Le véganisme : entre radicalisation et paradoxes


Publié le 24 septembre 2018

Vitrines brisées, façades taguées de rouge, magasins vandalisés…depuis quelques mois, certaines boucheries et poissonneries sont victimes d’une mystérieuse série d’attaques. Les auteurs présumés, des adeptes du mouvement vegan, n’ont qu’une revendication : « stop au spécisme ». Mais le spécisme, qu’est-ce que c’est ? Une idéologie selon laquelle, le fait que l’être humain soit supérieur aux animaux justifierait le massacre de ceux-ci et leur présence dans nos assiettes. Si le fond mérite débat, la manière dont il est mené interroge.

Une montée en puissance du mouvement

Profitant d’une vague de surmédiatisation, le mouvement vegan mobilise les foules et s’en prend davantage aux petits commerces et aux monuments publics. Ce militantisme n’a pour but, à défaut de ternir l’image de ceux qui, libre d’adopter ce régime alimentaire et de se passer de tout élément animal, de terroriser et d’imposer ses vues sous couvert de bon sentiment. Il faut, selon les extrêmes, passer à l’action quitte à écoper d’une condamnation pour « apologie du terrorisme ».

Les défenseurs les plus radicaux de la cause animale rentrent parfois dans une logique extrémiste. En effet, l’usage de plus en plus croissant des réseaux sociaux a facilité sa dérive vers l’extrême.

« Ben quoi, ça vous choque un assassin qui se fait tuer par un terroriste ? Pas moi, j’ai zéro compassion pour lui, il y a quand même une justice », ces quelques mots postés quelques jours après l’attaque terroriste du Super U de Trèbes ont suscité l’actualité en mars dernier, ce message posté quelques jours après l’attaque terroriste du Super U de Trèbes, a été suffisant pour condamné son auteur, une militante pour la cause animale à sept mois de prison avec sursis. Mais cela ne s’arrête pas là.

Depuis peu, les choix individuels d’une minorité tentent de s’imposer par la voix politique. En Belgique, DierAnimal prône une vision éthique et durable dont l’humain n’est pas le centre d’intérêt unique. Encore plus surprenant, le Parti des Animaux a remporté, en mars 2017, 5 sièges à l’Assemblée Nationale.

D’où vient le véganisme ?

Le mouvement, créé par le Britannique Donald Watson dans les années 1940 se voulait au départ pacifique. « Le véganisme est la doctrine selon laquelle les humains doivent vivre sans exploiter les animaux ». Ses adeptes adoptent un mode de vie à part entière : ils ne consomment aucun produit d’origine animale autant sur le plan alimentaire que vestimentaire et sanitaire (vêtements, médicaments etc).

Une radicalisation du mouvement qui prend de l’ampleur

Tous défendent la même idéologie mais les actions de sensibilisation divergent. Les sympathisants du mouvement se déchirent principalement en deux courants : les pragmatiques adeptes des petites actions, et les seconds, qui estiment que tous les moyens sont bons pour mettre fin à la domination des humains sur les animaux.

L’association la plus connue reste L214. Celle-ci fait reposer son action sur deux axes : la publication de vidéos chocs enregistrées dans des abattoirs tournées clandestinement et une négociation avec les élus et le monde industriel pour obtenir des avancées concrètes. Désormais considérée comme trop modérée et trop minimaliste, d’autres mouvements adoptent des méthodes plus radicales. Très connue en Angleterre et un peu moins dans l’hexagone, l’Animal Front Libération, née en 1970 est connue pour ses actions violentes (lettres piégées, sabotages, incendies) et va jusqu’à se définir comme mouvement ecoterroriste. En 1982, ils sont les initiateurs de l’envoi de lettres piégées aux quatre grands partis du Royaume uni ainsi qu’au Premier Ministre Margaret Tatcher. Mais l’ALF appartient au passé.

Encore plus contemporaine, l’association 269 Libération animale est connue pour ses actions assez excessives, et dont les pratiques sont à la limite de la légalité. « Quant aux bouchers, leur sort est réglé avec la même logique, vous participez à un système injuste, vous en subissez les conséquences » estime Tiphaine Lagarde, la présidente.

Un mouvement encore fragile

Ces deux associations ont pourtant le même but mais pas les mêmes moyens, ce que reproche Brigitte Gothière, président de L214 : « Nous nous attaquons à des pratiques, et à un système, pas à des personnes. Avec les vitrines, une ligne a été franchie ». Ce mouvement encore assez peu adopté population ne serait-il pas plus performant en adoptant un plan et des moyens uniques ? Et si possible, en toute légalité ?

N’est-il pas également surprenant que certaines associations arrivent à une lutte violente pour défendre un point de vue qui se veut, à la base, non violent ?

Au-delà d’une radicalisation croissante et de nombreuses divergences, les adeptes doivent faire face à d’autres critiques. Selon Marianne Celka dans Vegan Order, une minorité supporterait mal un fait paradoxal : le capitalisme actuel, dévoreur de chair animale dénoncé par les militants de l’anti-spécisme propose désormais des produits vegans : burgers, chili con carne etc. Certains vivent donc la hype végan comme une trahison aux idéaux de base. Tiphaine Lagarde admet d’ailleurs que le mouvement comporte beaucoup de dérives. La société commence à réagir. Mais concrètement il n’y a pas d’effet : les abattoirs fonctionnent toujours à plein régime, les grands groupes de l’exploitation animale annoncent des chiffres d’affaires en hausse ».

Le mouvement vegan doit donc faire face à de nombreuses critiques, non pas pour ses convictions mais pour les moyens menés. Les actions réalisées par certaines associations ne font que ternir l’image des adeptes, souvent stéréotypés et considérés comme à part. En France, pas moins de 4% des Français déclarent pratiquer un régime vegan dont 47% de moins de 6 mois selon une enquête du cabinet Harris. S’il est difficile d’évaluer leur nombre, la manière dont ils occupent le terrain médiatique laisse augurer que ce mouvement n’en est qu’à ses débuts.

 

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