l’heroic-fantaisy (genre forcément très coûteux) avec Game of Thrones, à la science-fiction (Westworld), à l’histoire (Vikings, Les Tudors) etc… C’est pour cela qu’aujourd’hui les plus grands noms du cinéma s’invitent dans cet art : Martin Scorsese avec Vinyl, Woody Allen avec Crisis in 6 scenes… Finalement, plus rien ne semble arrêter l’expansion des séries.
Néanmoins, le nouveau souffle des séries TV doit à mon sens être également mis en parallèle avec l’essoufflement que traverse aujourd’hui le cinéma. En effet, le cinéma souffre depuis quelques années d’une profonde crise sans précédent : le manque de créativité. Et son origine est double : l’omniprésence des blockbusters et la multitude de suites, remake, spin-off etc… A l’heure où les films de super-héros se multiplient sur grand écrans, pouvant conduire à une véritable overdose (entre les Captain America, Spider-man, Justice League, Dr Strange et compagnie on arrivera bientôt à un film de super-héros par mois), les principaux studios misent aujourd’hui sur la rentabilité plutôt que sur la créativité. Alors, même si le box-office et les recettes engendrées sont en progression, les créations originales, elles, sont continuellement en baisse. Les films indépendants ou « d’auteurs » ont du mal à s’imposer. Prenons pour exemple l’année 2015 : cinq films ont dépassé le milliard de dollars de recettes, du jamais vu (Jurassic World, Star Wars, Fast and Furious 7, Avengers, Les Minions); aucun n’est cependant novateur. On peut donc aisément comprendre le choix des grandes personnalités hollywoodiennes de se tourner vers un format leur permettant de se confronter à de nouveaux défis, mais également le choix des spectateurs avides de nouveautés et de grands shows.
En définitive, les séries sont aujourd’hui le lieu incontournable de la créativité audiovisuelle. La qualité cinématographique semble s’étioler au profit de ces œuvres télévisuelles longtemps restées au second plan. Je ne suis pas pour autant en train d’annoncer la mort du cinéma, loin de là, mais si la stratégie entreprise par les studios majeurs hollywoodiens continue à promouvoir les blockbusters de super-héros, les remakes, les suites et les spin-offs au détriment de créations originales, alors le septième art a du souci à se faire. Quoi qu’il en soit, tout cela profite aux séries… pour notre plus grand plaisir !